Fils de Marin Paul Louis GUILLAUME, chef du contentieux à la Société Générale puis substitut du procureur de la République à Rennes, et de Elisabeth de MINIAC (mariés le 28/5/1877 à Lannion). Le grand-père GUILLAUME était maire de Chateaubourg et époux de Marie-Louise GAUDICHE.
Ancien élève de l'Ecole polytechnique (promotion 1899, entré classé 22 et sorti classé 2 sur 218 élèves), et de l'Ecole des Mines de Paris (entré classé 2 sur 5 élèves). Corps des mines.
Publié dans Annales des Mines, décembre 1970.
Le même article a été publié dans La Jaune et la Rouge, décembre 1970.
Le 26 juillet 1970, quelques jours avant son 90e anniversaire, Marin Guillaume est décédé, après une existence d'une étonnante diversité, tout entière consacrée au service de la nation.
Sa famille paternelle était originaire de Chateaubourg (Ille-et-Vilaine) où son grand-père était maître de poste et maire. Il est né à Rennes le 18 août 1880, le 3e et le seul garçon d'une famille de 7 enfants.
Entré 22e à l'X en 1899, il en sort 2e et choisit le corps des mines. Le service ordinaire occupe les premières années de sa carrière à Alès, Nancy puis Paris.
Mobilisé comme capitaine d'artillerie dès le 2 août 1914, il fut rappelé du front, malgré ses protestations, et affecté au service des Poudres le 6 septembre 1915 pour construire une nouvelle poudrerie à Saint-Fons.
En janvier 1918, sa mission accomplie, il demande à retourner dans son corps, le 39e régiment d'artillerie. Mais le destin devait en décider autrement et c'est au Sahara qu'il est envoyé pendant 8 mois pour rechercher en vain un hypothétique gisement de nitrate de potassium.
Détaché à l'Office de reconstitution industrielle en avril 1919, il est nommé, en janvier 1920, directeur des Mines au Ministère des Travaux publics. Dans ces fonctions de premier plan, il contribue, avec l'efficacité qui le caractérise, à relever les ruines qu'avaient laissées plus de 4 années de guerre impitoyable.
Pendant cette période, il fut nommé, en avril 1923, conseiller d'Etat en service extraordinaire et en décembre 1925, premier président de l'Office National Industriel de l'Azote. C'est grâce à son action énergique que l'usine a été construite, sur les brevets transférés de la B.A.S.F., malgré de sérieuses difficultés dues essentiellement à la nouveauté des moyens technologiques; il a su animer et souder toute son équipe qui a longtemps gardé le souvenir d'avoir vécu, sous son commandement, une sorte d'« épopée industrielle ».
Lorsqu'il quitte la direction des Mines, en avril 1928, le Ministre André Tardieu le félicite en rappelant « qu'il s'est trouvé en présence d'une situation critique résultant de la désorganisation des mines du Nord et du Pas-de-Calais, qu'il a su mener à bien la tâche de reconstitution de notre industrie et qu'il a pu trouver des solutions aux graves problèmes qui se posaient, grâce à sa connaissance approfondie des affaires publiques et à son expérience administrative jointes à un grand esprit de décision ».
En avril 1928, il prend la direction du service du nivellement général de la France et en janvier 1930, le gouvernement pense à lui pour une mission importante et délicate : la direction générale des Mines de la Sarre confiée à la France par le traité de Versailles. Avec son courage et sa ténacité habituels, il défendit les intérêts de son pays et soutint magnifiquement le moral de ses compatriotes dans l'atmosphère oppressante des semaines qui précédèrent le plébiscite du 13 janvier 1933.
Le Ministre Henry Roy le félicite (une fois de plus) pour son activité qui s'est traduite par un accroissement du rendement de 874 kg en 1930 à 1 146 en 1934 et par un excédent de recettes de 150 millions de francs. Il est également félicité d'avoir su maintenir les mines en pleine activité pendant la période pré-référendaire, malgré une situation tendue d'opposition à la France.
Après avoir négocié à Rome les conditions du retour des Mines de la Sarre à l'Allemagne, l'autorité qu'il a acquise est telle que le comptoir sidérurgique lui offre, en janvier 1936 de faire partie du collège arbitral « chargé de décider des questions concernant ses adhérents qui ne pourront être réglées par voie amiable ».
Grand patriote, il suit avec angoisse l'ascension de Hitler et les signes précurseurs d'un nouveau conflit. Après Munich, il renvoie au Président de la République ses insignes de grand-officier dans l'ordre de la Légion d'honneur (il avait été admis à cette dignité en 1935 à 55 ans) en disant, en substance « Actuellement, en fait de rouge, les Français ne connaissent que celui de la honte! ». Le Président Lebrun lui répond « Quand on s'appelle Guillaume, on peut être radié, mais on ne peut pas démissionner ».
Vint de nouveau la guerre. Marin Guillaume est mobilisé au Ministère de l'Armement dont le titulaire était Raoul Dautry. En février 1940, il fut « chargé des fonctions de directeur, à titre temporaire, de l'École Nationale Supérieure des Mines de Paris ». Mais il rongeait son frein et, plein d'ardeur civique et patriotique, il demande à 60 ans, avec son grade de lieutenant-colonel, à être envoyé dans une unité combattante; il n'eut satisfaction que dans les derniers jours de mai 1940; il partit aussitôt et prit part aux derniers combats. Mais l'armistice survint et il fut démobilisé le 6 juillet.
Pendant les 4 années où il dirigea l'Ecole des Mines il eut à résoudre bien des problèmes, compliqués par la division de la France en 3 zones : interdite, occupée, non occupée. Signalons seulement l'instauration d'une collaboration étroite avec l'École des Mines de Saint-Étienne : admission des élèves de chaque école à l'enseignement de l'autre ; création d'un concours commun dans chacune des deux zones occupée et non-occupée, auxquels se joignirent d'ailleurs d'autres écoles; mesures prises pour permettre aux élèves Israélites d'échapper aux risques qui les menaçaient en zone occupée; plus tard, mesures à prendre pour que tous les élèves puissent éviter le départ au travail obligatoire (S.T.O.) en Allemagne, etc.
De son passage à l'École des Mines, il faut encore rappeler deux batailles qu'il mena avec sa fougue coutumière. La première avait pour objectif d'obtenir l'agrandissement des locaux en acquérant un terrain voisin occupé par l'Institution des Sourds-muets. Ce fut une bataille d'usure, jalonnée par une longue suite de démarches pour réunir les multiples autorisations nécessaires. Le 22 mars 1944, faisant ses adieux au Conseil de perfectionnement de l'École, M. Guillaume pouvait dire : « L'affaire est à la Direction des Domaines. Il semble que la décision soit virtuellement prise ». Mais, peu de mois après, la solution fut remise en cause comme émanant du Gouvernement de Vichy; une autre candidature, très appuyée alors pour des raisons politiques, se révéla; finalement les Sourds-muets restèrent en place et l'École des Mines dut chercher d'autres solutions.
Il fut plus heureux avec le Centre de recherches métallurgiques qu'il, créa, ou plutôt recréa, avec le concours du Comité d'organisation de la sidérurgie et qui obtient, dès ses débuts, des résultats de grande portée.
Le 15 mars 1944, à la demande pressante des autorités d'occupation, il était mis à la retraite de façon anticipée.
Mais la notion de retraite n'avait pas grand sens pour Marin Guillaume. Il avait été nommé entre temps Président de la Société des Houillères de Sarre et Moselle et ce fut pour lui une nouvelle occasion de déployer sa débordante activité.
Le lecteur voudra bien m'excuser de rappeler un souvenir personnel qui éclaire bien son caractère. En janvier 1943 (avant Stalingrad), il vint me trouver à Saint-Étienne où j'étais en fonction au service ordinaire des Mines et me tint, avec son bel optimisme, le langage suivant :
« Il y a de fortes chances pour que les alliés gagnent la guerre. Lorsque l'occupant sera chassé, il faudra remettre en exploitation le plus vite possible les mines de Sarre et Moselle car la France aura le plus grand besoin de charbon. Le directeur général Emile Huchet est mort en 1940. Voulez-vous faire partie de mon équipe? »
J'acceptai, bien sûr, avec enthousiasme; nous échangeâmes des lettres secrètes nous engageant réciproquement.
C'est ainsi que je me retrouvai à ses côtés en décembre 1944, à Merlebach, à 2 ou 3 km du front, pris en subsistance par l'armée américaine, et soumis aux bombardements, heureusement sporadiques des allemands, mais malheureusement fantaisistes des américains. Nous manquions de tout; les étages inférieurs des fosses étaient noyés, les étages supérieurs menaçaient de l'être si nous ne rétablissions pas le courant dans des délais qui paraissaient hors des possibilités.
Je ne puis m'empêcher de rapporter encore une anecdote. Nous fêtions le réveillon de la Saint-Sylvestre avec un menu légèrement amélioré quand un G.I., livide, entre brusquement : « Germans come ! ». Les officiers américains qui étaient avec nous, nous quittent précipitamment (Nous apprenons le lendemain qu'ils s'étaient, en toute hâte repliés sur Nancy !). Nous décidons de rester. M. Guillaume s'éclipse et reparaît en uniforme de lieutenant-colonel, un revolver à la ceinture et dit : « Je vais voir ce qu'il en est ». Il part seul dans la nuit glaciale et marche vers le nord. A 3 heures du matin, il est arrêté par une patrouille de M.P., tout étonnée de rencontrer, dans ce secteur, un officier français; nous eûmes beaucoup de mal à le tirer de leurs griffes et il y laissa son revolver !
Je ne peux, faute de place, m'étendre plus longtemps sur cette période qui restera pour moi, une des plus exaltantes. Peu à peu, nous en sommes sortis. Le feu dévorant d'activité qui animait M. Guillaume était contagieux pour toute l'équipe. Comme nos camarades de l'O.N.I.A. en 1928, nous gardons le souvenir d'avoir vécu avec lui une sorte « d'épopée industrielle ».
Cette tâche, pourtant écrasante, ne l'empêcha pas d'accepter de prendre, en avril 1945, les fonctions supplémentaires de Chef de la Mission française des Mines de la Sarre; pendant quelques mois, il apporta l'expérience qu'il avait acquise avant 1935 et réalisa le démarrage de leur reprise en mains par la France.
Au moment où, à Sarre et Moselle, nous allions recueillir le fruit de nos efforts, intervint la nationalisation des Charbonnages. Pour Marin Guillaume, le privé comme le public est au service de la nation et il passe aisément de l'un à l'autre, cherchant la place où il peut être le plus utile. De septembre 1946 à juin 1948, il est le premier Directeur général des Charbonnages de France et, une fois de plus, contribuera efficacement à fournir à la France le charbon nécessaire à sa reconstruction.
Telle fut sa carrière, en la limitant aux fonctions les plus importantes (il en a assuré beaucoup d'autres). Elle permet de deviner et d'apprécier les qualités de l'homme. Sa vertu dominante était, je crois, le courage : courage physique (c'était un marcheur infatigable!) courage civique, courage moral. Son honnêteté intellectuelle était rigoureuse; son dynamisme, proverbial; il paraissait toujours dévoré par une flamme intérieure qui le poussait à agir et qui entraînait ceux qui faisaient partie de son équipe. Avant de prendre une décision, il savait étudier les dossiers et recueillir des avis; avec la promptitude de son intelligence et sa puissance de travail, cette phase préliminaire n'était jamais très longue. Sa décision, une fois prise, il mettait tout en oeuvre pour que l'exécution en fut rapide et totale.
A ses qualités morales, il faut ajouter ses qualités de coeur; il était « généreux » dans toute l'acception du terme; sa bienveillance n'enlevait rien à son autorité; il avait une véritable affection pour ceux dont il estimait le travail.
La première partie de sa vie avait été assombrie par la mauvaise santé de sa femme qu'il perdit en 1941. Il se remaria en 1945 et son épouse sut le comprendre et lui apporter l'équilibre dont il avait besoin sans peut être s'en rendre compte. Il vécut auprès d'elle 25 années que l'on peut qualifier - non pas de paisibles, car ce mot ne figurait pas dans son vocabulaire - mais certainement d'heureuses.
Puissent Madame Marin Guillaume, ses deux filles et toute sa famille, trouver dans le souvenir inoubliable qu'il laisse à tous ceux qui l'ont approché, un réconfort à leur profonde douleur.