Né le 17 janvier 1894 à Montier-en-Der. Décédé le 17 août 1944 à Mauthausen.
Fils de Clément Jules Joseph CHEVRY et de Héloïse Marie LEBON. Marié avec Germaine MARTIN (Rolampont, 1894 - Chaumont, 1983). Il est décrit dans le registre matricule de Polytechnique comme : Cheveux châtains - Front moyen - Nez rectiligne - Yeux bleus - Visage ovale - Taille 170.
Il est le père de :
En 1944, il laissait une veuve et 3 enfants. Il avait perdu 2 enfants avant la guerre.
Ancien élève de l'Ecole polytechnique (promotion 1914 ; sorti classé 81) ; corps de l'artillerie. Quitte l'Armée le 24/10/1919.
Notice publiée par les Etablissements Kuhlmann peu après sa mort, qui a été versée aux archives de l'Ecole des mines par Edmond FRIEDEL (une lettre indique que Friedel connaissait à la fois Chevry et l'auteur de la notice) :
Pierre Chevry n'est plus. Les témoignages irrécusables de ceux qui furent, au camp d'extermination de Mauthausen-Gusen, ses compagnons de souffrance ne laissent aucune place au doute et à l'espoir : Pierre Chevry est mort [le 17 août 1944], victime de l'innommable barbarie nazie.
Une famille de plus est en deuil. Un ami très cher, un homme de cœur et de caractère, un ingénieur éminent nous a été arraché, emporté vers un effroyable destin, en pleine force de l'Age et en pleine maturité d'esprit.
Pierre Chevry était né le 17 janvier 1894, à Montier-en-Der (Haute-Marne). Dans sa jeunesse et son adolescence, il fut distingué et aimé de tous ses camarades pour son affabilité, sa modestie et son entrain. Son intrépidité dans les jeux sportifs n'était pas moins remarquable que son esprit méthodique : grâce à sa méthode de travail, il savait se ménager d'amples loisirs tout en s'assurant de brillants et constants résultats scolaires. De l'aveu de ses parents, jamais il ne leur donna le moindre souci d'aucune sorte.
Il poursuit ses études secondaires au lycée de Troyes, où il est notamment l'élève de son futur beau-père, M. Ernest Martin. Après le baccalauréat, il vint à Paris pour se préparer, au lycée Saint-Louis, au concours d'entrée à l'Ecole Polytechnique.
Reçu en 1914, Pierre Chevry vit ses études interrompues par la guerre, qu'il passe tout entière dans l'artillerie : la citation suivante fait déjà état de ses qualités éminentes :
» Jeune officier d'un courage et d'une intelligence remarquables. Comme orienteur en juillet et août 1915 a exécuté des reconnaissances périlleuses et fait le point des batteries sous le feu de l'ennemi avec une précision et un calme parfaits. »
Déjà, pendant son séjour à l'Ecole Polytechnique, il se sentit attiré par la chimie. Pendant ses loisirs restreints, il travailla bénévolement au laboratoire du professeur Pierre Jolibois, devenu depuis membre de l'Académie des Sciences ; et, à sa sortie de l'Ecole, en 1920, Pierre Chevry entra aux Etablissements Kuhlmann, où il fut accueilli par un jeune chef, ingénieur au Corps des Mines, M. Raymond Berr, qui devait — lui aussi -- périr déporté dans un sinistre camp d'extermination, à Auschwitz.
Pierre Chevry eut, à ses débuts dans l'industrie, la bonne fortune de pouvoir d'emblée visiter et étudier les ateliers de fabrication les plus divers par les stages qu'il fit successivement dans les usines de Petit-Quevilly, de Loos, de La Madeleine et de Wattrelos. Il fut ensuite affecté à l'usine de Dieuze (Moselle) où il vécut d'abord comme ingénieur, puis comme sous-directeur, une période de transformation et d'extension de celle importante saline.
Son passage dans cette usine chimique y laissa une empreinte durable et des solutions techniques marquées d'audacieuse originalité. Et, plus de vingt-cinq ans après son départ, le personnel garde encore le souvenir de ce chef d'aspect froid, mais qui, dans ses loisirs d'ingénieur, se penchait déjà avec prédilection sur l'étude du problème social et du problème humain, et qui fut dans celle campagne lorraine un fervent propagandiste d'action catholique.
En 1927, Pierre Chevry fut appelé en Belgique à la sous-direction et, deux ans après, à la direction d'une nouvelle filiale : la Société des Fours à coke de Selzaëte.
Dans l'industrie encore jeune de l'ammoniac synthétique, il donna toute la mesure de sa clairvoyance et de ses remarquables capacités de théoricien et de technicien. Son franc regard pétillant d'intelligence derrière ses lunettes, Pierre Chevry savait en quelques paroles aussi concises et, nettes que l'étaient ses notes toujours substantielles et brèves, exposer et faire admettre ses vues.
Et lorsque l'invasion survint, il fut appelé, en juin 1940, à la direction de la nouvelle usine de synthèse de Paimboeuf.
Sans se laisser abattre par la douloureuse amertume et les difficultés de la défaite, et sans perdre confiance dans l'avenir, toute son ingéniosité se partagea entre l'étude des perfectionnements qui pouvaient encore être apportés aux ateliers de synthèse en question et le souci de freiner le montage desdites installations pour empêcher l'envahisseur d'en tirer parti.
Pierre Chevry réussit pleinement dans cette double tâche. Mais il fut arrêté par les Allemands, une première fois à fin 1943. Relâché, il dut cesser toute activité ; il se consacra alors à l'étude d'une nouvelle cokerie pour son ancienne usine de Selzaëte.
Mais il put aussi — et avec quelle ardeur il le fit —reprendre solitairement les ébauches et les plans d'un projet qui lui tenait particulièrement à cœur, et grâce auquel il put au cours de son infernal exil souvent et longuement s'évader par la pensée et la méditation : celui d'une vaste et idéale cité à édifier non loin de l'usine, mais en pleine campagne, pour pouvoir attirer, loger et fixer le nombreux personnel correspondant au développement des fabrications de synthèse de Paimboeuf.
Malgré la stricte observance des prescriptions et interdictions allemandes, il fut arrêté de nouveau, le 25 février 1944, puis transféré à Compiègne et, de là, le 6 avril, à Mauthausen où ses bourreaux eurent finalement raison de sa constitution naguère robuste, mais non de son caractère et de son énergie.
Pierre Chevry était animé d'une foi ardente qui l'avait soutenu au cours de sa laborieuse vie et l'avait, en étroite union de pensée avec son épouse, aidé à supporter la perte cruelle de deux grands fils tendrement aimés.
Dans ce camp inhumain de désolation et d'horreur, Pierre Chevry, suivant le témoignage de ses compagnons rapatriés — on pourrait dire ressuscités — ne cessa de donner jusqu'à son dernier jour un magnifique exemple de chrétienne sérénité et de confiance dans l'avenir de sa Patrie.
Voir aussi : notice sur Wikipedia