Ancien élève de l'Ecole des mines de Paris (promotion 1909). Ingénieur civil des mines.
Peu après la mort de Francis PELLANNE, son fils unique, "charmant bébé qui était la seule joie laissée à sa mère" est mort subitement le 23 février 1917.
Publié dans Bulletin de l'Association amicale des anciens élèves de l'Ecole des mines de Paris, Août 1916 :
Francis Pellanne est né à Pau, le 5 avril 1887, d'une ancienne famille béarnaise. Son père, Henri Pellanne, était avocat à la Cour d'Appel de Pau ; il était encore, par sa mère, le neveu d'un avocat palois, Me Terrier, et l'arrière-petit-fils du docteur Jacques Terrier, médecin des Armées de la première République.
Il commença ses études au Collège de l'Immaculée-Conception de Pau ; déjà formé par la famille et l'école presque familiale de sa ville natale, il s'en alla ensuite au Caousou de Toulouse où le succès l'accompagna. Mais, à ce moment, ses goûts s'affirmèrent, et, délaissant la carrière paternelle dans laquelle il aurait pu, profitant de relations toutes faites, suivre une voie déjà tracée, il fut attiré par le charme de précision des études scientifiques et par la vie plus active que lui promettait une carrière d'ingénieur. Il dut alors s'éloigner de sa famille ; en 1904, il entrait aux Postes, et, après une dernière année de préparation, au Collège Sainte-Barbe, il était reçu dans un bon rang au concours de 1907 de l'Ecole des Mines de Paris.
Au commencement d'octobre 1907, il était incorporé, pour faire sa première année de service militaire, au 8e bataillon d'artillerie à pied, à Epinal, comme canonnier. C'est là que je fis sa connaissance ; une sympathie profonde nous réunit bien vite, et presque tous les soirs, aussitôt libres, nous nous retrouvions pour échanger nos impressions et faire des projets d'avenir. Pellanne supportait avec bonne humeur les petits ennuis journaliers, mettant dans l'accomplissement de ses devoirs militaires une exactitude scrupuleuse qui lui attira l'estime de ses chefs. En tout il se considérait comme obligé de donner l'exemple, exemple de tenue, de travail et de discipline. Par là-même il ne tarda pas à prendre un réel ascendant sur ses camarades d'abord, puis, nommé brigadier, sur ses subordonnés. Déjà à cette époque, il avait le don du commandement et savait se faire obéir sans avoir à faire acte d'autorité.
Pendant les quatre années passées à l'Ecole des Mines, de 1908 à 1912, Pellanne se fit des amis de tous ses camarades : d'une humeur toujours égale, toujours prêt à rendre service, il s'acquit la confiance et même l'affection de tous. Dans nos conversations, il apportait un sens critique toujours en éveil et en même temps une haute compréhension des responsabilités de sa carrière future. Il sortit de l'Ecole, avec le diplôme d'ingénieur civil des Mines, en mai 1912.
Il accomplit sa deuxième année de service militaire comme sous-lieutenant au régiment d'artillerie de Tarbes. Le métier militaire lui plaisait ; il songea un moment à rester dans l'armée. Mais, dans l'été de 1913, il demanda à entrer comme ingénieur à la Compagnie des Mines de Lens et fut attaché à la fosse n° 8, à Vendin-le-Vieil. Il se donna alors tout entier à son métier ; comme il avait su se faire aimer de ses hommes au régiment, il sut se faire aimer de ses ouvriers. « C'est un chef comme il y en a peu », disait de lui un de ses ouvriers, blessé pendant la guerre, et soigné, sans le savoir, par une des tantes de Pellanne dans un hôpital de Pau.
Le 12 mars 1914, Francis Pellanne épousait Mlle Jeanne Zeiller, fille de l'Inspecteur Général des Mines, Membre de l'Institut, professeur à l'Ecole, dont la mort récente a été si profondément regrettée par tous ses anciens élèves, qui avaient pour lui une véritable vénération. Sa carrière s'annonçait brillante, il commençait à recueillir le fruit de son travail ; dès le printemps de 1914, il faisait un intérim de son chef.
La guerre éclata. A ce moment, Pellanne avait dû prendre un congé de trois mois : le service très dur, qu'il assurait avec la scrupuleuse exactitude qui le caractérisait, avait ébranlé sa santé. Il voulut partir quand même : il tenait à faire « cette belle campagne ». Il prit part, comme chef de section au 29e d'artillerie, à la tentative d'offensive en Belgique ; il fit ensuite la douloureuse retraite de la Meuse jusqu'au sud de la Marne, remontant le moral de ses hommes et s'exposant sans compter. Il n'eut pas la joie de participer à la marche en avant : le 9 Septembre, au Mont-Avril, près Fère-Champenoise, il fut très grièvement blessé de deux éclats d'obus à la nuque.
Soigné à Niort, mais encore sous l'influence des fatigues antérieures et de celles de la campagne, sa blessure s'envenima ; mainte complication se produisit ; on crut bien déjà ne pas pouvoir le sauver. Pourtant, vers la fin de novembre, il entrait en convalescence et partait pour Pau, sa ville natale. Il se crut hors d'affaire : quelques mois devaient suffire à son complet rétablissement. Nommé lieutenant, et guéri, semblait-il, il avait hâte de retrouver son régiment. Il rejoignit son dépôt, à Lorient, au milieu de mai. Il n'y était pas depuis quinze jours que les médecins étaient obligés de le renvoyer en convalescence. Le mal fit dès lors de rapides progrès ; il ne quitta plus le lit. Transporté à Hendaye, puis à Cannes, Pellanne supporta avec une belle résignation chrétienne cette vie de valétudinaire qui lui coûtait horriblement. Il eut pourtant encore deux joies : le 9 novembre 1915, lui naissait un fils, et en février 1916 il recevait sa citation à l'ordre du jour de sa division. Il avait été l'objet d'une proposition pour chevalier de la Légion d'honneur ; mais une décision de principe, écartant toutes les propositions antérieures à une certaine date, avait empêché la sienne aussi d'aboutir. La citation était ainsi conçue :
« Officier du plus grand mérite et du plus beau courage. Malgré un mauvais état de santé, a tenu à accomplir son devoir militaire jusqu'au bout. A été grièvement blessé au combat du Mont-Avril, le 9 septembre 1914, à son poste de chef de section. »
Francis Pellanne s'est éteint en chrétien le 4 avril 1916. Il avait vu venir la mort et l'avait acceptée dans son âme. Par ses qualités de cœur et d'esprit, par sa délicatesse morale, par la loyauté qu'il apportait dans toutes les circonstances de la vie, par les rares aptitudes dont il avait fait preuve dès ses débuts, Pellanne devait justifier toutes les espérances que ses succès antérieurs avaient fait concevoir. Aimé et apprécié de tous, chefs, camarades et subordonnés, il emporte dans la tombe les plus douloureux regrets de ceux qui l'ont connu et qu'il a honorés de son amitié. Mais son souvenir restera parmi nous ; sa vie et sa mort seront pour tous ses amis un exemple.
L. Renard