Gabriel Auguste DAUBREE (1814-1896)

Né le 25 juin 1814 à Metz. Fils de Louis DAUBREE, commerçant, et de Anne Marie Julie PERIN, habitant 1bis rue de la Paix à Metz (Moselle).

Ancien élève de l'Ecole polytechnique (promotion 1832 ; entré classé 24ème, sorti classé 6 sur 150 élèves), et de l'Ecole des Mines de Paris (entré classé 1 sur 2 élèves). Corps des mines.

Professeur à l'Université de Strasbourg (1839) et doyen (1852), puis professeur à l'Ecole des mines de Paris (1862) et directeur de l'Ecole de 1872 à sa retraite (25 juin 1884).

Correspondant de l'Académie des sciences le 12/11/1860. Membre le 20/5/1861.


Biographie de G.-A. Daubrée

Publié dans le LIVRE DU CENTENAIRE (Ecole Polytechnique), 1897, Gauthier-Villars et fils, TOME I, pages 444 et suiv.

La section de minéralogie de l'Académie des Sciences, où aucun vide ne s'est produit entre 1802 et 1815, a donné place en 1816 à un Polytechnicien de la première promotion, BROCHANT DE VILLIERS. En 1822 avait eu lieu l'élection à l'Académie des Sciences (section de minéralogie) de BERTHIER, connu pour la précision qu'il a introduite dans les analyses de minéraux, à l'occasion de son cours de docimasie à l'Ecole des Mines, ainsi que pour ses heureux essais de reproduction de silicates par voie sèche. En 1835, la mort de LELIÈVRE ayant fait une vacance, l'Académie s'empressa d'ouvrir ses rangs à ELIE DE BEAUMONT, qui s'était signalé avec le plus grand éclat dès 1829. Son collaborateur DUFRÉNOY lui fut adjoint comme confrère en 1840, et lorsqu'en 1852 SENARMONT eut été élu en remplacement de BEUDANT, la section compta, pour quelque temps, quatre représentants de l'Ecole Polytechnique. Mais Elie de Beaumont la quitta en 1854 pour devenir secrétaire perpétuel, et ce n'est qu'en 1861, alors que Dufrénoy et Berthier avaient disparu, et presque à la veille de la mort de Senarmont, que l'Ecole reçut de nouveau un siège dans la personne de M. DAUBRÉE.

Né en 1814, M.DAUBRÉE a fait partie de cette promotion de 1832, qui avait déjà donné à l'Institut Laugier et M. Faye. Membre du corps des Mines, où il a terminé sa carrière active comme directeur de l'Ecole supérieure des Mines, il a enseigné la minéralogie à cette Ecole et la géologie au Muséum. Auteur de la carte géologique du Bas-Rhin, il s'est surtout fait connaître par ses études de synthèse, et c'est lui qui, le premier, a abordé d'une manière systématique l'application de la méthode expérimentale à la géologie. Il en a d'ailleurs résumé les principales données dans un grand Ouvrage, sous le titre : Etudes synthétiques de géologie expérimentale.

Les premiers travaux de l'auteur dans cette direction datent de 1849. Une étude d'ensemble des gisements d'étain lui avait fourni l'occasion de mettre en lumière l'abondance des minéraux fluorés au sein des roches qui encaissent les veines stannifères, et il en avait tiré cette conclusion, que le fluor et les corps analogues avaient dû jouer un rôle essentiel dans la production de ces gîtes comme dans la cristallisation des pegmatites encaissantes. Pour vérifier cette induction, il fit des expériences par voie sèche, et obtint les oxydes d'étain et du titane par la décomposition, sinon des fluorures, du moins des bichlorures de ces deux corps.

Dans les années suivantes, il s'appliqua avec succès à la reproduction de divers minéraux naturels par l'action de vapeurs attaquant des substances fixes. Puis, en 1857, il réussit à obtenir des silicates anhydres par la voie humide et, deux ans après, il constatait que l'eau chauffée sous pression attaquait le verre en donnant de petits cristaux de quartz et de pyroxène. Dans l'intervalle, il avait étudié par l'expérience le mécanisme du striage des roches, ainsi que de la formation des galets, du sable et du limon.

Vers cette époque, il fut donné à M. Daubrée d'observer, dans les anciens travaux des Romains à Plombières, des faits dont il sut tirer des conséquences théoriques importantes relativement à la formation des filons métallifères. Des minéraux cristallisés, la plupart de la famille des zéolites, s'étaient formés sur place, dans le béton, par l'action longtemps prolongée d'une eau tiède et à peine minéralisée. Plus tard, lors des fouilles de Bourbonne-les-Bains, M. Daubrée reconnut que des pièces de monnaie, jetées dans les puisards et demeurées pendant plusieurs siècles au sein d'un milieu réducteur, avaient engendré des sulfures métalliques cristallisés, grâce à la circulation constamment répétée d'une eau presque froide et qui ne contenait qu'une quantité très minime d'hydrogène sulfuré.

Les Météorites ont été, de la part de M. Daubrée, l'occasion d'études approfondies. Après en avoir formé au Muséum une collection considérable, il a montré qu'elles oscillaient entre le type franchement métallique et le type pierreux, constitué par une association de minéraux magnésiens. Il s'est assuré, d'autre part, que la fusion des péridotites ou roches magnésiennes terrestres au sein d'un milieu réducteur engendrait un mélange tout à fait analogue aux météorites, avec grains de fer nickelé; ce qui a permis à M. Daubrée de formuler cette importante proposition, que le péridot, minéral essentiel des roches profondes de l'écorce, doit son origine à la scorification d'un bain métallique ferreux et magnésien, de telle sorte qu'il mériterait le nom de scorie universelle.

On doit aussi à M. Daubrée une étude détaillée des Eaux souterraines, ainsi que de nombreuses et instructives expériences, destinées à reproduire la schistosité des roches, le tronçonnement des fossiles des terrains disloqués, enfin, d'une manière générale, tous les Phénomènes mécaniques dont l'écorce terrestre porte la trace. Il a montré que les champs de fractures des filons avaient leurs analogues dans les réseaux de cassures que fait naître la torsion d'un solide encastré; et ses récentes expériences sur l'action mécanique des explosifs ont été dirigées en vue d'élucider le mode d'opération des agents volcaniques.

Après l'élection de M. Daubrée, les chances que pouvaient avoir les ingénieurs des Mines et les géologues d'être admis à l'Institut furent quelque temps paralysées. En effet, l'Académie éprouvait le désir légitime d'ouvrir ses portes à deux savants déjà illustres, désignés peut-être, par l'ensemble de leurs travaux, pour une autre section que celle de Minéralogie, mais trop haut placés dans l'opinion publique pour qu'on les fît attendre, sous prétexte de tenir un compte rigoureux de leur spécialité. L'un et l'autre s'étaient d'ailleurs signalés, au moins en passant, par des recherches de premier ordre touchant au domaine de la Minéralogie; et c'est ainsi qu'Henri Sainte-Claire Deville d'abord, et M. Pasteur ensuite, vinrent s'asseoir, l'un dans le fauteuil de Berthier, l'autre dans celui de Senarmont. La section ne compta plus d'autre représentant de l'Ecole que M. Daubrée, jusqu'au jour où DELESSE fut élu, en 1879, malheureusement pour mourir deux ans après.

Enfin, en 1890, une seconde place de Polytechnicien a été conquise par M. MALLARD, décédé en 1894, très peu de temps après la célébration du Centenaire.

Photo ENSMP


Biographie publiée dans Le Génie Civil, 16e année t. 29, 1896. Auteur inconnu.

M. G.-A. Daubrée, l'éminent Inspecteur général des Mines, qui s'était acquis, comme géologue, une réputation universelle, est mort à Paris, le 29 mai dernier, dans sa quatre-vingt-deuxième année.

La carrière de M. G.-A. Daubrée fut des plus brillantes. Il naquit à Metz en 1814, entra en 1832 à l'École Polytechnique, et débuta, en 1834, dans le corps des Mines, où il se consacra presque exclusivement à l'étude de la géologie et de la minéralogie.

Il eut la bonne fortune, au début de sa carrière, d'être envoyé en mission successivement en Angleterre, en Suède et en Norvège, d'où il rapporta une étude sur les gîtes métallifères de Scandinavie qui lui valut les éloges de Berzélius; une exploration qu'il fit en Algérie, comme membre d'une commission scientifique, contribua également à le mettre en évidence, par suite des nombreuses observations qu'il en rapporta, et, en 1839, après avoir été chargé du service minéralogique du département du Bas-Rhin, il fut appelé à la chaire de géologie et de minéralogie nouvellement créée à l'Université de Strasbourg, où il demeura jusqu'en 1860. Dans cet intervalle, il avait été nommé, en 1852, doyen de la Faculté des Sciences, et, en 1855, Ingénieur en chef des Mines. [Officiellement il fut doyen de la Faculté des Sciences de 1852 à 1861].

M. Daubrée mit à profit ce long séjour en Alsace pour étudier les Vosges et la vallée du Rhin, publiant dans diverses revues de nombreux mémoires sur la description géologique de ces régions; il réunit et compléta les données qu'il avait ainsi amassées en un volume qui constitue encore aujourd'hui un document des plus précieux pour l'étude de l'Alsace.

Ce fut vers cette même époque qu'il fit connaître le résultat de ses travaux sur la synthèse de divers minéraux et les effets produits par la haute pression de l'eau sur les composés chimiques dans les éruptions volcaniques. En 1860, il publia sur la question du métamorphisme un mémoire qui attira vivement l'attention du monde savant. L'année suivante, en 1861, l'Académie des Sciences récompensa cet ensemble de travaux si remarquables en appelant M. Daubrée au fauteuil laissé vacant par la mort de M. Cordier, auquel il succéda également à la chaire de géologie du Muséum d'histoire naturelle. Enfin, en 1862, il fut nommé professeur de minéralogie à l'Ecole nationale des Mines.

M. Daubrée remplit ces diverses fonctions avec un zèle et un dévouement remarquables unis à une ardente activité. Il était Inspecteur général des Mines de première classe depuis 1872 et, en 1881, il avait été élevé à la dignité de grand-officier de la Légion d'honneur. Au mois de mai 1884 il avait été admis à la retraite avec le titre de directeur honoraire de l'Ecole des Mines.

En dehors des nombreux mémoires que publia M. Daubrée dans les Annales des Mines et les Comptes rendus de l'Académie des Sciences on doit citer, parmi les principaux ouvrages dont il est l'auteur : ses Mémoires sur les amas de minerais d'étain; les Dépôts métallifères de la Suéde et de la Norvège; les Gisements d'or de la vallée du Rhin: le Métamorphisme; le Striage des roches: la Chaleur intérieure du globe: les Eaux souterraines: les Tremblements de terre; les Météorites, etc.

Ces nombreux travaux contribuèrent puissamment à l'étude et au progrès de la géologie, et cette oeuvre, qui est considérable et fait le plus grand honneur à la science française, attira à son auteur une grande notoriété dans les divers pays d'Europe qui traduisirent la plupart de ses ouvrages.

M. Daubrée jouissait, à l'Académie, d'une grande autorité parmi ses confrères qui étaient unanimes à reconnaître la sûreté de son jugement, l'aménité de ses manières, la fermeté de sa volonté tempérée par une grande courtoisie.

Les obsèques de M. Daubrée ont été célébrées le 1er juin en l'église Sainte-Clotilde. Au cimetière, des discours ont été prononcés par MM. Fouqué, au nom de l'Institut; Linder, au nom du Corps des Mines; Haton de la Goupillière, au nom de l'Ecole des Mines; Stanislas Meunier, au nom du Muséum national et Louis Passy, au nom de la Société d'Agriculture.