Ancien élève de l'Ecole des mines de Paris (promotion 1864) n'ayant pas reçu le diplôme d'ingénieur civil des mines. Elu membre de l'Académie des sciences (section de mécanique) le 1er mars 1886.
Publié dans le Bulletin de l'Association des anciens élèves de l'Ecole des mines de Paris, Janvier-Février-Mars 1919
Marcel Deprez, à qui nous devons la solution du problème du transport de l'électricité à distance, est mort le 16 octobre 1918 [à Vincennes]. Il était né le 21 décembre 1843 [à Aillant sur Milleron, Loiret].
Marcel Deprez était entré à l'Ecole des Mines, mais en était sorti après avoir suivi les cours de première année pour se consacrer à des recherches personnelles. En 1865, il fut nommé Secrétaire du Directeur de notre Ecole, Combes, Membre de l'Académie des Sciences. Il conserva cette situation jusqu'en 1872.
Pendant 10 ans, il étudia les appareils spéciaux pour mesurer les pressions développées par la combustion de la poudre à l'intérieur de l'âme des canons et pour enregistrer, en fonctions du temps pour des durées de quelques millièmes de seconde, la loi du recul des bouches à feu et de leurs affûts.
Après l'exposition d'électricité de 1881, M. Deprez se voua à l'électricité et il aboutit à la célèbre expérience de 1886, dans laquelle une puissance de 100 chevaux fut transmise de Creil à Paris. Ces expériences furent suivies d'expériences nouvelles à Vizille, près de Grenoble, à la suite desquelles il fut élu membre de l'Académie des Sciences.
Marcel Deprez s'était consacré tout entier à la chaire d'électricité industrielle du conservatoire des Arts et Métiers, tout en poursuivant l'étude des perfectionnements qu'il avait apportés dans la construction des chaudières pour machines à vapeur.
Associé à Jacques-Arsène d'Arsonval, il invente le galvanomètre à cadre mobile, ancêtre du voltmètre.
Citation du site web du lycée Marcel Deprez :
A l'exposition Internationale d'Electricité de Paris de 1881, Marcel DEPREZ présente pour la première fois une installation de distribution d'énergie électrique : deux dynamos à double excitation alimentent en courant continu par un câble de 1,8 km, 27 appareils divers, répartis dans le Palais de l'Industrie (machines à coudre, à plisser, scie à ruban, machines à tresser les fils de métal, lampes à arc et à incandescence, presse à imprimer) et qui fonctionnent indépendamment les uns des autres.
Le 15 juin 1882, au cours d'une conférence au Conservatoire National des Arts et Métiers " Application de l'électricité à la production, au transport et à la division du travail " Marcel DEPREZ démontre le premier, mathématiquement et expérimentalement la possibilité du transport de l'énergie à grande distance : à partir de la dynamo à double excitation, il simule, par une résistance d'environ 800 ohms, une ligne qui alimente 6 machines de façon indépendante (la puissance utile transmise est d'environ 3kW).
Lorsque l'Exposition d'Electricité s'ouvre à Munich, en septembre 1882, on propose à Marcel DEPREZ de réaliser une expérience de transport à grande distance. Rien d'analogue n'avait encore été réalisé et la distance qu'il s'agissait de franchir dépassait tout ce qui avait été vu jusque là : 57 km !
La génératrice (Gramme) entraînée par une machine à vapeur fut placée à Miesbach, village situé à 57 km de Munich. La machine réceptrice, installée dans le Palais de Cristal était employée à faire fonctionner une pompe centrifuge alimentant une cascade de 2,50 m de hauteur. Le transport était assuré par une ligne télégraphique (57 km de fil de 4,5 mm de diamètre, résistance 950W, tension au départ de 1,35kV). La puissance utile transmise était d'environ 400 W et le rendement global d'environ 30%.
Le 2 octobre 1882, le comité pour les Essais Electrotechniques de Munich adressait à l'académie des Sciences la dépêche suivante : " Nous sommes heureux de vous annoncer que l'expérience de Marcel DEPREZ, ayant pour but de transporter une force par un fil télégraphique ordinaire a pleinement réussie ". C'était le premier pas du transport de l'énergie électrique, mais c'est seulement après la guerre de 1914-1918 que l'on trouva le moyen d'atteindre de plus longues distances (200, 500 et 600 km).
Source : http://isotopes.univ-lyon1.fr
Si on l'a un peu oublié, Marcel Deprez demeure une de nos gloires nationales : il est le premier, avant Edison, a avoir trouvé comment transporter et distribuer du courant électrique sur une dizaine de kilomètres, ouvrant dès 1884 la voie à la société moderne. Auréolé de ce succès, nommé à l'Académie des sciences et titulaire d'une chaire créée pour lui au CNAM, il incarnera la stratégie française en matière de distribution électrique. Pour Deprez et ses amis, l'avenir est sans aucun doute au courant continu. Si ses lignes électriques sont assez capricieuses, son réseau... de relations fonctionne parfaitement. Il étouffe les quelques voix qui mettent timidement en doute le succès de l'inventeur, et veille à ce qu'un autre savant, Lucien Gaulard, ne puisse se faire entendre. Avec le recul de l'histoire, il apparaît clairement que la France s'est trompée de gloire nationale : Gaulard est le père de la technologie du courant alternatif, celle qui permettra effectivement à l'électricité de bouleverser la société. Mais il y a mieux, ou pire : Deprez n'a rien inventé du tout.
En étudiant ses expériences, Girolamo Ramunni, physicien de formation, a pu s'assurer que son installation aurait fatalement dû griller. Il y a bien eu fraude, comme quelques observateurs le murmuraient à l'époque.
En juin 1998, La Revue du Musée des Arts et Métiers publie un article dont ci-dessous un extrait. En même temps, Eugenii Katz publiait sur sa page personnelle http://chem.ch.huji.ac.il/~eugeniik/history/deprez.html une description des travaux de Deprez. Cette dernière page a hélas disparu du web. Nous reproduisons partiellement les informations :
La Revue, n°23, juin 1998 (extraits d'un article de Girolamo Ramunni) :
À l'Exposition parisienne de 1881, l'attention s'était déplacée de la fabrication des machines [électriques] au transport de l'électricité à distance. Nombreux étaient les investisseurs qui observaient ce nouveau champ. Les organisateurs avaient confié à Marcel Deprez le soin de présenter un système de distribution basé sur le transport à distance du courant continu. Ils avaient aussi, pour éviter toute querelle qui puisse rebuter les investisseurs, réussi à écarter ceux qui proposaient d'autres solutions. Ces derniers avaient alors quitté l'exposition pour se réunir en un Congrès international des électriciens autonomes et ils allaient dorénavant guetter les défaillances éventuelles du projet de Deprez. D'abord soutenu par le bloc des investisseurs, Deprez fit plusieurs expériences à La Chapelle, près de Paris, puis entre Grenoble et Vizille (14 km) et, en 1885, entre Paris et Creil (50 km). Les critiques devenant à chaque fois plus virulentes, Deprez dut s'atteler à modifier ses machines. Mais la cohésion du groupe qui l'avait soutenu se fissurait et et les exclus de 1881 menaient avec succès des expériences que Deprez n'avait pas réussi à à réaliser. Ces rivalités avaient marginalisé la reconnaissance d'un événement important : la mise au point du transformateur. Lucien Gaulard avait en effet réussi à faire une installation d'éclairage au métro de Londres. Cette nouvelle, mettant en danger la priorité de Deprez comme la crédibilité de son système, avait été minimisée. À Turin, en 1884, Gaulard réussissait une liaison de 54 km avant Deprez. Mais d'autres ingénieurs s'étaient aussitôt emparés de l'idée en apportant des modifications. C'est en étudiant le transformateur que Ferraris parvenait au moteur à champ tournant. Le système actuel de transport et d'utilisation de l'énergie électrique par les courants alternatifs pouvait se développer. En 1891, la liaison Lauffen-Francfort en courant alternatif triphasé mettait fin à une phase importante de tâtonnements et imposait ce système de transport à distance du courant électrique comme la solution viable.
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Les savants comme les ingénieurs français, habitués à raisonner dans le cadre du paradigme de l'équivalence de l'énergie, découvraient, à l'aide du transformateur, qu'une énergie se modifie en elle-même, avec un rendement fort élevé, sans qu'il y ait pour autant de mouvement. En ce sens, la naissance du système électrique représentait une réelle révolution conceptuelle qui restait inacceptable à ceux qui continuaient à afficher l'unité de leur conception par la réduction de tout le savoir physique à la mécanique. Mais, à la fin du XIXe siècle, la notion d'énergie et la loi de conservation n'entraient pas encore dans les programmes de la formation des ingénieurs en France. |
Le texte qui suit a été publié en 1964 dans le numéro du Bulletin de l'association des anciens élèves de l'Ecole des mines de Paris, à l'occasion du centenaire de la création de l'Association :
Dans l'histoire des techniques, l'année 1881 marque l'origine du développement de l'électronique : c'est en effet à cette date qu'une Exposition Internationale est organisée à Paris, en même temps que le Congrès International des Electriciens dresse le tableau du système international des unités électriques. Parmi les pionniers qui vont arracher à l'empirisme cette technique naissante, un nom s'impose : celui de Marcel DEPREZ qui, en cette année même, imagine l'Indicateur magnétique de vitesse, réalise avec le Dr d'ARSONVAL le galvanomètre à cadre mobile et établit la théorie du « transport de force ».
« J'adopterai un fil télégraphique.. » tel est le principe à partir duquel Marcel DEPREZ cherche à réaliser la transmission de l'énergie électrique avec le meilleur rendement, idée fondamentale qu'il doit à sa formation dans les principes de la mécanique rationnelle.
Né en 1843 à Aillant-sur-Milleron (Loiret), Marcel DEPREZ entra en 1865 à l'Ecole des Mines ; pauvre et aimant l'étude en vue de la recherche, il est engagé dès 1866 par le directeur Charles COMBES en qualité de secrétaire et en 1867 présente une note à l'Académie des Sciences sur les mécanismes de tiroirs des machines à vapeur.
S'intéressant à partir de 1874 aux applications mécaniques de l'électricité, il imagine en 1878 son galvanomètre avec aiguille « en arête de poisson » ; ayant donc à sa disposition les appareils lui permettant de connaître les grandeurs mises en jeu, il aborde l'étude des applications de l'électricité et peut ainsi présenter à l'Exposition de Paris en 1881 une installation de distribution d'énergie électrique ; un an plus tard, au Palais de Cristal de Munich où se tient l'Exposition allemande, il expérimente une installation de transmissions sur 57 km de longueur ; en 1883 ce sont les expériences entreprises dans les ateliers de la Compagnie du Chemin de Fer du Nord au Bourget ; il les renouvelle en 1884 entre Vizille et Grenoble avant de réaliser le premier transport de force à haute tension (5 800 V) entre Creil et Paris, utilisant toujours une simple ligne télégraphique.
« Père de cette magnifique industrie du transport électrique de l'énergie », selon l'hommage qui lui fut rendu par Maurice Leblanc, Marcel Deprez connut la consécration de ses travaux lorsqu'il fut désigné, en 1890, comme premier titulaire de la chaire d'électricité industrielle créée au Conservatoire National des Arts et Métiers.
Un an plus tard entrait à l'Ecole des Mines Ernest DUSAUGEY qui, né à Annecy en 1871, devait devenir l'un des pionniers de la « houille blanche », complétant en quelque sorte l'œuvre de son ancien, Marcel DEPREZ.
Appelé en effet, en 1896, à participer à Grenoble aux première tentatives industrielles de production et de distribution de l'énergie retirée des chutes d'eau, il réalise en 1898 le premier transport triphasé à la tension de 15 000 V. Cette réussite lui vaut de collaborer avec un égal succès à la création des principales entreprises hydrauliques du sud-est de la France.
Cependant, il ne peut manquer d'être frappé par l'importante consommation de cuivre qu'entraîne l'installation des lignes de transport de force, alors que le Dauphiné même produit un métal apte à le remplacer. Dès 1905, cet « apôtre de l'aluminium » que sera désormais E. DUSAUGEY engage la lutte en construisant les premières lignes en fils d'aluminium et, en 1917, confirme la validité de cet emploi par une ligne de haute montagne à 2 000 m d'altitude dans le Massif de Belledone, inaugurant en France la technique des câbles aluminium à âme d'acier.
Mais il lui faut encore surmonter les routines et les intérêts des cuivriers, et ce n'est qu'en 1920 que l'Union des Syndicats de l'Electricité admettra enfin officiellement — grâce à l'appui de son Président, R. LEGOUEZ — l'emploi des lignes en fils d'aluminium.
Deux ans plus tôt, Marcel DEPREZ était mort à Vincennes, ayant pu assister au développement extraordinaire de la technique dont il avait été le promoteur ; du simple fil télégraphique au câble d'aluminium, 40 années s'étaient écoulées qui avaient vu s'opérer la transformation industrielle totale résultant des immenses possibilités offertes par le transport de l'énergie électrique à laquelle restent attachés les noms des deux mineurs dont nous nous devions d'associer dans cette plaquette les travaux et les efforts.