Fils de Henri de Peyerimhoff, magistrat, et de son épouse née Bellaigue. Fiancé (avril 1893) puis marié (22/4/1895) à Mlle Méplain (décédée le 11/10/1924). Remarié le 7/6/1930. Enfants : Bernard, Simon, Jacques, Nicole et Ariane.
Licencié d'histoire, de philosophie et de droit. Diplomé de l'Ecole libre de sciences politiques.
Auditeur au Conseil d'Etat (1895-1902), directeur au gouvernement général de l'Algérie (1902-1907), puis successivement secrétaire général (après E. Gruner), vice-président et président du Comité central des houillères jusqu'à la dissolution de ce comité fin 1940.
Il a aussi présidé l'Union des mines (1923-1932), et diverses sociétés minières : Dourges, Sarre et Moselle, Phosphates de Constantine. Il est élu en 1952 membre libre de l'Académie des sciences morales et politiques.
par
« Un certain nombre, un nombre considérable d’entreprises minières françaises ont remis, en 1924, à l’Union des Intérêts Economiques, soit par l’intermédiaire du Comité des houillères de France, soit directement, des contributions dont le total forme une somme d’une certaine importance ». Non, l’auteur de cette déclaration dénonçant la collusion entre le grand capital et les hommes politiques de droite dont les campagnes électorales ont été financées par un groupe de pression en 1925 n’est pas un révolutionnaire communiste, ni même un leader de gauche. Il s’agit du dirigeant de l’époque du Comité des Houillères de France, Henri de Peyerimhoff et, de plus, il fait cette déclaration devant une Commission d’enquête de la Chambre des députés. Mais si cette figure patronale reconnaît alors les faits, il les légitime en s’expliquant : « Dans notre industrie, à la fois très puissante et très confinée, avec un nombre restreint d’exploitants, avec un rôle spécial et un peu fermé, nous sommes plus que quiconque intéressés à la bonne marche de la chose publique, comme d’ailleurs notre bonne marche importe plus essentiellement à la chose publique »3. Un syndicaliste patronal s’identifiant, à travers sa branche d’activité : le charbon, à la chose publique, voilà une définition de cette figure de la France de la première moitié du XXe siècle.
Henri de Peyerimhoff est une figure souvent citée des élites économiques de l’entre-deux-guerres. Représentant du Comité des houillères de France, il apparaît bien comme un inconnu célèbre tant son parcours, la diversité de ses domaines d’interventions, sa vision de l’économie semblent souvent ignorés. De plus comme toute figure patronale, il cristallise sur son nom des fantasmes de puissance occulte et on le retrouve souvent dénoncé comme « directement mêlés aux agissements des groupes d’extrême droite »4 sans beaucoup d’éléments tangibles. Entré jeune au Conseil d’Etat, haut fonctionnaire de la colonisation algérienne, avant de faire une longue carrière au Comité des houillères de France qu’il en vient à incarner pendant plus de trente ans, Henri de Peyerimhoff est donc un leader patronal animateur d’un des plus importants groupements de l’entre-deux-guerres et à ce titre, organisateur des structures liées aux houillères telles l’Union des Mines. C’est aussi un patron et un administrateur de toute une série d’affaires liées plus ou moins directement au charbon (l’Ouenza, les Charbonnages d’Héraclée, Blanzy, le Kouif, la Sarre et Moselle, la Skarboferme en Pologne). Il est présent dans de nombreuses institutions, tant nationales : l’Ecole libre des sciences politiques, le Comité national d’études sociales et politiques, le Conseil national économique, le Comité consultatif des mines, le Comité des « experts » pour la stabilisation du franc, etc…, qu’internationales : les institutions genevoises des années 1920 et 1930, la Chambre de commerce internationale, ou le Comité franco-allemand. Il participe à de très nombreuses associations et mouvements (Redressement français, Association française pour le progrès social). C’est un homme d’influence vis-à-vis de la presse (en particulier par le contrôle partagé du journal Le Temps). C’est enfin un leader patronal conscient de sa tâche et qui énonce régulièrement sa vision de l’économie française, publiant de nombreux articles et tenant de nombreuses conférences, se confrontant directement aux évolutions des politiques économiques et aux ruptures de la vie politique. Sa carrière est parachevée par une entrée à l’Institut un an avant sa mort.
Ce rapide inventaire non exhaustif prouve l’intérêt de se pencher sur une telle personnalité et indique la nécessité de la resituer dans les différents espaces où il a agi et où il s’est exprimé. Au-delà de la lucidité nécessaire à avoir sur les limites de la démarche biographique en histoire5, on doit éclairer précisément l’action et les thèses d’une figure non pas de premier plan mais indéniablement influente dans les questions économiques et sociales pendant plus de trente ans6.
Parler des limites de la démarche biographique consiste d’abord pour l’historien à questionner les sources dont il dispose et le cas d’Henri de Peyerimhoff est ici assez problématique7. La carrière d’Henri de Peyerimhoff a été très rarement retracée8. Son entrée à l’Académie des sciences morales et politiques permet de disposer du discours prononcé par son successeur9 et de ses titres déposés lors de sa candidature10. Les différentes nécrologies publiées à sa mort nous apprennent peu de choses, de même que les quelques notices des dictionnaires biographiques11.
Une source par contre est ici d’une très grande richesse. Après la Seconde Guerre mondiale, Henri de Peyerimhoff a commencé à rédiger ses mémoires et ses héritiers ont fait dactylographié l’ensemble existant en un fort volume de plus de 400 pages12. Rarement utilisé par les historiens13, ce texte ne livre pas une vision continue de sa vie mais un témoignage rétrospectif d’une très grande richesse et d’une importante diversité thématique. C’est bien la mise en perspective de ce document exceptionnel qui constitue le cœur de cette étude. Un des autres objectifs de cette contribution a été dans le même temps de dresser une bibliographie des publications d’Henri de Peyerimhoff. L’exercice n’est pas aisé tant les rapports, brochures, conférences et autres articles ne sont pas toujours recensés. Ce travail sur des sources imprimées dispersées est cependant le meilleur moyen de s’approcher à la fois des idées, des actions et des relations de cette figure méconnue.
Face aux difficultés du récit biographique, on a choisi de présenter simplement d’abord la formation et l’entrée dans la carrière de Peyerimhoff, en s’intéressant à ses origines familiales, à son éducation, ses débuts dans la haute fonction publique et son expérience algérienne. Dans un deuxième temps, c’est son activité d’homme des houillères qui doit retenir l’attention avec à la fois son rôle au Comité central, ses fonctions d’administrateur de société et son activité internationale. Par le biais du charbon, on suit avec les faibles sources retrouvées l’évolution de son activité entre 1940 et 1953. Enfin, dans un dernier temps, on s’intéresse sous l’angle thématique à la vision de l’économie qu’il a exprimée, tant à travers son activité de réformateur et d’expert qu’à travers ses nombreuses publications. On propose dans cette partie, pour appréhender au plus proche l’action et la pensée d’Henri de Peyerimhoff, une analyse plus détaillée de sa participation au Conseil national économique entre 1925 et 1939.
Peyerimhoff est d’abord un noble alsacien catholique marqué par cette naissance14. En reconstituant sa généalogie, Peyerimhoff souligne que sa famille vint des confins de la Bavière et du pays de Bade autour du XIVe siècle. La branche catholique liée à la Suisse prend le nom de « Peyerimhoff de Fontenelle » à la fin du XVIIIe siècle, fournit un militaire à l’armée napoléonienne et un des premiers traducteurs de Kant en français. Mais la figure familiale tutélaire est celle du grand-père : Hercule (Jean-Baptiste) de Peyerimhoff (1809-1890), qui, à la tête du Conseil municipal de Colmar, modernise la ville. Il est le père de deux fils : Henri, magistrat et entomologiste spécialiste des microlépidoptères (1838-1877), le père de l’homme des houillères, et Alexandre, un jésuite féru de botanique. Les parents d’Henri de Peyerimhoff se marient en novembre 1870 à Strasbourg et leur fils les définit socialement ainsi : « Ils appartenaient l’un et l’autre à un milieu hautement honorable ; lui à cette petite et peu nombreuse noblesse d’Alsace, l’autre à la bonne bourgeoisie de robe »15. Magistrat français, Henri opte pour la France en 1871 ; Peyerimhoff, qui reste toute sa vie très attaché à ses racines alsaciennes, note à propos de son père et de sa descendance : « C’était se faire désormais étranger sur le sol natal »16. Son père devient juge au tribunal civil de Moulins en 1873, puis à Perpignan, avec des problèmes de santé, et il meurt en février 1877. Ses obsèques à Colmar, alors que le grand-père vient d’être révoqué de son poste de maire par les Allemands, sont l’occasion d’une manifestation patriotique importante. La jeune veuve retourne alors dans sa famille (les Bellaigue) à Nancy avec ses deux enfants, Henri (Marie, Joseph, Hercule) né le 19 septembre 1871 et son frère Paul (Marie) né en 1873.
Henri de Peyerimhoff fait donc ses études à Nancy dans des collèges religieux (l’Institution de la Malgrange) où il se lie avec le futur homme politique Louis Marin. Il reste attaché à la terre alsacienne, passant ses grandes vacances à Colmar jusqu’à la mort du grand-père. Devant choisir et ayant à l’époque des dispositions mathématiques ; il se présente à l’école polytechnique d’où il est recalé, non pas sur ses dispositions intellectuelles, mais par le Conseil de révision qui constate, par rapport à sa haute taille, une insuffisance de la cage thoracique. A la déception répond le choix d’études de philosophie et de droit. Il accompagne ensuite son frère (qui prépare l’Institut d’agronomie17) à Paris où il s’inscrit à l’Ecole libre des sciences politiques. Il se fiance en 1893 avec une jeune fille issue d’une famille du Bourbonnais : les Méplain (qui disposent de nombreux relais dans le monde politique). Et comme il l’écrit non sans distance dans ces souvenirs : « Le problème était posé. Il fallait au futur chef de famille une situation ou plutôt - enfin – choisir une carrière »18. Il termine son droit et sort de Sciences Po avec « la distinction » (parmi les majors) à l’été de 1893. Il s’inscrit au barreau et commence son travail d’avoué dans une étude de l’avenue de l’Opéra, sans en retirer beaucoup de satisfactions. Ainsi, lorsqu’au printemps 1894, il apprend que le concours du Conseil d’Etat est ouvert à quatre places, il entre dans une « écurie » (petite équipe chargée de préparer sous l’autorité d’un ancien les concours de la haute administration), celle de Jacques Tardieu à l’Ecole libre, où il côtoie certains de ses futurs collègues dont Peschaud, Hannotin, Grunebaum-Ballin et surtout Blum19. Au prix d’un travail important, Peyerimhoff intègre directement le Conseil d’Etat en même temps que Déjean, Peschaud et Grunebaum-Ballin.
Le dossier personnel d’Henry de Peyerimhoff au Conseil d’Etat précise lors du concours d’auditorat sur la « fiche de renseignements très confidentiels » : « M. de Peyerimhoff est un jeune homme distingué d’une très honorable famille d’Alsace ; il a le goût des hautes études et semble capable de fournir une brillante carrière »20. Cette notation montre le mode de recrutement et le milieu social du Conseil d’Etat de l’époque. L’entrée dans la carrière est dorénavant faite pour Peyerimhoff (il peut donc ainsi se marier en avril 1895 en la cathédrale de Moulins21). Il est désigné, suivant la tradition, à la section du contentieux, la plus nombreuse et celle où le travail abonde le plus au Conseil. Il s’illustre sur l’affaire des conventions de 1883 sur les Chemins de fer qui entraîne la démission du Gouvernement Dupuy en 1895, mais souligne dans ses souvenirs que la charge de travail n’est pas si considérable. Il apprécie par contre la sociabilité du Palais-Royal22.
Pour comprendre l’importance de l’expérience algérienne pour Peyerimhoff et la rupture introduite dans sa biographie, on peut suivre ce qu’il note au tout début de ses souvenirs quand, tentant de résumer sa carrière, il explique : « Le jeune clerc qui, de 1887 à 1895 ne connaissait que les jeux de l’esprit et ne goûtait que la culture, s’est trouvé, trois ans après, associé brusquement et du plus près qu’il soit à une tâche impériale dont l’effort comme l’ivresse l’ont tourné – définitivement vers la vie d’action »23.
C’est Laferrière, alors Vice-Président du Conseil d’Etat et donc chef du corps, qui est appelé au Gouvernement général d’Algérie dans un contexte difficile : la vague d’antisémitisme et de graves problèmes financiers et budgétaires. Il s’entoure de collaborateurs parmi lesquels un des jeunes auditeurs fraîchement arrivé au Palais-Royal. La mission est au départ toute temporaire et Peyerimhoff est désigné comme chef du cabinet civil de Laferrière. Il semble, à travers ses souvenirs, se passionner pour l’Algérie, la conquête coloniale avec l’occupation des oasis sahariennes en avril 190024. Mais en juillet 1900, il rentre à Paris, car le nouveau Vice-Président du Conseil, Coulon, se plaint de son absence prolongée. La mort de Laferrière l’oblige à rester à Paris où il ne se passionne pas vraiment pour les tâches qu’on lui attribue. Affecté à la section de l’Intérieur, il a à s’occuper des congrégations : son catholicisme libéral ne convient pas vraiment aux républicains. Le nouveau gouverneur général Révoil veut lui aussi bénéficier d’un jeune haut fonctionnaire qui connaît déjà une partie des dossiers et il lui crée un poste sur mesure : la direction des services économiques (agriculture, commerce, travail et colonisation). Peyerimhoff s’installe alors avec son épouse en avril 1902 à Alger. Suite à des conflits politiques, Révoil doit démissionner et est remplacé par Jonnart. C’est à cette date que Peyerimhoff se lie en Algérie avec deux autres nancéens dont il reste proche dans la suite de sa vie : Lyautey et Maginot.
En témoignage de cette aventure algérienne, Peyerimhoff laisse une gigantesque Enquête sur les résultats de la colonisation officielle publiée en 190625. Répondant à une première commande du gouverneur Lépine en 1898, cette enquête a accumulé une quantité d’information considérable dont le travail de collation n’a pas été une mince affaire et le document ainsi constitué reste une référence souvent mobilisée par la suite sur la période de colonisation républicaine en Algérie. Rentré définitivement en métropole, Peyerimhoff continue d’écrire régulièrement à propos de l’Algérie. Il rend hommage aux personnes avec qui il a travaillé : Eugène Etienne26, Laferrière et Révoil27. Compte-tenu de ses liens conservés avec l’Ecole libre des sciences politiques, il est souvent amené à commenter la situation en Afrique du Nord, que ce soit dès son retour28 ou plus de vingt après29. Il est d’ailleurs nommé membre du Comité de propagande chargé d’étudier les moyens d’associer la France entière à la Commémoration du Centenaire de l’Algérie30.
La question de la carrière de Peyerimhoff au Conseil d’Etat se repose. Maginot étant aussi un membre du corps, Coulon lutte de tout son possible pour le retour de Peyerimhoff. Celui-ci refuse le poste de préfet de Constantine qu’on lui propose et échoue à récupérer un poste dont il espérait voir la création : la direction d’un service des Affaires algériennes au ministère de l’Intérieur. En 1905, son retour au Conseil d’Etat se fait à la section de Législation, où il est auditeur de 1ère classe et a pour contemporains dans ce même grade Léon Blum, Paul Grunebaum-Ballin et Georges Cahen31. Mais en parallèle à son activité, il garde un bureau à l’Office de l’Algérie qui dépend du ministère de l’Intérieur. Un conflit administratif éclate alors ; tant Clemenceau que Coulon peuvent le mettre en position de faiblesse. Son avancement dans le corps est symboliquement retardé et, comme il l’écrit dans ses souvenirs : « Je ne pouvais y être insensible ». La démission du Conseil d’Etat, officielle en mai 1907, illustre bien les conflits sur les détachements prolongés des jeunes auditeurs32. Il tire dans ses souvenirs la conclusion de cette première phase de sa carrière : « Les liens qui m’attachaient à cette grande demeure n’avaient rien perdu sur le plan de la sensibilité. Mais je m’y ennuyais à mourir et je venais d’y recevoir quelque chose qui ressemblait beaucoup à un affront. Il fallait la quitter sans barguigner » 33. A son départ la maîtrise des requêtes honoraire lui est accordée sans objection.
L’arrivée de Peyerimhoff au Comité central des houillères de France est liée aux recommandations diverses dont il peut bénéficier (d’après ses souvenirs, entre autres celles de Jacques Tardieu, son ancien chef d’écurie ou celles de liens familiaux, en particulier le soutien de son oncle maternel Bellaigue). Il rencontre rapidement Darcy qui tient alors entièrement le Comité. Comme secrétaire général du Comité, Peyerimhoff prend la succession de Gruner, un ingénieur qui se consacre dorénavant davantage aux questions techniques.
Peu de témoignages sont conservés sur le fonctionnement du Comité central des houillères de France. Paul Cheminais, qui occupe des fonctions de chef du service du contentieux, a donné quelques éléments sur la vie rue Saint-Dominique34. L’intérêt du parcours de Cheminais est qu’il n’est pas, comme Gruner ou Parent, un X-Mines, mais un diplômé d’HEC qui se passionne pour le droit et exerce à plein ses fonctions de lobbyiste35. En l’absence d’étude complète sur le Comité des houillères, on ne dispose que d’une série de renseignements. Son budget pour l’exercice 1907 est d’environ 200 000 F (caisse contre les grèves exclue). Ces recettes permettant la rétribution d’un personnel parisien de dix-huit personnes dont, pour une part importante, Gruner et Peyerimhoff pour 13000 F chacun36. D’après l’analyse de l’historien Marcel Gillet qui a étudié le Comité des houillères fonctionner dans ses relations aux charbonnages du Nord, « le Comité central des houillères de France demeure à la veille de la guerre de 1914-1918 essentiellement un groupe de pression surveillant l’évolution d’une législation qu’il s’efforce d’infléchir. Son rôle le plus important se situe donc sur le plan politique et social et il paraît n’avoir qu’une influence très secondaire dans le domaine proprement économique »37.
Plus largement, les souvenirs laissés par Peyerimhoff permettent de mieux saisir la nature de l’activité du Comité. Il explique ainsi en creux son action principale : « Je parlerai peu de la besogne officielle du Comité parce que toute en discussion de textes législatifs ou réglementaires, en pesées à l’apparence infinitésimales sur la durée d’une journée de travail, d’une cotisation, d’une balance de représentation dans une caisse ou un comité, elle apparaîtrait assez terne »38. Mais aussitôt, il définit son intérêt principal : « son double intérêt, c’était d’une part le « reginem animarum » dans cette association encore jeune et encore fragile de vieilles et puissantes affaires groupées naturellement dans leurs bassins ou éparpillées aux quatre coins de France, dirigées par des techniciens dressés à l’autorité mais non lassés de la pratiquer, régies par des Conseils où les intérêts de famille, les traditions provinciales, les lignées de la grande bourgeoisie et les nouveaux venus des hauts emplois officiels réalisaient des dosages complexes et très distincts de comportement. C’était d’autre part le maniement du haut personnel administratif et politique d’où dépendait notre sort réglementaire et où il eut été bien peu réfléchi de penser que le seul poids des arguments pouvait être décisif si des rapports personnels noués avec souplesse, entretenus avec aisance et gentillesse n’en facilitaient pas l’efficace application »39. Plus synthétiquement, il précise son travail de lobbying : « C’est en fait avec les pouvoirs publics, Ministères et Assemblées que se débattaient nos grandes questions professionnelles »40. Il indique aussi, nous permettant de saisir la réalité pratique de ce travail : « Plus de besogne d’ailleurs hors du bureau que dedans : rendez-vous avec les grands fonctionnaires des Mines, avec les directeurs de Ministères ou leurs patrons, avec les parlementaires, avec les collègues des autres syndicats, avec les Présidents ; réunions de comités ; dépositions devant les Commissions. Le carnet journalier ne chômait pas. La tâche syndicale se compliquait de nombreuses organisations intersyndicales »41.
Peyerimhoff affirme souvent dans ses écrits ses liens avec les ingénieurs des mines qui sont ses interlocuteurs ou ses collaborateurs. Les éloges funèbres auxquels ses fonctions l’obligent sont souvent l’occasion d’insister sur la centralité du charbon dans l’industrie française. Dressant le portrait d’Henry Darcy, son ancien patron à qui il succède, il explique : « Nous sommes, sur un des domaines essentiels de [l’] activité [du pays], une des branches de la nation au travail. Contre celle-ci nous ne saurions nous défendre, et c’est elle-même que nous protégeons lorsque nous nous défendons »42. Parmi les Ingénieurs de l'Ecole des Mines de Paris43 avec lesquels il travaille, quelques figures se détachent, telles celle d’Ernest Cuvelette, très impliqué dans la reconstruction des houillères sinistrées du Nord et celle d’Elie Reumaux. Pour les funérailles de ce dernier à Lens en 1922, Peyerimhoff tient un des cordons du poêle et prononce un discours d’hommage faisant l’éloge tout à la fois de l’homme, de l’ingénieur, de l’organisateur, de l’homme d’affaires et du responsable patronal ; il insiste tout particulièrement sur l’activité de Reumaux pour les mines de Sarre et Moselle que Peyerimhoff et lui ont repris après la Première Guerre mondiale44.
Ce qui semble certain c’est que l’activité de Peyerimhoff aux houillères est vécu par lui comme une continuité de sa carrière. Cette idée est d’ailleurs restituée après son décès par le président de l’Académie des sciences morales et politiques qui écrit : « Ce n’est pas là quitter le service de l’Etat, car l’Etat a besoin de ces organismes puissants pour la direction de l’économie »45. Peyerimhoff insiste largement dans ses souvenirs : « J’avais donc quitté l’Algérie pour les Houillères de France. Du service de l’Etat, j’étais passé à celui des grands intérêts privés. Avec une curiosité qui se voulait rigoureusement objective, j’attendais les modifications qu’une telle « diversion » devait entraîner dans mon comportement personnel. La surprise fut qu’elles se révélèrent si petites. Je n’eu l’impression d’avoir changé ni de matière ni de but. (…) Le Comité des Houillères, c’était, organisée, une des professions clés de la France au travail : servante – et combien indispensable de l’économie nationale et par conséquent de l’intérêt général, elle en était solidaire »46. Il ne s’agit pas ici seulement d’une analyse autobiographique rétrospective qui voudrait assurer une cohérence à sa trajectoire professionnelle, mais bien d’une certitude régulièrement exprimée de la place centrale de la « profession organisée » dans la vie économique du pays, et en particulier du rôle tenu par les dirigeants de cette industrie spécifique qu’est le charbon.
Peyerimhoff, fin connaisseur des enjeux du syndicalisme patronal et des tensions sociales accorde une part importante de son activité à la prise en charge sociale des mineurs47. Une de ses activités les plus originales à la tête du Comité central des houillères de France concerne le contrôle de l’immigration polonaise en France. En effet en janvier 1923, les compagnies houillères, le patronat de la métallurgie et les sociétés d’agriculture fondent conjointement la Société générale d’immigration. Peyerimhoff y siège pour centraliser le recrutement de la main-d’œuvre étrangère en Pologne, en Yougoslavie et en Autriche48. Peyerimhoff s’intéresse très précisément à cette « émigration organisée » et s’il publie peu sur ce sujet49, les relations entre le Comité central, l’Office d’émigration et la mission française de la main-d’œuvre sont connues. Son action semble d’ailleurs illustrée son habileté négociatrice50 et sa saisie de certains enjeux comme la bonne intégration sociale et culturelle des Polonais dans le Nord51. L’historienne Janine Ponty n’y voit pas seulement, dans le cas de Peyerimhoff, une volonté d’encadrement autoritaire des salariés par un patronat conservateur, mais bien une vision fine des enjeux de l’immigration de main-d’œuvre pour une industrie demandeuse52. Peyerimhoff est aussi administrateur à partir de 1925 et vice-président en 1939 de l’Association métallurgique et minière contre la tuberculose.
Parmi les autres activités sociales du patronat houiller dont Peyerimhoff a la charge, la question du logement est notable. Pour répondre aux critiques dont sont l’objet certains patrons, Peyerimhoff mène une enquête auprès des directeurs des compagnies houillères en 1912. A cette occasion, il explique que les compagnies font dans le domaine du logement « bien plus que n’exige strictement leur intérêt personnel et qu’elles tiennent à améliorer autant qu’elles le peuvent les conditions d’existence et à accroître le bien-être de leur personnel »53. Plus largement, cette procédure d’enquête qui est lancée pour fournir aussi des éléments à des parlementaires est intéressante car son encadrement par le secrétariat des houillères montre le type de fonctionnement du Comité central en tant que groupe de pression structuré54. Peyerimhoff reste très attentif à la question du logement et le montre lors du premier rapport du Conseil national économique en 1926 : face aux propositions des syndicalistes ouvriers et des coopératistes, il défend les politiques sociales des entreprises qu’il représente.
Par ailleurs, Peyerimhoff défend les intérêts du charbon face aux autres industries. Il utilise toute son influence dans le dossier de l’électricité55 et lutte régulièrement avec les hommes du fer56. Au titre de dirigeant du Comité central des houillères de France, Peyerimhoff siège au Conseil d’administration des grandes écoles minières françaises57. Plus largement, il est souvent appelé à fournir une expertise généraliste sur l’état économique de la branche industrielle dont il s’occupe. Il s’exprime ainsi dès 1913 devant l’assemblée du Musée Social58, dans la Revue de Paris59, la Revue des deux mondes60 ou aux Semaines sociales de France61. Ses textes sont souvent descriptifs, insistant sur les ressources, la main-d’œuvre, les prix, se livrant parfois à de grandes fresques historiques. Il souligne aussi les enjeux de la reconstitution du bassin houiller du Nord Pas-de-Calais. L’ensemble de ces activités montre qu’il s’identifie peu à peu à un secteur économique particulier. Avant d’être une figure du syndicalisme patronal, Peyerimhoff reste d’abord le représentant des patrons du charbon.
Les multiples fonctions d’administrateur de Peyerimhoff expliquent sa dénonciation régulière par les publications qui recensent les « maîtres de la France »62. De même, le fait qu’il soit un ancien haut fonctionnaire est souvent stigmatisé, pour insister sur la collusion entre l’Etat et les intérêts du grand capital63. Son rôle crucial et sa puissance par le contrôle de l’industrie houillère en feraient même, y compris pour André Tardieu, un pilier du « mur d’argent »64. La presse « spécialisée » le place parmi les 200 familles et Le Crapouillot en 1936 lui attribue une place dans dix-huit conseils d’administration. Plus sûr, bien que parfois incomplet, l’annuaire Chaix de 193965 précise sa participation à dix conseils : le Crédit national, le Groupement des houillères du Nord et du Pas-de-Calais, l’Union des mines (président), la Société de gestion d’intérêts miniers et industriels français à l’étranger (président), l’Union industrielle de crédit pour la reconstitution, la Compagnie générale d’électricité, la Société des Forces motrices de la Truyère (président), la Compagnie des mines de potasse de Blodelsheim, la Société houillère de Sarre et Moselle (président) et la Compagnie des phosphates de Constantine (président).
Au titre de la profession houillère, Peyerimhoff s’emploie à tenir toute une série d’affaires : certaines avant 1914 comme le dossier touchant les mines de l’Ouenza, d’autres après le conflit mondial avec l’Office des Houillères sinistrées du Nord et du Pas-de-Calais ou la Société houillère de Sarre-et-Moselle.
Deux dossiers concernant des affaires minières d’Afrique du Nord vont occuper Peyerimhoff avant la Première Guerre mondiale : l’Ouenza et l’Union des mines marocaines. Le dossier de l’Ouenza reste peu étudié par les historiens et l’ « affaire Mannesmann » est juste signalée66. Rivalités de puissances pour des investissements miniers, l’affaire du Maroc témoigne assez bien des tensions nationalistes de l’avant 191467. Plus largement elle permet de repérer un Peyerimhoff68 en habile négociateur : il parle directement avec W. Rathenau, qui lui est envoyé directement par Guillaume II. C’est aussi un lobbyiste, qui régulièrement publie des panoramas de l’affaire dans des revues tenues par ses amis69. L’enjeu semble important car l’Ouenza subit une véritable campagne contre les tentatives de montage financier dont elle fait l’objet et la durée même des débats, leurs complexités juridiques et les difficultés parlementaires expliquent les enjeux de clarification du dossier face à une opinion publique inquiète.
Peyerimhoff occupe aussi des fonctions d’administrateur aux Charbonnages d’Héraclée, où sa présence est due à l’amitié de l’ancien gouverneur général d’Algérie Revoil, alors directeur général de la Banque ottomane. Mais surtout, sur la proposition de Darcy, il s’occupe de Blanzy. Son activité y semble importante, même si son statut est ambigu (à la mort de Darcy, il est d’ailleurs contraint de partir pour laisser le pouvoir réel au nouveau directeur général ; en contrepartie, l’un de ses fils entre au Conseil d’administration). Enfin, avant 1914, Peyerimhoff s’occupe aussi du Kouif, c’est-à-dire de la Société générale des mines d’Algérie-Tunisie (plus souvent baptisée l’Omnium). Comme il le souligne dans ses mémoires, ses activités lui permettent de nombreux voyages et en particulier vers la terre algérienne à laquelle il reste attaché.
Peyerimhoff s’occupe à la sortie de la guerre du dossier des Houillères sinistrées. La question du Charbon tient en effet une place centrale dans le dossier des réparations allemandes (Peyerimhoff parle de « pas moins de 55 pour cent du total des Prestations en Nature »). L’intérêt est que lorsqu’il s’exprime dès 1933 sur cette action il insiste sur l’efficacité des spécialistes du charbon face à un sujet délicat : « A un problème d’ordre politique, d’ordre financier, d’ordre commercial, d’ordre économique, il a été apporté des solutions spécifiquement professionnelles »70 et surtout il souligne que la solution choisie a été à l’opposé d’une étatisation du problème. Cette action est ici centrale pour saisir l’originalité de la régulation du marché du charbon dans l’entre-deux-guerres. Ce poids de la profession est d’ailleurs très étudié à l’époque71, de même que les enjeux internationaux de la régulation d’un tel marché72.
En 1917 est lancée à partir des bénéfices de Blanzy, l’idée de l’aménagement d’une chute d’eau proche : la Truyère, un affluent du Lot. L’affaire doit être montée avec l’entreprise de Louis Loucheur. Le montage capitalistique semble très compliqué et les travaux considérables s’éternisent pour ne s’achever qu’en août 193473.
La Société houillère de Sarre-et-Moselle occupe aussi dans l’entre-deux-guerres une part importante de l’activité de Peyerimhoff74. Il y accueille par exemple le congrès de la Société de l’industrie minérale en 192475. Négociant avec les ingénieurs des mines, Peyerimhoff a en fait récupéré un séquestre allemand et fondé en 1919 cette Société dont il confie la présidence à Reumaux (figure tutélaire des ingénieurs des Mines), avant de la récupérer à sa mort.
Deux autres affaires enfin mobilisent également Peyerimhoff. La première est internationale puisqu’il s’agit de la Skarboferme en Pologne qu’il contrôle de 1920 à 1951, l’obligeant à y voyager très régulièrement76. A la demande du Président de la République Millerand et du Quai d’Orsay, Peyerimhoff accepte de participer à la relance de l’extraction du charbon en Silésie. Plus célèbre peut-être est la dernière réalisation de Peyerimhoff : l’Union des Mines77. Cette Union, créée en 1923, est en fait une banque contrôlée par les houillères. L’histoire de cette Union reste à écrire et elle semble particulièrement agitée.
Sur l’action d’administrateur de celui qui est d’abord un leader syndical, on peut difficilement se prononcer davantage. Peyerimhoff semble conscient dans ses souvenirs de ses difficultés (il insiste même sur ses apprentissages et ses échecs) mais s’il pose clairement le débat, il n’y répond pas dans la suite des souvenirs : « On peut discuter – on a discuté à maintes reprises dans les milieux du syndicalisme patronal – la question de savoir si, pour bien servir à un poste de commandement actif les intérêts généraux de la corporation, il est préférable de rester étranger à la gestion individuelle des entreprises ou, au contraire, de joindre à titre de « test » permanent, de référence pratique toujours sous l’œil, une tâche effective auprès de l’une des affaires de la profession »78. La formulation laisse supposer qu’il est plutôt partisan de l’expérience pratique comme assise du syndicalisme patronal, mais il ne s’exprime pas plus sur le sujet, lui qui à l’origine n’avait rien d’un entrepreneur.
Compte-tenu des sources lacunaires, on ne peut ici articuler autre chose qu’une sorte de catalogue qui repère l’implication régulière et qui paraît non négligeable de Peyerimhoff dans des enjeux internationaux.
Au-delà de l’Algérie qui continue de passionner Peyerimhoff toute sa vie, il s’est aussi impliqué très tôt dans les questions coloniales, participant en particulier le Comité de l’Asie française au tout début du siècle79. Il a beaucoup voyagé, en Europe mais aussi en Amérique, avec en particulier un long voyage au Canada dans le cadre du Congrès international de géologie tenu à Toronto en 191380. Son activité à la Chambre de commerce internationale est avérée mais mériterait sans doute d’être mieux connue81. Il y coopère dans l’entre-deux-guerres mais aussi à la sortie de la guerre mondiale, en rédigeant un rapport sur l’entreprise privée82.
Son action au Comité franco-allemand83 doit se comprendre comme représentative à la fois de ses liens forts avec un milieu international et de sa solidarité de dirigeants charbonniers. Le Comité naît d’une initiative de la famille Mayrisch84, et Peyerimhoff semble très actif dans la constitution du groupe français. Il prononce d’ailleurs un discours aux obsèques de Mayrisch confirmant leur proximité. Ses liens avec Mayrisch expliquent sans doute son intervention devant la Chambre de commerce du Luxembourg au printemps 1927. Dans cette conférence, il se prononce pour une étude des expériences allemandes concernant les ententes (en particulier pour le charbon et la chimie)85.
Dans la même logique, Peyerimhoff fait partie du Comité de direction de la revue de politique étrangère Pax86 et semble associé au mouvement paneuropéen fondé par Richard de Coudenhove-Kalergi87.
Mais son action internationale la plus officielle, Henri de Peyerimhoff la connaît en participant comme délégué à la conférence économique internationale de Genève en 1927 puis comme membre du comité consultatif économique de la Société des Nations de 1928 à 1934. Si le travail de ces institutions est encore méconnu88, on peut souligner qu’il occupe là une place de choix, entouré de personnalités qu’il connaît bien (hauts fonctionnaires, syndicalistes patronaux et ouvriers, qu’il côtoie dans d’autres institutions comme le Conseil national économique)89. Les conséquences précises des travaux du Comité consultatif économique, qui tient sa première session en mai 1928, ne sont pas faciles à établir faute d’études récentes90. Peyerimhoff semble y défendre ses thèses sur les ententes industrielles91.
Employer les notions de réformateur et d’expert à propos d’Henri de Peyerimhoff peut sembler paradoxal, dès lors qu’il est d’abord un représentant d’intérêt patronal. Cependant son rapport à la société et à l’Etat dans cette France du premier tiers du XXe siècle peut bien être placé sous le signe de cette double figure. Il constitue d’abord une des figures originales de réformateurs originale mais inscrite à sa manière dans la « nébuleuse réformatrice » constituée au tournant du siècle92. Il s’y retrouve à la fois en termes de relations sociales, de lieux de rencontre, et pour une part de projet intellectuel93. Par ailleurs, à certains moments, il est appelé comme experts des questions économiques (liées à sa branche ou de manière plus générale) auprès de l’Etat.
Parmi les premiers lieux de réforme sociale où l’on retrouve Henri de Peyerimhoff, il y a la Société des visiteurs94. Expérience originale de bienfaisance privée, elle allie la bourgeoisie libérale et une partie du mouvement ouvrier et est créée par deux jeunes auditeurs du Conseil d’Etat René Bazin et André Spire, en 1896. De nombreux membres du Conseil d’Etat participent à cette initiative et en particulier le groupe de hauts fonctionnaires dont Peyerimhoff est proche (Edouard Laferrière, André Bénac, André Dejean…).
Lié à des figures influentes du Conseil d’Etat, aux animateurs de la Revue Politique et Parlementaire, dans laquelle il écrit à plusieurs reprises, Peyerimhoff conserve des attaches particulières avec l’Ecole où il s’est formé. Il est ainsi professeur à l’Ecole libre de science politique entre 1907 et 1924 où il enseigne un cours sur l’Organisation de l’Afrique du Nord, spécialement l’Algérie. Il est aussi membre du Conseil d’administration de l’Ecole et un participant actif des conférences organisées par la Société des anciens élèves. Il y accorde même une certaine importance produisant des textes remarqués, dont une longue contribution sur les entreprises et capitaux français à l’étranger écrite à la veille de la Première Guerre mondiale95.
Son lobbying au Comité central des houillères l’amène à être consulté comme expert dans des situations exceptionnelles, comme les débuts de la Première Guerre mondiale96. Il réalise même pour le gouvernement une mission en Suisse à l’automne 1914 et en ramène avec le directeur des Mines, Weiss, un court rapport sur la neutralité et les conditions économiques de la Confédération helvétique97. Ce texte contient une réflexion sur les enjeux économiques du conflit mondial, car la Suisse alémanique est utilisée aussi comme une source d’informations sur la manière dont les industriels allemands vivent le conflit.
Henri de Peyerimhoff occupe un rôle important dans un lieu original de la Réforme sociale, le Comité national d’études sociales et politiques, créé par Albert Kahn pendant la Première Guerre mondiale98. Il tient particulièrement à cette expérience originale car, comme il l’écrit dans ses souvenirs : « Le Comité National d’Etudes s’offre comme une réalisation isolée, exceptionnelle et tout de même bien représentative d’une période où le pays avait encore, libres, indépendantes, des forces intelligentes et spirituelles relativement peu divisées et bien distinctes de l’Etat vis-à-vis duquel elles n’avaient ni sentiment de dépendance, ni esprit de bataille »99. Sa participation au Comité est effective : il préside entre 1922 et 1930 douze séances sur des sujets de nature très différente (l’économie italienne, le Labour Party anglais, le ministère de l’Air français, la rationalisation, les dettes de Guerre interalliées)100.
Henri de Peyerimhoff participe également activement à l’Association française pour le progrès social101. Cette association est une création d’Albert Thomas102 et de ses associés, à Paris et à Genève. Pilotée par l’ancien député catholique social Adéodat Boissard, l’association réunit en fait trois groupements : l’Association française pour la lutte contre le chômage, l’Association pour le développement des assurances sociales et l’Association française pour la protection légale des travailleurs. Mais lors de cette constitution en 1926, des patrons comme Peyerimhoff se méfient des nouveaux projets. Peyerimhoff rappelle dans une lettre à Boissard que « le principal du progrès social doit être l’œuvre de l’initiative privée et que l’action de l’Etat doit être dans cet ordre d’idées plus régulatrice qu’incitatrice »103. Peyerimhoff et Edouard Gruner acceptent d’être membres de cette association qui constitue au début de 1927 un « Bottin mondain des chefs de l’industrie », pour reprendre l’expression de l’historien Martin Fine104. Mais la première réunion détonne dans cette atmosphère consensuelle. Peyerimhoff attaque un point de détail d’un article des statuts de l’association sur la question des « institutions chargées du contrôle et de l’application des lois sociales ». Surtout, il écrit dès le lendemain une longue lettre à Thomas dans laquelle il dénonce la modalité de formation d’une association à la doctrine orthodoxe : il parle même d’ « une chapelle à portes soigneusement closes » et ajoute « Mon cher ami, je ne vous reconnais plus », en concluant que sa présence dans l’association est suspendue105. La négociation avec Peyerimhoff a lieu en privé et Thomas est particulièrement heureux de l’accord obtenu discrètement. Il se félicite dans une lettre à Boissard de la « remarquable intelligence et du désir de paix sociale » de Peyerimhoff106 et ce dernier réaffirme ses positions dans une réunion du comité exécutif de l’association au cours de laquelle, en répétant sa distance par rapport aux interventions étatiques, il souligne son soutien à la coopération employeurs-salarié : « Ce sont en effet les intéressés eux-mêmes qui réalisent le progrès social, c’est-à-dire les masses ouvrières et patronales groupées dans leurs syndicats. Ce n’est plus l’Etat »107.
Indépendamment des lieux de discussion sociale, Peyerimhoff est aussi appelé par l’Etat en tant que spécialiste influent des questions économiques. Le Comité des experts demeure une expérience originale dans la France des années 1920. Pour reprendre les termes d’un futur gouverneur de la Banque de France : « Pour la première fois, on enlevait le problème de la monnaie et des finances publiques à l’arène politique, pour le placer sur le terrain technique. Là seulement ses solutions pouvaient être étudiées avec la compétence et l’absence de passions qui convenaient. La formation diverse des hommes qui le composaient était une garantie de l’indépendance politique et doctrinale des conclusions de ses travaux »108. Constitué le 31 mai 1926, le Comité regroupe six banquiers, deux professeurs (Jèze et Rist) et trois représentants de l’industrie et du commerce : Duchemin (CGPF), Fougère (Association nationale d’expansion économique) et Peyerimhoff (Comité central des houillères de France). Les notes laissées par Peyerimhoff au sujet de ce travail sont intéressantes car elles livrent bien son jugement sur cette brève expérience : « Ce ne fut ni ennuyeux ni long. (…) Ce que je dois dire en toute simplicité – et l’on pensera, j’espère, que ce n’est pas ma présence qui m’oriente – c’est qu’il était impossible de trouver dans une équipe plus de compétence, plus d’objectivité et plus de tranquillité »109. Après les travaux du Comité d’experts des années 1920, Peyerimhoff reste intéressé par les questions financières et prend parti sur la dévaluation110.
Même s’il n’accomplit pas toutes les commandes qui lui sont passées, on l’associe à des projets éditoriaux collectifs typiques du milieu réformateur, comme la série sur l’histoire économique et sociale de la guerre mondiale, éditée par la Dotation Carnegie pour la paix internationale, pour laquelle il devait écrire le volume sur le pétrole111. Il participe également à l’expérience lancée par le grand patron de l’électricité Ernest Mercier en 1927 : le Redressement français112. Mais dans ce cadre, il ne rédige aucun texte. Il est également membre de la Société de statistique de Paris, lieu important des débats économiques113.
Membre du Conseil national économique dès 1925, vice-président de l’institution en 1926 à la mort de Robert Pinot, Peyerimhoff en est une des figures marquantes et très actives, le pendant patronal de Léon Jouhaux et un interlocuteur régulier du secrétaire général de l’institution, Georges Cahen-Salvador114.
Henri de Peyerimhoff a d’abord été associé à l’expérience du Comité consultatif supérieur du commerce et de l’industrie en 1924. Ce Comité voulu par Poincaré avant les élections ramenant le Cartel des gauches au pouvoir était quasi exclusivement patronal115. Il servit en fait de contre modèle au CNE créé par un décret du ministre du Travail, Justin Godart, en janvier 1925. Peyerimhoff, comme le reste des représentants du grand patronat, est très critique sur la composition du premier Conseil national économique. Dès les premières séances, il interpelle le chef du gouvernement à propos de la sous-représentation agricole et des chambres de commerce116. Répondant à un entretien en septembre 1929, il explique ainsi que « la constitution imaginée par M. Justin Godart avait au premier coup d’œil un aspect presque caricatural » mais il utilise cet argument pour valoriser son action avec celle des autres membres de la commission permanente du CNE : « Le départ a été médiocre et il a fallu – de part et d’autre – une immense bonne volonté. Il a fallu l’autorité et la sagesse de la Commission Permanente pour qu’on n’aboutît pas tout de suite à un avortement »117. Plus largement, il reste « très sceptique » car il craint que « les travaux, même les plus importants, [puissent] rester enfouis dans les cartons des ministères (…) De sorte que les hommes – généralement assez occupés – qui prennent part à ces travaux, ont l’impression très nette de la totale inefficacité de leur effort »118. Au journaliste qui l’interroge sur le fait de savoir s’il est partisan d’un parlement professionnel, Peyerimhoff répond qu’il s’oppose à l’exemple italien mais serait partisan d’une évolution de la deuxième chambre française. De même, dans d’autres textes, il se méfie toujours des théoriciens qui annoncent une disparition de la politique dans l’économie119.
Dans ses fonctions de membre du Conseil national économique, Henri de Peyerimhoff réalise différents rapports sur ses sujets de prédilection. Il participe aux deux rapports successifs sur la houille (dans le cadre de l’enquête sur l’outillage national en 1928 et celle sur les grandes branches de l’économie nationale en 1930)120. Par ailleurs, il participe au rapport collectif rédigé par différents membres influents du Conseil en réponse à une enquête de la Société des Nations en 1930121. C’est d’ailleurs lors de ce débat que Peyerimhoff explique clairement sa vision des ententes industrielles : il est partisan de ce type de regroupement patronal et accepte la condition de publicité mais refuse les exigences de contrôle contentieux demandées par la CGT122. Peyerimhoff est très attentif à l’autorité réelle de la nouvelle institution, s’inquiétant de la lenteur des investigations123, se félicitant quand le Conseil est sollicité par les pouvoirs publics124, pensant qu’il faut augmenter le nombre d’experts au Conseil125 ou encore reposant régulièrement la question de l’utilisation des travaux du Conseil126.
Peyerimhoff tient un rôle déterminant dans les moments importants de la vie du CNE, comme par exemple lors de l’enclenchement de l’enquête sur la rationalisation. Il commente d’ailleurs dans une revue l’initiative de la CGT en expliquant qu’une telle enquête « suppose la création d’une atmosphère préalable de collaboration et de confiance. (…) La CGT paraît animée de cet esprit. (…) Ayant choisi la ligne américaine de la prospérité et du progrès pour tous contre la ligne moscovite de la détresse et de la régression pour tous, la CGT conforme délibérément sa conduite à son programme. Aucun patron conscient de ses responsabilités ne répondra par une fin de non recevoir à une initiative de ce genre »127. Soutenant l’ouverture du débat, il précise très vite quelles en sont, pour lui, les bornes : la discussion sur les conventions collectives est possible (d’autant que l’industrie minière en a une expérience ancienne avec les conventions d’Arras de 1891128), par contre le « contrôle ouvrier » (avec les différentes acceptions du terme) reste la limite à ne pas franchir129.
Peyerimhoff défend aussi dans les phases de recomposition du CNE le rôle de l’industrie houillère et ne compte céder en rien sur les sièges qui lui sont réservés dans les sections professionnelles créées en 1936, encourageant même les autres industries à faire le sacrifice130. Mais 1936 au CNE est surtout l’année de l’application des nouvelles lois sociales votées par le Front populaire ; là, Peyerimhoff ne compte pas tout accepter. Certes, les Mines sont soumises à un régime particulier pour la durée du travail (depuis la loi de 1905 instituant progressivement les huit heures ; en juin 1936 les mines doivent passer à 38 heures 40), dont Peyerimhoff se félicite plutôt131, mais l’application des nouvelles dispositions est difficile. Le dispositif juridique complexe qui voit se développer différents types de négociation inquiète même Peyerimhoff sur l’avenir du rôle du CNE132.
Si Peyerimhoff polémique sur le cadre général de l’application de la loi sur la semaine de quarante heures, il est aussi attentif aux détails techniques liés au métier de la mine. Les mineurs ayant mis à profit l’interdiction du chronométrage pour récupérer leur ancien pouvoir d’organiser eux-mêmes l’abattage, Peyerimhoff dénonce les conséquences d’une telle mesure sur les rendements133. Certains témoins ont pu lui reprocher d’avoir un autre type d’action contre les grèves de 1936 : l’achat de la coopération des leaders syndicaux ouvriers134. Plus avérée est sa démarche assez originale consistant en une lettre adressée à Léon Blum à l’occasion du décret déterminant les modalités d’application aux mines de charbon de la semaine de 38 h. 40. Cette lettre est publiée à la Une du journal contrôlé par le grand patronat : Le Temps135. Le texte joue sur le respect de la négociation et en même temps sur la dénonciation du coût d’une telle mesure : « Ce sont ces résultats que nous allons vous soumettre. Aussi impérieux que le devoir d’obéir aux lois, apparaît à l’heure présente pour chacun de nous, dans le domaine de sa compétence, celui de renseigner le pays et les pouvoirs publics sur les effets des mesures que ceux-ci prennent et que celui-là doit solder ». La conclusion de cette lettre rendue publique est sans ambiguïté : « C’est la première fois, croyons-nous, qu’une grande nation soumise à une crise mondiale, après tout moins rude chez elle que chez la plupart de ses concurrentes, choisit librement comme remède la mutilation définitive de ses moyens de travail. (…) Comment échapper à la pensée qu’un pays ainsi orienté sera inéluctablement marqué du signe de la régression et par conséquent du déclin ? ».
Plus largement, 1936 voit un Peyerimhoff virulent au Conseil et qui n’hésite pas à aller à l’affrontement. A propos du décret d’application de la loi monétaire, qui prévoit en décembre 1936 les premières dispositions de conciliation et d’arbitrage obligatoires des conflits du travail, Peyerimhoff dénonce ouvertement le texte « puéril » dans ses modalités de réalisation qui est soumis au CNE136. Sur la question majeure des conventions collectives (et en particulier des nouvelles modalités de leurs extensions prévues par la nouvelle loi), Peyerimhoff met en garde contre « le danger de créer un droit nouveau qui transférerait dans les attributions de l’Etat ce qui est normalement des attributions de la profession »137. Pire encore est la polémique sur la question sensible pour le patronat de la réorganisation du placement. A l’ouverture de la séance du 24 mai 1937, Henri de Peyerimhoff « tient à déclarer que les membres patronaux, très émus par la présentation de ce rapport, lui ont donné mandat de déclarer qu’ils ne sauraient, à aucun titre, participer à sa discussion, et de demander sa radiation de l’ordre du jour »138. Le représentant patronal dénonce l’orientation donnée aux travaux de la Commission139. Il reproche en fait surtout au gouvernement, qui n’a pas déposé de projet de loi sur la réforme du placement, d’utiliser les travaux du CNE pour préparer la remise à plat du système. Ce faisant, de Peyerimhoff dénonce les liens nouveaux établis entre l’institution et le pouvoir exécutif140. Le Secrétaire général se sent obligé de répondre fermement141. Il rappelle les objectifs et les réalisations de la Commission en soulignant qu’elle a « poursuivi sa tâche dans les conditions les plus normales et les plus régulières ». Surtout, il reproche à de Peyerimhoff d’être en contradiction avec des déclarations où ce dernier reprochait au CNE d’être trop peu consulté142. Fernand Maurette défend les travaux de la Commission qu’il a présidée contre les accusations de dépassement de mandat. Après une suspension de séance pour une concertation des délégués patronaux, de Peyerimhoff accepte une conciliation renvoyant à quinzaine l’examen du rapport143. Après cette séance assez exceptionnelle de la Commission permanente, le débat se poursuit au début de mois de juin. Dressant le bilan de la consultation des milieux patronaux sur le projet de rapport, Henri de Peyerimhoff souligne l’opposition du patronat à tout monopole d’Etat sur le placement144.
L’action d’Henri de Peyerimhoff au CNE se continue par sa participation à l’enquête sur la production en 1937 ; il y est représentant patronal au 3e comité145. Avec la déclaration de guerre, le CNE se transforme en une structure plus réduite : le Comité permanent économique. Parmi les vint et un membres titulaires, H. de Peyerimhoff tient un des sièges patronal146.
Le thème du néocapitalisme et la question des ententes sont clairement posés par de nombreuses élites économiques et financières durant l’entre-deux-guerres147. Peyerimhoff est souvent présenté comme un élément du capitalisme moderne français148.
La part accordée à la forme syndicale dans la société est souvent rappelée par Peyerimhoff. Ainsi dans son hommage à Henry Darcy, il explique clairement : « Sans doute, l’évolution de l’économie moderne assure-t-elle à la formule syndicale à la fois son titre à l’existence et sa promesse d’avenir »149. Cette vision d’une industrie organisée, structurée par un syndicat patronal fort, reste énoncée jusqu’à la fin de sa vie. Lors de son entrée à l’Institut, il dresse un bilan de l’action du Comité central des houillères en en tirant des conclusions générales : « Il [le Comité] a réussi essentiellement à quoi ? A appliquer et à développer cette formule de la discipline consentie, dont jusqu’à mon dernier souffle, je dirai que, de ce côté au moins du rideau de fer, elle est la forme la plus adaptée au progrès de l’économie ; la discipline consentie qui fait que l’action individuelle n’est pas serve, qu’elle n’est ordonnée ni par un texte légal, ni par un dictamen gouvernemental, qu’elle n’est menacée d’aucune sanction pénale ; qu’elle n’obéit pas ; elle se conforme et elle suit – elle se conforme aux solutions raisonnables dégagées en commun ; elle suit les hommes dans lesquels elle a confiance et qu’elle a mis en charge parce qu’ils lui paraissaient raisonnables »150. Vocabulaire marquant mêlant tout à la fois « discipline consentie », « solutions raisonnables » et « confiance ».
Ses liens avec les mouvances réformatrices et les nouvelles relèves ne sont pas très affirmés mais il apparaît pour certains d’entre eux comme une des personnalités les plus ouvertes du patronat français. Ainsi Georges Valois le dépeint : « Il est tout à fait nouvelle équipe. Il veut substituer un Etat technique à l’Etat militaire et juridique », se méprenant d’ailleurs sans doute sur les buts de Peyerimhoff il appelait à la solidarité : « Il faut que les équipes du néo-capitalisme et les équipes du néo-syndicalisme bousculent les équipes de juristes et de lettrés et les équipes de romantiques insurrectionnels »151. Il est vrai que ce discours a un sens par rapport à la personnalité de Peyerimhoff, mais sans doute moins par rapport aux intérêts qu’il représente et dont il est un défenseur sourcilleux. Dans ses souvenirs, il peut ainsi écrire à propos du travail effectué au Comité des houillères : « J’ai parcouru la vingtaine de rapports de l’Assemblée Générale où nous rendions compte sous ma plume de l’activité du Comité. Le ton s’en révèle d’un conservatisme assez « haut de col ». Question de psychose professionnelle et surtout de tour de table. Etant par la force des choses « organiquement » défensive, elle [notre attitude] ne pouvait pas ne pas revêtir un constant aspect de conservatisme. Nous étions là pour faire frein aux initiatives excessives ou mal ordonnées. Mais le frein collabore à la bonne marche du char. Il faudrait l’inventer s’il n’existait pas »152. Notation de fond et de forme qui ne peut être ici négligé, dès lors que la plupart des témoignages critiques contre Peyerimhoff font souvent ressortir un ton hautain et une vision quelque peu aristocratique de l’économie (voir de la politique).
Le texte de la conférence faite à Berlin en décembre 1928153 est central ici dès lors qu’il apparaît comme la plus forte élaboration doctrinale de Peyerimhoff. Souvent cité, il est hélas parfois sommairement interprété154. Le plus souvent il est utilisé pour « opposer sa réelle figure à celle d’un représentant typique d’un capitalisme conservateur attaché à ses privilèges »155. Dans ce texte, Peyerimhoff discute de ses thèmes favoris : l’étatisme (toujours condamnable), les Konzern, cartels et ententes (positifs sous certaines conditions), le rôle du syndicalisme patronal. Le thème des ententes est un sujet qui lui est cher et il le défend régulièrement contre des attaques qui viennent de tout côté156. Il livre en une phrase le résumé de son action à la tête des houillères et le sens de sa confrontation à l’Etat : « Personne mieux que la profession ne sait ce qui est utile à la profession »157. Il appelle à une collaboration ouverte entre patronat et salariés158 et n’hésite pas à prendre des exemples anglais ou suédois. Il rêve même d’un monde de la paix sociale entièrement contractuel où la loi ne serait plus nécessaire : « Le symptôme décisif du succès de cette orientation serait évidemment qu’il ne fût plus nécessaire de recourir ni au législateur ni même à l’administration, les usages de la profession et ses décisions internes en cas de conflit devant suffire à départager et à régler les rapports entre ses membres »159.
Il souligne plus largement la nouvelle importance des thèmes économiques dans le fonctionnement même de l’Etat : « L’Etat de 1850 était une machine juridique et une machine militaire. L’Etat de 1930 est, avant tout, une machine économique »160. Face à cette mutation, il s’interroge sur le fait de savoir si après la « Goetterdämmerung », les hommes de sa génération assistent à une « sorte de Crépuscule des Parlements ». A partir des différentes expériences nationales, sa réponse est nuancée. Tout en regrettant que les institutions existantes aient une « autorité très faible » et un « rendement pratique à peu près nul »161, il refuse toute dépossession généralisée du politique au nom de la formule « A chacun son métier »162.
Son appréhension de l’Etat est typique de ces élites patronales qui recomposent leur vision des politiques économiques tout en refusant une intrusion trop directe dans leur domaine d’activité. En 1929, il écrit ainsi : « Son rôle n’est pas d’exercer des fonctions économiques, d’être industriel ou commerçant, mais d’innerver, de coordonner, de contrôler. Que l’Etat renonce donc délibérément aux fonctions parasitaires qu’il a momentanément prises en charge et qu’il remplit mal, pour exercer sa véritable mission de contrôle, qu’il n’exerce qu’insuffisamment »163. Il est vrai que ce discours là est peu original dans un milieu patronal qui après la Première Guerre mondiale lutte contre les nouvelles formes d’intervention étatique.
Il est intéressant de noter que la position spécifique de Peyerimhoff, rationalisateur mais antiétatiste, est bien perçue par certains analystes économiques après la Seconde Guerre mondiale qui soulignent que Peyerimhoff est un bon exemple pour comprendre que « la politique économique est ressentie comme un besoin par tous, même par ceux qui se disent parfaitement libéraux »164.
Au-delà des doctrines énoncées par Peyerimhoff, reste à saisir sa pratique réelle et en particulier dans la confrontation au monde politique. Ses amitiés sont claires et son manuscrit de souvenirs les rappelle, il est un proche de Louis Marin, son condisciple nancéen (ainsi que d’un autre lorrain, son collègue du Conseil d’Etat André Maginot), et un ami et admirateur de Lyautey. Des liens le portent vers Tardieu, mais il semble être resté en bons termes avec son condisciple du Palais-Royal Léon Blum. Ses interventions un peu vives auprès de certaines figures politiques de premier plan peuvent aussi être mal reçues165.
Mais plus précisément, ce sont les liens entre son rôle au Comité des houillères et la vie politique qui méritent l’attention. Il semble certain que le Comité finance, via l’Union des Intérêts Economiques, certaines campagnes électorales, mais il est difficile d’en dire beaucoup plus. Le cadre des élections de 1924 permet d’être un peu plus précis. En effet, le Cartel des Gauches au pouvoir crée à la Chambre une Commission d’enquête parlementaire « chargée de rechercher l’origine et l’emploi des fonds réunis par la Caisse électorale de l’Union des Intérêts Economiques »166. Les députés socialistes qui déposent la proposition de loi créant cette Commission indiquent bien que ce sont les syndicats patronaux qui sont visés : « Nous avons la conviction que les nombreux millions réunis par l’Union des intérêts économiques pour sa campagne contre la démocratie et les monopoles de l’Etat proviennent moins d’individualités que de consortiums constitués par la loi ou à l’abri de la loi pour des fins d’intérêt économique et non pour une action purement politique »167.
Dans sa déposition devant cette Commission, Peyerimhoff explique son action et ses raisons. Alors qu’il est attaqué, il répond calmement sur sa vision du lobbying politique : « Un industriel, sachant le poids que pèse une loi mal faite, un règlement mal conçu dans la vie de la nation, connaissant les graves conséquences de finances nationales pillées ou non équilibrées, d’un amoindrissement de la nation au dedans et au dehors, conscient des répercussions de tout cela, sur son entreprise et sur la force productive du pays dont il est une fraction responsable, un industriel qui se désintéresserait de ces questions ne serait pas seulement un mauvais industriel, mais il serait un mauvais citoyen »168. Il donne ensuite des exemples, critiquant la rigidité de la loi de 1919 sur la durée du travail dans les mines et attaquant la proposition de loi sur la nationalisation industrialisée des mines qu’il dénonce comme « un poème de candeur et d’ignorance »169. Mais au-delà de la défense de ces positions, il va plus loin sur les rapports entre argent et politique : « Je ne vois vraiment d’objection [aux financements de l’UIE] qui pourrait être faite que de la part de ceux qui ont préféré d’autres concours. Je le dis franchement parce que nous sommes en présence de réalités. La fondation ou l’exploitation d’un journal et la conduite d’une campagne électorale en solitaire à l’heure actuelle – nous sommes entre gens expérimentés – c’est un sport de multimillionnaire. On est donc en présence de contingences plus ou moins regrettables mais qui s’imposent »170. Aux questions précises du président de la Commission sur le montant des sommes versées par les houillères à l’UIE, il refuse de répondre, mais il a clairement exposé les raisons de ses pratiques. La procédure perdure en 1926, non sans parfois de fortes tensions entre Peyerimhoff et de Wendel. En désaccord avec l’UIE de Billiet sur la stabilisation, Peyerimhoff veut lui couper une partie des financements et c’est de Wendel en personne qui prend position au nom de sa propre participation à la caisse des houillères171.
De même, de Wendel accuse Peyerimhoff d’être trop proche de certains leaders radicaux, argumentant qu’il aurait été franc-maçon dans la même loge que Maginot172. Enfin, le soutien de Peyerimhoff à la Fédération politique de Louis Marin est fondé sur une amitié personnelle beaucoup plus que sur un accord idéologique. Son implication politique s’exprime aussi avec ses interventions jumelées à celles de de Wendel sur les questions de presse. L’affaire la plus célèbre est celle de la reprise du Temps. Pour une fois, Peyerimhoff et de Wendel sont alliés contre d’autres figures influentes du grand patronat, mais davantage pour neutraliser leurs pouvoirs respectifs173.
Sa position au CNE semble s’être durcie après 1936, mais il reste difficile d’apprécier son action réelle. Des notes de police le dénoncent comme tentant d’acheter le Parti social français de La Rocque et achetant le Parti populaire français de Doriot174.
Parmi les dénonciations d’extrémisme politique et de complot politique, on dénonce parfois Peyerimhoff comme un des membres de la Synarchie. Le fonctionnement du mythe du complot oblige à relativiser de telles accusations répétées par des commentateurs à la fiabilité discutables175.
Le poids sur la politique par l’arme pécuniaire semble maintenu pour Peyerimhoff à la Libération, si on suit Jean-Noël Jeanneney qui parle de « réunions hebdomadaires officieuses » réunissant le général de Serrigny (Pétroles), Mercier, Peyerimhoff et François de Wendel176. Dans le même temps, les divisions de la guerre s’exacerbent dans de curieuses alliances. Par le témoignage de Louis Marin, on sait que Peyerimhoff essaye de faire financer la campagne de Marin et de la Fédération à l’automne 1945, mais l’entrevue qu’il organise entre son ami et des représentants d’autres parties du patronat se passe particulièrement mal. Le court récit s’achève sur une participation solitaire de Peyerimhoff à la campagne électorale de Marin177.
L’action d’Henri de Peyerimhoff durant la Seconde Guerre mondiale semble peu importante, mais nous sommes ici en défaut de sources178. Pendant le début du conflit, il travaille avec l’équipe de Dautry à l’armement179. Un témoignage précise qu’avec d’autres représentants patronaux, il arrive à Vichy à l’été 1940, mais on n’en sait guère plus180. On rapporte par contre avec le témoignage de René Belin que la dissolution de la CGPF, du Comité des forges et du Comité des houillères le 9 novembre 1940 le font réagir. Il aurait écrit une lettre au maréchal Pétain, dont des extraits sont cités par Georges Lefranc : « La place de choix dans le communiqué, l’isolement voulu de ces deux grandes associations, les commentaires de presse, tout marque à leur égard une volonté expresse de réprobation… Tout se passe comme si pour combattre une certaine démagogie, on se croyait obligé d’en honorer une autre et pas beaucoup plus noble ; comme s’il était nécessaire de nourrir à nouveau les slogans les plus vides de substance qu’on voit refleurir aujourd’hui comme au plus beau temps du Front Populaire »181. L’opposition de Peyerimhoff à l’intervention étatique (renforcée ici par la création du Comité d’organisation du charbon) n’est peut-être pas que de pure forme182.
A la Libération, la grande question pour H. de Peyerimhoff est celle de la nationalisation de l’industrie houillère. Peyerimhoff écrit même une longue lettre au général de Gaulle le 15 octobre 1944183. Au début de la lettre, il affirme que sa position nouvelle (il a refusé d’être reconduit à la tête de son organisation patronale) lui laisse une liberté de parole plus importante. Il présente la position patronale de manière originale en écrivant : « Nous ne sommes, Monsieur le Président, ni butés, ni bornés », mais aussitôt il attaque la hausse de 66% du salaire de base de l’industrie houillère et les conséquences monétaires de cette situation. La deuxième partie de la lettre concerne la question de la nationalisation. Il s’attaque d’abord à l’accusation de « trust » portée contre l’industrie houillère, puis il répond vivement aux campagnes de presse et s’explique en se dépeignant lui-même : « De quoi s’agit-il alors ? S’agit-il de pourchasser l’ombre falote des deux cents familles ? Mais où voit-on que les rares représentants encore en place tiennent aujourd’hui les leviers de commande ? Presque partout ce sont des hommes d’action, techniciens ou financiers, manégés aux problèmes de l’économie et de la gestion. Celui qu’une certaine presse dénonce quotidiennement comme le chef du trust minier est un modeste hobereau alsacien, petits-fils du vieux chef protestataire encore légendaire à Colmar. Il a débuté sans plus de patrimoine important que de relations industrielles et ne doit sa situation qu’à ce que les siens ont pu lui léguer de goût du travail et de caractère »184. Le reste de la lettre est un appel à la fermeté gouvernementale : « Rien ne sera obtenu tant que l’autorité gouvernementale qui se cherche encore si laborieusement ne se sera pas, à votre appel et grâce à votre fermeté, retrouvée », mais aussi une exigence qu’aucune « réforme irréversible » ne soit effectuée sans l’accord d’un « Parlement régulièrement constitué ».
Lorsque Henri de Peyerimhoff se présente à l’Institut, la présentation de sa situation est en fait un état objectif de la transformation de ses fonctions : « Un décret de décembre 1940 ayant dissout le Comité des Houillères ; les charbonnages et la grande chute d’eaux, dont M. de Peyerimhoff présidait la gestion ayant été nationalisés, son activité et sa responsabilité professionnelle ont de ce double fait été détendues au profit des questions générales, des travaux personnels et de la vie familiale »185. Son lien avec les houillères reste cependant très présent. Ainsi son épée d’académicien lui est offerte par les gens du charbon. Emile Marterer, qui lui remet son épée, lui apporte « les félicitations de la vieille famille des houillères, de cette famille que, pendant un tiers de siècle, [il a] personnifiée avec éclat »186. Marterer ajoute d’ailleurs un portrait de l’homme de lobby lié à l’évolution de l’industrie française du charbon : « Pendant un tiers de siècle, vous avez usé de ces dons pour défendre la cause d’une profession qui, longtemps, a eu la disgrâce de symboliser, avec les Forges, le capitalisme abhorré. Vous l’avez fait avec la dignité et l’élégance qui vous sont propres, et avec une indépendance totale à l’égard des hommes au pouvoir. Aucun de nous n’a oublié ces luttes, qui ne se terminèrent que le jour où – avec d’autres – notre industrie fut définitivement condamnée par une panbéotie ignare et outrecuidante ».
Son entrée à l’Institut est aussi pour Peyerimhoff l’occasion, en prononçant l’éloge de son prédécesseur, Raoul Dautry, de rappeler des souvenirs et des expériences partagées, comme celle du Conseil national économique187. Le Président de l’Académie souligne d’ailleurs dans son allocution à l’occasion du décès de Peyerimhoff que ce discours d’intronisation avait été « l’éloge d’une vie qui ressemblait à la sienne »188.
Dans les dernières années de sa vie, Peyerimhoff est associé à une dernière opération d’influence et de montage financier. Contre Le Monde de Beuve-Méry, est lancé en 1952 un projet créant le Temps de Paris, qui semble soutenu par Ernest Mercier et Peyerimhoff avant sa mort189.
La déclaration de succession d’Henri de Peyerimhoff190 apporte des renseignements précis sur le patrimoine établi par le chef de famille et sur ses différentes fonctions. La fortune est importante pour quelqu’un qui n’avait pas un capital familial considérable, qui n’était pas héritier d’une entreprise et qui n’était pas un propriétaire industriel.
Peyerimhoff est en tout cas représentatif d’une forme de dirigeant du syndicalisme patronal spécifique : les « fonctionnaires patronaux »191. Plus largement, il est bien dans la ligne de mire de Marcel Déat, encore tête pensante du courant néo-socialiste qui dénonce des « ingénieurs politiques », expliquant que « le capitalisme travaille depuis la guerre à former des hommes à lui, de véritables ingénieurs politiques, qui le représenteront au pouvoir, et mettront à son service une technicité d’un nouveau genre. Telle a été la très intelligente combinaison mise sur pied par feu Robert Pinot et continuée par M. Lambert-Ribot et M. de Peyerimhoff »192. Ce même thème a souvent été remarqué par les historiens spécialistes du patronat et il est vrai que la liste est longue des dirigeants syndicaux patronaux qui n’étaient pas des entrepreneurs à l’origine : Robert Pinot au Comité des forges, Claude-Joseph Gignoux à la CGPF, André François-Poncet à la Société d’Etudes et d’Informations Economiques, Jacques Lacour-Gayet à la Fédération nationale des entreprises à commerces multiples, Max Hermant au Comité des assurances, Alfred Lambert-Ribot et Adolphe Pichon à l’UIMM193, Marcel Peschaud au Comité de direction des grands réseaux, Alexandre de Lavergne à la CGPF, Jacques Tardieu pour les assurances et à la Chambre de Commerce de Paris, Pierre Caillaux du Syndicat professionnel des producteurs et des distributeurs d’énergie électrique (les six derniers étant d’anciens membres du Conseil d’Etat). Le décès de Peyerimhoff en 1953 correspond aussi à la disparition de la scène économique de toute une série d’acteurs patronaux de premier plan ; tels Louis Marlio ou Ernest Mercier.
Ecrire une telle biographie n’est pas chose aisée en l’absence d’archives privées massives. La richesse du tapuscrit de souvenirs et les nombreuses sources imprimées ne permettent qu’imparfaitement de connaître cette figure de l’entre-deux-guerres. L’objectif de cette étude a surtout consisté à rassembler toute une série d’éléments et à sourcer précisément des informations souvent répétées mais aussi parfois déformées. Il s’est agit surtout de montrer combien l’action spécifique de ce « fonctionnaire patronal » à la tête du Comité central des houillères ne pouvait se comprendre sans analyser l’ensemble de ces expériences administratives, économiques et sociales (comme en particulier au Conseil national économique).
Figure atypique et d’un autre temps industriel194, on ne s’étonne pas que la nécrologie que lui consacre la Chambre de commerce internationale s’achève de manière originale : « On ne peut relire ses lettres et ses discours sans penser à Montaigne. C’est le plus bel hommage que puisse mériter un homme d’affaires du XXe siècle »195. L’auteur anonyme de cette notice rejoint assez bien les derniers mots de son « testament spirituel » livré dans son volume de souvenirs, témoignage d’une carrière et d’une existence héritière d’une formation classique et internationale : « S’il fallait, en un mot, donner consigne, disons plutôt un conseil, à ceux, garçons ou filles qui me suivront dans la vie, je crois que je leur dirais simplement : « be a Gentleman », le mot couvrant, à mon sens, l’éventail complet de nos activités et constituant, en cas d’hésitation, un rappel de corde efficace et qu’il ne s’agit pas de rendre automatique »196.
1 Une première version plus brève de ce texte a donné lieu à une publication : « Henri de Peyerimhoff (1871-1953), le gentleman du charbon », in Olivier DARD et Gilles RICHARD dir., Les permanents patronaux : éléments pour l’histoire de l’organisation du patronat en France dans la première moitié du XXème siècle, Metz, Centre de recherche histoire et civilisation de l’Université Paul Verlaine de Metz, 2005, pp. 45-73.
2 Je remercie vivement Olivier Dard, François Denord, Danièle Fraboulet, Hervé Joly et Claire Lemercier pour leurs aides documentaires et leurs remarques sur la première version de ce texte.
3 Déposition de M. de Peyerimhoff, p. 187, Procès-verbaux de la Commission d’enquête sur les conditions dans lesquelles le Comité de l’Union des Intérêts Economiques est intervenu dans la dernière campagne électorale, ainsi que sur l’origine des fonds ayant servi à tous les partis en 1924, réunis au nom de la commission par M. P.Renaudel, président et par M. Delthil, rapporteur général, Impressions parlementaires, Chambre des députés, session extraordinaire de 1925, n°2098 (1ère annexe), séance du 19 novembre.
4 J. KERGOAT, La France du front populaire, La Découverte, 1986, note 8, p. 36. L’auteur l’associe à E. Mathon et E. Mercier, sans aucune référence précise.
5 Sans ouvrir ici le débat, on a conscience de positions différentes exprimées par l’article classique de P. BOURDIEU, « L’illusion biographique », pp. 69-72, Actes de la recherche en sciences sociales, n°62-63, juin 1986, la contribution de P. LEVILLAIN, « Les protagonistes : de la biographie », pp. 121-159, in R. REMOND dir., Pour une histoire politique, Seuil, 1988, mais aussi l’article programmatique avant l’achèvement du monumental Saint-Louis, de J. LE GOFF, « Comment écrire une biographie historique aujourd’hui ? », Le Débat, 54, 1989, et l’article de G. LEVI, « Les usages de la biographie », p. 1325-1336, Annales E.S.C., 6, novembre-décembre 1989. Toutes ces analyses ont à la fois relativisé les récits trop linéaires d’itinéraires reconstruits et montré l’inscription sociale des individus dans des milieux sociaux sans que la biographie ne puisse avoir un caractère représentatif simpliste.
6 S’il n’a pas le renom d’un François de Wendel ou même d’un Robert Pinot, la comparaison avec ses anciens collègues du Conseil d’Etat : Alfred Lambert-Ribot et Alexandre de Lavergne s’impose. Il semble cependant être par le contrôle qu’il exerce sur toute l’industrie houillère plus puissant et reconnu comme tel par certains spécialistes. On trouve ainsi sa photo (p. 140) dans la somme collective écrite sur le patronat français après la Seconde Guerre mondiale, J. BOUDET dir., Le monde des affaires en France de 1830 à nos jours, Paris, Société d’édition de dictionnaires et encyclopédies, 1952. Jean-Noël Jeanneney parle à son propos d’un « personnage considérable », in J.-N. JEANNENEY, L’argent caché. Milieux d’affaires et pouvoirs politiques dans la France du XXe siècle, Paris, Fayard, 1981, p. 36. La relative discrétion du personnage se retrouve cependant dans le fait qu’il est rarement présent (ou à des occurrences uniques) dans les index d’ouvrages historiques consacrés à l’histoire économique et sociale de la France de la première moitié du XXe siècle.
7 Pas d’archives privées, peu d’archives publiques, un fonds important n’a cependant pu ici être consulté, il s’agit de celui du Comité central des houillères de France, conservé au Centre des archives du monde du travail à Roubaix, documents cotés 40 AS 1 à 271.
8 La seule étude un peu détaillée est celle de C. PAILLAT, « Grand commis patronal et image du capitalisme de la IIIe République : Henri de Peyerimhoff », pp. 70-80, in Dossiers secrets de la France contemporaine, tome II, La victoire perdue 1920-1929, Paris, éditions Robert Laffont, 1980.
9 E. GIRARDEAU, Notice sur la vie et les travaux de H. de Peyerimhoff de Fontenelle (1871-1953), Paris, Typographie de Firmin-Didot et Cie, 1955, 14 p.
10 Notice sur les titres de Henri de Peyerimhoff, Paris, Gauthier-Villars, éditeur, 1951, 3 p.
11 La plus détaillée, mais très discutable dans son esprit, est celle sur « Peyerimhoff (famille de) », pp. 438-441, in H. COSTON dir., Dictionnaire des dynasties bourgeoises et du monde des affaires, Paris, éd. Alain Moreau, 1975. Les biographies contenues dans les dictionnaires contemporains n’apportent aucun élément original et répètent parfois des approximations. Sur l’ensemble de la famille, on dispose maintenant d’une série de notices, pp. 2976-2980, dans J.-P. KINTZ dir., Nouveau dictionnaire de biographies alsaciennes, Strasbourg, Fédération des sociétés d’histoire et d’archéologie d’Alsace, vol. 29, 1997.
12 H. DE PEYERIMHOFF, Souvenirs (1871-1953), Montpellier, s.d., 425 p. Ce volume a été consulté auparavant à la Bibliothèque nationale d’où il semble avoir disparu… Sa consultation a ici été réalisée à la Bibliothèque de l’Institut où il est conservé sous la cote N.S. 12523 in-4°. Le tapuscrit s’organise autour de quatre parties : la formation (avant 1898), l’Algérie (1898-1906), les affaires (1907-1914) et les affaires (1914-1953), la IVe partie étant la plus lacunaire sur de nombreux épisodes et activités de Peyerimhoff. Pour justifier son entreprise, Peyerimhoff écrit dans son avant-propos : « Toute bonne lignée doit avoir le sens de sa continuité et aussi la connaissance de celle-ci », p. 4.
13 Son existence est mentionnée dans les travaux de J.-N. Jeanneney, ainsi que dans les livres plus récents de R. DE ROCHEBRUNE et J.-C. HAZERA, Les patrons sous l’occupation, Paris, Odile Jacob, 1995, et de J. GARRIGUES, Les patrons et la politique : de Schneider à Seillière, Paris, Perrin, 2002.
14 Les informations ici utilisées proviennent de la première partie du volume de souvenirs (p. 8-98). On ne peut utiliser ici les très intéressants témoignages sur la vie provinciale des notables à la fin du XIXe siècle qui y sont aussi contenus.
15 H. DE PEYERIMHOFF, Souvenirs…, op. cit., p. 30.
16 Ibid., p. 45.
17 Après Agro, Paul de Peyerimhoff fait l’Ecole des eaux et forêts de Nancy et devient inspecteur général des eaux et forêts en Algérie de 1904 à 1950. Il est aussi un spécialiste des coléoptères, correspondant de l’Académie des Sciences à partir de 1938.
18 H. DE PEYERIMHOFF, Souvenirs…, op. cit., p. 99.
19 Il écrit à son propos : « Il avait déjà cette agilité d’esprit, cette clarté d’expression et cette pureté de langue, qui devaient faire de lui au Conseil d’Etat le plus remarquable des Commissaires du Gouvernement, en même temps qu’un chroniqueur aussi nourri que perspicace », Ibid., p. 102. On se permet de renvoyer sur ce point à notre article à paraître : « Léon Blum et le Conseil d'Etat. Notes sur une expérience institutionnelle et ses réseaux », in Cahiers Léon Blum.
20 Dossier personnel Henri de Peyerimhoff, Archives du Conseil d’Etat.
21 Peyerimhoff aura de sa femme cinq enfants : Bernard (1896), Simon (1897), Jacques (1898), Nicole (1902) et Ariane (1904). Sa épouse meurt en 1924 et il se remarie en 1930.
22 Son manuscrit fournit d’ailleurs une assez belle série de portraits des membres du Conseil d’Etat au début du siècle.
23 H. DE PEYERIMHOFF, Souvenirs…, op. cit., p. 4-5. Cf. P. GONOD, Edouard Laferrière, un juriste au service de la République, Paris, LGDJ, 1997, pp. 323-421.
24 Une partie de ses mémoires sur cette question sont publiées après sa mort : H. DE PEYERIMHOFF, « Souvenirs sur la colonisation algérienne », Revue des deux mondes, 1er mars 1954, pp. 125-137.
25 H. DE PEYERIMHOFF, Enquête sur les résultats de la Colonisation Officielle de 1871 à 1895. Rapport à M. Jonnart, gouverneur général de l’Algérie, Alger, Imprimerie Torrent, 1906, 2 vol.
26 H. DE PEYERIMHOFF, « Eugène Etienne, son œuvre coloniale », Questions diplomatiques et coloniales, XXIV, 258, 16 novembre 1907, pp. 625-628.
27 H. DE PEYERIMHOFF, « Deux gouverneurs : Laferrière et Révoil », Revue Politique et Parlementaire, 426, 10 mai 1930, pp. 188-205. Pour justifier le double portrait, Peyerimhoff écrit une introduction mettant les deux gouvernements en parallèle et conclut : « Et enfin voici qui les rapprochera peut-être plus étroitement encore. C’est le double culte affectueux et fidèle que garde à leur mémoire celui qui, après avoir eu l’honneur – et aussi la joie, - de servir avec eux, à la charge d’en retracer ici l’image » (p. 188). L’éloge des hauts fonctionnaires laisse parfois la place à la rancœur face aux autorités politiques de tutelle.
28 H. DE PEYERIMHOFF, « Les forces nouvelles en formation dans l’Afrique du Nord », Revue Politique et Parlementaire, 169, 10 juillet 1908, pp. 213-244. Ce texte issu d’une conférence à la Société des anciens élèves de l’Ecole libre des sciences politiques est republié dans le collectif Les forces productives de la France, Paris, Félix Alcan, 1908.
29 H. DE PEYERIMHOFF, « [Discours][L’Administration] », in Une œuvre française l’Algérie, Paris, Félix Alcan, 1929, pp. 138-162. Recueil des conférences organisées par la Société des anciens élèves de l’Ecole libre des sciences politiques.
30 Décret du 25 avril 1929, reproduit dans le Cahier du Centenaire de l’Algérie, XII, Paris, Publication du Comité national métropolitain du centenaire de l’Algérie, p. 51.
31 Annuaire du Conseil d’Etat, Paris, Imprimerie nationale, 1905.
32 Série de courriers de 1905 et 1907, dossier personnel Henri de Peyerimhoff, Archives du Conseil d’Etat. Sur ce sujet et en particulier le rôle du Vice-Président Georges Coulon, cf. R. VANNEUVILLE, « Le Conseil d’Etat au tournant du siècle, raison politique et conscience légale de la République », pp. 97-108, in M. O. BARUCH et V. DUCLERT dir., Serviteurs de l’Etat. Une histoire politique de l’administration française 1875-1945, Paris, La Découverte, 2000. On peut également se reporter à E. ELMS, « Le Conseil d’Etat 1879-1914 », Etudes et documents, 45, 1993, pp. 429-463.
33 Pour un récit détaillé de cet épisode, cf. pp. 231-232, H. DE PEYERIMHOFF, Souvenirs…, op. cit.
34 Il s’agit de l’élément le plus original du texte de Claude Paillat (le début de l’article reprenant des extraits du manuscrit de souvenirs sans préciser les citations). C. PAILLAT, « Grand commis patronal… », art. cit.
35 « Avec d’anciens d’HEC, Cheminais organise un groupe d’études de droit bancaire, comprenant une dizaine de membres, et un second avec des avocats. Cela s’explique par le développement de notre système fiscal de moins en moins simple. Des réunions régulières de travail permettent de véritables consultations, où Cheminais, qui est aussi chargé de suivre les travaux parlementaires, trouve des éléments pour préparer des amendements aux projets de lois que l’on transmet aux députés « amis » du Comité… Esquerré, secrétaire particulier du sénateur Japy, industriel connu, informe Cheminais des travaux des commissions du Parlement. », Ibid., p. 78-79.
36 Archives du CCHF, AG du 18 janvier 1908 et état des recettes et dépenses de 1907 ; citées par M. GILLET, Les charbonnages du Nord de la France au XIXe siècle, Paris-La Haye, Mouton, 1973, p. 213. Il ajoute que les rétributions ont été portées en 1908 à 15000 F pour Gruner et 20000 F pour Peyerimhoff.
37 M. GILLET, Les charbonnages…, op. cit., p. 218.
38 H. DE PEYERIMHOFF, Souvenirs…, op. cit., p. 236.
39 Ibid., p. 237.
40 Ibid., p. 247.
41 Ibid., p. 256.
42 Allocution prononcée par H. de Peyerimhoff le 17 décembre 1926, Henry Darcy, 1840-1926, Paris, Gauthier-Villars, 1926, p. 9.
43 Sur ces ingénieurs, on ne peut que conseiller le remarquable site internet des Annales des Mines : http://annales.org/archives.
44 « Discours de M. de Peyerimhoff », Elie Reumaux, Ingénieur de l’Ecole supérieure des mines de Paris… président du conseil d’administration de la Société des mines de Lens. 1838-1922, Lille, Imp. L. Danel, 1923.
45 G. RIPERT, « Allocution prononcée à l’occasion des décès de MM. Henri de Peyerimhoff et Jacques Lacour Gayet », séance du 21 septembre 1953, Revue des travaux de l’Académie des sciences morales et politiques et comptes rendus de ses séances, 2e semestre 1953, p. 122.
46 H. DE PEYERIMHOFF, Souvenirs…, op. cit., p. 253.
47 « C’est pendant que Peyerimhoff était le principal animateur du Comité que l’effort social des houillères françaises devint très remarquable : le sursalaire familial fut institué progressivement dans les divers charbonnages, de 1908 à 1917, donc bien avant la loi de 1932 instituant les allocations familiales. Le régime de la convention collective, qui avait été établi dès 1889 dans le bassin du Nord et du Pas-de-Calais, donnait lieu à de libres discussions, grâce à quoi dix-huit avenants purent être conclus de 1919 à 1932 sans troubles sociaux. Des congés payés avaient été institués par un accord de 1930. Depuis 1867, les compagnies minières s’étaient appliquées au problème du logement. » , E. GIRARDEAU, Notice sur la vie…, p. 8.
48 D. COOPER-RICHET, Le peuple de la nuit. Mines et mineurs en France, XIXe-XXe siècles, Paris, Perrin, 2002, p. 124.
49 H. DE PEYERIMHOFF, « Préface », in A. PAIRAULT, L’émigration organisée et l’emploi de la main-d’œuvre étrangère en France, Paris, PUF, s.d. [sans doute 1927, la préface est datée décembre 1926].
50 « Le Comité central des Houillères accepte plus facilement de dialoguer et de coopérer avec l’Office d’Emigration. On pourrait donc croire que les relations vont s’améliorer avec le temps puisque le CCHF occupe de plus en plus le terrain. Or, habileté suprême de Henri de Peyerimhoff, lorsque l’organisme polonais le gêne, il fait intervenir la Mission. Son attitude, apparemment plus souple, est en réalité très efficace. Il utilise l’Office d’Emigration mais ne lui cède en rien, sur l’essentiel », J. PONTY, Polonais méconnus, histoire des travailleurs immigrés en France dans l’entre-deux-guerres, Paris, Publications de la Sorbonne, 1988, p. 55.
51 « Les employeurs réservent un accueil favorable aux aumôniers, encouragés en cela par Henri de Peyerimhoff qui, au nom du CCHF a fait observer dès 1920 aux directeurs des compagnies minières l’intérêt qui réside à favoriser la reconstitution d’un milieu national polonais autour de leurs entreprises : « L’esprit polonais attache une grande importance aux avantages de cet ordre » (CCHF, carton 7, circulaire 608, 26 novembre 1920). », Ibid., p. 149.
52 « Les compagnies houillères aident à la reconstitution d’un milieu national polonais dans les cités avoisinant les puits de mines. L’on peut y déceler le souhait de mieux encadrer les étrangers, donc de les préserver des influences, jugées pernicieuses, du prolétariat local. A cette interprétation, indéniable, ajoutons notre conviction qu’un homme tel Henri de Peyerimhoff sut percer les besoins réels des Polonais en exil »., Ibid., p. 384.
53 Lettre de Peyerimhoff aux directeurs d’usine le 3 mai 1912, CAMT, 40 AS 61, cité par H. FROUARD, Les politiques patronales du logement en France (1894-1944) : de l’initiative privée au devoir national, thèse de doctorat d’histoire de l’art, Université Paris I, 2003, p. 80.
54 On dispose de peu d’analyses de ce type concernant les groupements patronaux français, à l’exception de la démarche novatrice de D. FRABOULET, Les organisations patronales de la métallurgie : acteurs, stratégies et pratiques durant le premier 20e siècle, thèse d’habilitation à diriger des recherches, Université Paris VIII, 2004.
55 « Henri de Peyerimhoff défendait, avec application et dynamisme, les intérêts de la Compagnie des mines d’Anzin et plus largement des charbonnages, dans les instances de décision de la branche électrique. », M. LEVY-LEBOYER et H. MORSEL dir., Histoire générale de l’électricité de France, II, L’interconnexion et le marché 1919-1946, Paris, Fayard, 1994, pp. 266-267.
56 Par exemple en août 1915 contre le projet Sembat-Blum soutenu par de Wendel, cf. J.-N. JEANNENEY, François de Wendel en République. L’Argent et le pouvoir 1914-1940, Paris, Le Seuil, 1976, p. 45-46. Le conflit est plus important encore sur un tarif différentiel entre Charbons du Nord et Houillères de Moselle en septembre 1922, de Wendel parle de « guerre ouverte » avec Peyerimhoff, Ibid., p. 149.
57 Notice sur les titres de Henri de Peyerimhoff, op.cit.
58 H. DE PEYERIMHOFF, « Les Charbonnages français », pp. 137-162, Le Musée Social, Mémoires et Documents, Supplément aux Annales, juin 1913, 6.
59 H. DE PEYERIMHOFF, « Le problème houiller », pp. 51-74, La Revue de Paris, 1er novembre 1925.
60 H. DE PEYERIMHOFF, « Le Charbon », pp. 835-861, La Revue des deux mondes, avril 1931. L’article s’inscrit dans une série intitulée « Les Cahiers de l’industrie française ».
61 H. DE PEYERIMHOFF, « Le problème du charbon », pp. 391-394, Semaines sociales de France, Lille, XXIVe session,, 1932, Paris et Lyon, J. Gabalda et E. Vitte, 1933. Le thème des semaines de cette année 1932 portait sur « le désordre de l’économie internationale et la pensée chrétienne ».
62 A. HAMON et XYZ, Les maîtres de la France, I, II et III, Paris, éditions sociales internationales, 1936, 1937 et 1938. Peyerimhoff est cité comme administrateur de l’Union industrielle de crédit pour la reconstitution, du Crédit national, de l’Ecole libre des Sciences Politiques, de l’Omnium, des Phosphates d’Algérie, de la Société constantinoise d’énergie électrique et comme membre du conseil de surveillance de la Société algérienne de navigation pour l’Afrique du Nord. Une pareille liste est dressée dans H. COSTON dir., Dictionnaire des dynasties bourgeoises…, op. cit., p. 439.
63 C’est le cas chez Hamon, cela l’est aussi dans le numéro spécial sur les « 200 familles » en mars 1936 du journal Le Crapouillot, cité in J. GARRIGUES, Les patrons et la politique, de Schneider à Seillière, Paris, Perrin, 2002, p. 154.
64 Tardieu, dans une lettre de février 1934, indiquerait que le « mur d’argent » a cinq piliers : Peyerimhoff des houillères, Wendel des forges, Hermant des assurances, Duchemin de la Production française et Mercier de l’électricité, G. RIOND, Chroniques d’un autre monde, Paris, France-Empire, 1979 cité par J. GARRIGUES, Les patrons et la politique…, op. cit., p. 173.
65 Je remercie François Denord de m’avoir fait profiter de son dépouillement de l’Annuaire Chaix de 1939.
66 R. POIDEVIN, Les relations économiques et financières entre la France et l’Allemagne de 1898 à 1914, Paris, CHEFF, 1998, pp. 475-480. La référence la plus détaillée (d’ailleurs citée dans le manuscrit de souvenirs d’H. de Peyerimhoff) reste E. STALEY, « Mannesmann Mining Interests and the Franco-German Conflict over Morocco », The Journal of Political Economy, 40-1, Février 1932, pp. 52-72. L’auteur de l’étude avait interviewé Peyerimhoff lors de sa recherche en Europe (note 18, p. 61 et note 24, p.64).
67 Eugène Staley résume ainsi l’affaire : « The story of Mannesmann episode affords a striking illustration of the fact that, under the present nationalistic system of providing protection for the rights of investors abroad, the extent of the protection actually accorded depends not alone, nor even primarily, upon the justice of the investor’s cause but upon two extraneous factors : (1) the influence which the investor can bring to bear upon his home government, and (2) the situation which happens to prevail in the sphere of world politics », E. STALEY, « Mannesmann Mining... », art. cit., p. 72.
68 On peut se reporter à la présentation de l’affaire par Peyerimhoff, in H. DE PEYERIMHOFF, Souvenirs…, op. cit., p. 286-292.
69 Deux articles d’H. de Peyerimhoff sont publiés sous couvert d’anonymat : « L’industrie métallurgique et l’affaire de l’Ouenza », Revue Politique et Parlementaire, 175, 10 janvier 1909, pp. 40-58 ; « Réponse à M. Maurice Colin », Revue Politique et Parlementaire, 208, 10 octobre 1911, pp. 51-62, La même revue publie également : M. COLIN, « La solution de l’affaire de l’Ouenza », Revue Politique et Parlementaire, 208, 10 octobre 1911, pp. 5-50, et un article anonyme (mais qui par son contenu ne semble pas pouvoir être de Peyerimhoff) « Le Chemin de fer de l’Ouenza », Revue Politique et Parlementaire, 221, 10 novembre 1912, pp. 263-291. Tous les articles sont précédés de paragraphes écrits par le directeur de la publication, Fernand Faure, qui semblent en accord avec Peyerimhoff. Dans le numéro 221, il écrit même à propos de l’affaire : « Ce n’est pas un des moindres inconvénients de la déplorable lenteur de notre procédure parlementaire que de susciter de nouveaux projets dont l’examen risque d’éterniser des débats qui ont déjà beaucoup trop duré. Nous en avons un saisissant exemple, à propos de l’affaire de l’Ouenza », p. 263.
70 H. DE PEYERIMHOFF, « Préface », pp. V-XII, in D’ARMONNEL, L’Office des Houillères sinistrées du Nord et du Pas-de-Calais et les charbons de réparations, Paris, Jouve et Cie, 1933, p. V. Peyerimhoff dans ce court texte en profite pour faire un portrait critique de Loucheur et des offices : « La formule de cet Office, qui n’a de commun que le titre avec les multiples créations étatistes ou paraétatistes de la guerre et de l’après-guerre, a été imaginée et discutée par M. Loucheur, dont l’inlassable activité n’a pas été à l’abri de légèreté ni d’erreur, mais a fourni à tant de reprises des solutions averties et ingénieuses » (p. IX).
71 Parmi une littérature abondante, on peut surtout consulter pour leur riche documentation les thèses de droit suivantes : A. FRAIGNEAU, La Reconstitution Financière des Houillères du Nord et du Pas-de-Calais, Lille, Imp. L. Danel, 1925 ; R.-J. LAFITTE LAPLACE, L’économie charbonnière en France, Paris, Jouve et Cie, 1933 et R. BRUN, L’Organisation Professionnelle au service des Houillères dévastées par la Guerre, Paris, Imp. Gomel-Pottier, 1936.
72 F. MOUTTE, La question de l’organisation internationale de l’industrie charbonnière, Paris, Jouve et Cie, 1929 et J. DUMONT, Les importations charbonnières de la France en présence de l’Entente européenne du Charbon (1939), Roanne, Imp. Souchier, 1941.
73 H. DE PEYERIMHOFF, Souvenirs…, op. cit., p. 339-346.
74 Ibid., p. 347-356.
75 Congrès de la Société de l’Industrie Minérale, visite des exploitations de Merlebach et Sainte-Fontaine, 3 juin 1924, Paris, Société Houillère de Sarre-et-Moselle, juin 1924 et Renseignements généraux, Allocution prononcée par M. de Peyerimhoff, Carte de la concession, Paris, Société Houillère de Sarre-et-Moselle, 1925. (Brochures consultées à la BNF).
76 H. DE PEYERIMHOFF, Souvenirs…, op. cit., p. 357-370.
77 Ibid., p. 371-380.
78 Ibid., p. 307.
79 Soutenant le lancement du Bulletin du Comité de l’Asie française, il y donne quatre articles en 1901 sur différents sujets (« Le chemin de fer de Bagdad », pp. 23-28, avril ; « L’incident franco-turc », pp. 230-234, septembre ; « L’affaire du Koueït », pp. 270-272, octobre et « La fin de l’incident franco-turc », pp. 319-322, novembre).
80 H. DE PEYERIMHOFF, Souvenirs…, op. cit., p. 261-285.
81 « Henri de Peyerimhoff de Fontenelle », L’Economie internationale, revue mensuelle de la Chambre de Commerce Internationale, 8-9, septembre-octobre 1953, p. 2.
82 H. DE PEYERIMHOFF DE FONTENELLE et P. RICARD, L’entreprise privée, Chambre de commerce internationale, Comité national français, 1946, 38 p., in 8°. On n’est pas parvenu à retrouver ce rapport cité dans A.-A. GRANDIN, Supplément à la bibliographie générale des sciences juridiques, politiques, économiques et sociales de 1800 à 1925-1926, Paris, Librairie du Recueil Sirey, 1948.
83 H. DE PEYERIMHOFF, Souvenirs…, op. cit., p. 386-399. Il souligne en particulier l’enjeu d’une telle initiative : « Si amples et si animées qu’aient été ces discussions l’intérêt principal n’était pas là. Il était dans les échanges de vues et dans le contact privé prolongé pendant deux ou trois jours entre personnes de bonne volonté et de mutuelle estime et hors de toute publicité gênante, dans les rencontres conjuguées avec le personnel gouvernemental », p. 391.
84 Sur un sujet encore à étudier, on peut se référer à W. D’ORMESSON, « Une tentative de rapprochement franco-allemand entre les deux guerres », pp. 18-27, La Revue de Paris, février 1962 ; Emile Mayrisch, précurseur de la construction de l’Europe, Lausanne, Centre de recherches européennes, 1967, pp. 30-42, contient la liste des participants français et allemands au Comité franco-allemand d’information et de documentation ; J. BARIETY, « Sidérurgie, littérature, politique et journalisme : une famille luxembourgeoise, les Mayrisch, entre l’Allemagne et la France après la Première Guerre mondiale », pp. 7-12, Bulletin de la Société d’Histoire Moderne, 10, 1969 ; F. L’HUILLIER, Dialogues franco-allemands 1925-1933, Strasbourg, Publications de la Faculté des Lettres de l’Université de Strasbourg, 1971 ; Les Mayrisch, l’apport et le rayonnement européen d’une famille luxembourgeoise, Catalogue de l’Exposition octobre-novembre 1980, Bibliothèque royale Albert 1er Bruxelles.
85 A. MOUTET, Les logiques de l’entreprise, la rationalisation dans l’industrie française de l’entre-deux-guerres, Paris, Editions de l’EHESS, 1997, p. 60.
86 L. BADEL, Un milieu libéral et européen. Le grand commerce français 1925-1948, Paris, CHEFF, 1999, p. 185.
87 G. BRUN, Technocrates et technocratie en France 1918-1945, éditions Albatros, 1985, p. 30. Brun signale que Peyerimhoff et Lambert-Ribot écrivent dans la revue L’Européen (p. 114).
88 Une étude de la Conférence économique internationale de Genève de mai 1927 peut être menée à partir des 5 volumes reliés de documents alors produits (Bibliothèque Cujas, cote 9986(52) Documents 1 à 45) et du Journal publié pendant la CEI (cote 9986(53)).
89 La France est représentée par cinq délégués : Loucheur (député et ancien ministre), Jouhaux (CGT), Serruys (directeur des Accords commerciaux au ministère du Commerce), Gautier (conseiller d’Etat et président de la Confédération nationale des associations agricoles) et Peyerimhoff. Aux cinq délégués est joint une liste de 34 experts dont les représentants patronaux sont Cuvelette, Dalbouze, Dubrulle, Duchemin, Duchon, Fougère, Gillet, Gounod, Hecker, Hoelling, Kiener, Laederich, Lambert-Ribot, Théodore Laurent, Marlio, Mathon, Mercier, Mieg, Parent, Roche, de Rousiers. Les autres experts sont le syndicaliste CGT Buisson, les représentants agricoles Augé-Laribé, Garcin et Vimeux, le coopérateur Poisson, les hauts fonctionnaires : Cahen-Salvador, de Chalendar, Duchêne, Magnan, Schwob, le député Mahieu et les professeurs Siegfried et Théry. Conférence Economique Internationale Rapport définitif, Genève, 3 juin 1927, deuxième impression, CEI 44 (1), p. 67-68.
90 Pour une première approche, G. SCELLE, « La conférence économique internationale », Revue Politique et Parlementaire, 391, 10 juin 1927, pp. 390-398, J. BOSC, « Les vues du Comité consultatif économique de la Société des Nations », Revue Politique et Parlementaire, , 405, 10 août 1928, pp. 224-235 et F. BALMELLE, La politique du Comité économique, Paris, Les Presses modernes, 1933.
91 A. MOUTET, Les logiques…, op. cit., p. 200.
92 C. TOPALOV dir., Laboratoires du nouveau siècle. La nébuleuse réformatrice et ses réseaux en France, 1880-1914, Paris, Editions de l’Ecole des hautes études en sciences sociales, 1999.
93 Sur ces milieux français et internationaux, M. TREBITSCH, « Une entreprise républicaine », Jean Jaurès Cahiers Trimestriels, 163-164, janvier-juin 2002, pp. 65-78, dossier « Lucien Febvre et l’ Encyclopédie française ».
94 S. DAB, « Bienfaisance et socialisme au tournant du siècle : la Société des visiteurs, 1898-1902 », pp. 219-235, in C. TOPALOV dir., Laboratoires…, op. cit.
95 H. DE PEYERIMHOFF, « Entreprises et capitaux français à l’étranger », in Intérêts économiques et rapports internationaux à la veille de la guerre, Paris, Félix Alcan, 1915, pp. 75-136 (le texte de la conférence est suivi d’un discours de réponse d’Alexandre Millerand). Ce texte est remarqué entre autres par l’historien économiste Henri Hauser, intéressé par ces questions qui dans un compte rendu très sévère sur le livre publié dans la Revue Historique (mai-août 1917, pp. 135-137), fait une exception pour le « solide et lumineux exposé de M. de Peyerimhoff ».
96 Il rend ainsi visite et travaille avec A. Millerand, qui organise en août 1914 une Commission supérieure chargée d’étudier les questions intéressant le ravitaillement de la population civile, les mesures à prendre en ce qui concerne la main-d’œuvre rurale, le chômage, l’assistance et l’hygiène : F. BOCK, Un parlementarisme de guerre 1914-1919, Paris, Belin, 2002, pp. 71-72.
97 H. DE PEYERIMHOFF et WEISS, Conditions économiques de la Suisse, octobre-novembre 1914, Notes de mission, 12 et 9 p. (l’exemplaire consulté est celui de la Bibliothèque de la FNSP, sous la cote : Fol. 783).
98 J. BEAUSOLEIL et P. ORY dir., Albert Kahn 1860-1940, réalités d’une utopie, Boulogne-Billancourt, Musée Albert Kahn, 1995. Sur la présence d’une autre figure influente du monde économique : François de Wendel au CNESP, cf. J.-N. JEANNENEY, François de Wendel…, op. cit., p. 35-36.
99 H. DE PEYERIMHOFF, Souvenirs…, op. cit., p. 333. Peyerimhoff livre un des témoignages les plus originaux sur ce lieu de rencontre encore méconnu (p. 333-338).
100 Brochures du Comité national d’études sociales et politiques, n°205, 294, 298, 308, 345, 375, 377, 379, 384, 399, 414 et 416 (entre novembre 1922 et février 1930).
101 M. FINE, Toward Corporatism : the Movement for Capital-Labor Collaboration in France, 1914-1936, Ph.D., University of Wisconsin, 1971, pp. 152-189, et M. FINE, « Un instrument pour la réforme : l’Association française pour le progrès social (1927-1929) », Le Mouvement Social, 94, janvier-mars 1976, pp. 3-29.
102 Peyerimhoff écrit à propos de Thomas dans ses souvenirs : « Malgré les chocs que comportaient nos positions respectives, nous nous étions toujours sinon parfaitement entendus, du moins compris et estimés. Ces relations sympathiques devaient se prolonger jusqu’à sa mort foudroyante et prématurée », p. 330.
103 Lettre de Peyerimhoff à Boissard du 5 août 1926, Archives Nationales (AN), 6 AS 167, cité par M. FINE, « Un instrument… », art. cit., p. 14.
104 Ibid., p. 15. Parmi les membres il cite : Marion Roques, Léon Jouhaux, Jules Zirnheld, Henri de Peyerimhoff, Edouard Gruner, Ernest Mercier, Jean Borderel, Georges Pascalis, Robert Legouez, Hyacinthe Dubreuil, Aimé Rey, Célestin Bouglé, Charles Gide, Maxime Leroy, Roger Picard, Elie Halévy, Charles Rist, François Simiand, William Oualid, Charles Dulot, Justin Godart, Durafour, Joseph Paul-Boncour, et Alexandre Millerand.
105 Lettre de Peyerimhoff à Thomas du 31 octobre 1926, AN, 6 AS 167, Ibid., p. 16-17.
106 Lettre de Thomas à Boissard du 18 février 1927, AN, 6 AS 167, Ibid., p. 18.
107 Compte-rendu du comité directeur de la AFPS du 14 février 1927, AN, 6 AS 168, Ibid.
108 E. MOREAU, Souvenirs d’un Gouverneur de la Banque de France. Histoire de la Stabilisation du Franc (1926-1928), Paris, Editions M.-Th. Génin, Librairie de Médicis, 1954, p. 15. Moreau avait participé aux travaux du Comité des experts comme représentant de la Banque de l’Algérie.
109 H. DE PEYERIMHOFF, « Essais et Notices. Au Comité des Experts de 1926 », Revue des deux mondes, 1er février 1959, pp. 530-534. p. 532. Cette publication reprend les pages du tapuscrit consacrées au sujet. Ce texte contient d’ailleurs un portrait sévère de l’action et de l’homme Poincaré : « Ainsi le franc avait été sauvé. (…) Par la vertu oratoire et beaucoup plus encore par la présence d’un personnage difficile et rassurant, cachant son adhésion silencieuse à un programme de professionnels sûrs et s’assurant par une démagogie momentanément sans danger la neutralité des excités et des hostiles » (p. 534).
110 « A la fin de décembre [1935], Henri de Peyerimhoff, vice-président de la CGPF, dont la signature avait ouvert, en mai, la liste des organisations opposées à la dévaluation, déclara devant l’assemblée générale du Comité des Houillères qu’il préférait la dévaluation au contrôle des changes », K. MOURE, La politique du franc Poincaré (1926-1936), Paris, Albin Michel, 1998, p. 321.
111 J. T. SHOTWEEL, Outline of Plan. European Series, Economic and Social History of the World War, Washington, Carnegie Endowment for International Peace, 1924, pp. 84-85. Sur cette série, on se permet de renvoyer à notre contribution : « Comprendre la Guerre. L’histoire économique et sociale de la Guerre mondiale, les séries de la Dotation Carnegie pour la paix internationale », in Jean-Jacques BECKER dir., Histoire culturelle de la Grande Guerre, Paris, Armand Colin, 2005, pp. 33-44.
112 R. KUISEL, Ernest Mercier French Technocrat, Berkeley et Los Angeles, University of California Press, 1967, pp. 62-63. Kuisel précise, à partir des Papiers Mercier, que Peyerimhoff avec Lyautey est membre du Comité de Patronage du Redressement français.
113 Son nom est présent dans l’annuaire des membres de 1941.
114 Sur l’ensemble de ce sujet, on se permet de renvoyer à A. CHATRIOT, La démocratie sociale à la française. L’expérience du Conseil national économique 1924-1940, Paris, La Découverte, 2002.
115 Arrêté de nomination du 8 juillet 1924, Journal officiel, 9 juillet 1924, p. 6103-6104.
116 Il réclame, soulignant ainsi une des principales difficultés d’une telle création, que le « Conseil soit la vraie figure du pays », Assemblée générale, session du 11 janvier 1926, AN, CE 71.
117 R. BESNARD, « L’opinion de M. de Peyerimhoff sur le Conseil National Economique », L’Etat moderne, 9, septembre 1929, pp. 57-63, p. 60.
118 Ibid., p. 60-61.
119 Il donne ainsi une préface distante à un ouvrage au début des années 1930 trop critique à son goût : « Aussi ne puis-je souscrire la condamnation sans rémission que vous portez sur la politique, lorsque vous abordez, dans la dernière partie de votre ouvrage, le problème de ses rapports avec l’économie. Vous chassez le personnel politique de la cité syndical future. Mérite-t-il un traitement si rigoureux ? S’il a pu pêcher par ignorance ou incompréhension à l’égard des formes nouvelles de l’organisation économique, par excès de défiance à l’égard des dirigeants de l’activité économique, qui ne prétendent pas le supplanter dans la conduite des affaires publiques, pourquoi le croire à tout jamais fermé, dans sa généralité, à l’intelligence des phénomènes économiques ? », p. 10, H. DE PEYERIMHOFF, « Préface », pp. 5-11, in R. GIRAUD, Vers une internationale économique, Paris, Librairie Valois, 1931.
120 H. DE PEYERIMHOFF, Les combustibles solides Houille, Rapport du CNE, Journal officiel, Annexes administratives, 28 avril 1928 et H. DE PEYERIMHOFF et E. RIVET, L’industrie houillère française, Rapport du CNE, Journal officiel, Annexes administratives, 23 août 1933.
121 M. AUGE-LARIBE, A. DE LAVERGNE, G. LEVY, M. LEWANDOWSKI, H. DE PEYERIMHOFF et L. JOUHAUX, Questionnaire relatif à une action économique concertée transmis au Gouvernement français par la Société des Nations, Avis du CNE, Journal officiel, Annexes administratives, 11 décembre 1930.
122 Procès-verbal analytique de la session du 6 novembre 1930, AN, CE 75.
123 Procès-verbal de la commission permanente du 19 mai 1926, AN, CE 94.
124 Procès-verbal de la commission permanente du 20 octobre 1926, AN, CE 94.
125 Procès-verbal de la commission permanente du 27 octobre 1927, AN, CE 94. Dans le même temps, Peyerimhoff se méfie des rapporteurs chargés des différents dossiers et explique en 1932 que « s’il accepte fort bien qu’au CNE des rapporteurs traduisent les solutions de conciliation qui se font jour, par contre il ne voudrait pas que dans le domaine courant un nouveau corps de fonctionnaires s’interpose entre les professions organisées et le gouvernement », Procès-verbal de la commission permanente du 7 mars 1932, AN, CE 95.
126 Procès-verbal de la commission permanente du 10 juin 1929, AN, CE 94.
127 H. DE PEYERIMHOFF, « En préface à l’Enquête du Conseil National Economique », La Revue des Vivants, organe des générations de la Guerre, avril 1928, pp. 815-821, p. 818.
128 Procès-verbal de la commission permanente du 25 juin 1934, AN, CE 96 et compte-rendu analytique de la session du 30 novembre 1934 au matin, AN, CE 85.
129 Procès-verbal de la commission permanente du 11 janvier 1928, AN, CE 94.
130 Peyerimhoff explique dans un premier temps que « le casse-tête sur lequel M. Cahen-Salvador et la commission permanente ont épuisé leur phosphore continue, je pense que les membres de la commission permanente ne peuvent avoir d’autre rôle ici que de dire qu’ils ont fait pour le mieux, en vous conseillant un peu de patience et beaucoup de bonne volonté », mais immédiatement il précise devant la mesure proposée du « sacrifice » d’une des deux sections de l’Electricité ou des Mines qu’il « ne cache pas qu’il se sent ici comme une Iphigénie un peu surprise et nettement récalcitrante » ; procès-verbal analytique de la session du 25 mai après-midi 1936, AN, CE 86.
131 Procès-verbal de la séance de la 7e section professionnelle du 17 septembre 1936, AN, CE 34.
132 Sur l’ensemble de ces sujets, on se permet de renvoyer à A. CHATRIOT, « Débats internationaux, rupture politique et négociations sociales : le bond en avant des 40 heures 1932-1938 », pp. 83-108 et 198-203 in P. FRIDENSON et B. REYNAUD dir., La France et le temps de travail, Paris, Odile Jacob, 2004.
133 Rapport de Peyerimhoff devant le CCHF, mars 1938, cité par A. MOUTET, Les logiques…, op. cit., p. 382-383.
134 Le témoin ici prêt à caution mais mérite d’être cité : René Belin, leader anticommuniste de la CGT puis ministre du Travail du premier cabinet Pétain en 1940, écrit dans ses mémoires : « Les mineurs du Nord et du Pas-de-Calais décident la grève pour le 8 mai. Mais Pierre Vigne, secrétaire général de la Fédération nationale, qui, depuis des années, a conclu un accord collectif avec les Houillères, touche de Peyerimhoff et l’affaire s’arrange en quarante-huit heures. », R. BELIN, Du Secrétariat de la CGT au Gouvernement de Vichy (Mémoires 1933-1942), Paris, éditions Albatros, 1978, p. 89.
135 PEYERIMHOFF, « La semaine de 40 heures », Le Temps, 29 octobre 1936.
136 Procès-verbal de la commission permanente du 30 novembre 1936, AN, CE 4.
137 Compte-rendu analytique de la session du 15 mars après-midi 1937, AN, CE 88.
138 Procès-verbal de la séance de la Commission permanente du 24 mai 1937, AN, CE 96.
139 Il souligne la quasi-absence des représentants patronaux et précise, de manière révélatrice pour le fonctionnement du CNE, à propos du baron Petiet qui faisait partie de la Commission, que « celui-ci, empêché par ses multiples occupations d’assister régulièrement aux séances, avait demandé à être autorisé à se faire remplacer ; il n’a pas été fait droit à sa requête, et dès lors, les milieux patronaux n’ont plus été tenus au courant de l’orientation donnée aux travaux de la Commission ». Ibid.
140 Il s’explique ainsi : « Certes, de par sa charte constitutive, le Conseil National Economique est chargé de donner son avis sur tous les problèmes intéressant l’économie nationale. Il appartient au gouvernement, s’il le désire, de soumettre pour avis son projet au Conseil National Economique, mais il faudrait que cette consultation se fasse à visage découvert, et non de cette manière déguisée. M. de Peyerimhoff craint que des manœuvres de ce genre ne risquent d’altérer la confiance réciproque qui, jusqu’à maintenant, n’a cessé d’animer les membres du Conseil ». Il précise au cours du débat sa position : « il persiste, pour sa part, à estimer que le geste politique le plus grave que puisse actuellement faire le gouvernement ne doit pas apparaître par la voie détournée des travaux d’une commission spéciale, et il tient à ce que l’avis du Conseil National Economique, si le gouvernement désire le connaître, soit demandé à « visage découvert » ». Ibid.
141 « M. le Secrétaire général déclare qu’il s’efforcera de répondre avec tout le calme nécessaire aux observations présentées par M. de Peyerimhoff tout en mesurant la portée exacte des expressions et des qualificatifs que celui-ci a cru devoir employer et dont il entend lui laisser l’entière responsabilité ». Ibid.
142 « M. le Secrétaire général regrette pour sa part qu’à la suite d’une émotion assez inexplicable, M. de Peyerimhoff ait cru discerner dans la présentation du rapport sur le placement, une manœuvre. Or, M. de Peyerimhoff, à maintes reprises, a émis devant la Commission permanente le vœu que le Conseil National Economique n’arrive pas trop tard et examine les problèmes avant que les pouvoirs publics ne soient amenés à prendre des décisions. Le fait qu’il y ait coïncidence entre le dépôt du rapport et les préoccupations actuelles des pouvoirs publics ne justifie aucunement le veto qu’il a formulé contre l’étude du problème qui se pose à l’état aigu au dehors ». Ibid.
143 L’adjonction de deux nouveaux délégués patronaux à la Commission de la main-d’œuvre est aussi prévu : A. de Lavergne et F. Prax. Leur arrivée à la séance du 27 mai de cette Commission est l’objet d’un nouveau débat, le Secrétaire général transmettant la teneur originale de la séance de la Commission permanente du 24 mai 1937 (Procès-verbal de la Commission de la main-d’œuvre et de l’apprentissage du 27 mai 1937, AN, CE 137).
144 Procès-verbal de la séance de la Commission permanente du 7 juin 1937, AN, CE 96.
145 Ce 3e comité de l’enquête sur la production est composé par Peyerimhoff et Parent comme représentants patronaux, Vigne et Bard, comme représentants des travailleurs, Blum-Picard comme représentant du sous-secrétariat d’Etat aux mines, Thibault, Bichelonne et Parisot comme rapporteurs spéciaux. AN, CE 122.
146 Arrêté de nomination des membres du Comité permanent économique du 30 octobre 1939, Journal officiel, 2 novembre 1939, p. 12819.
147 R. KUISEL, Ernest Mercier…, op. cit., pp. 69-71; A. ROSSITER, Experiments with Corporatist Politics in Republican France, 1916-1939, Ph.D., Oxford, Nuffield College, 1986, pp. 145-149. Plus largement, cf. F. DENORD, Genèse et institutionnalisation du néolibéralisme en France (années 30-années 50), Thèse de doctorat de sociologie, EHESS, 2003. Le terme de néo-capitalisme ne semble jamais employé par Peyerimhoff.
148 Laurence Badel parle d’une « branche conservatrice, mais soucieuse de modernité », et associe Edmond Giscard d’Estaing et Henri de Peyerimhoff. L. BADEL, Un milieu libéral et européen…, op. cit., p. 368, reprenant ainsi sans distance la remarque de Gérard Brun qui parlent à leur propos de « conservateurs mais ouverts, représentants du néocapitalisme », G. BRUN, Technocrates et technocratie…, op. cit., p. 20.
149 Henry Darcy, op. cit., p. 7.
150 Allocution de M. de Peyerimhoff, Remise à M. de Peyerimhoff de son épée de membre de l’Institut, 18 novembre 1952, s.l.
151 Les Cahiers Bleus, 1er mars 1930, pp. 27-28, cité par G. BRUN, Technocrates et technocratie…, op. cit., p. 186.
152 H. DE PEYERIMHOFF, Souvenirs…, op. cit., p. 253-254.
153 H. DE PEYERIMHOFF, Les formules modernes d’organisation économique et leurs connexions politiques et sociales, Conférence tenue à Berlin dans la Salle des Séances du Reichstag le 17 décembre 1928, s.l, s.d. Ce texte édité en plaquette est également publié comme article dans la Revue des deux mondes dans le numéro du 15 mars 1929.
154 On ne s’accorde pas ici avec Jean Garrigues qui y voit une anticipation d’ « une forme de corporatisme » et qui explique que « la grande idée de Peyerimhoff, c’est de placer l’enjeu économique au cœur du système politique », J. GARRIGUES, Les patrons et la politique…, op. cit., pp. 124-125.
155 E. GIRARDEAU, Notice sur la vie…, p. 12.
156 « Des trusts bien construits, - ce qui n’est pas toujours le cas, - constituent, en période favorable, le plus puissant organisme d’expansion qu’il soit possible d’imaginer », p. 8, H. DE PEYERIMHOFF, « Préface », pp. 5-11, in R. GIRAUD, op. cit.
157 H. DE PEYERIMHOFF, Les formules modernes…, op. cit., p. 12.
158 Il réaffirme cependant son opposition à toute idée de « contrôle ouvrier » : « Sur quel terrain [peut-on collaborer] ? Excluons nettement celui de la gestion. A chacun son métier », ibid., p. 15.
159 Ibid., p. 16.
160 Il argumente : « Si l’on compare les ordres du jour d’un Parlement moderne à ceux d’il y a trois quarts de siècle, on ne peut qu’être frappé de la prépondérance croissante qu’a prise, dans la vie publique, la matière économique, sous les formes variées des questions financières, des questions fiscales, des questions douanières, sociales, de chemins de fer, de ports, de forces hydrauliques qu’elle revêt aujourd’hui », ibid., p. 20.
161 Ibid., p. 22.
162 Ibid., p. 24.
163 R. BESNARD, « L’opinion de M. de Peyerimhoff… », art. cit., p. 62.
164 R. NATHAN et P. DELOUVRIER, Politique économique de la France, Paris, Les Cours de Droit, Fascicule I, 1948-1949, p. 3.
165 Ainsi en juin 1923 auprès de Poincaré sur la question de la Ruhr, Darcy est même obligé d’intervenir lui-même. Cf. Papiers Millerand cité par J.-N. JEANNENEY, François de Wendel…, op. cit., p. 171.
166 L’activité de cette commission est curieusement mal connue. Cf. J.-N. JEANNENEY, François de Wendel…, op. cit., pp. 447-448, G. LEFRANC, Les organisations patronales en France du passé au présent, Paris, Payot, 1976, pp. 68-70 et J.-N. JEANNENEY, La faillite du Cartel : 1924-1926 : leçon d'histoire pour une gauche au pouvoir, Paris, Le Seuil, réed., 1982, pp. 113-117.
167 Proposition de résolution n°205, Impressions parlementaires, Chambre des députés, session de 1924, séance du 3 juillet, p. 6.
168 Déposition de M. de Peyerimhoff, Procès-verbaux…, op. cit., p. 187.
169 Ibid., p. 188.
170 Ibid., p. 189.
171 J.-N. JEANNENEY, François de Wendel…, op. cit., p. 373.
172 J.-N. JEANNENEY, François de Wendel…, op. cit., pp. 449-450.
173 J.-N. JEANNENEY, François de Wendel…, op. cit., pp. 461-463.
174 A partir de rapport de police de septembre et novembre 1936 (Archives de la Préfecture de Police), Jean Garrigues écrit : « Un rapport de police de novembre 1936 affirme que Peyerimhoff aurait fait demander au colonel de La Rocque si l’on pourrait compter sur le Parti social français en cas d’agitation sociale du parti communiste, et il ajoute que le colonel se montre très réticent car il ne veut pas passer pour un défenseur des groupements patronaux. Il semble que les patrons se soient alors tournés vers le Parti populaire français de Jacques Doriot, qui ne connaît pas de tels scrupules. Selon un autre rapport, Peyerimhoff a en effet offert un « chèque important » à Doriot », J. GARRIGUES, Les patrons et la politique…, op. cit., p. 190.
175 Le rapport Chavin établi à Vichy en 1941 mentionne le nom d’Henri de Peyerimhoff (cf. Annexe IV p. 524, P. NICOLLE, Cinquante mois d’armistice. Vichy 2 juillet 1940- 26 août 1944 Journal d’un témoin, Paris, éd. André Bonne, 1947, vol. 1). Sur la Synarchie, cf. O. DARD, La synarchie, le mythe du complot permanent, Paris, Perrin, 1998.
176 J.-N. JEANNENEY, L’argent caché…, op. cit., p. 297.
177 « Annexe », p. 98-100, texte d’août 1945, extrait des Papiers Louis Marin, AN 317 AP, in J.-N. JEANNENEY, « Hommes d’affaires au piquet. La difficile intérim d’une représentation patronale (septembre 1944-janvier 1946) », Revue Historique, 533, janvier-mars 1980, pp. 81-100, réédité dans J.-N. JEANNENEY, L’argent caché…, op. cit.
178 Le manuscrit est silencieux sur ce point. Des historiens spécialistes des industriels et des syndicalistes sous l’Occupation nous ont confirmé que Peyerimhoff ne joue aucun rôle dans les différentes organisations de Vichy.
179 H. DE PEYERIMHOFF, Notice sur la vie et les travaux de Raoul Dautry (1880-1951), Paris, Typographie de Firmin-Didot et Cie, 1953, p. 11.
180 P. NICOLLE, Cinquante mois d’armistice…, op. cit. Nicolle, membre de la CGPF mais représentant des petites entreprises, est un proche d’une partie des milieux pétainistes : il fait le récit d’un incident assez vif avec Peyerimhoff : « Le président des Houillères s’avance vers moi et de son air hautain me prie de lui faire savoir si mon intention était bien de rester longtemps à Vichy. Avec calme je lui réponds que sa question me paraissait saugrenue, que mon intention était bien de rester à Vichy si le gouvernement devait y séjourner ou de la suivre où il déciderait de se rendre, et cela dans un but bien précis : empêcher les hommes comme lui, de continuer à exercer la pression de l’argent au profit des intérêts d’une bande, mais au détriment de l’intérêt général. Furieux Peyerimhoff tourne les talons » (p. 29).
181 G. LEFRANC, Les organisations…, op. cit., p. 123 et R. VINEN, The politics of French Business 1936-1945, Cambridge, Cambridge University Press, 1991, p. 105.
182 C. ANDRIEU, La Banque sous l’Occupation. Paradoxes de l’histoire d’une profession 1936-1946, Paris, Presses de la FNSP, 1991, p. 137-138.
183 « Un document sur le patronat. Une lettre de Henri de Peyerimhoff au général de Gaulle du 15 octobre 1944 », in C. ANDRIEU, L. LE VAN et A. PROST dir., Les nationalisations de la Libération. De l’utopie au compromis, Paris, Presses de la FNSP, 1987, pp. 222-229. Il est indiqué que le document a été trouvé par Rolande Trempé.
184 Ibid., p. 226.
185 Notice sur les titres de Henri de Peyerimhoff, op.cit.
186 Allocution d’E. Marterer, Remise à M. de Peyerimhoff de son épée, op. cit.
187 H. DE PEYERIMHOFF, Notice sur la vie et les travaux de Raoul Dautry…, op. cit., p. 5.
188 G. RIPERT, « Allocution prononcée… », art. cit., p. 122.
189 J.-N. JEANNENEY et J. JULLIARD, « Le Monde » de Beuve-Méry ou le métier d’Alceste, Paris, Le Seuil, 1979, pp. 170-171.
190 Je remercie Hervé Joly de m’avoir indiqué ce document et de m’avoir aidé à le commenter. Le total des actifs déclarés le 23 novembre 1954 est de 183 millions de francs. Le portefeuille d’actions est particulièrement important et permet de suivre les expériences professionnelles d’administrateurs de Peyerimhoff.
191 L’expression est entre-autre employée par Roger Priouret à propos de Robert Pinot qui « était, non pas patron lui-même, mais employé supérieur du Comité des Forges, c’est-à-dire « fonctionnaire patronal » », R. PRIOURET, Origines du patronat français, Paris, Grasset, 1963, p. 231.
192 M. DEAT, Perspectives socialistes, Paris, Librairie Valois, 1930, p. 171. Une note précise : « La « Société d’études et d’informations économiques » avec son Bulletin quotidien, est le séminaire où se forment ces techniciens ». Déat se livre aussi à une comparaison entre l’Europe et l’Amérique du Nord : « Aux Etats-Unis, l’Etat, avec, à sa tête, M. Hoover, est vraiment le bureau d’études et d’affaires de trusts. En Europe, la situation est moins nette, mais le capitalisme n’en affleure pas moins au niveau politique », p. 170.
193 Pour analyse des trajectoires de ces deux « fonctionnaires patronaux », cf. D. FRABOULET, Les organisations patronales…, op. cit.
194 On pourrait en effet s’interroger sur le lien entre ce type de trajectoires et une conjonction d’éléments qui caractérisent la période sur la plan politique, économique et social. La figure du « fonctionnaire patronal » durant le premier tiers du XXe siècle renvoie tout à la fois à la période de formation d’une nouvelle forme de syndicalisme patronal, au développement de la législation sociale et à la multiplication des lieux de confrontations et de négociations entre représentants ouvriers et patronaux.
195 « Henri de Peyerimhoff de Fontenelle », L’Economie internationale, op. cit.
196 H. DE PEYERIMHOFF, Souvenirs…, op. cit., p. 419.