Epoux de Gisèle MORNET. Père de 11 enfants.
Ancien élève de l'Ecole polytechnique (promotion 1930), et de l'Ecole des Mines de Paris. Corps des mines.
Ingénieur en chef des mines, géologue de formation, il est directeur général de la SNPA en 1955, puis vice-président directeur général en 1965 et, conjointement vice-président exploration-production de l'ERAP en 1968. Il devient directeur général de la SNEA en 1976 jusqu'à sa retraite en 1977. Aux côtés de Pierre Guillaumat, de Jean Blancard et de Paul Moch, il est l'un des créateurs du groupe Elf-Aquitaine et l'industrie pétrolière française .
Commandeur de la Légion d'Honneur.
Le texte ci-dessous a été rédigé par Raymond H. Lévy, qui a autorisé sa publication sur le web par lettre du 28/6/2004.
André Bouillot est décédé le 30 décembre 2003.
La carrière d'André Bouillot, c'est d'abord et tout naturellement une belle carrière d'Ingénieur des Mines. Né en janvier 1912, il est reçu à l'X à 18 ans, en 1930. Il en sort dans le Corps des mines et consacre ses premières années, comme il était alors de règle, au « service ordinaire » à Constantine, à Douai, puis à Saint-Etienne. En 1947, il est appelé à diriger le Bureau de Recherches et de Participations Minières à Rabat : il y restera huit ans, et y fera ses premières armes dans l'industrie pétrolière, comme vice-Président de la Société Chérifienne des Pétroles. C'est sans doute à ces 20 années d'activité qu'André Bouillot devra la connaissance approfondie de la géologie et des techniques minières et pétrolières qui était la sienne : à l'époque, il était encore considéré comme souhaitable qu'un dirigeant connût et comprît le métier de son entreprise - les idées actuelles sur le « management » ont quelque peu changé tout cela...
C'est en 1955 que la carrière d'André Bouillot connaît la mutation essentielle qui le fait entrer de plain-pied dans ce qui restera comme une véritable épopée, celle de la création et de l'épanouissement du groupe pétrolier Elf, puis Elf Aquitaine.
Une politique pétrolière antérieure avait, à cette époque, multiplié les entreprises d'exploration à travers la France et son « Empire ». A ce titre, la Société Nationale des Pétroles d'Aquitaine (SNPA) avait la charge d'un domaine minier couvrant, schématiquement, la rive gauche de la Garonne. Son exploration avait connu un premier succès avec un petit gisement de pétrole lourd à faible profondeur ; elle devait changer de dimension avec la découverte survenue en 1955 du gisement de gaz de Lacq profond.
Un nouveau Directeur Général est alors appelé à sa tête, André Bouillot, dont la première tâche sera de mettre en production ce gisement. Une tâche particulièrement délicate : le gaz de Lacq, sous forte pression, est dangereusement corrosif et toxique parce que contenant un fort pourcentage d'un mélange d'hydrogène sulfuré et de gaz carbonique ; un problème technique redoutable est ainsi posé, qui sera heureusement résolu - à une époque où, fort heureusement, la créativité des Ingénieurs n'est pas encore étouffée par une application excessive du « principe de précaution » -, et mettra à la disposition du Pays, par l'intermédiaire de la SNPA, une richesse gazière - 250 milliards de m3 de gaz naturel - dont l'importance doit s'apprécier à l'échelle des consommations de l'époque, considérablement plus faibles que les consommations actuelles.
Pendant que la SNPA, sous la direction d'André Bouillot, développe les richesses de Lacq, notre Gouvernement met en place une politique pétrolière particulièrement volontariste. Il s'agit, par le regroupement de l'ensemble des petites unités pétrolières autonomes mentionnées plus haut et par leur développement vers l'aval, de créer, à côté de la Compagnie Française des Pétroles, une grande entreprise pétrolière nationale qui, conjointement à la CFP, aura pour mission d'assurer, par la recherche et le développement de ressources nouvelles à travers le monde entier, le contrôle de la moitié des besoins totaux du pays en hydrocarbures liquides ou gazeux. Le tournant de cette politique, c'est la création, le 1er janvier 1966, d'une entreprise publique unique, l'ERAP, qui regroupera toutes les forces pétrolières jusque-là dispersées, ainsi que la part publique de l'actionnariat de la SNPA.
A la tête de cette entité, un « Comité Directeur » composé de 3 mousquetaires : Pierre Guillaumat, Président, et Paul Moch et Jean Blancard, vice-Présidents. Mais, comme il se doit, les 3 mousquetaires sont 4 : au trio du Comité Directeur de l'ERAP se joint en permanence le Directeur Général de la SNPA : André Bouillot.
Ces 3 mousquetaires qui sont 4 s'attachent à répondre à l'objectif ambitieux fixé au Groupe national. Au développement des gisements déjà découverts depuis 1956 en Algérie et en Afrique Noire s'ajoute une intense activité d'exploration dans ces mêmes zones, puis au Nigeria, en Iran, en Arabie Saoudite, en Mer du Nord et, pour la SNPA, sur le continent américain. Des succès tels que celui de Prudhoe Bay au Canada, de Frigg en Mer du Nord, d'Emeraude au Congo, ou de nos gisements nigérians, datent de cette époque.
J'assumais à l'époque la direction de l'équipe d'exploration et de production pétrolière de l'ERAP sous la présidence de Jean Blancard. Appelé par le Général de Gaulle à la Délégation Générale à l'Armement nouvellement créée, Jean Blancard quitte le Groupe au printemps de 1968. Interrogé par le Président du Groupe, il me semble naturel qu'André Bouillot lui succède, préfigurant ainsi l'union entre l'ERAP et la SNPA dont la perspective s'imposait et qui devait être réalisée en 1976. Je n'étais pas seul à trouver cette idée naturelle : le quatuor que Jean Blancard venait de quitter se reformait alors sous forme d'un trio avec un Président, Pierre Guillaumat, et deux vice-Présidents : Paul Moch et André Bouillot, tous trois ne devant plus quitter leurs fonctions respectives avant leur retraite.
Entouré de l'équipe qu'il avait su constituer à la SNPA et de celle des explorateurs-producteurs de l'ERAP, André Bouillot mettait en oeuvre dans un calme olympien la profonde érudition technique que nous avons mentionnée, avec une grande bienveillance pour ses collaborateurs. Son « métier » de pétrolier se doublait de préoccupations sociales avancées qui devaient donner lieu, après la tourmente de mai 1968, à quelques échanges un peu vifs entre lui-même et ceux qui se sentaient sans doute moins enclins à tirer précipitamment des leçons d'un mouvement fort coûteux, en fin de compte, pour notre Economie. Il est possible que ce souci social explique que la fusion entre l'ERAP et la SNPA n'ait pu se faire que 10 ans après la création de l'ERAP : les unités regroupées à Lacq et à Pau bénéficiaient d'un traitement différent de celui des autres entités du Groupe, et le regroupement avec ces mêmes entités appelait de sérieuses précautions et une longue préparation. Mais elle devait enfin se faire : en 15 ans, le groupe pétrolier national avait acquis, sous la forme d'Elf Aquitaine, la dimension qu'imposaient les ambitions de ses créateurs.
Sous son apparente décontraction, le mousquetaire Bouillot n'était pas moins actif sur tous les domaines ouverts par le développement du gisement de Lacq et de ses prolongements chimiques : certains de ces prolongements devaient d'ailleurs être à l'origine de techniques pétrolières nouvelles, comme par exemple l'usage en production de canalisations flexibles.
Les préoccupations sociales d'André Bouillot étaient le reflet de la philosophie humaine qui réglait son existence, et d'abord son existence familiale : Gisèle et André Bouillot ont élevé 11 enfants, dont une fille devait disparaître prématurément de façon accidentelle en 1973. Cette philosophie se retrouvait dans son désintéressement et sa générosité discrètement assumée. Elle se retrouvait dans son intérêt pour les jeunes, qui ont pu le rencontrer, assidu aux réunions jusqu'à la fin de sa vie et toujours attaché à suivre les idées et les préoccupations des uns et des autres et à en débattre.
Des acteurs et des témoins de l'épopée de l'ERAP et d'Elf Aquitaine, un grand nombre, et notamment les principaux collaborateurs d'André Bouillot, ont aujourd'hui disparu. Cette épopée elle-même - dont l'éclatant succès avait apporté à notre Economie les bénéfices rappelés plus haut, mais avait aussi assuré à l'Etat, qui en avait financé les premières années, de substantiels profits - s'est terminée, à la suite de la mise en place par le Pouvoir d'une nouvelle équipe à la fin des années 1980, dans les convulsions judiciaires que l'on sait et dont on connaît les conséquences. Ainsi pollués, les capacités de premier plan et les succès techniques et économiques d'Elf Aquitaine ne pouvaient l'empêcher de se voir, pour finir, absorber par le Groupe Total.
Des 3 mousquetaires qui étaient 4, 3 ont aujourd'hui disparu. Il est juste que soit gravé dans les mémoires le souvenir de l'oeuvre exceptionnelle accomplie à la tête d'équipes exceptionnelles par chacun de ces hommes exceptionnels, dont le modèle d'engagement, d'énergie et de désintéressement n'est plus guère, hélas, de notre temps. André Bouillot était l'un de ceux-là.
Mines, Revue des Ingénieurs, mars/avril 2004 :
André BOUILLOT, Corps des Mines 1932, vient de nous quitter le 30 décembre 2003, à quelques jours de ses 92 ans.
Nous ne ferons qu'évoquer le grand chef d'Entreprise qu'il fut, où, après un début de carrière dans les mines, puis la géologie au Maroc, il devint responsable du développement des Pétroles d'Aquitaine (SNPA) puis fondateur et vice-Président d'Elf, avec Pierre GUILLAUMAT Président, (Corps des Mines 1930), restant attaché au Sud-Ouest, dans sa retraite, en tant que Président du développement des Entreprises du Bassin de l'Adour.
C'est avant tout au fondateur et animateur d'une grande famille, toujours très soudée, que nous voulons, en tant que Mineurs, rendre hommage.
André a connu Gisèle, son épouse, dès l'enfance, ils se sont mariés très jeunes et ils ont fondé une grande famille (11 enfants, 31 petits enfants, 20 arrières petits enfant...). C'était un couple exceptionnel, très accueillant et attentionné : quel exemple quand nous pensons à leurs 68 ans de vie commune et à tout ce que nous avons pu vivre avec eux !
Pour moi, Pierre Artiguebieille (Promotion 1960 de l'Ecole des Mines de Saint-Etienne), époux de Marie-Josèphe, sa 5ème fille, ce fut un beau-père exceptionnel, toujours à l'écoute et toujours proche, d'un grand coeur, animé d'une profonde foi chrétienne, et qui cachait une grande sensibilité qu'il exprimait notamment dans ses aquarelles qui nous rappellent aujourd'hui, à chaque instant, les témoignages et les messages qu'il nous a livrés tout au long de sa si riche existence.
Pour nous, ses petits-enfants, Xavier Artiguebieille (Saint-Etienne promotion 1994), son épouse Virginie (Saint-Etienne promotion 1994), Bénédicte Poinssot (Saint-Etienne promotion 1996), Thomas Artiguebieille (Ecole des Mines d'Ales promotion 1996), et Clément Artiguebieille (Saint-Etienne promotion 2002), c'était "Grand-Papa", un grand-père que nous aimions énormément, toujours présent pour nous apporter de précieux conseils tant pour l'orientation de notre vie, de nos études, que dans notre vie professionnelle débutante ou déjà engagée.
Nous pensons tous tendrement à lui.
Pierre ARTIGUEBIEILLE