TRAVAUX
DU
COMITÉ FRANÇAIS D'HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE
- Deuxième série -
T.3 (1985)

Alexandre FEDIAEVSKY

Aperçu de la vulgarisation géologique de 1860 à 1888

COMITÉ FRANÇAIS D'HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE (COFRHIGEO) (Séance du 27 novembre 1985)

Les ouvrages de vulgarisation scientifique couvrent de nombreux domaines dans l'édition de livres pour le grand public surtout dans la seconde moitié du XIXe siècle. Ce parcours rapide d'ouvrages consultés nous permettra de nous faire une idée de la place qu'occupe la géologie au milieu d'autres thèmes destinés à éveiller et satisfaire la curiosité d'un large public.

Une note d'humour nous vient de Töpffer : cet alpiniste égratigne plusieurs fois les géologues (Nouvelles Genevoises et Voyages en Zigzag) qui n'arrivent pas à lui expliquer la formation de ces montagnes qu'il aime tant.

Ferdinand Fitz-Fossilius Feldspar,autre représentant grotesque du géologue de salon à peu près de la même époque (E. Poe, "Lionneries") n'est pas plus convaincant.

Pourtant cela prouve une curiosité pour la géologie, de la part d'un public auquel peuvent s'adresser des ouvrages vulgarisés dont nous nous proposons d'analyser quelques échantillons .

L'époque où nous situons notre enquête commence en 1860 et s'arrête avant 1888 date où la vulgarisation géologique connaît un ouvrage véritablement révolutionnaire avec la "Géologie en Chemin de Fer" de Albert de LAPPARENT (1), un géologue aussi eminent n'hésitant pas à commenter pour le voyageur les paysages qu'il aperçoit par la fenêtre de son compartiment. Notons à ce propos que des guides touristiques de la qualité des Baedecker sont muets sur la géologie, et que sur une quinzaine de guides Joanne nous n'aurons trouvé qu'une page sur le Règne Minéral (Algérie 1885) ou la géologie (Egypte 1881). A première vue,la vulgarisation géologique semble pouvoir se scinder en categories d'ouvrages ayant entre eux des parentés d'intention, et c'est par catégories que nous tenterons de les aborder.

Brochures Géologiques

Une série de conférences sur des sujets très divers allant des "Gaz pernicieux du foyer" à la "Prévoyance et la charité" sont faites à la gare St JEAN à Bordeaux, les textes édités chez Hachette coûtent 0.25 F le volume ; dans cette série le "Règne Minéral" est traité par Victor RAULIN professeur à la Faculté des Sciences de Bordeaux (2).

V. RAULIN définit admirablement le rôle du vulgarisateur : "répandre les données les plus générales (de la science) dans les populations et surtout les classes laborieuses qui malheureusement, lisent trop peu, peut être parcequ'il n'y a pas de vrais livres pour elles". C'est un rationaliste qui veut "apprendre (à l'homme) à se tenir en défiance vis à vis du merveilleux, du surnaturel".

L'auteur va présenter le globe terrestre, ses constituants (les cristaux) les phénomènes en cours, aériens (la désagrégation) ou aqueux (sédiments).

Les idées très simplifiées se ramènent à une stratigraphie de comblement entre "ilôts" de terrains ignés et exhaussements,et une tectonique due au refroidissement du globe (image de la pomme qui se dessèche).

L'ouvrage ne comporte comme illustration qu'une douzaine de gravures représentant des fossiles. Enfin il est intéressant de relever les auteurs auxquels V. RAULIN fait référence. Il cite Bernard de PALISSY comme précurseur et GUETTARD comme fondateur de la géologie en France (GUETTARD "Mémoire et carte minéralogique sur la nature et la situation des terrains qui traversent la France et l'Angleterre" (1746).

Sans citer les ouvrages il se réfère également à Jean-Baptiste BIOT (chute d'aérolithe en 1803), au Capitaine Pierre BARRAL (carte géologique de la Corse), A. BR0NGNIART, CUVIER, OMALIUS D'HALLOY, DUFREN0Y, ELIE de BEAUMONT, ce dernier avec de larges extraits. Cet opuscule est très significatif, en effet c'est une présentation d'un professeur de géologie intervenant dans le cadre d'une société de type "philomatique".

Un autre opuscule, plus ancien, paru vers 1860 montre que la vulgarisation prétentieuse et de peu de qualité fréquente à cette époque, n'a pas épargné la géologie. Il s'agit d'une "Histoire de la Terre" par L. BROTHIER (3) faisant partie d'une série constituant la "Bibliothèque utile" à 0.50 F le volume chez Debuisson et Ce. en souscription. Série très éclectique allant d'une "Croisade contre l'ignorance" à des thèmes historique, littéraires ou scientifiques variés. L'auteur n'écrit "ni pour les collèges ni pour les académies" mais pour les "ateliers et les salons". Il traite dans un désordre complet les thèmes géologiques les plus variés d'une manière très fantaisiste. Il cite sans grand rapport avec le texte ELIE de BEAUMONT, BR0NGNIART, CUVIER et HAÜY. Par contre il refute longuement la thèse d'un certain M. Alphonse ADHEMAR qui prédit un nouveau déluge dans 6000 ans par suite d'une fonte brutale des calottes glaciaires. Notons qu'il n'y a pas une seule illustration.

La seule intention nette qui se dégage de cet opuscule est une réfutation de la Genèse qu'on retrouve à plusieurs endroits.

OUVRAGES POUR LA JEUNESSE

Vers la même époque la géologie est présentée de façon plus attrayante à travers les "Ouvrages pour la Jeunesse" en général fort agréablement illustrés de gravures.

La "Bibliothèque des Merveilles" de Hachette, très recherchée des collectionneurs depuis quelque temps, consacre plusieurs volumes à des thèmes touchant la géologie. Il s'agit d'ouvrage in 16°, reliés, souvent réédités et coûtant 2.25 F le volume.

Le Monde Souterrain de L. SIMONIN 1873(4)

Présentation pittoresque des mines et carrières avec un chapitre d'introduction à la géologie où une stratigraphie très claire et illustrée d'une coupe générale tient la plus grande place. Point de bibliographie mais cités dans le texte : WERNER, Roderick MURCHISON, LYELL, Alcide d'ORBIGNY, B0UCHER de PERTHES, M.A BURAT (auteur d'une géologie appliquée)."

Les galeries souterraines de M. HELENE 1876(5)

Consacré aux travaux miniers et surtout aux tunnels, cite un extrait d'ELIE de BEAUMONT sur les filons métallifères. Le chapitre consacré au projet de tunnel sous la Manche donne lieu à un très bon exposé géologique dont l'origine est très certainement les travaux de Alfred POTIER et de Albert de LAPPARENT qui ne sont pas cités.

Les Minéraux Usuels" de J. REYNAUD , 1867 (6)

Petite minéralogie descriptive et bien illustrée de belles planches en couleur ainsi que les Diamants et Pierres précieuses de L. DIEULAFAIT 1871 (7) sont des petits ouvrages de minéralogie pittoresque et anecdotique.

Les Glaciers de ZURCHER et MARGOLLE 1875 (8) sont un ouvrage remarquable. Après une description très documentée des glaciers actuels, ils consacrent un chapitre à la "période glaciaire" dont les données très clairement exposées sont empruntées à de nombreux auteurs avec ou sans référence d'ouvrages ; il s'agit de : CHARPENTIER, John PLAYFAIR, RAMOND (observations faites dans les Pyrénées, Paris,1789), Ch. MARTINS, GRIMSEL (les glaciers et la période glaciaire, Revue des deux Mondes - Janvier 1867), Constant PREVOST (comptes rendus de l'Académie des Sciences t.XXXII), FAVRE (Recherches géologiques dans les parties de la Savoie voisines du Mt BLANC avec un Atlas de trente deux planches- V. MASSON), LYELL (Principes de géologie, traduit sous les auspices de M. ARAGO par Mme Tullia MEULIEN, Paris 1845), ELIE de BEAUMONT, TYNDALL (Notes from the Alps), Félix FAUCON (sur le mouvement des glaciers et le climat de la période glaciaire - Revue de Paris - Septembre 1864).

Volcans et Tremblements de terre 1866 (9) de ZURCHER et MARGOLLE
qui se réfèrent entre autres à une note de DAUBREE à l'Académie des Sciences sur le rôle des eaux souterraines dans les explosions volcaniques, note datant de 1861.

Au total en se fiant à l'extrait du catalogue, la série des "Livres des Merveilles" comporte une douzaine d'ouvrages ayant des rapports étroits avec la géologie sur un ensemble de l'ordre de 110 titres.

Il faut d'ailleurs noter que certains auteurs publient dans d'autres collections, ainsi L. SIMONIN a publié une "Histoire de la terre, origines et métamorphoses du globe" chez HETZEL, et Mme Stanislas MEUNIER "l'Ecorce Terrestre" dans les livres des Merveilles,mais le "Monde Minéral" dans la Bibliothèque des écoles et des familles chez Hachette en 1883. La Bibliothèque des Merveilles a continué ses publications jusqu'à la Deuxième Guerre Mondiale, ses ouvrages sous couverture brochée, illustrés de très belles photographies étaient alors surtout consacrés à la vulgarisation technologique. Les ouvrages cités constituent un parcours pittoresque de notions géologiques ou minières destinées à la jeunesse, souvent ce sont des prix scolaires, comme en témoignent les vignettes sur les couvertures. Dans l'ensemble un grand souci d'information correcte de la part des auteurs est manifeste, souci également de rendre l'ouvrage attrayant par le style et l'illustration.

Nous retrouverons un peu la même intention chez un contemporain autrement plus connu : Jules VERNE chargé par HETZEL d'une mission bien précise "Résumer toutes les connaissances géographiques, géologiques, astronomiques, physiques, amassées par la science moderne et .. refaire sous la forme attrayante qui lui est propre l'histoire de l'univers". Jules VERNE publie le Voyage au Centre de la Terre chez HETZEL en 1864. Dans l'étude qu'elle lui consacre, Simone VIERNE (10) relève un point d'importance : il est possible que Jules VERNE ait rencontré Charles SAINTE-CLAIRE-DEVILLE, ami également de HETZEL, et qui aurait exploré le cratère du Stromboli. Il reste que pour son exposé géologique Jules VERNE introduit une pure fiction scientifique car en fait il décrit une gigantesque géode, échappant au gradient géothermique et siège de phénomènes physiques inexpliqués, tels la luminescence qui y règne. Géode à laquelle on accède par un conduit volcanique libre, idée du reste souvent exprimée à l'époque et dont la descente permet "d'étudier la nature sur place" et surtout la succession des terrains. Doit-on vraiment lui en vouloir d'avoir pris tant de libertés ?

La vulgarisation géologique peut encore être appréhendée à travers d'autres types d'ouvrages.

L'Encyclopédie générale des Deux Mondes (11) :"Revue universelle des Sciences, des Arts et du Commerce mise à la portée de tous", consacre une quinzaine de pages sans illustrations dans son édition de 1874 au chapitre "Géologie".

Ne pas confondre L'Encyclopédie générale des Deux Mondes avec la Revue des Deux Mondes. On peut se demander si la ressemblance des titres n'est pas intentionnelle dans un but de confusion.

On y apprend qu'il y a six mille ans Paris et presque toute la France étaient sous la mer, que le Ptérodactyle était un hideux vampire, et d'autres fables d'allure apocalyptique racontées par un anonyme.

Si des auteurs comme "ELIE de BEAUMONT, "DUFRESNOY" (sic) au sujet de la carte géologique, Alcide d'ORBIGNY à propos de stratigraphie, sont bien cités, il est certain, dans ce cas précis,que l'auteur du chapitre ne comprenait pas grand chose à ce qu'il lisait, ou bien n'avait jamais lu ces auteurs, ce qui est plus probable. Toujours est-il que sa tendance est franchement catastrophiste.

Peut-être cette encyclopédie est-elle encore consultée car un vieux campagnard de ma connaissance qui avait découvert il y a quelques années un récif de Rudistes pensait avoir trouvé des cornes pétrifiées d'animaux réfugiés dans une caverne pendant le déluge, idée qu'on trouve dans cette "Encyclopédie des deux Mondes" pour expliquer les gites fossilifères.

Traités de Vulgarisation géologique

Composer des traités de vulgarisation géologique a également tenté des auteurs dont la vulgarisation scientifique était la spécialité. Deux ouvrages très caractéristiques méritent particulièrement l'attention.

La "Terre avant le Déluge" de Louis FIGUIER 1866 (12)

Louis FIGUIER est l'auteur de très nombreux ouvrages de vulgarisation tant scientifique que technique. Il s'attaque à la géologie en s'entourant de toutes les précautions possibles, son ouvrage a été revu et corrigé nous apprend l'introduction par d'éminents géologues, qu'on en juge : d'ARCHIAC, FOURNET, professeur de Minéralogie à Lyon, V. RAULIN, professeur de géologie de Bordeaux (dont nous avons vu qu'il donnait des conférences publiques), E. COLLOMB, E. DESLONGCHAMPS, préparateur de géologie à la Faculté des Sciences, Achille DELESSE (pour le chapitre sur le métamorphisme). M. BAYLE professeur de géologie à l'Ecole des Ponts et Chaussées à participé à la composition des "Paysages reconstitués" aux époques géologiques (dont les premiers sont dûs à M. UNGER directeur du Jardin Botanique de Vienne vers 1840).

L'ouvrage,épais de 500 pages,comporte une très riche illustration (322 figures et 8 cartes géologiques) dont des planches en couleurs à l'aquarelle. Il fait partie d'une série de "Tableaux de la nature" couvrant d'autres thèmes. On apprend qu'en trois ans, 30 000 exemplaires ont été vendus.

L'auteur entend "présenter aux gens du monde les principes fondamentaux, les données essentielles, de la géologie et de la paléontologie d'après les travaux les plus récents et conformément aux principes professés dans les cours de l'Université".

Il fait une longue défense de la science vulgarisée et prend la précaution d'expliquer que la géologie ne porte pas atteinte à la religion chrétienne, bien au contraire.

En fait l'ouvrage est pratiquement une stratigraphie, très détaillée, très illustrée et comportant de longues listes de fossiles, ainsi que de très belles planches reconstituant les paysages aux différentes ères, dont l'auteur a l'honnêteté de préciser qu'il n'est pas l'inventeur. Les grandes théories sont évoquées dans l'avant-propos, ainsi, le catastrophisme de CUVIER est mis en doute, Neptunisme et Plutonisme énoncés plus que commentés. Contrastant avec les développements stratigraphiques, les roches éruptives et le métamorphisme ont droit à un mince chapitre très peu illustré.

Si l'ouvrage de L. FIGUIER est finalement quelque peu impersonnel, celui de Camille FLAMMARION dont nous parlerons maintenant va refléter tout le lyrisme de son auteur, et nous apprendra des choses intéressantes sur la manière de concevoir la vulgarisation scientifique

Le Monde avant la création de l'homme 1886 (13)

Ce gros ouvrage fait partie de toute une série de traités de vulgarisation dont Camille FLAMMARION est l'auteur et qui traitent en général d'astronomie. Très populaires,ils atteignent des tirages importants (entre 40 000 et 75 000).

Son propos initial était de mettre à jour le "Monde avant la création de l'homme de ZIMMERMANN" vieux à l'époque de 25 ans et devenu introuvable, mais les progrès de la géologie l'amènent à refaire complètement l'ouvrage.

Le livre de FLAMMARION comporte près de 850 pages in-8, 400 gravures sur bois, des planches en couleurs à l'aquarelle ou en chromographie.

L'auteur ne craint pas de prendre partie dans les débats théoriques et sa démarche sera souvent une démonstration d'idées évolutionnistes. Ainsi, les premiers chapitres traitent de l'Univers, du système solaire, de la condensation de la nébuleuse originelle, de la formation de l'atmosphère, enfin de l'eau, avec ses "gigantesques marées primitives dues à la proximité de la lune". Mais tout repose sur le granit originel : "la première écorce solidifiée du globe celle qui forma le sol de la première mer universelle et qui par ses soulèvements donna naissance aux premières îles et aux premières montagnes était composée de granit" (p 75). Des vides formés dans l'intérieur du globe par refroidissement font retomber des couches primitives sous leur propre poids.

L'apparition de la vie sur terre est due à une réaction physicochimique, ce qui pour FLAMMARION, n'est contraire ni à la Scolastique chrétienne ni à la Genèse. Ensuite l'évolution des espèces est pour une large partie inspirée de la "Philosophie Zoologique" de LAMARCK. FLAMMARION affirme :"nous savons enfin que la loi du progrès régit la création entière".

A ce propos le chapitre III : Développement et Progression de la vie nous réserve une extraordinaire surprise. Qu'on en juge "La craie est formée de débris de protozoaires et de microphytes, animaux et plantes microscopiques ; on a beau l'écraser le pilon est trop grossier pour atteindre ces infiniments petits. Dès l'année 1842 EHRENBERG examinant au microscope un fragment de la surface crayeuse d'une carte de visite glacée, ne mesurant pas plus d'un demi millimètre carré et le grossissant environ deux cents fois y découvrit la mosaïque, reproduite ici (fig. 65). Les foraminifères, les diatomées, les galionelles, les bacillariées, sont entassés par myriades, dans les terrains calcaires et siliceux, à tel point que d'après EHRENBERG un pouce cube peut en contenir jusqu'à quarante millions"(p.156).

La partie la plus géologique du "Monde avant la création de l'homme" constitue à peu près deux cents pages, où l'on voit une colonne stratigraphique, coupe générale de l'écorce du globe, la célèbre coupe du puits artésien de Grenelle, et de nombreuses coupes géologiques illustrent des relations de couches, des failles, des filons. L'origine des schémas n'est pas indiquée. La partie consacrée aux modifications des rivages est très documentée et illustrée de nombreuses cartes ; en fait elle sert de démonstration à l'actualisme exprimé en ces termes : "On le voit, l'application des causes actuelles à la transformation perpétuelle du globe terrestre explique tous les changements observés à la surface de ce globe ; les temps géologiques n'ont pas différé des nôtres comme nature d'opération, mais seulement comme degré, et notre époque deviendra elle aussi, vestige de l'âge dans lequel nous vivons, et peut-être alors la race humaine plus avancée en laquelle nos successeurs se seront graduellement transformés ne daignera-t-elle pas accorder le titre d'humains à nos squelettes fossiles trop grossiers et trop barbares pour l'élégance des beautés futures". Si les "Principes de géologie" de LYELL sont cités à propos du temple de Serapis, aucune référence précise n'est faite aux conceptions de l'auteur.

En fait, pour soutenir avec son lyrisme habituel la thèse de l'actualisme et du progrès illimité des espèces, Camille FLAMMARION s'est très bien documenté, même s'il faut lui reprocher un manque manifeste de rigueur dans ses références bibliographiques. Néanmoins,il donne dans les conclusions de son ouvrage la liste des auteurs consultés qu'il nous parait important de reproduire telle quelle : "Il serait long de citer toutes ces sources, mais en dehors de nos recherches astronomiques sur les origines du monde, en dehors de nos observations directes sur les fossiles, sur la géographie physique et sur les transformations du sol, nous devons tout particulièrement signaler, parmi les ouvrages spéciaux auxquels nous avons eu le plus souvent recours : le nouveau Traité de géologie, de M. A de LAPPARENT"(édition de 1885) . La Géologie et Paléontologie de M. Ch. CONTEJEAN, les Enchaînements du Monde animal de M. ALBERT GAUDRY, le Monde des Plantes avant l'apparition de l'homme de M. de SAPORTA, les Colonies animales de M. Edmond PERRIER, les Merveilles de la Nature de BREHM (édition de M.E SAUVAGE), l'Histoire de la Création naturelle de HAECKEL, les leçons sur l'homme de Carl VOGT, la Géologie stratigraphie de M. Ch., les comptes rendus de l'Académie des sciences de Paris, de l'Académie de Belgique etc.... les publications américaines du géologue MARSH, les publications anglaises de HUXLEY, WALLACE, DARWIN, CROLL, les publications allemandes de BREHM et HAECKEL , ouvrages récents auxquels il n'est que juste d'ajouter des oeuvres plus anciennes et non moins riches en documents, telles que le Monde primitif de la Suisse, d'Oswald HEER, l'origine des espèces de DARWIN, les Principes de géologie de LYELL, l'explication de la Carte géologique de la France par DUFRENOY et ELIE de BEAUMONT, les travaux de CUVIER, GEOFFROY SAINT-HILAIRE et BR0NGNIART, la Philosophie zoologique de LAMARCK, etc...etc.... Nos lecteurs ont pu remarquer encore un grand nombre d'autres sources mentionnées dans le cours de ce volume".

COMPARAISON AVEC LES MANUELS SCOLAIRES

Comment situer ces ouvrages de vulgarisation par rapport aux manuels de la même époque dont G. GOHAU a fait l'étude (14). En fait, notre sélection se compare uniquement aux manuels de la période Victor DURUY (1863-1869) et surtout à la période postérieure à la réforme des études scientifiques de 1880. La géologie occupe une place modeste dans l'enseignement secondaire alors qu'elle est loin d'être la parente pauvre dans l'ensemble des ouvrages de vulgarisation scientifique. Il est intéressant de noter qu'une personnalité comme Victor RAULIN publie la même année son manuel et le texte d'une conférence destinée à un large public.

V. RAULIN : Eléments de géologie (Géologie de la France) première année, enseignement secondaire spécial - Hachette 1868 (in G.GOHAU)
Par ailleurs les vulgarisateurs et les auteurs de manuels puisent aux mêmes sources : ELIE de BEAUMONT, CUVIER, d'ORBIGNY, reviennent le plus souvent. D'autres traits de ressemblance émergent d'une comparaison. Conservatisme, peut-être?

Il est vrai qu'une bonne partie des ouvrages pouvant servir de prix scolaires se devaient d'être approuvés par les collèges d'enseignement religieux.

Enfin, dans le choix des thèmes, surtout en ce qui concerne les "ouvrages pour la jeunesse", tout comme dans les programmes scolaires une grande place est faite à l'aspect utilitaire : terrains exploitables, minerais précieux, grands travaux, voire même prévention des catastrophes naturelles (séismes, éruptions volcaniques). L'industrie ne semble pas avoir de limites dans l'avenir, à la science de la servir, et pour cela elle se doit d'attirer les jeunes talents.

En conclusion

Bien que notre échantillonnage soit somme toute assez restreint, il semble qu'on puisse dégager quelques caractéristiques de la vulgarisation géologique dans la période allant de 1860 à 1888 .

A cette même époque l'enseignement de la géologie dans le secondaire est,comme le montre G. GOHAU, plutôt modeste et les ouvrages sauvent marqués par la persistance de ccncepts dépassés. La vulgarisation qui lui est contemporaine est plutôt l'oeuvre de vulgarisateurs de métier, rarement de géologues. Les ouvrages sont assez variés. On relève des brochures sans illustrations exposant des idées générales sur la géologie, des "ouvrages pour la jeunesse", attrayants et anecdotiques, pouvant servir de prix scolaire, il est normal alors que la prudence dans l'exposé des idées s'impose.

On trouve aussi des traités complets de géologie vulgarisée, des auteurs comme L. FIGUIER ou C. FLAMMARION sent des professionnels de la vulgarisation scientifique et ont le souci d'une documentation très complète et de belles illustrations, où les fossiles auront souvent une place privilégiée.

D'une manière générale, indépendamment de la valeur de l'enseignement que ces ouvrages de vulgarisation géologique pouvaient apporter au lecteur curieux de géologie, à leur époque, on reste frappé par le fait que la géologie occupe une bonne place à côté des autres thèmes de vulgarisation scientifique et qu'elle y est souvent représentée par de très beaux livres.



OUVRAGES CONSULTES