Né le 15/10/1850 à La Villette (Seine). Fils de Eugène Joseph Lucien HUILLIER, manufacturier, et de Justine Agelie THABOURIN.
Ancien élève de l'Ecole polytechnique (promotion 1873, entré classé 108 et sorti classé 184 sur 226 élèves)
Ancien élève externe de l'Ecole des mines de Paris (promotion 1875 : entré le 23/10/1875, classé 16, et sorti le 13/6/1878, classé 11 des externes). Ingénieur civil des mines.
Publié dans le Bulletin de l'Association des anciens élèves de l'Ecole des mines de Paris, Janvier-Février-Mars 1919
Marie-Fernand Huillier naquit à Paris le 15 octobre 1850. L'industrie des transports, où devait se dérouler sa belle carrière, prenait alors, sous l'impulsion de la loi du 11 juin 1842, ce prestigieux essor qui fut d'une si haute portée pour l'avenir économique de notre pays.
Curieux et observateur, Huillier avait ainsi subi, tout jeune, l'attirance du chemin de fer, et sa vocation, née de visions répétées qui frappaient vivement son imagination d'enfant, ne fit que se fortifier par la suite, nonobstant les efforts de ses maîtres, les Pères Jésuites de Vaugirard, qui, voyant se développer en lui les plus brillantes qualités littéraires, cherchaient à lui persuader qu'il se méprenait sur ses véritables aptitudes.
Et certes, les bons arguments ne leur faisaient pas défaut : nourri de grec et pétri de latin, possédant à fond ses auteurs, tant anciens que modernes, Huillier se faisait remarquer dès lors par la précision et l'élégance de son style, et par une extraordinaire facilité à s'exprimer en vers. Peu s'en fallait qu'il ne pût s'écrier avec un de ses poètes préférés :
Mais sa persistance à. déclarer qu'il entrerait à l'Ecole Polytechnique, et ensuite au P.-L.-M., eut raison de toutes les objections, et respectant l'indépendance d'esprit de ce « Littéraire » qui affirmait avec une foi communicative ses aspirations scientifiques, ses maîtres le dirigèrent vers la grande Ecole dont l'éclat prestigieux l'avait séduit et conquis.
Il prenait part au concours d'admission, en 1870, lorsque éclata la guerre franco-allemande. Avec cet esprit de décision qu'il a conservé toute sa vie, il renonça au concours et s'engagea. On le versa dans un corps expéditionnaire qui fut envoyé en Kabylie, d'abord pour y prévenir, ensuite pour y étouffer une révolte naissante. La campagne fut très dure et ne prit fin qu'au mois d'août 1871.
Il en revint fortifié et mûri, reprit ses études de préparation à l'Ecole Polytechnique et s'y fit recevoir en 1873.
Deux ans plus tard il entrait à l'Ecole supérieure des Mines, l'Ecole aimée dont il devait tant apprécier l'enseignement, l'organisation et l'esprit, et qui lui décerna, en fin d'études, la médaille d'or fondée par l'Association amicale.
Le 1er août 1878, ce ne fut pas le réseau P.-L.-M., objet de ses rêves d'enfant, qui l'accueillit, mais bien celui de l'Ouest, qui l'envoya à Rennes comme attaché d'exploitation. Il n'y demeura que dix mois et, en juin 1879, il était nommé inspecteur au service central du matériel et de la traction où, pendant trois ans, il s'occupa spécialement de l'installation, sur le matériel à voyageurs, du frein continu et de l'appareil d'intercommunication dont l'application avait été prescrite par l'Administration supérieure.
Envoyé en 1882 aux ateliers de Sotteville comme inspecteur principal, il était nommé, en 1885, ingénieur de ces ateliers à la tête desquels il demeura jusqu'en 1893.
Le souci de fixer équitablement les prix de main-d'œuvre, condition essentielle de la paix dans les ateliers, l'amena à entreprendre, en collaboration avec M. Ch. Frèmont, des expériences sur le rendement des machines-outils. Les résultats en furent publiés dans le Bulletin d'avril 1899 de la Société d"Encouragement pour l'industrie nationale.
L'ascendant qu'il exerçait sur les ouvriers par la compétence qu'il avait acquise, par son esprit de justice, et par la bienveillance familière avec laquelle il les accueillait, le servit heureusement, à l'époque où Sotteville était environné de grèves et où des agitateurs venus de Paris tentaient d'entraîner dans le mouvement les ouvriers de la Compagnie. Demeurant avec eux en contact constant, il sut leur persuader que leurs intérêts, comme leurs devoirs, étaient inséparables du maintien de l'ordre et de la continuité du travail, et il eut la satisfaction de faire échouer le mouvement.
Les qualités de technicien et de chef qu'il avait montrées à Sotteville le désignaient pour un poste plus important; en 1893 il fut nommé ingénieur principal de l'ensemble des Ateliers du réseau, puis, en 1901, ingénieur principal du matériel, service qui comprenait les ateliers, les études, les travaux extérieurs et le service électrique. Il conserva ces fonctions après le rachat du réseau et, le 16 juillet 1913, il était promu ingénieur en chef du matériel.
Il avait été fait chevalier de la Légion d'honneur en 1903, après vingt-cinq ans de services à la Compagnie de l'Ouest.
En 1894, il avait accepté la présidence de la Société de secours des ouvriers des ateliers et des dépôts de la Compagnie ; l'action personnelle qu'il exerça sur la gestion de cette association est caractérisée par les résultats suivants : l'actif, nul en 1894, atteignait un demi-niilliou au moment de la liquidation de la Société, qui fut une des conséquences du rachat.
Dès les premiers mois de 1915, M. Huillier fut appelé à participer aux fabrications que le Ministère de la guerre confia aux ateliers des grands réseaux ; il donna son concours à cette nouvelle forme de l'activité des chemins de fer avec un enthousiasme avivé par la flamme patriotique qui l'animait et la certitude, qui ne l'abandonna jamais, même aux jours les plus sombres, de la victoire des alliés. Il eut ainsi à s'occuper de l'étude et de la construction de trains sanitaires, de wagonnets, d'affûts, d'appareils briseurs de réseaux barbelés et franchisseurs de tranchées, ainsi que de la fabrication des obus. Il collabora de même à la mise au point d'un fusil mitrailleur.
Enfin, en août 1915, il était nommé Secrétaire rapporteur de la Commission des contrats, et l'année suivante, membre de la Commission des chars d'assaut et des appareils passe-rivière.
Atteint, comme fonctionnaire du réseau de l'Etat, par la limite d'âge, il avait été admis à la retraite le 15 octobre 1915 et nommé ingénieur en chef honoraire ; mais, en raison des circonstances et de sa collaboration active aux travaux de la défense nationale, il était maintenu dans ses fonctions, en sorte qu'à l'heure où le repos avait sonné pour lui, il restait chargé de lourdes besognes dont beaucoup sortaient du cadre de ses travaux antérieurs, et le conduisirent à prolonger ses veilles.
C'était une témérité qu'en des temps moins troublés il eût réprouvée chez autrui. Uniquement préoccupé de répondre à l'appel fait à ses compétences, à son dévouement, à son patriotisme, il voulut pour lui-même en ignorer le danger, danger qui n'était que trop réel, hélas ! car bientôt sa santé s'altéra.
L'amaigrissement se fit rapide, impressionnant. Bientôt le sommeil disparut, et avec lui la gaieté, cette gaieté native qu'Huillier appelait son ressort, celle gaieté qu'il extériorisait avec tant d'aisance, grâce à la finesse de son esprit, à l'originalilé de sa pensée, à la vivacité de ses réparties et à un don particulièrement heureux d'expression.
Puis, peu à peu, ses pas s'alourdirent. Mais, obstiné, il lutta. Et il lutta jusqu'au dernier jour.
Il ne s'alita, en effet, que le 12 octobre dernier, pour s'éteindre le 16, au lendemain de ses soixante-huit ans, à la veille de prendre sa retraite définitive.
Ses dernières paroles furent : « J'ai beaucoup travaillé, on me rendra justice ». Au seuil de la tombe, c'était le témoignage de sa conscience qui lui apportait la sérénité dans la mort.
A la compagne de grand cœur et d'esprit élevé dont sa gaieté ensoleillait l'existence, qui vivait avec lui dans une enviable communauté d'aspirations, de sentiments et d'idées, nous offrons ici l'expression de notre profonde et respectueuse sympathie.