COMITÉ FRANÇAIS D'HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE (COFRHIGEO) (séance du 10 décembre 2003)
Résumé.
Un survol de l'histoire complexe des enquêtes macrosismiques, prises au sens très large du terme, qui porte pour l'essentiel sur la France. Après l'évocation d'un étonnant contexte psychologique moderne, dû au poids paradoxal pris par l'œuvre d'Alexis Perrey, sont présentés des exemples d'enquêtes précoces, les efforts du Bureau central météorologique et enfin celle du Bureau central sismologique, non sans remarques critiques. Ce dernier organisme connaîtra une crise qui conduira à la prise en charge des enquêtes par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), avant une renaissance spectaculaire. En outre sont évoqués des exemples concernant la Suisse et l'Allemagne. Mots-clés : Sismicité historique - France - Suisse – Allemagne - XIXe siècle - XXe siècle.
Abstract.
A discussion of the complex history of macroseismic surveys, considered in a wide sense, emphasizes the case of France, with the background of modern psychological problems related to the paradoxal weight taken by Alexis Perrey. After giving some examples of early surveys, the efforts of the Central Meteorological Office and the achievements of the Central Seismological Office are discussed, not without critical comments. When the latter experienced a crisis, the Bureau de Recherches géologiques et minières (BRGM) filled the gap before its spectacular renewal. The cases of Switzerland and Germany are also considered.
Key-words : Historical sismicity - France - Switzerland - Germany - XIXth century - XXth century. |
L’enquête macrosismique peut être définie de deux manières. D’une manière globale, l’expression désigne l’effort fait par différents moyens pour donner tout ou partie des caractéristiques macroscopiques d’un événement contemporain. D’une manière étroite, elle se limite au recours à des questionnaires, pour l’essentiel. Est adoptée ici la première définition qui s’ouvre largement sur la sismologie historique. Or les catalogues de tremblements de terre de la France métropolitaine ont été longtemps alimentés pour l’essentiel par des informations éparses, souvent ponctuelles. Progressivement sont cependant incorporées des informations fournies par des ébauches d’enquêtes macrosismiques avant l’apparition d’enquêtes d’un caractère plus systématique.
Rien de tel, par exemple, dans la volumineuse Liste chronologique des éruptions des volcans, des tremblements de terres, de quelques faits météorologiques les plus remarquables, des comètes, des maladies pestilentielles, etc. jusqu’en 1760, tirée des Mémoires des Académies de l’Europe, des ouvrages périodiques, des Histoires générales et des Relations particulières » que Guéneau de Montbeillard publie en 1761 dans la Collection académique (p. 488-675).
Un certain progrès est représenté par l’œuvre monumentale d’Alexis Perrey, publiée au milieu du XIXe siècle[1], qui pose néanmoins des problèmes parfois perdus de vue. En effet, l’une des préoccupations de l’auteur est de démontrer l’existence de relations entre sismicité et astronomie[2], ce qui le conduit à laisser de côté une foule de données précises, concrètes, précisément fournies par des ébauches d’enquêtes. Ainsi, s’il a dépouillé la Gazette de France, source essentielle, souvent unique, il ne reprend pour certains tremblements de terre qu’une partie des informations qu’elle fournit. La prise de conscience de ce problème nous a naguère conduit à en reprendre le dépouillement, parmi d’autres tâches, non sans surprises. Si nous avons bien compris, c’est le professeur Edmond Rothé, dont l’œuvre est considérable[3], qui prit l’initiative d’une exploitation et d’une structuration des informations dispersées dans l’œuvre de Perrey. Par la suite se produisit cependant une véritable fixation sur cette œuvre. Ainsi le professeur Jean-Pierre Rothé répétait sans cesse que Perrey avait « tout dit » au sujet des événements antérieurs au milieu du XIXe siècle, en perdant de vue les conditions dans lesquelles ce dernier travaillait, compte tenu, par exemple, de l’état des archives[4] à cette époque. A de rares exceptions près, il se bornait à reprendre tel quel l’apport de Perrey, sans retour à ses sources, sans recherches nouvelles, en répétant bien des erreurs telles que des confusions entre mouvement de terrain banal et tremblement de terre[5]. On a peine à imaginer, aujourd’hui, que tel était l’état des connaissances lors des premières discussions consacrées au « risque sismique » dans le cadre du programme nucléaire français. Tel organisme, conseillé par Jean-Pierre Rothé en un premier temps, s’en remettait aveuglément à lui. Bien plus, cette célébrité s’employait à décourager toute recherche en sismologie historique, qu’il considérait comme son domaine réservé[6]. Certes, aux débuts du Projet sismo-tectonique, tout un chacun pensait, naïvement, que la sismicité historique de la France et de ses confins était parfaitement connue grâce à lui. Fut prise en charge l’élaboration de mises au point régionales dont les insuffisances apparurent cependant rapidement. D’abord, de nouveaux éléments lui furent transmis pour être intégrés dans ces aperçus, en particulier pour le domaine rhénan, qui, étrangement, avait été quelque peu négligé à Strasbourg. Non seulement cet apport n’était pas signalé, de sorte qu’il serait maintenant malaisé de l’individualiser, mais J. P. Rothé refusait, en un premier temps, de restituer ces matériaux, avec cet argument désarmant : « Vous n’en avez pas besoin ! » Finalement, ce laborieux processus, fondé sur l’idée quelque peu mythique que l’on se faisait du « fichier Rothé » s’enlisa et un terme fut mis à la collaboration de Jean-Pierre Rothé. Il fallait aller de l’avant. Séismes connus, étoffés, réinterprétés ou séismes nouveaux, les apports se succédaient à un rythme tel, avec des surprises telles, qu’il fallut bouleverser l’organisation du Projet, en affectant des moyens de plus en plus importants à la sismicité historique aux dépens d’autres thèmes, néo-tectonique, etc. A défaut, le Projet se serait exposé, fût-ce a posteriori, à d’innombrables critiques, justifiées[7]. La vengeance du maître ne tardera pas avec d’une part l’envoi à plusieurs personnalités et semble-t-il à l’Académie des sciences[8] d’un texte incendiaire sur les méfaits de Christian Weber et de ma personne, et, d’autre part, avec un compte rendu « gratiné » d’un ouvrage publié sous ma direction en 1979 et dont Jean-Pierre Rothé avait précisément exigé d’être d’office l’éditeur, son nom figurant seul sur la couverture, prétention qui avait suscité de la part de Jean Goguel une réaction mordante.
Revenons cependant en arrière. Il vient d’être question d’ébauches d’enquêtes macrosismiques. Deux d’entre elles ont particulièrement retenu notre attention. Au séisme qui affecte le 15 octobre 1784 le Dauphiné et la Savoie, Thomas Riboud, esprit éclairé de Bourg-en-Bresse, consacre une remarquable étude, curieux qu’il est « de reconnaître le foyer de la secousse et de circonscrire du moins en partie l’espace qui avait été ébranlé » en écrivant : « […] je fis toutes les recherches qui dépendaient de moi pour avoir des notions à cet égard […] ». Cette enquête apporte non seulement des informations positives, très nuancées, mais aussi de précieux éléments négatifs, ceux précisément qui permettent de saisir avec précision l’aire macrosismique. Il nous apprend que « […] il est facile de circonscrire avec assez d’exactitude l’espace qui a été agité […] » et qui « forme une ellipse très allongée dans les deux points les plus éloignés paraissent être à six ou sept lieues au-dessous de Grenoble et au Nord-Ouest de la Bresse vers les bords de la Seille […] ». Quant au foyer il est soupçonné « dans les montagnes entre Grenoble et Chambéry ». En outre, des précisions sont données en nombre tel qu’il est possible d’esquisser des isoséistes[9].
Si Perrey cite cette enquête, il n’en retient cependant que des renseignements très sommaires qui ne se prêtent guère à l’appréciation des intensités. Le catalogue régional inédit élaboré par Jean-Pierre Rothé présente cet événement à deux reprises et de plus, de manières différentes. D’une part, il apparaît sous la rubrique « Isère » d’une manière très dépouillée, avec quelques repères, d’après Perrey surtout, sans indications d’intensités, ni suggestion d’épicentre. D’autre part, il figure sous la rubrique « Savoie » en tenant compte d’indications provenant de telle page de Thomas Riboud qui, cependant, ne figure pas dans la bibliographie. Passons sur ce problème de cheminement des informations. Il reste que la présentation est hâtive. Une fois de plus ne sont proposés ni intensité, ni épicentre. Par ailleurs, il semble s’être produit une erreur de copie : « […] secousse […] sensible à Tournus, Chalon, Autun, Charolles, Besançon, Lons-le-Saunier, Genève et Valence » au lieu, pour ces localités, de ces mots : « Ce tremblement de terre n’a pas été sensible […] ». L’erreur vient de Perrey, reprise telle quelle par Jean-Pierre Rothé qui la répète d’ailleurs sous la rubrique Isère : « secousse […] largement ressentie, en particulier à Genève, Valence, Besançon et Dijon ». En revanche n’apparaissent ni chez Perrey, ni par conséquent chez Jean-Pierre Rothé, des points où le séisme a été plus ou moins ressenti d’après Riboud, à savoir le Pays de Gex, Pont-de-Vaux, Châtillon-les-Dombes, Trévoux, Mâcon, Saint-Amour, Saint-Rambert, Meximieux, Neuville, Lyon, Vienne, etc., avec des détails qui permettent de supputer des intensités en ces points et ailleurs, en particulier dans les régions de Chambéry et de Grenoble, et de proposer un épicentre approximatif. Il reste à entreprendre une discussion serrée du cheminement des informations. La belle enquête de Riboud, pionnier en la matière, nous a servi de point de départ pour l’examen de ce séisme dans le cadre de la révision de la sismicité historique de la France et de ses confins, entreprise il y a un quart de siècle. Les sources rassemblées au cours de cette révision ont fait l’objet il y a quelques années d’une publication sans éléments nouveaux notables, par rapport à l’état des connaissances d’alors. Le processus d’informatisation et l’édition auront pris le décuple du nombre d’années consacrées par l’auteur à la recherche des matériaux et à une première interprétation.
Pour le séisme du 19 février 1822, survenu en Chautagne, une petite région située entre la Savoie et le Bugey, dont il a été fait grand cas lors de projets nucléaires en Bugey, nous sommes particulièrement gâtés. D’abord, nous retrouvons Riboud, une fois de plus sur la brèche. Cette fois-ci il borne cependant son enquête au département de l’Ain : « Pour adapter les documents épars, reçus de différents côtés du département et en apprécier le degré de justesse, je vais continuer à interroger son enceinte entière […] »[10]. Une fois de plus, ces recherches, plus circonscrites il est vrai, plus sélectives, lui permettent d’apprécier la décroissance des intensités et de « désigner le […] foyer […] » en donnant des notations concrètes. A la différence des précédentes, cette publication a cependant échappé à la sagacité de Perrey qui utilise surtout la grande presse, riche en l’occurrence, une revue savante et un autre catalogue, celui de von Hoff. S’ajoutant à la manière dépouillée dont Perrey présente ces informations, cette lacune contribue à rendre compte du survol très rapide d’un événement majeur.
Mais il y a mieux. Naguère a été découvert, aux Archives des Hautes-Alpes un exemplaire du questionnaire officiel consacré à ce séisme d’une manière systématique, peut-être sous l’impulsions d’Arago qui tint quelque temps une rapide chronique des tremblements de terre. Récemment, nous en avons retrouvé un autre exemplaire aux Archives du Haut-Rhin. Visiblement, cette enquête a couvert un domaine étendu. A ce propos, le rôle de l’Académie des sciences est essentiel. A vrai dire, elle avait été alertée par des rapports envoyés spontanément par des préfets. Ce tremblement de terre, lisons-nous « a été l’objet de rapports que m’ont adressés M.M. les Préfets de la Loire et du Jura […] renvoyés à l’Académie royale des sciences. C’est d’une vue d’ensemble qu’il importe de disposer : […] ce phénomène a dû être observé sur un grand nombre de points et l’Académie en m’annonçant qu’elle avait formé une commission pour en faire l’histoire complète m’a invité à lui transmettre tous les documents qui me parviendraient à ce sujet. Je vous demande donc […] de m’adresser les renseignements que vous aurez pu recueillir et qui seront de nature à être communiqués à l’Institut […] » Au demeurant, la sismicité n’est qu’un de « ces événements du monde physique dont rien n’est indifférent et ne doit rester étranger à l’Académie des Sciences »[11]. Cependant, aucune tentative sérieuse n’a été faite de ma part pour retrouver l’ensemble des réponses, sans doute très instructives. La chance m’a cependant souri à propos du rapport spontané du préfet du Jura, trouvé en marge d’autres recherches. L’événement est décrit avec quelque détail à Lons-le-Saunier et évoqué à Orgelet, Poligny et Arbois[12].
Par ailleurs, Mgr Billet, spécialiste savoyard du milieu du XIXe siècle, consacre à ce séisme des développements remarquables, pour la Savoie surtout. Le professeur Jean-Pierre Rothé s’en sert abondamment. Il en résulte une vision déséquilibrée de cet événement, au profit de la partie méridionale de son aire.
Mais il semble qu’un essoufflement se produise en France alors que les enquêtes macrosismiques sont entreprises ailleurs, en grand nombre, soit pour des événements remarquables, soit pour une région ou un pays. Parmi les premières, retenons deux exemples. D’une part, les principales secousses ressenties en Rhénanie prussienne font l’objet d’enquêtes plus ou moins approfondies par J. Noeggerath, ingénieur des mines. Sans entrer dans le détail de ses publications, jetons un coup d’œil à la mise au point qu’il consacre à cette activité à l’occasion des séismes qui se succèdent en 1869 et 1870. Avant même l’achèvement de l’enquête consacrée au tremblement de terre du 6 mars 1870, il dispose d’environ 1200 informations dont la plus grande partie provient des questionnaires diffusés par l’administration et les compagnies de chemins de fer, en prenant aussi en compte les informations venues d’autres provinces. A ce propos, il est fait allusion à une enquête consacrée au séisme majeur de 1869 par la Senckenbergische Gesellschaft à Francfort. Fort à propos, Noeggerath insiste sur les problèmes de méthode. Ainsi souligne-t-il l’intérêt, parfois perdu de vue, des réponses négatives : « […] negative Beobachtungen, welche die Anzeige enthalten, dass die Bewegungen nicht bemerkt worden, wodurch ich im Stande bin, die Grenzen der Erschütterungsbezirkes möglichst genau zu ermittlen ». Il ne manque pas de rappeler des considérations faites lors de l’enquête sur le séisme majeur de 1846 sur l’esprit critique qui doit inspirer l’exploitation des informations. Voici un propos caractéristique : « […] die Materialien konnten […] nur mit besonderer Kritik benutzt werden und es ist auf alle diejenigen Angaben keine Rücksicht bei der Zusammenstellung genommen werden, welche irgend den Charakter der Unrichtigkeit, des Irrtums und der Unwahrscheinlichkeit an sich tragen. Die Probe der Wahrscheinlichkeit ist allerdings nicht immer ganz leicht ; sie ergibt sich oft aus der Vergleichung mit den Umständen, welche an vielen benachbarten Orten beobachtet worden sind ». S’il se cantonne à un travail de recueil terre à terre, sans participer aux spéculations qui ont alors cours, il exprime cependant le souhait que son effort puisse un jour contribuer à faire avancer la science : « […] ich weiss freilich jetzt noch sehr wenig, wozu mein grosses geschichtliches Detail nützen kann, aber die Moglichkeit liegt vor, dass es dereinst für die Wissenschaft Bedeutung erhält », ce qui sera bien le cas, largement[13].
A la même époque, K. von Seebach consacre un travail considérable au séisme qui affecte le 6 mai 1872 la Saxe et les régions voisines. Mais sa démarche est bien différente. S’il procède d’une manière moins systématique, en faisant, il est vrai, appel à l’administration du télégraphe, s’il exploite les matériaux d’une manière très critique, l’événement est, pour lui, une occasion d’enrichir le débat sismologique, ce que souligne bien le sous-titre de sa monographie[14]. Quel que soit ce dernier apport, il reste que l’enquête elle-même est une contribution essentielle pour la compréhension de la sismicité d’une région qui n’est affectée par des tremblements de terre notables qu’à de très larges intervalles[15].
Les initiatives allemandes se multiplient vers la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle. C’est ainsi que des enquêtes publiées sont conduites en Afrique orientale allemande, avec le concours de l’administration. Elles sont lancées en Alsace par la Kaiserliche Hauptstation de Strasbourg. D’une part se multiplient les appels dans la presse. Ainsi le Journal de la Meurthe et des Vosges signale, à propos des secousses des 4 et 10 septembre 1913, que « la station sismologique de Strasbourg invite les personnes qui ont ressenti ces secousses à lui adresser des rapports détaillés ». D’autre part sont diffusés des questionnaires dont nous avons trouvé, miraculeusement, un exemplaire. Un tel Fragebogen für die Beobachtung von Erdbeben est en effet rempli consciencieusement, en allemand bien entendu, par la mairie de Gimbrett en 1924. Rappelons quelques questions : lieu de l’observation (plein air, bâtiment, étage, occupation), site (plaine, versant, roche, formation détritique, site marécageux, épaisseur du recouvrement), nombre de secousses (intervalles, intensités), nature du mouvement (plusieurs questions très précises), effets (grand détail des questions), bruit souterrain, précurseurs et répliques, nombre d’observations, avec cette invite finale, soulignée par le mot « wichtig » : à défaut d’observation locale, le lieu est-il proche d’un tel point ? Certes, ce questionnaire est en partie trop exigeant, trop subtil, mais retenons l’intérêt porté au site. Nous ignorons le nombre de ces enquêtes et le sort des questionnaires, mais il est permis de penser que l’une ou l’autre publication en tient compte.
Mais c’est l’œuvre suisse qui est particulièrement intéressante. Après des initiatives éparses, c’est en 1879 que la décision est prise d’entreprendre des enquêtes, en particulier au moyen d’un questionnaire dont la rédaction est confiée au Professeur Albert Heim. Les membres de la commission ad hoc se partagent le territoire, avec un cas original : le professeur Charles Soret se chargera du canton de Genève et de la Savoie. Parmi les rubriques du questionnaire retenons une fois de plus le site (roche, formation détritique, tourbe), la direction du mouvement d’objets, de liquides, etc., les effets hydrologiques[16]. Certes artisanale, l’entreprise est conduite avec efficacité : les résultats sont publiés rapidement. Les bilans se succèdent. Tel est le cas en 1883. C’est dans ce domaine que la Commission sismologique a « les résultats les plus heureux et les plus encourageants […] nous avons pu réunir un nombre très considérable d’observations, souvent très bien faites, quelques-unes beaucoup plus complètes et plus précises que nous n’osions espérer au début ; il en est bien peu, même parmi les plus simples et les plus modestes dont une comparaison et une critique intelligente ne puisse obtenir quelque chose d’utile. L’étude de ces milliers et milliers de documents [englobant sans doute la sismologie historique] est un travail de longue haleine et qui doit être repris et réitéré […] jusqu’à ce qu’on en ait tiré tous les résultats divers que leur comparaison peut fournir »[17]. D’un autre bilan pour la période 1880-1891, retenons deux propos. Si des problèmes de méthode se posent, « on a remarqué […] que certaines personnes perçoivent les plus légers tremblements de terre, bien mieux que les instruments les plus perfectionnés […] nous connaissons […] en Suisse des observateurs et plus particulièrement des dames qui sont douées sous ce rapport d’une aptitude extraordinaire et surprenante […] ». D’autre part on insiste sur le fait que « bien modeste est notre tâche si on la compare à certaines théories pompeuses fort en vogue de nos jours […] »[18]. En 1913, cette tâche sera confiée au service météorologique. En même temps que se développe la sismologie instrumentale, s’impose, en matière d’enquêtes macrosismiques, un effort de systématisation et de célérité. A notre surprise, il est tenu compte, parmi d’autres précédents, de la récente expérience française[19]. Parlons-en.
C’est qu’en France, le séisme provençal de 1909 a fait l’effet d’un coup de foudre. C’est le premier séisme majeur depuis plusieurs générations. La « science officielle » s’en empare après avoir négligé ce domaine, à tel point que la création de l’Association sismologique internationale avait posé des problèmes délicats. C’est le Bureau central météorologique qui prend les choses en main. En particulier est consacrée au séisme de 1909 une remarquable enquête macrosismique, détaillée, par questionnaire, rapidement publiée par Angot, en 1913[20]. Parallèlement, une enquête est entreprise par un officier, Spiess qui publiera certes un article[21], mais dont le dossier est relégué dans les oubliettes par la « science officielle » avant d’être redécouvert dans la bibliothèque de la Société géologique de France et exploité après trois quart de siècle, à un moment où cet événement retient à nouveau l’attention de spécialistes[22]. Mais en ce début de siècle, cette prise de conscience a ses limites. Au sujet d’un séisme breton, Angot écrira : « […] J’aurais voulu, si j’en avais eu la possibilité, faire aussi l’étude de ce […] tremblement de terre qui s’est produit dans une région intéressante où les tremblements de terre sont très rares ». Certes, des informations rapides sont publiées dans le Bulletin du Bureau central météorologique français, mais il est permis de s’interroger au sujet du sort des dossiers d’enquête. Pour notre part, nous n’en avons encore retrouvé que des bribes dans les articles de l’Institut de Physique du Globe de Strasbourg, à propos des effets en France du tremblement de terre qui affecte en 1910 le Jura bâlois et qui, peut-être, fait figure de « petit frère » du célèbre tremblement de terre de 1356. Mais nous savons que les institutions scientifiques ne prennent pas toujours soin de leurs encombrantes archives, ce que la direction des Archives de France a déploré il y a quelques années, résultat d’une prise de conscience tardive. N’insistons pas ici sur un problème qui intéresse cependant au plus haut point notre Comité …
Les météorologues continueront de s’intéresser quelque peu à la sismicité. De temps à autre parviendront des informations au Bureau central sismologique français dont les dossiers comprennent quelques-unes des « cartes vertes » remplies par les stations météorologiques, parfois jusqu’au milieu du dernier siècle. Chargé quelque temps des enquêtes, j’ai pris naguère l’initiative de me concerter avec les météorologues pour mettre un terme à ces bribes d’activité parallèles.
La création du Bureau central sismologique français, au lendemain de la Première Guerre mondiale, est un événement essentiel. Elle signale en quelque sorte l’émancipation de la sismologie, sous l’impulsion du professeur Edmond Rothé, qui s’inspire sans doute de la conception et de l’organisation de la Hauptstation de l’université impériale de Strasbourg, dont il vient d’être question.
En un premier temps, c’est au cours d’un demi-siècle que le Bureau central sismologique français déploiera une activité continue, globalement remarquable, encore que bien des réserves seront formulées par la suite. Le Bureau central sismologique français Bureau central sismologique français diffusait largement ses questionnaires d’enquête, en particulier auprès des mairies, interprétait les réponses et publiait les résultats dans les Annuaires et les Annales de l’Institut de Physique du Globe de Strasbourg, parfois, il est vrai, avec un retard considérable. Ainsi, ce n’est qu’en 1972 que sont publiées les années 1961-1970. Compte tenu des longues insuffisances de la sismologie instrumentale en France, ce qui au demeurant prive de tout sens la séparation chronologique parfois pratiquée entre elle et la macrosismicité, il est indispensable de se référer à ce Corpus, non sans réserves.
En procédant, il y a un quart de siècle, à la révision de la sismicité historique de la France, je pensais, comme tout un chacun, que ce Corpus dispensait de la moindre recherche nouvelle pour les séismes survenus au cours de ce demi-siècle.
En fait se répétait, dans une bien moindre mesure certes, la désillusion que nous avions connue pour l’activité sismique antérieure, non seulement pour les événements survenus avant l’œuvre de Perrey, mais aussi pour la période floue qui sépare cette dernière des initiatives prises au début du dernier siècle.
En effet, des informations recueillies çà et là firent apparaître des incohérences et des insuffisances en nombre croissant, raison pour laquelle s’imposa un coup d’œil aux dossiers d’enquête, heureusement conservés à l’Institut de Physique du Globe de Strasbourg.
Il apparut d’abord que l’information suivait essentiellement des circuits administratifs et que la presse locale, si riche en matière de sismicité et signalant parfois des événements mineurs échappant à la science, mais néanmoins intéressants d’un point de vue sismo-tectonique, n’était mise à contribution que d’une manière exceptionnelle.
En second lieu, bien des enquêtes n’étaient lancées qu’avec un grand retard, ce qui ne pouvait que rendre les réponses inégalement fiables. A ce propos, Jean Goguel évoquait, en plaisantant, le rôle des vacances universitaires qui, à cette époque, paralysaient en effet bien des institutions. Peut-être de tels retards rendent-ils compte de confusions d’événements[23].
L’interprétation des questionnaires est très inégale. Se pose ainsi, en raison du mode de rédaction du questionnaire, un problème statistique qui semble avoir échappé à la sagacité des spécialistes. En effet, l’intensité IV est le plus souvent absente. Plus d’une interprétation mécanique, en dépit du simple bon sens, conduit à des aberrations dont quelques exemples ont été donnés[24]. Etaient perdues de vue des leçons essentielles en matière d’esprit critique, celles de Noeggerath dont il vient d’être question, celles de Fielding Reid, à propos de Porto-Rico : « It is always necessary to exercise sound judgment in applying […] a scale. One may easily be misled by a too rigid adherance to its provisions »[25]. Il en résulte en particulier des isoséistes discutables au plus haut point[26]. Surtout, le déroulement de crises complexes, information essentielle, n’est pas toujours maîtrisé, en dépit des précisions parfois fournies par les réponses les meilleures dont les auteurs étaient en quelque sorte trahis par la science qu’ils cherchaient à servir[27].
Visiblement, l’un ou l’autre collaborateur n’était pas à la hauteur de la tâche, à tel point qu’il est parfois permis de songer à un travail d’esclaves, sans motivation.
Quant à l’interprétation sismo-tectonique qui était alors dans les limbes, elle est souvent sommaire. Visiblement, elle est en général fondée sur un rapide coup d’œil à la carte géologique et inspirée par des notions de géologie scolaire solidement établies[28]. Plus d’un épicentre est situé là où il devrait se trouver, à la lumière des précédents, parfois tirés par les cheveux. Il ne semble pas que la possibilité d’accidents méconnus ou masqués ait été prise en compte[29].
Pour ces raisons fut entrepris un nouveau dépouillement de ces archives, en procédant, pour ma part, par pôles, avec une foule de surprises dont la précédente énumération donne une idée.
Entre temps s’était produit un événement mémorable : le Bureau central sismologique français n’était plus en mesure d’assurer la tâche de recueil et d’interprétation des données macrosismiques, pour des raisons qui nous échappent. Il est vrai que le professeur Roche, qui succéda après 1968 au professeur Jean-Pierre Rothé à la direction de l’Institut de Physique du Globe nous confia, avec clairvoyance et regret, que cette activité « n’apportait rien aux carrières ». Se posait donc, pour le moins, un problème en quelque sorte « culturel » du même ordre, à notre sens, que le long abandon de la sismologie historique. Electronique, informatique et abstraction tenaient le haut du pavé… D’une part s’accumulaient des questionnaires inexploités. D’autre part, les enquêtes n’étaient plus conduites. Situation paradoxale, une fois de plus, alors que les discussions au sujet du risque sismique en matière nucléaire battaient leur plein. On ne savait plus ce qui se passait concrètement en France. Quant aux données instrumentales, elles posaient elles aussi problème dès lors que le réseau français le plus opérationnel, celui du Laboratoire de détection géophysique du Commissariat à l’Energie atomique, œuvre du professeur Rocard, n’avait pas été conçu pour les besoins de la France, mais pour la surveillance de régions lointaines. Situation paradoxale, répétons-le, compte tenu des enjeux de génie sismique et aussi de l’atmosphère en raison du catastrophisme inspiré par Haroun Tazieff qui sévissait à l’époque et de l’état d’esprit d’écologistes virulents qui estimaient d’une manière péremptoire que des données étaient escamotées et que, de tout façon, on leur mentait … L’un ou l’autre sismologue participait au concert, enfonçait des portes ouvertes ou soulevait de faux problèmes, soit par opportunisme, soit pour les raisons culturelles dont il vient d’être question.
Cette situation conduisit à deux initiatives. D’une part, un effort fut fait pour résorber le stock de questionnaires. Le Projet sismo-tectonique participa au financement de cette tâche en prenant en charge un collaborateur à l’Institut de Physique du Globe. S’il en résulta, pour plusieurs années, une remarquable présentation, la meilleure sans doute en un demi-siècle, encore que le nom du collaborateur en question n’apparaisse nulle part[30]. Il est vrai que quelques événements échappent à ce bilan, lacune que, pour ma part, je pus combler par la suite.
D’autre part, une solution fut rapidement trouvée pour assurer la poursuite des enquêtes macrosismiques. Jacques Bodelle, très ouvert sur ces problèmes, Christian Weber et moi-même fîmes en 1978 le voyage de Strasbourg pour trouver un terrain d’entente, dans l’intérêt commun, avec le professeur Roche. Une convention fut signée pour deux ans, renouvelable. C’est sans budget spécifique – ce qui posera à l’occasion un problème d’audit interne – et d’une manière artisanale que le BRGM entreprit cette nouvelle tâche dans l’atmosphère constructive et humaine entretenue par Pierre-Michel Duffaut, chef du Département Géotechnique et Michel Humbert, longtemps seul spécialiste des « risques naturels » au BRGM, avec leurs exigences éthiques balayées par la suite. Je me souviens avoir consacré à Orléans plus d’un week-end pour organiser des enquêtes, non seulement en faisant appel à des administrations de bonne volonté, Protection civile en tête, à l’échelle du département, mais aussi, en cherchant à bâtir un réseau d’informateurs motivés. Les résultats seront publiés par l’Institut de Physique du Globe de Strasbourg[31].
La faillite du Bureau central sismologique français et surtout la prise en charge des enquêtes par le BRGM furent cependant mal vécues par une partie de la communauté des sismologues qui n’avait à s’en prendre qu’à elle-même. Elle n’avait pas été en mesure de maîtriser la sismologie historique, tant pour des raisons culturelles qu’à cause du monopole que s’arrogeait J. P. Rothé, en jouant habilement de son fameux fichier, sans être en mesure d’assumer convenablement ce monopole, à un moment où ce domaine prenait une importance croissante pour les organismes nucléaires. Mais voilà qu’elle perdait aussi le contrôle des enquêtes macrosismiques. Un comble ! En 1982, un rapport de l’Académie des sciences pour lequel j’avais fourni quelques éléments – parfois j’y retrouve ma plume – fait le point à l’un ou l’autre point de vue. Ainsi lisons-nous que « le fichier du Professeur Rothé n’a jamais été directement accessible […]. Le groupe recommande que l’Académie des Sciences intervienne pour que le fichier soit transféré au Bureau Central Sismologique français afin d’être mis à la disposition de tous ». A l’occasion, Jean Goguel déclara d’ailleurs que ce fichier était « la propriété du peuple ». Un bilan est esquissé pour les enquêtes macrosismiques, à la suite de la convention de 1978 : « Le BRGM a […] recréé un réseau de correspondants […]. La sensibilisation du public et l’appui de la presse régionale ont grandement facilité le travail des enquêteurs. Par contre, l’arrêt de la publication du Bulletin du LDG [Laboratoire de Détection géophysique] a été préjudiciable car, faute d’alerte, les petits séismes peuvent échapper à ces enquêtes »[32]. Ce dernier inconvénient disparaîtra bientôt en raison d’une rapide et remarquable adaptation du réseau LDG [Laboratoire de Détection géophysique] aux besoins spécifiques de la France.
Pendant plusieurs années, cette tâche fut poursuivie par mes soins à Strasbourg parmi d’autres par une décentralisation dont la raison originelle était un effort de rapprochement avec l’Institut de Physique du Globe de Strasbourg. Le précieux Bulletin du Laboratoire de Détection géophysique, hebdomadaire, permettait d’agir dans les meilleurs délais et de multiplier les enquêtes, objets de notes spécifiques et de bilans annuels, publiés par la suite par l’Institut de Physique du Globe de Strasbourg [33]. Cependant, les problèmes internes du BRGM, qui traversait alors une crise profonde, les intrigues pour le contrôle par une faction des activités en matière de « risques naturels », thème porteur et fructueux, ainsi que des problèmes locaux dégradèrent rapidement les conditions de travail. Ainsi m’étaient reprochés les frais de courrier. A ce propos, il convient de noter que les grandes enquêtes macrosismiques, en d’autres pays, avaient été grandement facilitées par la franchise postale. Par ailleurs, il était vu d’un mauvais œil, pour des raisons de préséance d’ordre bureaucratique, que je me rende le samedi au BRGM local pour prendre connaissance, à l’arrivée du courrier, du bulletin hebdomadaire du Laboratoire de Détection géophysique et préparer le travail de la semaine. En outre, un esprit scolaire avait décrété que seuls les événements supérieurs à une certaine magnitude étaient justiciables d’une enquête. C’est le fameux problème du « threshold » qui ne cesse d’appauvrir de diverses manières des pans entiers de la sismologie. Je fus convoqué à Orléans pour expliquer pourquoi je m’obstinais à traiter des secousses modestes, parfois à la limite de la perception. Il me fut facile de rétorquer qu’ils ne me prenaient que quelques minutes et qu’ils pouvaient précisément présenter un grand intérêt pour le diagnostic sismo-tectonique, d’autant plus que les sismologues ne se sont jamais privés d’entreprendre, à cet effet, des campagnes de microsismologie instrumentale. A cette échelle aussi nous retrouvons l’habituel cloisonnement de la science.
Telles sont quelques-unes des raisons, parmi d’autres, qui me conduisirent à quitter à la première occasion le BRGM. Jean Goguel, qui m’avait toujours soutenu, m’envoya alors une lettre qui ne pouvait que m’encourager à poursuivre mes activités, en sismologie historique surtout, ce que je fis en pratiquant des recherches urbi et orbi, grâce à une foule de concours chaleureux, en poursuivant aussi une fructueuse collaboration avec le CEA, sur des points précis, en multipliant communications et articles, dans une large gamme de publications et de revues, allant de la modeste feuille de quelque société savante alsacienne au périodique international. Si des spécialistes de pays voisins en ont tiré profit à titre amical, de nombreux matériaux relatifs à la sismicité de la France, récoltés au cours d’une quinzaine d’années, restent inexploités. Sans entrer dans le détail, le BRGM (ou plutôt l’une ou l’autre de ses factions) sera pris au propre piège de sa désinvolture en se privant de ces apports, en continuant à vivre dans une large mesure sur un acquis d’il y a un quart de siècle, répétons-le.
Après une période de flottement[34], le Bureau central sismologique français renaissant de ses cendres reprit les enquêtes macrosismiques, mais d’abord, semble-t-il, sans grande conviction. Une proposition de concours bénévole, de manière à assurer une transition et à sauvegarder des circuits d’information, à condition qu’une personne fût affectée aux enquêtes à mi-temps, resta sans suite. Mais j’avais d’autres chats à fouetter …
Les enquêtes sont caractérisées par la mise au point d’un nouveau questionnaire, d’une exploitation informatique et par l’appel aux circuits administratifs, à une exception notable près : se poursuit une collaboration fructueuse, avec Pierre Stahl, sismologue installé à Pau, qui continue de signaler des lots d’événements pyrénéens mineurs qui, sans lui, auraient échappé aux enquêtes et enrichit la connaissance de bien d’autres, en permettant en particulier des confrontations d’informations, exercice essentiel à nos yeux, à la lumière de notre expérience. Sans préjuger de problèmes de fond, se posent cependant des problèmes d’ajustement. D’une part sont couvertes, pour des événements étroitement localisés, des aires énormes, avec un faible pourcentage de réponses positives (Pyrénées le 15 décembre 1987, Languedoc, le 12 février 1988, etc.) D’autre part l’aire d’enquête est parfois trop étroite pour permettre de saisir convenablement un séisme (Bretagne le 1er décembre 1987). Enfin, un retard de diffusion d’un mois a compromis telle enquête (Charentes le 5 février 1988)[35]. Nous retrouvons les problèmes d’antan…
Nouveau progrès à partir de 1989. Apparaissent des cartes en couleurs. Subsistent cependant des problèmes d’ajustement des enquêtes à l’échelle des événements. Des aires excessives sont par exemple couvertes par les enquêtes du 10 mars 1989 (Lacq), du 11 février 1991 (Hautes-Alpes) avec 87 réponses positives pour 756 réponses négatives – c’est, semble-t-il, un record du genre – du 12 février 1996 (région de Nice). Visiblement est parfois absent un premier diagnostic inspiré par la connaissance des précédents. Parfois se produisent des dissymétries, par exemple le 2 juin 1990 (Indre). Bien plus, des groupes de réponses négatives sont parfois déconnectés du groupement positif, par exemple le 30 mai 1989 (Pyrénées occidentales). Bien entendu, plus d’une enquête, parfaitement adaptée, témoigne d’une parfaite connaissance du contexte. C’est par exemple, le cas de celles qui sont consacrées, avec le concours de Pierre Stahl, aux événements des 31 octobre 1990 (région de Lacq) et du 8 février 1991 (Pyrénées occidentales) ou encore du séisme du 28 décembre 1992 (Ain/Isère)[36].
Enfin une « révolution culturelle » se produit en 2002 avec la parution d’un bulletin d’une nouvelle facture, luxueuse, pour les années 1997-1999, avec une introduction étoffée présentant la politique du Bureau central sismologique français[37]. Ce bulletin nous apprend, à notre surprise, qu’en 1998, « aucun séisme de magnitude supérieure à 3,8 ML […] n’a été localisé sur le territoire métropolitain » et que « sur les sept séismes de magnitude comprise entre 3,5 et 3,8 ML, un seul a donné lieu à une enquête exploitable ». Mais nous venons de nous écarter de notre thème, historique…
Les enquêtes macrosismiques en France sont donc caractérisées par leur retard, mis à part quelques pionniers, par une remarquable continuité au cours d’un demi-siècle, non sans problème de forme et de fond, une crise mémorable, puis une reprise marquée par des improvisations, une succession d’acteurs, des problèmes de conception et d’organisation avant une renaissance témoignant d’une volonté de continuité et d’ouverture. Au cours d’un siècle a ainsi été rassemblé un patrimoine globalement riche mais disparate, incomplet, qu’il a été indispensable de compléter – nous l’avons montré – par d’autres démarches et qui ne répond pas toujours aux exigences de l’interprétation rétrospective par la sismologie et la sismo-tectonique actuelles.
Il serait certes intéressant d’entreprendre une étude statistique de l’évolution des enquêtes. Qu’il suffise ici de placer quelques jalons, au hasard, tous événements confondus, séismes notables exigeant un long travail de recueil et d’interprétation, ou événements mineurs, présentés en quelque sorte pour mémoire. En 1961, les enquêtes sont au nombre d’une cinquantaine ; en 1977, elles ne sont plus qu’une dizaine. Encore plusieurs d’entre elles sont-elles dues à un autre organisme. En 1980, elles sont de l’ordre de 25, en 1983 d’une cinquantaine, en 1986 d’une vingtaine, en 1997 d’une dizaine, sans revenir sur le « cas » de 1998. Il est évident que de tels chiffres reflètent moins la réalité de la sismicité de la France et de ses confins que les hauts et les bas de la pratique des enquêtes selon les conditions de l’alerte, la sélection des événements, la présentation des répliques, l’organisation du travail, les concours, etc. Ces réserves faites, il est néanmoins possible de rapprocher, d’une manière subjective, les chiffres de 1961 et de 1983, années de déroulement en quelque sorte normal des enquêtes. Encore faudrait-il affiner en tenant compte des intensités et de la distribution régionale des enquêtes. Ainsi, saute aux yeux, la manière exemplaire dont une partie des Pyrénées est traitée au cours de longues années grâce au concours désintéressé de Pierre Stahl qui comble souvent les lacunes de la « science officielle », en la dérangeant parfois. Dans un domaine qui peut paraître ingrat à première vue, loin des grandes envolées de la science d’avant-garde, l’investissement personnel est certes essentiel en alternant malheureusement avec des périodes de routine, parfois longues, qu’une informatisation hâtive, mal comprise, peut d’ailleurs favoriser si l’on n’y prend garde, si l’on perd de vue le rôle du facteur personnel en matière d’organisation et d’interprétation.
Bien entendu, la comparaison des rares exemples d’enquêtes consacrées à un même événement par des personnes différentes et d’une manière différente présente un intérêt majeur. Pour notre part, nous en avons donné naguère quelques exemples. Ainsi le séisme notable de l’île d’Oléron, en 1972, a-t-il fait l’objet de deux enquêtes indépendantes, l’une par le Bureau central sismologique français, l’autre par le Centre régional de Documentation pédagogique de Poitiers. Cette dernière fut exploitée par la suite, non sans surprise. En particulier, elle suggère une décroissance des intensités bien plus lente que ne le signale le Bureau central de sismologie française. De même, la comparaison de deux étapes de l’enquête consacrée au séisme provençal du 19 février 1984 est riche d’enseignements. L’une est fondée sur les informations recueillies immédiatement auprès de nombreuses personnes, l’autre sur des questionnaires en bonne et due forme. Si l’aire épicentrale est représentée fidèlement dans les deux cas, l’isoséiste IV présente des différences notables[38]. Il importe donc de connaître dans tous les cas, génération et type d’enquête. Au demeurant, ces deux exemples sont une leçon d’humilité pour tous ceux qui travaillent sans esprit critique, d’une manière affirmative.
Il reste à traiter bien des points. Ainsi serait-il intéressant de suivre l’évolution des questionnaires en France et ailleurs, de manière à dégager leur « noyau dur », le degré d’adaptation aux possibilités de la « clientèle » et des centres d’intérêt des sismologues. Rappelons, à ce propos, que la rubrique statistique de l’ancien questionnaire du Bureau central sismologique français était rédigée d’une manière telle qu’elle conduisait à des réponses inutilisables, sans que les interprétateurs s’en aperçoivent toujours. Il est vrai qu’ils reprenaient parfois telles quelles, sans discussion critique, les appréciations d’intensité portées sur les questionnaires mêmes, pratique discutable.
Elargissons encore la discussion finale en tenant compte d’une atmosphère évoquée en guise d’entrée en matière, à propos de l’œuvre de Perrey.
Certains, qui suivaient ces affaires de loin, découvrent aujourd’hui avec étonnement de telles péripéties et surtout leurs aspects les plus médiocres. Elles méritent cependant d’être retracées, fût-ce d’une manière sommaire, pour les faire échapper au triomphalisme rétrospectif qui ne s’installe que trop facilement, surtout après la disparition des témoins, d’autant plus que les archives risquent de ne pas être sauvegardées[39]. Ces péripéties sont étroitement liées au fait que des préoccupations relevant longtemps de l’académisme – c’est le cas des enquêtes macrosismiques – voire de l’érudition – c’est le cas de la sismologie historique – prennent subitement une autre dimension, en livrant des arguments pour la discussion de problèmes pratiques parfois essentiels, avec leurs enjeux politiques et psychologiques. De nouvelles exigences, impératives, ne se heurtent que trop facilement à des forces d’inertie, voire à des problèmes de préséance et même d’intérêt corporatiste ou personnel, défendus à tout prix, fût-ce par des intrigues et même des insultes – N’ai-je pas été traité de « fasciste » par le professeur Jean-Pierre Rothé dont mon activité menaçait la « rente » ? De telles manières de faire sont parfaitement irresponsables. En pareil contexte ce n’est qu’en apparence qu’il peut paraître paradoxal qu’une personne, au départ parfaitement étrangère à la sismologie, encore qu’elle ait porté naguère quelque intérêt à la néo-tectonique, ait assuré des révisions de sismologie historique, remis sur les rails des enquêtes macrosismiques et multiplié, par la suite, interventions et publications spécifiques ou méthodologiques en entretenant les meilleures relations internationales. Ainsi saisit-on les limites culturelles des sciences cloisonnées, qui se bloquent parfois elles-mêmes, et, en revanche, les riches possibilités d’une interdisciplinarité bien comprise, loin des incantations à la mode. Et en effet, au cours de ces années, sous la pression des besoins pratiques, puis par un processus d’engrenage, bien des sismologues patentés ont pratiqué des « politiques d’ouverture » et développé une nouvelle « culture sismologique », en particulier en collaborant avec des historiens et des archéologues, même si certains enthousiasmes peuvent paraître outranciers en créant de nouveaux problèmes de pseudo-objectivité, sans parler du rôle néfaste de certains épigones et vulgarisateurs[40].
A ce propos revenons au problème des « couperets », « couperet informatique » en particulier, qui exclut de précieuses informations, qu’il s’agisse de sismologie historique ou d’enquête macrosismiques. Pour la première, ne sont parfois retenus que les événements d’une certaine intensité, par exemple supérieure à VII, ce qui nous prive en particulier de la possibilité d’une analyse du déroulement des crises sismiques. Pour les secondes intervient parfois, paradoxalement, un critère de magnitude. Dans les deux cas, répétons-le, sont perdues de nombreuses suggestions sismo-tectoniques[41].
Dans le même ordre d’idées ne sont parfois retenus par des publications récentes, en France en particulier, que les événements les mieux connus, comme si l’on éprouvait quelque honte à avouer la mauvaise connaissance de bien d’autres, comme si l’on redoutait les interrogations, par une pudeur mal comprise. Même les précautions prises par les auteurs de bases de données de qualité, en particulier en matière de degrés de fiabilité, sont parfois perdues de vue, de sorte que l’exploitation de ces dernières peut conduire à des aberrations, comme nous en avons récemment fait l’expérience. De même, le recours, souvent discutable, aux « barycentres » est source de pièges, surtout s’ils sont fondés sur des repères clairsemés. Ils sont facilement mis en question par l’apparition d’un repère nouveau ou d’une nouvel effort d’exégèse de textes. Néanmoins, il est tentant de porter de tels « barycentres » sur une carte, sans plus, avec le risque de conduire à des aberrations d’ordre sismo-tectonique. Bref, certains listings ne seraient pas à « mettre entre toutes les mains ». Une fois de plus, nous tenons là un problème de pseudo-objectivité et, partant, d’éthique.
Certes, ces considérations, de diverses sortes, présentent inévitablement un caractère quelque peu personnel compte tenu de l’expérience et des informations de l’auteur. Sans doute d’autres apporteront-ils des nuances. Ils n’est pas certain que les archives permettront, plus tard, de reconstituer d’une manière un tant soit peu fidèle les processus des vingt-cinq dernières années. La manière discutable dont les recherches de sismologie entreprises en France il y a un quart de siècle viennent d’être présentées permettent d’en douter, fût-ce en raison du poids psychologique d’une superstructure informatique tardive considérée d’une manière anachronique comme une finalité[42]. Globalement, reste l’impression d’une remarquable incohérence avec une conception parfois étrange du « service public », en particulier lors de la crise du Bureau central sismologique français, avec les inquiétudes de l’Académie des sciences.
P.S.- Une semaine avant la présentation de cette communication ont été retrouvées par hasard dans les archives de l’Institut de Physique du Globe de Strasbourg les fiches de l’enquête consacrée par le Bureau central météorologique aux effets en France du séisme souabe du 16 novembre 1911 avec, en « sandwich » un dossier japonais.
1) L’œuvre de Perrey est présentée commodément par E. Rothé et H. Godron (1924). Alexis Perrey professeur à la faculté des Sciences de Dijon, sismologue français, Mémoires de l’Académie … de Dijon.
2) Ce n’est pas ici le lieu de discuter de cette entreprise et de la riche bibliographie qu’elle a alimentée. Rappelons simplement Virlet d'Aoust (1885). Examen des causes diverses qui déterminent les tremblements de terre. Bulletin de la Société géologique de France, (3), 13, p. 231-236. Retenons cette phrase : « […] de l’examen raisonné de ces listes, il est résulté ce que nous avions bien prévu à l’avance, que si un certain nombre de faits semblaient coïncider, par leurs dates, avec nos grandes marées, c’est-à-dire avec l’attraction combinée du soleil et de la lune, un très grand nombre d’autres cas, au contraire, y paraissaient étrangers. Les coïncidences observées étaient tout bonnement fortuites […] ».
4) Nous disons bien « archives » au sens propre du terme, dès lors que des auteurs scientifiques utilisent parfois ce terme d’une manière large, comme synonyme de « documentation », même s’ils n’ont jamais mis les pieds dans un dépôt d’archives, et n’ont aucune idée de leurs possibilités.
5) Outre les exemples donnés naguère, de telles confusions se produisent pour des événements ultérieurs. A ce sujet, voir par exemple J. Vogt (2002). Un faux séisme au Kochersberg en 1885. Kronthal et Mossig, Annuaire du Cercle d’Histoire de Marlenheim et environs. D’une manière large, ce problème est traité par P. Albini et J. Vogt (1992). Landslides and earthquakes : Case histories from historical sources. In Proceedings of the French-Italian Conference on slope stability in seismic areas (Bordighera), Ouest Editions.
6) Renvoyons à la notice que lui a consacrée le Nouveau Dictionnaire de Biographie alsacienne, notice qui est, il est vrai, un monument de triomphalisme universitaire, très sélectif.
7) Au sujet de l’atmosphère qui régnait alors, voir J. Vogt (2001). Sismicité et sismotectonique il y a un quart de siècle : la quadrature du cercle. Archistra. D’une manière plus large, voir parmi d’autres publications, J. Vogt (1996). Insuffisances flagrantes de la transmission du savoir en matière de sismologie historique. In : La transmission du savoir scientifique, Comité des Travaux historiques et scientifiques, Congrès de Pau, 1993 ; et J. Vogt (2000). Autour de la sismicité : souvenirs et propos à l’emporte-pièce. Travaux du Comité français d’Histoire de la Géologie, (3), 14, p. 15-27.
8) En tout état de cause, quelques éléments relatifs au contexte furent confiés aux Archives de l’Académie des sciences pour l’édification des générations futures.
9) Th. Riboud (1785). Mémoire sur le tremblement de terre qui s’est fait sentir à Bourg-en-Bresse le 15 octobre 1784. Mémoires de l’Académie de Dijon. Note ajoutée après la rédaction : Si nous ne traitons pas de la célèbre enquête consacrée par Buache aux effets en France du séisme de Lisbonne (1755), c’est qu’elle a été analysée récemment par l’un des historiens qui se consacrent depuis quelques années à l’étude du « risque » à la mode. Cf. G. Quenet (2002). Les tremblements de terre en France aux XVIIe et XVIIIe siècles - Une histoire sociale du risque. Thèse de l’Université de Paris I.
10) Th. Riboud (1822). Rapport et observations sur les secousses de tremblements de terre éprouvées en février 1822 dans plusieurs départements de l’Est de la France et particulièrement en celui de l’Ain et dans la Savoie et la Suisse. Journal d’Agriculture, Lettres et Arts de l’année 1822. Il est fait grand cas de l’œuvre de Riboud par A. Gros (1982). Les tremblements de terre dans les pays de l’Ain au siècle des lumières à l’époque romantique. Les Nouvelles Annales de l’Ain et, du même auteur : (1983-84). Les tremblements de terre dans les pays de l’Ain. Ibid.
13) J. Noeggerath (1870). Die Erdbeben im Rheingebiet in den Jahren 1868-1869 und 1870. Verhandlungen des naturhistorischen Vereines der Preussischen Rheinlande und Westphalens.
14) K. von Seebach (1873). Das mitteldeutsche Erdbeben vom 6 März 1872, ein Beitrag zu der Lehre von den Erdbeben. Leipzig.
15) G. Grünthal (1992). The Central German Earthquake of March 6, 1872. In Historical Earthquakes in Europe, t. I, Vienne. Note ajoutée après la rédaction : Nous venons de prendre connaissance du manuscrit du texte consacré par le même auteur à une histoire des recherches de sismologie historique en Allemagne, à la suite d’une conférence au Colloque d’Erice (2002). Ce texte, à paraître, traite aussi des enquêtes macrosismiques.
16) A. Forster (1879). Die Einführung seismometrischer Beobachtungen in der Schweiz. Jahrbücher des tellurischen Observatoriums zu Bern.
17) F. A. Forel (1883). Les tremblements de terre orogéniques étudiés en Suisse. Revue d’astronomie populaire, de météorologie et de physique du globe.
19) A. de Quervain (1913). Zur neuen Organisation. Jahresbericht des schweizerischen Erdbebendienstes. Outre les publications, l’activité d’A. de Quervain est éclairée par les Archives de l’E.T.H. Zurich (Ms 852).
20) A. Angot (1913). Le tremblement de terre de Provence. Annales du Bureau central météorologique de France. Au sujet de l’état de la sismologie française à cette époque, voir M. Cremer, 2001. Seismik zu Beginn des 20. Jhdts Internationalität und Disziplinbildung. Berlin.
21) Spiess (1926). Note sur le tremblement de terre de Provence. Comptes-rendus du Congrès des Sociétés Savantes, 1926, p. 172-195.
22) A. Levret et al. (1986). The Provence earthquake of 11th June 1909 … Proceedings of the 8th European Conference on Earthquake Engineering (Lisbonne). A. Levret et al., 1986. Le séisme de Provence du 11 juin 1909… C.E.A., Institut de Protection et de Sûreté nucléaire, Département d’Analyse de Sûreté, Rapport D.A.S., n° 284, 130 p.
23) J. Lambert et al. (1991). Reevaluation of macroseismic observations in France. The exemple of the B.C.S.F. file of historical data and present day investigation. In : Proceedings of the Third International Symposium on Historical Earthquakes (Liblice, 1990). Geophysical Institute of the Czech Academy of Science, Prague, p. 69-74.
24) Un exemple du Sundgau (Alsace) est donné par J. Vogt et B. Massinon (1985). Sismicité historique et sismicité instrumentale. In : V. Davidovici (Ed.) Génie parasismique. Presses des Ponts et Chaussées, Paris.
25) H. F. Reid and S. Taber (1919). The Porto-Rico earthquakes of october-november 1918. Bulletin of the Seismological Society of America, 9, p. 95-127. Voir J. Vogt, 1996. The weight of pseudo-objectivity. Annali di Geofisica, 39, (5), p. 1005-1011.
26) Voir par exemple J. Vogt (1980). Les effets du séisme de Rastatt, 8 février 1933, ressentis en Outre-Forêt. L’Outre-Forêt, n° 53, p. 55-57.
27) J. Vogt (1998). Enquêtes macrosismiques pyrénéennes : examen critique. Archistra, n° 172-173, p. 168.
28) A ce sujet, voir, à titre d’exemple, J. Vogt (2002). Petit récit historique des travaux consacrés à la sismicité de la moyenne vallée de la Durance. Archistra, n° 216, p. 44-46.
29) A ce sujet, voir A. S. Stein et al. (1989). Hidden earthquakes. Scientific American (repris la même année par Spektrum der Wissenschaften, n° 216). Un tel problème a été soulevé pour l’arrière-pays de Nice par J. Vogt (1992). Le complexe de la crise sismique nissarde de 1564. Quaternaire, 3, p. 125-127.
30) J.-P. Rothé (1983). La sismicité de la France de 1971 à 1977. In IPG-BCSF, Observations sismologiques - Sismicité de la France entre 1971 et 1977. Strasbourg.
31) Observations sismologiques - Sismicité de la France en 1978 et 1979. IPG-BCSF, Strasbourg, 1984. Observations sismologiques - Sismicité de la France en 1980, 1981, 1982 et 1983. In : IPG-BCSF, Strasbourg, 1987. Observations sismologiques - Sismicité de la France en 1984, 1985 et 1986. IPG-BCSF, Strasbourg, 1990. Observations sismologiques - Sismicité de la France en 1987 et 1988. IPG-BCSF, Strasbourg, 1991.
32) Rapport à l’Académie des sciences sur la définition et la prise en compte des risques sismiques. Comité des Etudes et Rapports, Groupe d’études des risques sismiques, mai 1982.
36) Observations sismologiques - Sismicité de la France en 1989-1992. IPG - BCSF, Strasbourg, 1994. Observations sismologiques - Sismicité de la France 1993-96. IPG - BCSF, Strasbourg, 1998. Le triomphalisme statistique, de mauvais aloi, vient d’être illustré par l’enquête consacrée au récent événement vosgien (22 février 2003). Ainsi la presse donne-t-elle, en sous-titre, cette information : « 1900 témoignages » (Est Républicain du 12 avril 2003), écho rejoignant les coups de massue informatiques assénés par certaines enquêtes sans discernement, parfois dans le vide.
37) Observations sismologiques - Sismicité de la France en 1997, 1998 et 1999. BCSF, Strasbourg, 2002.
38) J. Vogt et al. (1985). Problems of intensity mapping of historical and modern earthquarkes. Disasters Eleventh Regional Seminar on Earthquake Engineering, Granada, 1984, p. 144-148. Le titre a été escamoté lors de la publication.
39) A titre d’exemple, voir, en particulier pour des affaires minières internationales : L’aventure au bout du marteau - Grandes et petites histoires du BRGM par ceux qui les ont vécues. T. 1 et 2, 2000. Il m’a été confié que le CEA souhaitait reconstituer certaines étapes de son évolution en faisant appel à ses vétérans, mais qu’il s’était heurté à des réticences.
40) Pour la France, sans revenir aux ravages du catastrophisme inspiré par Haroun Tazieff, un sommet a été atteint en Alsace, il y a quelques années, par un projet de « Lettre du Préfet du Bas-Rhin aux Maires », avec rappel des principaux événements, dotés du même chiffre, par exemple huit, pour les intensités, en chiffres romains, et les magnitudes, en chiffres arabes. Si cette lettre avait été diffusée telle quelle, les maires auraient pu penser que la région avait été atteinte par bien des séismes destructeurs équivalents à celui qui venait de se produire en Turquie. Quant au Haut-Rhin, il a connu le « syndrome de Wickerschwihr », du nom d’un haut-lieu des mesures de prévention, à propos duquel l’accent a été mis sur l’activité sismique de la bordure des Vosges, d’une manière bien discutable. La commune en question ne fut-elle pas primée par la Protection civile ?
41) Fort à propos ce problème vient d’être soulevé par une conférence de haut niveau lors du récent colloque d’Erice, en juillet 2002 (G. Valensise: The combination of historical, instrumental and geological evidence for large earthquakes: excerpts from the European experience).
42) Cf. note 9 (note ajoutée après la rédaction). Des remarques ad hoc ont été faites à l’auteur à la suite de l’une des conférences identiques qu’il a consacrées à son œuvre (Strasbourg, 2003) et par écrit. J’espère qu’il en tiendra compte pour la publication de sa thèse. Il est paradoxal que la « méthode historique » soit prise en défaut pour des entreprises récentes dont acteurs et témoins sont encore en vie. Au demeurant, la banque informatique exploitée par cet auteur ne fait pas état de nombreux rapports et publications qui exploitent une partie des matériaux qu’elle consigne en donnant l’impression qu’ils ne l’ont pas été, avec le risque pour l’histoire de se précipiter sur cette manne, en se dispensant d’une laborieuse recherche de sources, en lui faisant courir le risque, faute de maîtriser une bibliographie interdisciplinaire complexe, d’enfoncer des portes ouvertes et de se trouver en porte-à-faux.