Fils de Etienne HÉLY d'OISSEL (1884-1915, vice-président de Saint-Gobain) et de Blanche ROEDERER.
Il épouse Jeanne TOUSSAINT.
Artilleur puis aviateur pendant la 1ère guerre mondiale, qu'il termine à la tête de l'aviation du XXème corps, il est en 1929 administrateur de Saint-Gobain, de 1936 à 1940 président, de 1940 à 1952 PDG. Il s'engage dans la résistance dès octobre 1940, tout en dirigeant Saint-Gobain. Commandeur de la Légion d'honneur.
Concernant la famille HÉLY d'OISSEL, voir la biographie de Paul Frédéric
Ancien élève de l'Ecole des mines de Paris (promotion 1910). Ingénieur civil des mines.
Revue des Ingénieurs, novembre 1959 :
Pouvons-nous le laisser mourir sans un salut ?
Il était destiné à ce qu'avait été son grand-père : Président de la plus ancienne et de la plus belle de nos Compagnies : Saint-Gobain.
Il le fut bien avant 1939, il le fut pendant l'occupation et le resta presque jusqu'à sa mort.
On imagine ce qu'il fallut de caractère et d'habileté, dans une affaire de cette envergure, pour réaliser un pareil maintien, qui fut sans doute bien rare dans l'industrie du dernier quart de siècle.
Ayant été avec lui sur les bancs de taupe, sur ceux des quatre ans d'Ecole, puis dans l'aviation de la guerre 14-18 et, plus tard, au cours de rencontres qu'une amitié fidèle et réciproque rendait fréquentes, j'ai connu son cœur et son esprit.
Tenant son rang sans rechercher les honneurs, il faisait ce qu'il fallait avec à propos et simplicité, avec drôlerie presque toujours.
A l'Ecole nous l'appelions, bien entendu, PHO — « et avec un nom pareil, tu comprends, faut phosphorer ! » — Il « phosphora » toute sa vie.
Sous l'occupation, il eut la bonté de me réserver, à St-Gobain, un petit poste provisoire et discret : « Je te mets à la fibre de verre, c'est un bon isolant ! ».
Aux exigences d'un fonctionnaire allemand, il sut répondre avec cet air narquois, impassible et correct, qui faisait son charme : « Vous comprenez, Monsieur, entre vous et nous, c'est une question de force : or, nous ne sommes pas les plus forts... ».
Lui seul pouvait se tirer d'un pareil préambule.
La Compagnie de Saint-Gobain qui connut sous sa présidence un développement prodigieux, lui rendra, sans doute, un hommage solennel.
Mais il n'aurait pas pardonné à son vieux copain attristé autre chose que cet affectueux « au revoir », qu'il ne m'était pas possible de ne pas lui offrir.
FAC.
Ces textes nous ont été aimablement communiqués par Mme Nathalie Duarte, du service des archives de Saint-Gobain-Pont-à-Mousson
Mon cher Président,
Puisqu'en dépit de nos instances, nous ne réussissons pas, a notre grand regret, à vous faire revenir sur votre détermination, permettez-moi, en déplorant l'absence de notre ami Thénard, d'être l'interprète de mes collègues pour vous exprimer les sentiments qui nous animent.
Je vous les traduirai avec d'autant plus de cœur que ma famille se trouve liée à la vôtre par une longue collaboration, qui date de la formation, en 1830, du premier conseil d'administration de la nouvelle Société Anonyme de Saint-Gobain que vous présidez aujourd'hui.
Par une coïncidence étrange, vous allez abandonner vos lourdes fonctions presque cent ans, jour pour jour, après la nomination (le 17 juin 1852) de votre grand-père Antoine Hély d'Oissel à la tête de la Compagnie.
Nommé Président le 15 octobre 1936, appelé à exercer, par surcroît, depuis le 19 décembre 1940 les fonctions de Directeur général, vous avez eu à supporter, pendant toute la durée des hostilités et de l'occupation, des responsabilités écrasantes; vous y avez fait face avec le courage qui vous est habituel.
Vous avez défendu, en France et à l'étranger, le patrimoine moral et matériel de la Compagnie, que vous avez maintenu dans son intégrité au milieu de tant de bouleversements, en même temps que vous avez su préserver des exigences de l'occupant nos employés et nos ouvriers, dont le sort a toujours été l'objet de votre sollicitude.
Un dernier témoignage de cette attention a été la constitution récente, à votre initiative, de la Caisse de prêt pour l'accession à la propriété.
La Compagnie de Saint-Gobain a subi, depuis un certain nombre d'années, de profondes transformations. Tout en poursuivant l'expansion de son activité traditionnelle, notre Société s'est engagée dans des voies nouvelles : industrie du pétrole, industrie de la cellulose, chimie organique, recherches de laboratoire.
Pendant les seize années où vous avez occupé la présidence, vous avez été l'animateur infatigable du magnifique développement de toutes ces activités, quand vous n'en avez pas été le créateur, rassemblant dans un patrimoine commun nos jeunes et nos anciennes industries, tandis que vous était imposée, par surcroît, la charge de la reconstruction de nos usines dévastées.
De cette tâche difficile menée à bien avec un dévouement à la Compagnie sans égal, qui est de tradition dans votre famille, nous tenons, mon cher Président, à vous remercier.
Nous voulons vous dire combien nous espérons bénéficier pendant de longues années encore de votre collaboration et de vos avis, en même temps que nous reporterons notre confiance sur la nouvelle présidence qui va s'ouvrir. Ainsi, vous resterez auprès de nous notre conseil éclairé, après avoir été ici, pendant seize ans, le guide le plus précieux.
Ce sont vos collègues, vos collaborateurs, vos amis de Saint-Gobain qui ont tenu à vous exprimer aujourd'hui leurs sentiments d'attachement, au cours de cette réunion dont nous percevons tous le caractère profondément émouvant.
Eussions-nous réussi à ce qu'il en tînt davantage dans cette salle, ils seraient certes beaucoup plus nombreux encore. Mais je voudrais surtout déplorer l'absence du Président Thénard, retenu, comme vous le savez, loin de Paris par les suites d'un accident infiniment fâcheux. Nous la regrettons tous comme il la regrette lui-même. Et, si vous le voulez bien, nous lui enverrons tout à l'heure nos vœux pour un rétablissement aussi rapide que possible.
Vous avez, cher Président, par une de ces décisions irrévocables dont nous avons appris, à Saint-Gobain, à connaître la nature impérative et irréversible, mis fin volontairement et malgré les instances qui se sont exercées auprès de vous, à votre fonction présidentielle à la tête de la Compagnie. Cette présidence aura duré un peu plus de quinze ans. Cicéron, dans une de ses lettres, évoquant précisément une période de quinze années, la qualifie de „ longum aevi spatium ", un long espace de temps. Mais, quels termes aurait employé l'auteur des Catilinaires pour une telle période inscrite entre les années 1936 et 1952 ?...
Ainsi, par la décision que vous avez prise, votre présidence est maintenant accomplie. A partir d'aujourd'hui, c'est à l'histoire même de la Compagnie qu'elle appartient, sous sa forme immuable et définitive, comme un monument dont les dernières pierres viennent à peine d'être mises en place.
Je voudrais — en un style lapidaire pour obéir à votre injonction d'être bref — essayer de tracer l'inscription qui devrait figurer à son fronton. On y verrait évoquées les ruines des usines relevées, la rénovation de Pise et de Stolberg, la création d'Avilès, la mise en route de l'industrie toute nouvelle de la fibre de verre, ainsi que celle des produits organiques, le développement des engrais granulés et, enfin, ces deux réalisations toutes récentes et particulièrement réussies que sont les laboratoires de la Villette et de la Croix de Berny.
Ah ! Messieurs, pour résumer en un seul mot ce que fut, dans la longue histoire de notre vieille Compagnie, la présidence Hély d'Oissel, nous dirons assurément que ce fut une grande présidence.
Et, s'il m'était permis de parler aussi aujourd'hui au nom de ceux qui, ici, sont encore relativement jeunes, qui ont servi à vos côtés et sous vos ordres, je voudrais essayer de faire comprendre tout ce qu'ils doivent à votre enseignement, tout ce qu'ils ont appris en travaillant auprès de vous. Du moins, savent-ils qu'ils auront le privilège de continuer à bénéficier de l'appui de votre expérience et de votre jugement.
Mais je sais bien que tous ici — ceux-là et les autres — gardent une profonde fierté d'avoir servi à Saint-Gobain durant votre présidence. Et, s'il m'était permis de me référer encore à un précédent historique, comme à ces vieux soldats qui, naguère, appartinrent à la Grande Armée, et qui, sur leurs vieux jours, évoquaient ce grand souvenir, il leur arrivera, j'en suis sûr, de dire parfois :
" Moi aussi, j'étais à Saint-Gobain du temps du Président Hély d'Oissel !"
Un grand honneur m'échoit aujourd'hui : celui de vous adresser quelques mots ; cet honneur, je le dois, tout d'abord, au fait qu'entré très jeune à Saint-Gobain, je suis, actuellement, le plus ancien des cadres du siège social et, ensuite, au fait que je suis issu d'une vieille famille saint-gobinoise qui, depuis près d'un siècle est, de père en fils, au service de la Compagnie de Saint-Gobain.
Mon grand-père, entré à la glacerie de Chauny en 1865, a eu l'honneur de travailler dans notre grande maison à l'époque où M. Antoine Hély d'Oissel, votre grand-père, était Président du Conseil d'Administration.
Monsieur le Président, vous avez suivi la voie tracée par vos ancêtres en vous consacrant à la Compagnie, puisqu'en 1924 vous remplissiez les fonctions de Commissaire aux Comptes, que quatre ans plus tard vous étiez nommé administrateur et qu'en 1936, les membres du Conseil, reconnaissant en vous les qualités d'un grand chef, vous élevaient à la Présidence du Conseil d'Administration.
Votre tâche, dans les doubles fonctions de Président et de Directeur général, a été des plus lourdes, des plus difficiles et, souvent, des plus délicates.
En effet, après les difficultés intérieures de 1936, vous avez connu des temps plus pénibles encore avec la guerre et l'occupation.
Pendant toute cette période, longue et douloureuse, vous avez conduit notre barque d'une main ferme et sûre, en évitant les récifs qui hérissaient votre route et qui, parfois, se dressaient devant vous au moment le plus inattendu.
Les menaces que la situation faisait passer sur nos camarades n'étaient pas la moindre de vos préoccupations et nous savons l'action discrète et efficace que fut la vôtre dans ces circonstances douloureuses.
Puis est venue la Libération et, aussitôt, d'autres problèmes se sont posés ; il fallait rapidement remettre en route nos usines en sommeil depuis près de cinq ans, moderniser leur outillage, développer leurs fabrications et les orienter vers des activités nouvelles, de façon que notre Compagnie puisse reprendre au plus tôt la place qu'elle occupait dans le monde entier avant la guerre. Là aussi, vous avez gagné la partie.
Pour mener votre tâche à bien, vous avez dû agir avec fermeté et, dans certains cas, faire taire vos sentiments, ce qui vous a conduit, parfois, à avoir des réactions un peu vives envers vos collaborateurs ; soyez assuré, Monsieur le Président, qu'ils n'en ont pas gardé le moindre souvenir, car ils savaient bien que ces réactions ne vous étaient dictées que par les devoirs que vous imposait votre lourde charge et que votre cœur en souffrait.
Nous savons tous, ici, combien est grande votre bonté, que c'est toujours avec une extrême bienveillance que vous examiniez tous les cas dignes d'intérêt qui vous étaient soumis et que, par ailleurs, vous soulagiez personnellement bien des infortunes.
Monsieur le Président, vous savez combien les cadres qui forment l'ossature de notre grande famille Saint-Gobain vous ont été et vous restent dévoués ; votre successeur, M. de Vogué, peut être assuré qu'il trouvera le même dévouement auprès de nous.
En terminant, permettez-moi, Monsieur le Président, de vous dire, au nom de tout le personnel et, plus particulièrement des cadres qui vous entourent, qu'ils se souviendront toujours avec fierté que les représentants de votre famille ont présidé aux destinées de notre grande maison depuis plus d'un siècle et demi, en portant toujours plus haut et plus loin le drapeau Saint-Gobain et qu'ils conserveront au plus profond de leur cœur votre souvenir fidèle.
C'est un grand honneur pour moi de pouvoir aujourd'hui prendre la parole au nom de tous les collaborateurs étrangers de la Compagnie de Saint-Gobain, honneur qui n'est, hélas ! que le privilège de l'âge et de l'ancienneté de ma date d'entrée à la Compagnie. Je veux y voir la preuve de l'attachement réciproque qui sait unir dans une grande famille tous les membres français et étrangers de notre Compagnie et la preuve aussi que, sans bruit mais avec efficacité, celle-ci a su depuis longtemps réaliser cette union au-delà des frontières dont on parle si souvent aujourd'hui.
Aussi bien, me sera-t-il permis d'ajouter dans cette circonstance que je suis spécialement heureux des contacts personnels que j'ai eu à plusieurs reprises l'occasion d'avoir avec vous, Monsieur le Président; contacts grâce auxquels j'ai pu admirer l'esprit d'initiative, en même temps que la fermeté avec lesquels vous avez su mener notre Compagnie dans des moments difficiles entre tous.
C'est donc avec un très vif regret que l'équipage voit s'éloigner prématurément le pilote qui avait su passer entre tant d'écueils et avec lequel il avait acquis cette confiance qui lie ceux qui se dévouent de tout leur cœur à une même tâche, confiance que nous vous assurons de reporter entièrement et sans réticence sur votre successeur.
Puisse la Providence vous assurer maintenant de longues années pour jouir en bonne santé de ce repos bien mérité. Mais ce repos ne signifiera pas pour vous l'inactivité, votre passé nous est garant que nous pourrons encore bénéficier des conseils de votre jugement et de votre expérience, car nous savons, spécialement, nous les étrangers, l'immense capital d'estime qui s'attache à votre nom. Et si je puis formuler, en terminant, un souhait, c'est que, pas plus que nous ne vous oublierons, vous vouliez bien vous rappeler vos collaborateurs, qui seraient toujours profondément heureux de vous accueillir plus souvent qu'ils n'ont eu l'occasion de le faire lorsque vos obligations vous retenaient à Paris.
Ce n'est certes pas sans une certaine mélancolie que j'enterre aujourd'hui, avec vous, ma vie de Président.
M. le Président, M. Journa, M. Lambertz m'ont couvert de fleurs à tour de rôle et m'ont décerné des hommages que je suis bien loin de mériter.
Le Conseil d'Administration de la Compagnie de Saint-Gobain m'a fait, en 1936, l'extrême honneur de me confier une lourde tâche. J'aurais mauvaise grâce à nier que son caractère sportif lui conférait à mes yeux un très vif attrait. Je l'ai remplie avec une passion sans doute excessive, puisque c'est peut-être à l'excès de cette passion que sont dues les manifestations explosives d'un tempérament congénitalement acariâtre et violent. J'en sollicite aujourd'hui l'absolution totale avec une contrition parfaite et, puisque je n'aurai plus guère l'occasion de manifester ma mauvaise humeur, je forme le ferme propos de ne plus retomber dans ces impardonnables fautes. Si ma présence à la tête de cette Maison n'a pas été entièrement inutile, si le patrimoine de notre Compagnie a pu être défendu, développé et rénové, je le dois à votre savoir, à votre compétence et à votre fidélité, et je tiens à vous en remercier de la façon la plus sincère. Je le dois aussi au dévouement traditionnel de tout le personnel de la Compagnie de Saint-Gobain, auquel je voudrais adresser l'expression de ma très profonde gratitude.
Je tourne une des dernières pages de ma vie et ce jour serait peut-être un peu morose si je n'avais la joie de remettre les rênes du Gouvernement à un homme dont vous connaissez la valeur, dont vous avez pu apprécier la sagesse et auquel vous avez déjà donné votre confiance et votre estime.
Mon esprit ne peut se détacher aujourd'hui, mon cher Président, du souvenir du Président Robert de Vogué qui a été mon premier patron à Saint-Gobain. Son exemple m'a montré comment un marin français fait face à l'orage, et je voudrais espérer qu'aujourd'hui son fin visage de gentilhomme s'éclaire d'un sourire en voyant s'achever l'œuvre dont il a fondé les bases et en voyant son fils prendre en mains, d'une main sûre, la barre de notre vieille barque qui a bourlingué pendant des siècles sur les mers les plus démontées et qu'il saura conduire avec bonheur vers ses brillantes destinées.