Minéralogiste et chimiste français. Conservateur des collections de minéraux de l'Ecole des Mines, Paris. Professeur à la Sorbonne. Membre de l'Académie des sciences (élu le 1/6/1878, section de chimie).
Petit-fils de Georges DUVERNOY (1777-1855), membre de l'Académie des sciences, docteur en médecine et zoologie, professeur à la Faculté des sciences de Strasbourg puis au Collège de France et au Muséum ; il avait été doyen de la Faculté des sciences de Strasbourg de 1832 à 1837.
DUVERNOY était lui-même le neveu de Georges CUVIER (1769-1832), célèbre anatomiste et zoologiste, professeur au Collège de France et au Muséum, secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences.
Charles FRIEDEL épouse en premières noces, le 28/12/1856, Emilie Salomé KOECHLIN (1837-1871) qui décède prématurément en Suisse d'une fluxion de poitrine alors que son mari est retenu à Paris par le siège allemand. Emilie Salomé est la fille de Emile KOECHLIN (1808-1883) et de Salomé (1817-1891)
Il épouse alors, le 7 avril 1873, Louise Salomé, fille de Charles COMBES et de Louise Pauline BOUSQUET.
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Extrait des Comptes rendus des séances de l'Académie des Sciences, séance du 23 juillet 1900.
Charles Friedel, décédé le 19 avril 1899 [à Montauban], était né à Strasbourg le 12 mars 1832; l'Alsace nous a donné toute une pléiade de chimistes illustres : Gerhardt, Würtz, Schützenberger, Friedel.
Grâce à la situation de sa famille, il reçut dès sa première jeunesse une éducation et une instruction très élevées dont la trace ne s'effaça jamais. Il était de bonne heure licencié es sciences mathématiques et licencié es sciences physiques; il s'intéressait à toutes les publications si diverses de nos Comptes rendus.
Son père était banquier, mais on reconnut vite que sa vocation n'était pas le monde des affaires. Il était né pour la Science. Il fut attiré à Paris vers 1852 par son grand-père maternel, Duvernoy, professeur au Collège de France et membre de l'Académie des Sciences. Duvernoy l'initia à la Minéralogie qui était sa spécialité. Elle ne cessa jamais d'attirer Friedel; ses fonctions de Conservateur de la Collection de l'École des Mines l'y rappelaient sans cesse et lui ont donné l'occasion de faire des travaux très intéressants. On peut citer entre autres, parmi ses trente publications de Minéralogie : sa thèse sur la pyro-électricité dans les cristaux conducteurs de l'électricité; la découverte d'un sulfure de zinc hexagonal, isomorphe du sulfure de cadmium; surtout, les synthèses de divers composés naturels : la formation des feldspaths, en présence de l'eau, sous pression, a été particulièrement remarquée.
Mais en même temps, Friedel s'était de bonne heure intéressé à la Chimie. Il avait, à Strasbourg, suivi les cours de Pasteur. Arrivé à Paris, il entra dans le laboratoire de Würtz. Dès lors, sous le patronage de ce puissant esprit, qui était comme un charmeur par son entrain, son énergie, sa foi ardente, la vie de Friedel fut décidée et consacrée à jamais à la Chimie.
Il serait difficile d'énumérer ici toutes les productions de cette longue vie de travail assidu, tout entière consacrée aux recherches originales, sans se laisser distraire par des publications didactiques qui nous eussent privés de quelques découvertes. La partie la plus brillante de l'oeuvre de Friedel appartient à la Chimie organique telle que Würtz la concevait, à cette Chimie organique inspirée par la théorie atomique, mais l'éclairant et la développant par les données positives de l'expérience. Il n'y a pas dans les découvertes de ce genre de quoi séduire la faveur populaire; le rôle de l'Académie des Sciences est précisément d'attirer et de distinguer les hommes désintéressés dont les travaux originaux, accessibles seulement à un petit nombre d'adeptes, élèvent de plus en plus le niveau des connaissances humaines.
En collaboration avec Würtz, Friedel, par ses recherches sur les dérivés de l'acide lactique, nous a appris à distinguer nettement la basicité et l'atomicité des acides organiques; l'acide lactique donne une seule série de sels, mais deux séries d'éthers. Conformément à des idées sur lesquelles M. Berthelot a beaucoup insisté, il a une fois la fonction d'acide et une fois la fonction d'alcool : il est l'exemple classique des fonctions mixtes, de cette nature hermaphrodite que l'on trouve chez un assez grand nombre de corps organiques.
Friedel, dans un travail magistral, a repris l'étude des aldéhydes et des acétones. Par des expériences très nettes, il nous a montré comment l'acétone ordinaire donne par hydrogénation l'alcool propylique secondaire. Cette découverte, étendue à d'autres corps, a établi définitivement la classe des alcools secondaires. Le même travail le conduisit à transformer l'acétone en pinacone, à la changer en dichloropropane et à produire un grand nombre d'acétones mixtes.
Ces recherches donnèrent à Friedel l'occasion d'étudier un grand nombre de composés renfermant trois atomes de carbone dans leur molécule et à définir leurs cas d'isomérie, de manière à attribuer à leurs formules, d'après leurs principales réactions, une constitution rationnelle. Ce fut lui qui, en collaboration avec Silva, arriva à faire complètement la synthèse de la glycérine que Würtz avait amorcée.
L'une des découvertes les plus importantes de Friedel consiste dans la production de combinaisons du silicium avec l'hydrogène et l'oxygène parallèles à celles du carbone. Notre grand Dumas, à la suite de ses déterminations des densités de vapeur, avait déjà affirmé les analogies chimiques du silicium et du carbone. Friedel, avec la collaboration de M. Crafts, a fondé toute une chimie organique du silicium dont les termes pourraient être étendus presque indéfiniment : le silico-chloroforme et l'acide silico-oxalique, par exemple, ne diffèrent du chloroforme et de l'acide oxalique qu'en ce que le silicium y lient la place du carbone.
Friedel, encore avec la collaboration de M. Crafts, a tiré le plus grand parti, pour les synthèses organiques, de ce que nous l'entendions appeler modestement une heureuse trouvaille : ces bonnes chances n'appartiennent qu'aux laborieux comme lui. En faisant agir le chlorure de méthyle sur la benzine en présence du chlorure d'aluminium, il vit se dégager de l'acide chlorhydrique gazeux ; la synthèse du toluène ou méthylbenzine, si pénible par les anciennes méthodes, était réalisée avec une telle simplicité que nous en faisons aujourd'hui une expérience de cours. Friedel sut trouver l'explication logique de cette curieuse action de présence du chlorure d'aluminium dans la formation transitoire d'un composé organique contenant le métal. Il sut étendre cette synthèse à un grand nombre de corps de la série aromatique et même de la série grasse : l'hexaméthylbenzine produite par cette méthode lui donna l'acide mellique; il put également préparer l'anthracène, les phénols; il obtint, par la même synthèse, le triphénylméthane, d'où dérivent les principales couleurs d'aniline.Cette mine, féconde en résultats, n'est point encore épuisée.
Si, malgré la haute valeur de ses travaux, Friedel n'a pas doté la Chimie organique de découvertes aussi éclatantes que celles de Würtz, son oeuvre est plus variée que celle de son maître. C'est que Friedel, grâce à sa forte instruction première, pouvait aborder presque tous les sujets de recherche.
Cette nature d'esprit qui lui était propre se reconnaît dans ses études très délicates sur divers sujets d'isomérie. Je n'en veux pour preuve qu'un de ses travaux peut-être les moins connus, son Mémoire sur les formes cristallines des deux dérivés chlorés isomères de la benzine (hexachlorures cis et trans), dont le dernier découvert est dû à M. Meunier.
Diverses recherches de Chimie générale attestent également cette étendue de l'esprit scientifique de Friedel. On lui doit la détermination des conditions d'équilibre chimique entre l'oxyde de méthyle gazeux et l'acide chlorhydrique gazeux : il a défini exactement l'influence de la température, de la pression, de l'excès de l'un des constituants. Les théories des équilibres chimiques ont trouvé dans ces expériences l'une de leurs données les plus importantes, à la suite de celles de M. Berthelot sur l'éthérification, de Henri Sainte-Claire Deville et de ses disciples sur la dissociation.
En dehors de ses recherches de laboratoire, Friedel consacrait ses efforts à tout ce qui peut concourir aux progrès de la Science dans notre pays. C'est surtout à lui que l'on doit la fondation de l'Association française pour l'avancement des Sciences dont Würtz fut, sous son inspiration, l'un des principaux promoteurs. L'un de ses plus vifs désirs était d'associer l'Industrie à la Science, de persuader à nos fabricants français que la Chimie doit être aujourd'hui leur grande directrice. C'est dans ce but qu'il devint le fondateur de l' École de Chimie pratique [actuelle ENSCP] qui est annexée à la Sorbonne et dont M. Moissan a recueilli l'héritage.
Cette influence de Friedel en dehors de son laboratoire s'exerça surtout après la mort de Würtz. Il était l'aîné de ses disciples : il l'avait remplacé dans la chaire de Chimie organique de la Sorbonne et était devenu à son tour chef d'école. Les élèves de Würtz, groupés autour de lui, trouvèrent le même patronage affectueux : leurs idées avaient un défenseur peut-être moins énergique en apparence, mais encore plus tenace et plus persévérant. Tout le monde se rappelle ici l'intérêt qu'il ne cessa de témoigner à la théorie de M. Van t'Hoff et de M. Le Bel, dont la synthèse des glucoses a si bien tiré parti. A la Société chimique, il ne manquait pas une séance : on peut dire qu'il l'avait faite sienne. Quand, dans l'hiver qui précéda sa mort, nous le vîmes moins assidu, on put deviner que sa santé commençait à s'altérer.
Une des grandes satisfactions de Friedel fut d'assister au triomphe de la notation atomique pour laquelle, avec Würtz, il avait tant lutté. L'Université qui, entraînée par Deville, l'avait fièrement repoussée, finit par se décider à l'admettre dans l'enseignement secondaire, et les éditeurs rejettent aujourd'hui les livres écrits dans le langage des équivalents.
Friedel sut jouir sans orgueil de ce succès. C'est qu'il était un homme d'expérience avant d'être un homme de théorie. Il savait que ce changement de notation n'entraînait pas, chez les nouveaux convertis, la foi absolue aux formules de structure, quelquefois hasardées, de la théorie atomique. Il n'ignorait pas, malgré ses efforts pour les atténuer, les difficultés qui se présentent souvent pour adapter entièrement la notion des valences à la Chimie minérale.
Lui-même, dans une de ses dernières publications, disait que « les nouveaux venus prennent pour des réalités objectives des symboles destinés à représenter un ensemble de faits ». Il savait que ce changement dans le langage des chimistes était dû surtout aux déterminations de plus en plus nombreuses des densités de vapeur des composés métalliques; à côté des expériences de ce genre dues à M. Roscoë et à d'autres chimistes, s'étaient placées celles qui avaient été faites dans son laboratoire par lui avec M. Crafts, et par M. Combes. Et ces expériences mêmes avaient montré la difficulté des questions ainsi soulevées en nous apprenant que des températures très élevées changent quelquefois l'arrangement des édifices moléculaires, en apparence les plus simples, de la Chimie minérale, tels que le chlorure d'aluminium.
Friedel avait conscience de sa haute personnalité, mais il cherchait à en faire profiter ses idées et laissait volontiers de côté ses intérêts personnels. Ceux qui ont eu occasion de contrarier un moment ses tendances et même sa carrière ont pu, je le sais, sentir revenir sur eux, plus vite qu'ils ne l'eussent espéré, sa sincère sympathie. C'est que, comme l'a très bien dit M. Armand Gautier, chez Friedel la hauteur des convictions fit la grandeur du caractère. Il avait la foi : foi dans ses opinions chimiques ; foi aussi dans ses opinions philosophiques et dans les devoirs pratiques qu'elles imposent. Friedel, né protestant comme Würtz, était, lui aussi, un ferme chrétien, et ses convictions se traduisaient, en toutes circonstances, par l'exercice de la charité.
Il savait arracher du temps à ses recherches scientifiques pour tendre la main aux hommes que terrassent les infortunes de la vie. Ce n'est pas sans émotion que les chimistes se rappellent tout ce qu'il a fait pour adoucir les derniers mois de l'existence de Silva, ce savant à la fois si modeste, si distingué et si méritant, qui avait attiré notre affection à tous.
Parmi beaucoup d'oeuvres de bienfaisance auxquelles Friedel s'intéressait, on peut mentionner celle de l'Assistance par le travail dans le sixième arrondissement, type à peu près nouveau d'oeuvres analogues dans notre Paris, dont l'une des meilleures gloires est celle de la charité.
Au milieu de cette existence si active, les devoirs du père de famille n'étaient point délaissés. La vie avait été rude pour Friedel : resté à Paris pendant le siège de 1870, il avait eu le malheur de perdre sa jeune femme retirée en Suisse avec ses enfants. Quelques années plus tard, son foyer se reconstitua, grâce à une noble compagne, fille de Combes, notre éminent ingénieur français. L'un des fils de Friedel, élève de la Faculté des Sciences de Paris, a passé brillamment les examens de la licence et se livre avec ardeur aux Sciences naturelles. Son fils aîné, sorti de l'Ecole Polytechnique dans le Corps des Ingénieurs des Mines, a publié, seul et avec son père, d'intéressantes recherches de Chimie minéralogique. Le nom de Friedel revit ainsi déjà par ses fils dans le monde scientifique; lui-même, par la haute valeur de ses découvertes et de sa personnalité morale, y laisse un profond souvenir.
Relations de Charles FRIEDEL avec l'Ecole des Mines de Paris : Bien que n'ayant pas appartenu au corps des mines, Charles FRIEDEL fut à partir de 1856 conservateur des collections de minéralogie à l'École supérieure des Mines et il eut toujours à ce titre, dans cette École, un petit laboratoire, et même, jusqu'en 1880, son appartement. Son fils aîné Georges Friedel, bien que né à Mulhouse, habita donc l'École des Mines pendant toute son enfance et jusqu'à 15 ans. Son petit-fils, Edmond, sous-dirigea puis dirigea l'Ecole et y habita donc de 1937 à 1963.
Résumé de l'apport scientifique des 5 générations de la dynastie des FRIEDEL
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Le minéral friedelite a été ainsi nommé par son découvreur, le minéralogiste Emile BERTRAND, en l'honneur de Charles Friedel (1976).
Le minéral delafossite a été ainsi nommé par son découvreur, Charles Friedel, qui examinait les collections de l'Ecole des mines de Paris en 1973. Il rendait ainsi hommage à Gabriel DELAFOSSE, qu'il connaissait bien car DELAFOSSE et son grand-père DUVERNOY étaient tous deux minéralogistes, membres de l'Académie des sciences et professeurs au Muséum. Malgré sa formule chimique simple : CuFeO2, c'est un minéral relativement rare que l'on n'a reconnu que dans environ 70 gisements dans le monde, dont 5 en France (source : Gabriel Delafosse et la delafossite, par Vincent Schneider, AFM Cahier des Micromonteurs, n°93, 3-2006). C. Friedel a découvert le minéral dans 4 échantillons au total, dont 3 venaient de Catherinebourg (Oural, Russie) et l'un de Bohème.