Les bases de la cristallographie et de la minéralogie modernes (dans cet ordre, car la « science des cristaux » a incontestablement précédé celle des minéraux) ont été définies à la fin du XVIIème Siècle, grâce surtout aux travaux de J.B. Romé de l’Isle et R.J. Haüy. Contribution majeure de l’école française, à laquelle il faut ajouter les noms de G.A. Werner, héritier de la tradition minière germanique, et des pionniers suédois de l’analyse chimique des minéraux, T. Bergman et J.J. Berzelius. Un certain nombre de traités importants paraissent à cette époque, mais c’est Haüy qui saura assurer la plus grande diffusion avec son « traité de Minéralogie », paru en 1801, qui marque le point de départ de la Minéralogie du XIXème Siècle. Le qualificatif de « père de la Minéralogie » souvent attribué au « modeste abbé » par les hagiographes officiels paraît toutefois quelque peu abusif, car on avait déjà en germe deux tendances opposées, l’une effectivement illustrée par Haüy et privilégiant les formes extérieures et les caractères physiques des cristaux (Cristallographie géométrique et physique), l’autre accordant la plus grande importance à la composition chimique (Ecole suédoise). Ces tendances qui ne vont pas cesser de s’opposer tout au long du siècle, parfois avec violence, pour finalement conclure un armistice équilibré lorsque, au début du XXème Siècle, la mise en évidence des structures à l’échelle atomique par les Rayons X, qui, en faisant faire un bond de géant à toutes les sub-disciplines, permettra de comprendre et rapprocher des points de vue contradictoires.
A.G. Werner, à Freyberg, avait identifié les quatre critères qui selon lui définissaient un minéral : propriétés externes (forme des cristaux), composition interne, caractères physiques (incluant optiques, électriques, etc ..) et caractères empiriques, correspondant en fait aux données de gisement (mode d’occurrence, minéraux associés, etc..). A défaut d’être véritablement scientifique, son système s’adressait surtout aux praticiens, ce qui joint à un charisme certain lui assura une réputation universelle ( en dépit de publications à peu près inexistantes). Il n’attachait qu’une importance tout à fait secondaire au second paramètre, tant en ce qui concerne l’imprécision des méthodes à l’époque que de la difficulté de les appliquer sur le terrain. Visant un tout autre public (les « savants » en lieu des praticiens, Haüy eut une démarche au départ assez semblable, attachant un intérêt particulier à l’étude de la forme des cristaux (cristallographie), nom qui venait d’être créé par J. B. de Romé de l’Isle (Romé de l’Isle, 1772). L’un des ses apports majeurs, en continuation directe des premiers essais de Romé, a été de compléter l’étude des cristaux naturels par des « modèles en bois », dans lesquels les angles interfaciaux sont parfaitement conservés, mais avec un développement idéal de chaque face. Il procéda ainsi à la description systématique des cristaux, avec les premiers essais de repérage (notation) des faces, et surtout avec l’idée fondamentale qu’une forme donnée était caractéristique d’une espèce, donc d’une certaine composition chimique. Mais il ne parvint pas à systématiser les éléments de symétrie des cristaux, ce qui fut bientôt fait par ses disciples allemands, notamment C.S Weiss, qui en 1812 proposa 4 systèmes cristallins (cubique, quadratique, hexagonal/rhomboédrique, orthorhombique), ensuite complétés par les deux systèmes obliques (monoclinique et triclinique) par .F. Mohs en 1822. Le fait que tous les cristaux ne comportent pas tous les éléments de symétrie d’un système donné, mais parfois la moitié (hémièdrie) ou le quart (tétartoédrie) donna alors une orientation purement mathématique à ces études et, en 1830, J.F.C Hessel montra que la combinaison progressive des différents éléments de symétrie décelables dans les formes extérieures des cristaux (centre, miroirs, axes d’ordre 2, 3, 4 ou 6) conduisait à 32 classes, réparties de façon parfaitement logique dans les 6 ou 7 systèmes (la France distinguant l'édifice rhomboédrique de l’hexagonal). Cette approche, toujours basée sur l'examen et la manipulation de « modèles en bois » qui, après la période Haüy, furent –et sont toujours – commercialisés par la firme allemande Krantz (Bonn) permit non seulement d’étudier les cristaux et leurs associations (mâcles), mais surtout , grâce à un système de projection approprié de repérer les différentes faces par des indices. Chaque minéralogiste de renom chercha à imposer son système de notation; Haüy ouvrit la voie aux minéralogistes de l’Ecole des Mines. La notation Haüy-Lévy, restera ainsi très utilisée en France jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale, En Allemagne se furent Weiss, puis C.F. Naumann-F.Zirkel, qui marquèrent leur temps. Mais c'est surtout le britannique W.H. Miller qui, s'inspirant des travaux de J.J Berhardit, W. Whewell, G.Grassman et M.L.Frankenheim et prenant singulièrement les inverses des indices de Weiss, imposera progressivement son système à l’ensemble du monde. Avec l’avènement des théories mathématiques combinatoires (théorie de groupes), l’étude des groupes de symétrie fut considérablement développée par la prise en considération d’ éléments de symétrie supplémentaires (miroirs de glissement et axes hélicoïdaux), conduisant aux 230 groupes spatiaux définis presque simultanément et indépendamment en1891 par le russe E.S. Fedorov et l’allemand A.M. Schoenfliess. Ces travaux, pure déduction mathématique d’observations sur les cristaux naturels, devaient trouver une confirmation éclatante lorsque, au début du XXème Siècle, les Rayons X ont permis d’accéder à la structure atomique de la matière.
Parallèlement à l’aspect géométrique, la cristallographie physique, vocable qui recouvre le troisième « caractère « de Werner (dureté, densité, couleur, propriétés optiques, électriques ou magnétiques), devait aussi connaître des développements spectaculaires, surtout liés à l’apparition d’un nouvel instrument, le microscope polarisant, et d’un nouveau mode de préparation des échantillons, la lame mince. Depuis le XVIIème, on connaissait certes le microscope (G.Galilée puis surtout A van Leuwenhoek, vers 1680), de même que le phénomène de la double réfraction (Erasme Bartholin, 1669), et même une interprétation théorique satisfaisante par C.Huyghens en 1690. Mais ces phénomènes n'étaient perceptibles que dans de grands cristaux de calcite, transparents et très biréfringents, échantillons à peu près uniques dans le monde des minéraux et qui relevaient plus de problèmes de physique, que minéralogiques. La généralisation et la mise en évidence de cette dernière propriété à tous les minéraux, interviendra dans la première moitié du XIXème Siècle, à la suite d'observations et de résultats convergents parmi lesquels l’Ecole britannique (Ecosse et Angleterre) tiendra une place prépondérante. Il faut signaler cependant qu'antérieurement à la préeminence britannique E.L Malus en 1801 fit connaître ses premiers travaux sur la polarisation de la lumière (par réflexion), et que D.F.J Arago montra que certains minéraux pouvaient dévier le plan de polarisation des rayons lumineux. Des avancées décisives sont à prendre également en considération , elles sont du fait de D. Brewster, physicien écossais et observateur de génie, et de J.B Biot, qui définit les cristaux optiquement positfs et négatifs. Toutefois, on ne pouvait toujours travailler que sur des cristaux spécifiques, soit très transparents (le quartz et la topaze pour Brewster), soit aisément clivables et donc faciles à préparer en lames très minces pour l’observation à fort grossissement (les micas pour Biot). Après les premiers essais de microscope polarisant par G.B Amici, l’anglais W. Nicol, vers 1830, met au point ses prismes célèbres qui donneront à cet instrument fondamental sa forme à peu près définitive. Parallèlement, les techniques de préparations de lame minces furent considérablement améliorées par Henry Clifton Sorby, qui publiera en 1851 un article célèbre, unanimement considéré comme marquant le début de la microscopie pétrographique Sorby s’est attaqué à beaucoup d’autres problèmes, et peut être considéré comme le fondateur d’au moins trois autres disciplines, qui toutes ont pris maintenant leur indépendance : la métallurgie (texture de métaux et alliages), la science des météorites, et même la pétrographie structurale, avec les premières observations microscopiques sur le clivage schisteux.. Son activité débordante et multiforme ne l’empêcha pas d’avoir une certaine peine à être reconnu par ses pairs. Suffisamment riche pour ne pas avoir à rechercher un poste officiel, il ressentit amèrement le fait de ne pas être nommé professeur à Sheffield ,d'autre part , comme il le rapporte dans son journal intime, il eut à lutter toute sa vie contre certains collègues, « qui se gaussaient de le voir étudier les montagnes avec un microscope ». L’avènement du microscope polarisant, tant pour les minéraux transparents que, bientôt après, pour les minéraux opaques est une véritable révolution, qui ne peut être comparée qu’à celle que constituera, un siècle plus tard, l’avènement de la microsonde électronique. Entre temps, le microscope polarisant deviendra, grâce, d'une part, aux travaux de théoriciens comme F-E. Mallard, d'autres part aux perfectionnements techniques tels l'adjonction de compensateurs pour la mesure précise des biréfringences (Brewster 1830, J. Babinet 1849), de lentille dite de E. Bertrand (ou Bertrand-Amici) en 1878 ou, surtout 13 ans après de la platine universelle multiaxe par le russe E.S Fedorov, un véritable instrument d’analyse permettant, non seulement la déterminations des diverses espèces minérales, mais aussi l’estimation de leur composition (exemple le plus classique les solutions solides des feldspaths).
Comme on l’a vu, l’étude des propriétés physiques des minéraux et des cristaux, en particulier leur interaction avec la lumière polarisée, ont fait faire de grands progrès à la minéralogie. Ceci ne fut possible que par une avancée concomittante des connaissances sur la chimie des minéraux, puisque toute espèce minérale était définie à la fois par sa composition et sa structure. L’aspect purement technique (analyse des phases), évolution de la « docimasie » du XVIIIème Siècle, fit rapidement l'objet de grands perfectionnement, liés aux travaux de tous les chimistes impliqués dans la révolution industrielle du XIXème Siècle : Ce siècle est avant tout le siècle de la chimie, comme le XXème sera celui de la physique et de la biologie. Très rapidement, on connaît tous les principaux éléments chimiques, ordonnés rationnellement par D. Mendeleev en 1869. La chimie théorique n’est pas en reste et, à partir des années 1850, on en connaît les bases essentielles : La règle des phases de W. Gibbs date de 1875, et les diagrammes de H.W. Bakhuis-Roozeboom, élaborés par P.Schreinemakers, de la fin du siècle. Il faudra cependant attendre la fin du XXème Siècle pour que cet arsenal théorique soit utilisé dans la pratique minéralogique (géothermométrie-géobarométrie.) Au départ, les retombées chimiques sur la minéralogie furent loin d’être simples. R.J. Haüy pensait avoir résolu le problème en l’ignorant : selon lui à toute structure, définie par un empilement de « molécules intégrantes » correspondait un minéral, donc une composition chimique bien définie et constante. Il pensait même en avoir la preuve avec l’existence de variétés polymorphes, qu’il fut le premier à mettre en évidence. Calcite et aragonite, par exemple, ont même composition chimique (CO3 Ca), mais des charpentes différentes, rhomboédrique pour la première, orthorhombique pour la seconde. Pour Haüy, les deux minéraux sont différents, et son argumentation repose donc sur la structure. Opinion radicalement opposée à celle de Berzelius, pour qui seul l’argument chimique compte, et qui voyait donc en aragonite et calcite deux variétés d’un seul et même minéral. Il en vient même à nier à la minéralogie le statut de discipline scientifique indépendante. Dans son Nouveau système de minéralogie de1819, Berzelius est très clair (cité par A.F. Renard, 1896) « la minéralogie considérée en elle même n’est qu’une partie de la chimie. Elle ne peut avoir de base scientifique autre que la chimie ; tout autre lui est étrangère, lorsqu’on l’envisage comme science ; et si, jusqu’à ce moment, il n’en a pas été certainement ainsi, il faut l’attribuer, d’un côté, au long retard du perfectionnement de la chimie, et de l’autre, à ce que ceux qui ont inventé les systèmes minéralogiques n’avaient pas pénétré avec la même ardeur et la même perspicacité dans le système chimique ». Les vues extrêmes de Berzelius seront combattues par un de ses disciples, Eilhardt Mitscherlich, qui en trouvant le principe (ou loi d’isomorphisme (Mitscherlich 1818) porta un coup fatal au principe de Haüy. Deux minéraux sont isomorphes s’ils ont la même structure, mais des compositions différentes ,(voisines cependant). Par exemple, les olivines naturelles varient de façon continue entre un pôle ferrifère (fayalite) et un pôle magnésien (forstérite) sans changement appréciable dans la forme des cristaux. Ce cas général pour la plupart des minéraux des roches (feldspaths, micas, pyroxènes, amphiboles, etc..) conduit à la notion de solution solide, fondement majeur de la pétrographie moderne. L’isomorphisme s’explique aisément par la théorie atomique, inconnue au temps d’Haüy. Toutefois, comme les atomes n’ont pas exactement la même taille, les remplacements isomorphiques induisent en fait de faibles variations de structure, indécelables avec le goniomètre élémentaire employé par Haüy mais qui toutefois pouvaient l’être avec le goniomètre à réflexion de W.H. Wollaston, beaucoup plus précis. Haüy se refusant à adopter cet appareil, s’engagea avec Mitscherlich dans une controverse acerbe qui assombrit les dernières années de sa longue vie. Les efforts méritoires des successeurs d’Haüy au Muséum d'Histoire Naturelle notamment G. Delafosse, pour rapprocher les points de vue ne purent empêcher que le fondement même de la théorie de Haüy, -l’identité entre molécule chimique (qui définit la composition) et intégrante (qui définit la structure)- ne pouvait s’appliquer qu’à un nombre très restreint de minéraux, de composition parfaitement définie et constante. Même la calcite, qui pourtant avait servi de détonateur avec le fameux épisode du rhomboèdre brisé, ne rentre pas dans cette catégorie : les carbonates sont des solutions solides variant entre les pôles calcique, magnésien, ferrifère, etc.. . Mitscherlich, renvoyant dos à dos Haüy et Berzelius, avait trouvé la véritable expression pour définir un minéral, il retient que les deux arguments, structure et composition, sont aussi importants l’un que l’autre mais c’est toutefois le chimisme qui prime, et il est symptomatique à cet égard de constater que Mitscherlich n’eut pas du tout envers Berzelius les mêmes réactions d’hostilité qu'avec Haüy. Toutes les classifications ultérieures, qui vont permettre le développement remarquable de la minéralogie systématique dans la seconde moitié du XIXème Siècle, seront des classifications chimico-minéralogiques, encore utilisées de nos jours.
Après la seconde moitié du Siècle, les progrès vont être très rapides, comme en témoigne la publication de grands traités systématiques qui préfigurent les ouvrages actuels. Plusieurs tendances peuvent être discernées. La première, illustrée surtout par les écoles allemandes (notamment C.F.Naumann) et américaine (J.D.Dana) est purement systématique, dans le droit fil du traité de Haüy, cherchant à répertorier toutes les espèces nouvelles au fur et à mesure de leur découverte. Georg Amadeus Carl Friedrich Naumann (1797-1873), successeur de F. Mohs à Leipzig, puis professeur à Freyberg dans la chaire de Werner, se pose ainsi en successeur direct du maître de Freyberg, et les multiples éditions de son « Lehrbuch der Mineralogie », les dernières en collaboration avec F. Zirkel, restent une référence importante pour les minéralogistes de langue allemande. Il en est de même du « System of Mineralogy » de E.S.Dana, auquel la langue anglaise et la dimension de l’auteur donnent une diffusion internationale. James Dwigth Dana (1813-1895) « Professor of Geology and Mineralogy in Yale College » (et successeur de B. Silliman, qui introduisit la minéralogie à Yale), publia la première édition du «System» en 1837, à l'âge de 24 ans, et ne cessa de l’augmenter jusqu’à la fin de sa vie, en dépit de nombreuses autres activités dans des domaines aussi variés que les grandes expéditions marines, l’étude de fossiles (coelentérés ou crustacés) ou l’étude des volcans. La cinquième et dernière édition (1872) parue de son vivant), compte plus de 800 pages, pour près de 1000 espèces décrites, et ne cessera d’être augmentée par des appendices successifs jusqu’en 1882. Le « Dana » existe toujours, mais comme tous les traités comparables il est devenu une œuvre collective, et il n’a cessé, non seulement d’être consulté par tous les minéralogistes professionnels, mais de servir de guide à bon nombre de collectionneurs épris de systématique
La seconde tendance, que l’on peut qualifier de « pétrographique » consiste à étudier les minéraux des roches (transparents) au microscope polarisant à transmission, non seulement pour les identifier, mais aussi pour déterminer le plus exactement possible les compositions dans le cas très général de solutions solides entre différents pôles. Le microscope polarisant devient ainsi un véritable instrument analytique qui (tout en gardant son intérêt pour l’observation des textures et la sélection des plages à analyser) ne sera détrôné qu'une centaine d'années plus tard par la microsonde électronique. A cet égard, s’il est vrai que les apports technologiques essentiels viennent d’Allemagne, avec notamment le travail du physicien Carl Abbe pour les firmes C.Zeiss et E. Leitz –-, on peut estimer que ce sont surtout les Français qui, au Museum et à l’Ecole des Mines, ont fourni les contributions théoriques majeures. Des Cloizeaux, nommé professeur au Museum en 1876, confectionna avec une habilité manuelle exceptionnelle de nombreuses sections orientées dans les minéraux les plus divers, qui lui permirent de préciser les relations spatiales entre éléments cristallographiques et optiques La théorie (surtout pour la lumière polarisée) fut principalement développée par F.E.Mallard et appliquée aux feldspaths par F.Fouqué et A. Michel-Lévy, qui firent l’essentiel de leurs travaux à l’Ecole des Mines.
A la fin du siècle, le travail avec une rigueur et une homogénéité remarquables est poursuivi en trois dimensions par l'usage de la platine universelle, notamment par son inventeur, Fedorov, et par L. Duparc à Genève. En ce qui concerne la série si importante des plagioclases (Ab-An, albite-anorthite), on fait ainsi des déterminations de pourcentage en anorthite à environ 10% près, qui eurent pour résultat de nommer les espèces intermédiaires, oligoclase, andésine, labrador, bytownite. répondant à des incréments successifs de 20% An :
Il est juste de dire que l’école de langue allemande, (Allemagne Autriche et Suisse Alémanique), n’était pas en reste, mais, fidèle à une certaine tradition encyclopédique, elle devait s’orienter vers des voies un peu différentes : pas de privilège spécifique sur certains minéraux (feldspath) mais, en corollaire, approche théorique moins élaborée. Par exemple, les méthodes de détermination des séries isomorphes sont surtout basées sur des mesures directes de certains paramètres physiques (indice de réfraction, densité, etc.). Il s’agit du reste plutôt de complémentarité que d’opposition, et l’on ne peut manquer de souligner la grande solidarité des minéralogistes-pétrographes, qui tout en étant profondément attachés à leurs pays respectifs surent dépasser les luttes politiques. C’est ainsi que H. Rosenbusch, le grand nom de la minéralogie pétrographique en Allemagne, reçut pendant un an (1871) Fouqué dans la ville de Strasbourg juste annexée. A Strasbourg, puis à Heidelberg, Rosenbusch publie inlassablement sa « Mikroskopische Physiographie der Mineralien und Gesteine » (Ouvrage à vrai dire plus pétrographique que minéralogique, qui n’a jamais été égalé pour le détail des descriptions des roches magmatiques, mais qui illustre surtout les différences entre écoles allemandes et françaises : si les Français basent uniquement leurs classifications sur la nature et la composition des éléments blancs (ou leucocrates : quartz et feldspaths), les Allemands attachent une importance au moins aussi grande à l ‘ « indice de coloration » (rapport entre l’abondance relative des éléments blancs et colorés, surtout pyroxènes et amphiboles). Controverses qui, parfois sur un fonds exacerbé par les problèmes politiques, devaient se poursuivre tout au long du XXème Siècle, jusqu’à ce des commissions internationales de nomenclature finissent par aboutir à un consensus équilibré.
Après la découverte à la fin du XVIII ème siècle, cristallographie et minéralogie, d’abord étroitement associées vont progressivement diverger, tout en connaissant leur âge d’or. Les outils essentiels se mettent en place : de nature théorique pour la cristallographie (systèmes cristallins, réseaux et groupes spatiaux), instrumentale pour la minéralogie descriptive. Tout en restant essentielle pour la définition des minéraux, la cristallographie va dériver progressivement vers les sciences dites exactes, physiques et surtout chimie : Ses méthodes resteront applicables non seulement aux cristaux naturels, mais s'étendront à tout corps cristallisé incluant les composés organiques, voire biologiques (travaux de L.Pasteur sur les sels dextrogyres/lévogyres…). Par son pouvoir d’analyse, le microscope polarisant permet l’essor de la pétrographie, avec l’éclosion de la minéralogie pétrographique. Séparation qui va progressivement s’affirmer d’avec la minéralogie des gîtes (opaques) conduisant Outre-Rhin au début du XX ième Siècle à deux spécialités parfaitement individualisées : Minéralogie générale (Allgemeine Mineralogie) pour les minéraux des roches, et Minéralogie spécialisée (Spezielle Mineralogie) pour les minéraux des gîtes, A la fin du XIXème Siècle, le cadre général est en place, et les principales espèces minérales sont connues. Tout est prêt pour les grandes révolutions qui vont se succéder : Rayonx X, microsondes, isotopes radiogéniques ou non, expérimentation. Véritable explosion, qui aura des effets dramatiques pour la minéralogie, en quelque sorte victime de son succès : La Cristallographie devient purement physique ou chimique et s'éloigne du domaine des sciences de la terre. La Géochimie s'approprie la Pétrographie.