Paru dans Annales des Mines, décembre 1964
C'EST avec une profonde émotion que nous avons appris le décès inattendu de l'Ingénieur général des Mines Lambert BLUM-PICARD survenu le 16 septembre 1964.
Sa haute compétence technique et administrative dans de multiples domaines, les qualités d'animateur et de chef dont il fit également preuve à la tête d'un complexe minier et industriel de classe internationale, lui avaient assuré une très brillante carrière au cours de laquelle il n'a cessé d'honorer le Corps des Mines.
Entré à l'Ecole polytechnique en octobre 1912, lieutenant d'artillerie pendant la guerre 1914-1918 (une blessure, deux citations), il débuta dans le Corps des Mines comme Ingénieur ordinaire dans le Nord - Pas-de-Calais, puis après cinq années à Béthune, il fut affecté à Metz; il fut ensuite détaché comme Directeur au Contrôle des Mines de la Sarre de 1930 à 1935 et nommé Ingénieur en chef en 1931. Il fut en 1936 nommé Directeur du Cabinet du Sous-Secrétaire d'État chargé des Mines, avant d'être, la même année, appelé comme Directeur des Mines au Ministère des Travaux publics [en remplacement de Galliot nommé directeur du bureau de documentation minière du ministère] et nommé Ingénieur général. Il collabora ainsi au règlement des conflits sociaux de 1936, à la négociation du traité avec l'Allemagne sur les échanges minerai de fer lorrain contre coke allemand et à l'organisation des importations anglaises en vue du conflit qui se préparait.
La réputation internationale qu'il s'était déjà acquise le désignait à l'attention des autorités allemandes d'occupation, qui obtinrent dès juillet 1940 du Gouvernement de Vichy sa révocation, suivie de la suspension de son grade d'Ingénieur général des Mines comme conséquence des lois raciales.
Sollicité alors par le Comité français de la Libération nationale, il rejoignit Londres au péril de sa vie en décembre 1942. Conseiller économique auprès du Général de Gaulle en 1943, puis Secrétaire général au Commissariat à la Production à Alger en 1944, il fut notamment chargé de préparer la réforme des textes sur les Comités d'organisation et sur la répartition, en vue du retour en France.
Lors de ce retour, il devint en septembre 1944 Secrétaire général du Ministère de la Production industrielle jusqu'en avril 1946, date à laquelle le Parlement supprima les postes de secrétaires généraux. Dans ces dernières fonctions, Lambert BLUM-PICARD prit une part déterminante dans l'organisation des Houillères et Charbonnages nationalisés et de la Régie Renault et dans la création du Bureau de recherches de pétrole.
La suppression des secrétariats généraux rendit Lambert BLUM-PICARD disponible pour de nouvelles tâches et, en avril 1946, sans cesser pour cela de continuer à représenter le Gouvernement et le Ministère de la Production industrielle dans de nombreux postes administratifs ou économiques où sa compétence fut fort appréciée, il devint Président des Mines domaniales de potasse d'Alsace et quelques mois plus tard, en octobre 1947, il fut nommé Vice-Président du Conseil général des Mines.
Comme Président commun des Mines domaniales de potasse d'Alsace et de la Société commerciale des potasses d'Alsace et de leurs plus importantes filiales en France et à l'étranger, Lambert BLUM-PICARD, en dix-huit années jusqu'à sa retraite en fin 1963, a réalisé une oeuvre considérable dans tous les domaines :
En ce qui concerne le Corps des Mines, en qualité de Vice-Président du Conseil général des Mines, il exerça de 1947 à 1960 une activité singulièrement féconde. Ce fut pour ce Conseil une période très riche en difficiles problèmes et en lourdes responsabilités, et son Vice-Président prit une part prépondérante à de nombreux travaux parmi lesquels il suffit de citer :
Lambert BLUM-PICARD avait également succédé à Etienne Audibert à la présidence de la Commission des recherches scientifiques sur le grisou, les poussières et les explosifs, devenue en 1960, la Commission des Recherches scientifiques sur la sécurité dans les mines et carrières.
Par ailleurs, comme nous l'avons indiqué plus haut, il était bien naturel que les pouvoirs publics demandent à Lambert BLUM-PICARD de continuer à faire bénéficier de sa grande compétence des services ou des organismes publics de première importance. C'est ainsi qu'il fut délégué par le Ministère de la Production industrielle au Conseil économique, et représenta ce même Ministère comme administrateur au Conseil de la S.N.C.F. et à celui des Charbonnages de France, où il siégea jusqu'à son décès.
Il fut également membre des conseils d'administration du Bureau de recherches géologiques, géophysiques et minières et du Bureau minier de la France d'outre-mer et le resta après la fusion de ces deux organismes en un Bureau unique dont le Gouvernement lui confia la charge délicate d'administrateur provisoire pendant les premiers mois de son fonctionnement.
En avril 1955, il assuma également la présidence de la Commission consultative pour la production d'électricité d'origine nucléaire.
Enfin, tout récemment encore, il accepta, à la demande du Ministre de l'Industrie, de se charger des fonctions de Président de la « Table Ronde » des Charbonnages, créée au mois de mai 1963 pour examiner l'avenir de l'industrie charbonnière.
Signalons enfin que pendant plusieurs années, il fut membre du Conseil de perfectionnement de l'École polytechnique dont il assuma même la vice-présidence en 1952-1953.
Lambert BLUM-PICARD était grand officier de la Légion d'honneur depuis juillet 1956.
Tous ceux qui l'ont connu et l'ont suivi au cours de cette magnifique carrière, ont senti le rayonnement de cette belle intelligence, en même temps que le charme de son accueil affable et toujours bienveillant.
C'est un grand mineur et un grand commis de l'État qui disparaissent avec lui, et tous ses amis de l'industrie minière, des services de l'Etat et des organisations nationales ou même internationales, qui bénéficièrent de son expérience, de son autorité ou de ses conseils, ressentent vivement le vide que laisse sa disparition prématurée et assurent Madame BLUM-PICARD et ses enfants de leur douloureuse sympathie.
Vu sur le site web du ministère des affaires étrangères :
L'année 1943 voit se multiplier les études sur les conditions de la paix future et de la reconstruction. Le projet de constitution d'une union économique de l'Europe occidentale, prôné en particulier par Jean Monnet, commissaire au ravitaillement et à l'armement, est alors discuté entre Monnet, le commissaire à l'Équipement René Mayer, Hervé Alphand et René Massigli, qui confient à l'inspecteur général des mines L. Blum-Picard le soin d'en étudier les répercussions sur l'économie française.
(Archives du ministère des Affaires étrangères, Paris, Guerre 1939-1945 Londres-Alger, vol. 729, f. 219).