Né le 14/3/1845 à Paris.
Fils de Henri SAINTE-CLAIRE DEVILLE.
Marié à Adèle Cécile Blanche SAINTE-CLAIRE DEVILLE, fille de Charles SAINTE-CLAIRE DEVILLE (et donc cousine germaine de Emile).
Père de 5 enfants, dont :
Ancien élève de l'Ecole des mines de Paris (promotion 1866, entré aux cours préparatoires le 8/9/1865 classé 3, admis au cycle de formation d'ingénieurs le 7/11/1866 classé 3, diplomé le 5/6/1869 classé 17). Ingénieur civil des mines. Voir bulletin de notes.
Bulletin de l'Association des Anciens élèves de l'Ecole des mines de Paris, 1930 :
Emile-Louis Sainte-Claire-Deville, né à Paris le 15 mars 1845, était le deuxième fils d'Henri Sainte-Claire-Deville, qui était depuis l'année précédente, revêtu d'un titre, jurant quelque peu avec son jeune âge; il avait été nommé Doyen de la Faculté des Sciences de Besançon; il avait 26 ans!
Après sept années de décanat à Besançon, Henri Sainte-Claire-Deville vint à Paris, en 1851, prendre la direction de ce laboratoire de l'Ecole Normale supérieure, d'où, a dit Pasteur, « il a tenu pendant trente ans le sceptre de la Chimie minérale en Europe ». Sa famille le suivit et notre camarade fit alors ses études secondaires, d'abord au petit séminaire Notre-Dame-des-Champs, puis au lycée Saint-Louis et au collège Rollin.
Au cours de 1865, il est admis aux cours Préparatoires de notre Ecole, 3° sur 20, et fait partie de la promotion 1866 pour l'entrée aux cours spéciaux.
Dès sa sortie de l'Ecole, il est, le 1er juin 1869, nommé Ingénieur adjoint à l'Usine Expérimentale de la Compagnie Parisienne du Gaz, sous les ordres de M. Albert Ellissen; désormais, et donnant un exemple de stabilité bien rare, il ne quittera plus cette usine et ce laboratoire, où s'est déroulée toute sa carrière scientifique.
En même temps qu'il débutait ainsi dans l'Industrie, il voyait s'accomplir le plus heureux événement de sa vie, son mariage avec sa cousine germaine tendrement aimée, fille de son oncle Charles Sainte-Claire-Deville, géologue et membre de l'Institut, son ancien de trente ans à l'Ecole des Mines (promotion 1836).
Carrière et bonheur conjugal furent bientôt interrompus par les terribles événements de 1870.
Après avoir mis à l'abri, dès la fin d'août, sa femme et son jeune fils, Emile Sainte-Claire-Deville, resté à Paris, fut emmené, ainsi que son frère aîné, ingénieur des manufactures de l'Etat, en mission du Gouvernement de la Défense Nationale, par son père, chef de cette mission qu'il avait provoquée auprès du Général Trochu.
Paris allait être assiégé et personne n'avait songé à comprendre dans les approvisionnements, réunis en toute hâte avant l'investissement, le sel nécessaire à la population et à l'immense parc de bétail engouffrés dans le camp retranché, ni les produits désinfectants, chlorure de chaux, goudron de houille, huiles de créosote, qui devaient assurer et qui assurèrent une protection efficacce contre les épidémies.
Du 6 au 13 septembre 1870, Henri Sainte-Claire-Deville et ses deux fils coururent la région d'Alais, Salindres, Nîmes, Marseille.
Grâce à l'autorité et aux relations du Chef de la mission auprès des dirigeants de l'industrie chimique, le nécessaire fut rassemblé et envoyé sur Paris par de nombreux trains qui purent encore entrer avant l'investissement.
Le siège commencé, Emile Sainte-Claire-Deville fut incorporé sur sa demande dans les équipes chargées d'organiser l'éclairage en avant des positions de l'armée.
Chargé d'abord d'installer un service de projecteurs au bastion 82, près de Monsouris, il prit bientôt l'initiative de demander le transport de ses appareils et de son équipe au poste le plus avancé au sud, la redoute de Hautes Bruyères, près d'Arcueil, objectif préféré de nombreuses batteries prussiennes placées en face.
Le projecteur alimenté par une pile de 60 éléments Bunsen n'eut jamais à fonctionner sérieusement, cependant, un jour de janvier 1871, un nouveau commandant de la redoute voulut faire une expérience d'éclairage. A peine l'arc était-il allumé et le faisceau lumineux dirigé dans la direction de l'ennemi invisible qu'arriva un obus long suivi d'un court... la chute d'un troisième mieux placé, décida le commandant à faire éteindre. « Je ne me suis fait aucunement prier pour couper le courant » écrivit dans ses notes quotidiennes Emile Sainte-Claire-Deville qui, à découvert sur le parapet de la redoute, dirigeait le projecteur de ses mains.
Il n'était que juste de rendre hommage ici à ces services rendus à la défense nationale dans une époque douloureuse.
La modestie d'Emile Sainte-Claire-Deville et son horreur de ce qui lui aurait paru être de la réclame personnelle lui avait fait garder pour un petit nombre d'intimes ses souvenirs de l'année terrible.
Revenu à son poste de l'Usine expérimentale, en juin 1871, après la Commune, il en prend la direction, Albert Ellissen ayant un peu antérieurement quitté la Compagnie Parisienne du Gaz, et il entre véritablement dans la carrière scientifique qu'il a poursuivie pendant plus de 50 ans et que nous retracerons un peu plus loin.
Avant d'aborder son œuvre, disons que, si l'existence lui avait donné les joies et le bonheur de la vie familiale, les douleurs ne lui furent pas non plus épargnées.
En 1881, il perdait son père, le célèbre chimiste, âgé seulement de 61 ans, enlevé à la science en pleine activité d'esprit. En 1885, il perdait sa femme et restait veuf avec trois fils et deux filles; en 1897, le second de ses fils, engagé volontaire dans l'infanterie de marine, mourait à bord du paquebot qui le ramenait de Madagascar, sans qu'il put revoir sa famille, dont il était séparé depuis deux ans.
Depuis son entrée à la Compagnie Parisienne du Gaz, Emile Sainte-Claire-Deville n'a pas cessé un seul instant de travailler au laboratoire de cet établissement original, que constituait l'Usine Expérimentale et dont la création fait honneur aux dirigeants de la Compagnie qui l'ont conçue.
Bien qu'il ne méconnut pas certains inconvénients purement personnels de cette sorte de stagnation dans le même poste, il en appréciait le principal avantage; il a eu le temps devant lui et a pu apporter à ses travaux une continuité de vues et d'application qu'on rencontre rarement et il n'est aucun point de la chimie du gaz et de la physique industrielle du gaz sur lequel il n'ait eu l'occasion de porter l'effort de ses recherches.
Les travaux d'Emile Sainte-Claire-Deville, restés pour la plupart inédits, sont contenus dans quinze gros volumes de rapports autographiés qui sont la propriété de la Société du Gaz de Paris et dont une partie est en dépôt dans la bibliothèque de la Maison du Gaz, Maison de l'Association technique de l'Industrie du Gaz en France, 11, rue Blanche à Paris, où elle est accessible aux chercheurs.
Une petite partie a été publiée dans le compte rendu des congrès de la Société Technique pour l'Industrie du Gaz en France et dans un ouvrage intitulé « Manuel de Chimie Gazière », ouvrage très apprécié de tous ceux qui ont à diriger une usine à gaz (Paris, Dunod 1921).
Le 6 décembre 1902, Emile Sainte-Claire-Deville fut nommé membre de la Commission Internationale de Photométrie et, en 1908, il reçut la grande médaillé d'or de la Société Technique pour l'Industrie du Gaz en France. En 1919, dans une séance solennelle, la Société du Gaz de Paris lui remit une très belle œuvre d'art pour fêter ses cinquante ans de services.
L'œuvre de Saint-Claire-Deville embrasse tout ce qui a trait à l'étude des houilles à gaz, à leur distillation pyrogénée et à l'étude des produits de la distillation : gaz, goudrons, eaux ammoniacales, procédés d'épuration du gaz, traitement des matières ayant servi à cette épuration.
Sa première étude de longue haleine fut celle de la composition élémentaire des houilles à gaz, qu'il entreprit sous la direction de Victor Regnault ; l'illustre physicien, également ancien élève de notre Ecole, était à ce moment Ingénieur-conseil de la Compagnie Parisienne du Gaz; il vint lui-même au laboratoire de La Villette présider aux premières déterminations et Emile Sainte-Claire-Deville, rappelant ce souvenir, aimait à se dire le dernier élève de grand savant, qui mourut en 1878.
Le résultat de ces patientes et nombreuses recherches conduisit Emile Sainte-Claire-Deville à l'établissement de sa classification célèbre des Houilles à gaz en cinq types définis par leur teneur croissante en oxygène.
Il définit une méthode simple et pratique pour la détermination comparable des matières volatiles, des cendres, en substituant le creuset de quartz (Vitreosil) à cheminée au creuset de platine employé d'abord.
Pour la distillation de la houille, il eut d'abord à étudier son traitement dans des cornues de matières les plus diverses et avec des temps de distillation très variés, fixant les lois de ces distillations, heure par heure.
Le gaz produit fut l'objet d'analyses précises et, après des essais dans les voies les plus diverses, le procédé admis par Sainte-Claire-Deville fut reconnu comme de beaucoup le plus exact et le plus pratique.
C'est lui qui, le premier, révéla l'existence des carbures aromatiques dans le gaz de houille et, dans une controverse célèbre avec Berthelot, il eut raison, grâce à sa méthode de dosage des carbures aromatiques du Gaz par réfrigération à -72°, alors que Berthelot niait l'existence de la benzine, parce qu'il n'avait pas réussi à obtenir de la nitrobenzine, par nitration directe du gaz.
Il dosa exactement l'azote du gaz et détermina la répartition de l'azote de la houille dans les produits de la distillation : gaz, coke, goudron, eau ammoniacale.
Il porta son attention sur les causes donnant au gaz son maximum de lumière et établit l'influence des diverses formes de becs sur le rendement lumineux en flamme libre ou avec un manchon à incandescence. Il définit le pouvoir éclairant absolu.
Il attacha beaucoup d'importance à l'étude de la densité et du pouvoir calorifique du gaz.
Il fut le défenseur de l'étalon français de lumière, la lampe Carcel.
Comme membre de la commission internationale de photométrie, il fit une série de rapports très remarqués, publiés dans les compte rendus de la Société Technique de l'Industrie du Gaz en France.
A l'Exposition de 1889, il fit, dans le pavillon de la Compagnie Parisienne du Gaz, des conférences et des démonstrations pratiques de mesure du pouvoir éclairant du gaz. Il fut le premier à signaler l'avantage qu'il y avait à adopter le pouvoir calorifique comme mesure de la valeur marchande du gaz en place du pouvoir éclairant, après avoir établi le rapport existant entre les deux, dans de certaines limites.
Il fut le premier avec Mahler, — autre camarade, — à déterminer le pouvoir calorifique du gaz de houille.
Il étudia le moyen de déterminer le benzol et la naphtaline dans le goudron; il préconisa l'emploi de gaz inertes injectés dans le goudron à chaud pour enlever successivement les divers composés volatils qu'il contient, procédé repris aux mines domaniales de la Sarre par ses fils et imité à l'étranger.
Il a étudié la nature des condensations recueillies dans les conduites de gaz.
Il mit sur pied la théorie de la condensation des produits contenus dans le gaz à la sortie des appareils de distillation en vue d'obtenir un gaz optimum, soit comme pouvoir éclairant, soit comme pouvoir calorifique, tout en ne laissant que peu de naphtaline dans le gaz.
Toutes les questions d'actualité gazière furent abordées par lui.
Il mit sur pied plusieurs méthodes de dosages chimiques originales, notamment une méthode de dosage du soufre et du cyanogène dans le gaz. Il étudia les matières servant à retenir l'ammoniac, le cyanogène et le soufre du gaz brut; il fixa l'influence de la chaux dans les matières épurantes à base d'oxyde de fer.
Il fixa les méthodes particulières de dosage du soufre, du bleu de Prusse, des sulfocyanates dans les matières épurantes, au cours de leur service et à leur rebut.
C'est d'après ses indications que fut perfectionnée peu à peu l'Usine Expérimentale de la Compagnie Parisienne du Gaz, pour l'essai complet des houilles à gaz avec des méthodes particulières de prise d'échantillons, fournissant les meilleures garanties d'exactitude qui donnèrent des matériaux très importants sur la question, notamment sur l'enrichissement du gaz par l'addition à la houille d'une certaine proportion de cannel coal et par l'adjonction, au gaz, de benzol et d'acétylène. Il fit breveter le naphtalimètre, appareil très pratique pour doser la naphtaline qui pourrait se déposer dans les conduites de gaz.
Grâce à lui, l'usine expérimentale devint un centre de recherches et de documentation apprécié.
Très accueillant pour les jeunes, et très apprécié de ses collaborateurs, il accomplit un travail considérable, apportant la méthode scientifique la plus scrupuleuse dans ses recherches, ne signalant rien qui ne fut rigoureusement contrôlé.
Entre temps, il s'occupait activement de photographie et dès le début fut un précurseur; il collabora avec Richard pour l'établissement du Vérascope, dont il fut un partisan convaincu. Il était membre de la Société française de photographie.
Il n'est pas inutile de rappeler que son plus jeune frère devait doter la France du canon de 75 et s'illustrer comme général pendant la guerre.
Il eut l'honneur de présider en 1910 notre banquet annuel et fit à cette occasion un discours des plus remarqués sur l'appréciation de la valeur du gaz, discours qui est un document utile à consulter.
En 1905, sous les auspices de l'Association, des conférences pratiques industrielles furent organisées à l'Ecole, et on fit appel au concours d'Emile Sainte-Claire-Deville.
C'est une grande figure de savant français qui a disparu, après toute une vie de travail et d'observations. Puisse son exemple servir aux générations nouvelles, comme il a servi à ses courageux enfants, pour lesquels il s'est tant dévoué : il a grandement honoré l'Ecole Nationale Supérieure des Mines.
A. Després (EMP promotion 1893).
L'un des fils de Emile, Achille Charles Jean SAINTE-CLAIRE DEVILLE (1871-1932 ; X 1889) fut lieutenant-colonel d'artillerie et dirigea le laboratoire des Mines de la Sarre.
Un autre fils de Emile, Paul SAINTE-CLAIRE DEVILLE, ingénieur civil des mines (EMP promotion 1897) fut directeur technique des mines de la Sarre après la première guerre mondiale.