COMITÉ FRANÇAIS D'HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE (COFRHIGEO) (séance du 9 juin 2004)
Résumé.
Le fonds Dupuy de la Bibliothèque nationale de France comporte un manuscrit inédit, qu'un auteur demeuré anonyme rédigea vers 1630 pour l'humaniste provençal Claude-Nicolas Fabri de Peiresc. Ce Discours sur les coquilles de mer qu'on trouve en terre ferme, particulièrement en Champagne traite des coquilles fossiles des environs de Nogent-Sermier, une localité de la Côte de l'Île-de-France, située sur le versant septentrional de la montagne de Reims. L'auteur y décrit, vraisemblablement pour la première fois, des fossiles lutétiens de Champagne. Il disserte longuement sur ces fossiles marins, et envisage trois hypothèses pour expliquer leur présence en un lieu aussi éloigné de la mer : (a) les coquilles auraient été façonnées par des animaux continentaux aujourd'hui disparus, une thèse très vite écartée ; (b) ces coquilles, résultant des « jeux & fantaisies d'une terre industrieuse, & d'une nature qui se delasse », seraient engendrées par génération spontanée dans le sol ; enfin, (c) elles furent apportées et déposées par le Déluge. Après avoir passé en revue l'opinion de nombreux auteurs anciens et modernes, l'auteur privilégie la thèse du Déluge.
Abstract.
In the French national library is kept an unpublished manuscript that an anonymous author wrote in French around 1630 for the French humanist Peiresc. This Discourse on the marine shells that are found on dry land, particularly in Champagne is devoted to the fossil shells that crop out in the vicinity of Nogent-Sermier, a locality of the Côte de l'Ile-de-France, on the northern side of the Montagne de Reims. The author describes these lutetian fossils of Champagne, presumably for the first time. Then, he discourses on their origin, considering three hypotheses: (a) the shells would have been produced by land animals, now extinct; (b) they would generate spontaneously in the ground; finally, (c) they would have been deposited by the biblical Flood. After considering the belief of numerous ancient and modern authors, the author favours the Flood hypothesis. |
Mots-clés : Peiresc - Lutétien - Champagne - fossiles - jeux de la nature - Déluge - XVIIe siècle.
Key-words : Peiresc - Lutetian - Champagne - fossils - spontaneous generation - Flood - XVIIth century.
Au début du XVIIe siècle, les pierres figurées qui imitent par leur forme des êtres vivants étaient l'objet de débats sans fin. Depuis l'Antiquité, de nombreuses explications avaient été avancées pour expliquer l'existence de ces fossiles : génération spontanée à l'intérieur des roches (ou jeux de la nature), essais manqués du Dieu créateur, action des astres, empreintes ou restes d'organismes morts (e. g. Rudwick, 1976 ; Gohau, 1987 ; Schnapper, 1988, pp. 18-22 ; Ellenberger, 1988). La thèse de l’origine organique, qui nous est si familière aujourd'hui, achoppait sur l'existence de fossiles d'origine marine jusqu'au sommet des plus hautes montagnes, un fait alors peu compréhensible. Deux thèses concurrentes tentaient d'expliquer la présence de fossiles au-dessus du niveau de la mer : les organismes fossilisés pouvaient avoir été apportés par le Déluge, ou leur dépôt dans la mer avait été suivi de l'émersion des terrains.
Le département des manuscrits de la Bibliothèque nationale de France détient un manuscrit inédit du début du XVIIe siècle, qui traite de ces sujets. Intitulé Discours sur les coquilles de mer qu'on trouve en terre ferme, particulièrement en Champagne, il renferme la première description des fossiles éocènes de la montagne de Reims et débat de leur origine. Il est conservé dans le recueil 669 du fonds Dupuy (ff. 43r°-49v°), qui porte lui-même le titre Histoires naturelles d'animaux & autres matières curieuses. Diverses relations d'Egypte, MDCXLVIII. Le manuscrit est une copie, dont l'original, vraisemblablement perdu, était adressé à l'humaniste provençal Nicolas-Claude Fabri de Peiresc (1580-1637), qui fut un grand acteur de la proto-géologie de la première moitié du XVIIe siècle (Godard, 2005). L'auteur, qui a signé « J. P. », n'a pu être identifié, mais pourrait être un familier de Charles Cauchon de Maupas, baron du Tour, qui fut ambassadeur de France en Angleterre. On sait que celui-ci eut des échanges épistolaires avec Peiresc à propos de l'aventurier bordelais Augustin Herryard, devenu « joaillier du Grand Mogol à Lahor » (Sneyders de Vogel, 1955).
Si le recueil des frères Dupuy est daté de 1648, le texte fut certainement écrit vers 1630. Il est en effet antérieur à 1637, année de la mort de Peiresc, auquel il est explicitement adressé. Par ailleurs, il est postérieur à la 1ère édition des Curiosités inouïes de Jacques Gaffarel, parue en 1629 et que cite l'auteur. Puisque celui-ci évoque aussi « le chasteau nommé le Causson, appartenant au Baron du Tour », on serait tenté de conclure que le mémoire fut écrit en 1629, avant la mort de Charles de Maupas, décédé le 18 août dans sa maison du Cosson (Baussonnet, s.d.) ; cependant, l'un de ses fils, Jean-Baptiste de Maupas, porta lui aussi le titre de baron du Tour. Retenons donc que ce Discours fut certainement rédigé entre le début de 1629 et juin 1637.
Les fossiles décrits furent observés par notre auteur près du lieu-dit le Cosson – une ferme fortifiée plutôt qu'un château –, qui était l'une des seigneuries du baron du Tour, située en l'actuelle commune de Nogent-Sermier. Ce lieu est situé sur la côte de l'Ile-de-France, à quelque 10 km au sud-sud-ouest de Reims. L'auteur nous apprend qu'il a récolté les coquilles dans une sablière, située au milieu de vignes de la coste de Rheims. L'une des espèces, de « la longueur & la grosseur du bras d'un homme », apparaît être celle d'un cérithe géant, vraisemblablement Campanile giganteum (Lamarck). On peut donc identifier la formation décrite avec un niveau de sables fossilifères du Lutétien marin qui affleure parmi les vignes de Champagne sur la pente de la côte de l'Ile-de-France (e4m des feuilles Reims et Fismes de la carte géologique au 1/50 000 : Laurain et al., 1976, 1981). A environ 1 km du Cosson, ce niveau est marqué sur environ 400 m de long par un alignement de vieilles excavations. On peut encore y observer une ancienne sablière (Nord 49° 9,702' ; Est 3° 57,624'), où était exploité un sable fin calcaire, de couleur beige, très fossilifère. Outre divers gastéropodes et lamellibranches, nous y avons observé la section d'un cérithe géant, ce qui confirme les descriptions de l'auteur. Je dois à l’obligeance de Didier Merle, du Muséum national d’histoire naturelle, la détermination des espèces suivantes : bivalves : Piar (Paradione) lunaria (Deshayes, 1825), Venericardia imbricata (Gmelin, 1791) ; gastéropodes : Haustator imbricatarius (Lamarck, 1804), Campanile giganteum (Lamarck, 1804), Amaurellina (Crommium) acuta (Lamarck, 1804), Sycostoma bulbusi (Solander in Brander, 1766), Athleta (Volutospina) spinosa (Linnaeus, 1758) et Ancillus buccinoides (Lamarck, 1802). C'est par ailleurs ce même niveau de Lutétien marin qui affleure à Courtagnon, un gisement distant de seulement deux kilomètres, connu pour l’abondance et la diversité de ses fossiles. Au XVIIIe siècle, Marie-Catherine Le Franc constituait en son domaine de Courtagnon un cabinet d’histoire naturelle (Fig. 1) fort réputé pour ses fossiles (e.g. Dezallier d’Argenville, 1757 ; Dieudonné, 1763 ; Gaudant, 2004).
Ce Discours sur les coquilles renferme donc vraisemblablement la première description des fossiles de la région de Reims, quoique Bernard Palissy ait déjà mentionné l'existence de coquilles fossiles en Champagne dans ses Discours admirables (Palissy, 1580, e.g. p. 226), et ait orné certains de ses plats émaillés de coquilles du Lutétien (Plaziat, 1997).
Figure 1 : Le cabinet et le gisement fossilifère de Courtagnon, d’après Dieudonné, 1763.
Dans la première partie de son mémoire, dont on trouvera la transcription en annexe, l'auteur décrit les fossiles, parmi lesquels il distingue sept espèces : des coquilles pyramidales (en réalité coniques) appartenant à trois variétés, petite, moyenne et grande, dans lesquelles on reconnaît des gastéropodes, avec notamment un cérithe géant ; d'autres coquilles semblables à « un cul de lampe », qu'il est difficile d'identifier ; une petite espèce de gastéropode « pareille à nos coquilles de limaçons » ; des coquilles « comme celle des huistres et des naines », donc de lamellibranches, les unes lisses et les autres striées. L'auteur décrit brièvement l'ornementation des coquilles, dont il explique la périodicité par une idée un brin naïve. « Ces nœuds, ces boutons d'espace en espace, furent selon lui, comme posez par un animal qui travaille a repriser, & qui arreste la besogne quand il est las ».
Dans la suite du mémoire, l'auteur discute longuement de l'origine de ces coquilles, pour laquelle il avance trois hypothèses :
(a)- Les coquilles ont été édifiées par des animaux terrestres disparus, semblables à nos « limaçons », une thèse très vite écartée.
(b)- Les coquilles sont le résultat de « jeux & fantaisies d'une terre industrieuse, & d'une nature qui se delasse ». Cette théorie des jeux de la nature niait l'origine organique des fossiles, et les attribuait à une sorte de génération spontanée dans la masse même des roches. La première objection de notre géologue à cette hypothèse est l'absence de causes à une telle production. L'auteur évoque les quatre causes selon Aristote, qui distingue les causes matérielle, efficiente, formelle et finale. Pour Aristote, la cause matérielle d'une statue, par exemple, est le marbre ; la cause efficiente en est le sculpteur ; la cause formelle est sa configuration, et la cause finale est sa destination, son but. Bien évidemment, la production de coquilles selon les jeux de la nature n'a ni cause efficiente, ni finalité, ce qui rend cette hypothèse inacceptable aux yeux de l'auteur. « Si c'est une demeure propre pour loger des animaux, objecte-t-il, la nature l'at-elle faitte sans animaux, c'est a dire sans habitans pour y loger ? ». Par ailleurs, on pourrait s'attendre à ce que certaines des coquilles formées par des jeux de la nature soient imparfaites ou inachevées, ce qui n'est pas le cas.
(c)- Les coquilles ont été apportées par le Déluge. A l'appui de cette troisième thèse, l'auteur remonte à Hérodote et cite de nombreux textes anciens, les mêmes, peu ou prou, qu'on retrouve aux XVIe et XVIIe siècles dans tout argumentaire sur l'origine des fossiles (cf. François Ellenberger, 1988, pp. 164-195). L'auteur discute aussi l'opinion contraire de Jacques Gaffarel (in Curiosités inouyes, 1629a), qui considérait « qu'on a estimé plusieurs choses ridicules & dangeureuses [sic], dans les Livres des Hebreux, qui sont soustenuës sans blasme par des Docteurs Chrestiens » (Gaffarel, 1629a). Notre auteur anonyme rejette, quoique sans acrimonie, la négation du Déluge universel faite par Gaffarel. Précisons que les Curiosités inouyes sentaient le fagot, au point que Gaffarel avait été obligé de se rétracter devant la faculté de théologie de la Sorbonne le 4 octobre 1629, pour « des opinions citées […] contraires à l'Eglise », quoiqu'il ait déclaré n'avoir « jamais eu l'intention d'enseigner et d'alléguer, mais seulement d'exposer et de rapporter, comme des opinions puisées de façon variée dans les livres des Arabes et des Hébreux » (Gaffarel, 1629b).
L'auteur termine par une adresse à Peiresc, auquel il déclare envoyer quelques-unes des coquilles décrites. Peu après 1647, Achille II de Harlay fit l'acquisition d'une grande partie des collections de Peiresc, qui furent par la suite cédées à l'abbaye Sainte-Geneviève de Paris (Molinet, 1692). A la Révolution, le cabinet de l'abbaye fut dispersé. Une partie des collections d'histoire naturelle aurait rejoint le Muséum, mais la majeure partie, restée sur les lieux, fut utilisée pour l'enseignement des sciences naturelles au lycée Henri IV et finit par disparaître au fil du temps (Zehnacker et Petit, 1989). Il y a donc très peu d'espoir de retrouver aujourd'hui ces échantillons.
Le Discours sur les coquilles…, l'un des tout premiers mémoires consacrés aux fossiles du Bassin de Paris, expose élégamment les principales thèses relatives à l'origine des fossiles, telles qu'on la concevait au début du XVIIe siècle. Comme les nombreux autres correspondants de Peiresc, qui repoussaient fermement la thèse des jeux de la nature (Godard, 2005), l'auteur ne doutait pas de l'origine organique des fossiles. Pour expliquer le dépôt de ces coquilles à une grande distance de la mer, il faisait intervenir le Déluge, une idée que ne partageait pas Peiresc qui préférait invoquer des variations du niveau de la mer liées aux séismes et au volcanisme.
Par ailleurs, notre Champenois inconnu a des conceptions géologiques assez candides, qui sont en réalité celles de son époque. Il ne perçoit pas, par exemple, que la couche de sables fossilifères est enracinée dans la montagne de Reims elle-même. Il imagine plutôt une pellicule de sable déposée par le Déluge aux creux d'un « golfe » formé ici par la côte de l'Ile-de-France. Il fallut attendre le XVIIIe siècle, pour que Nicolas-Antoine Boulanger exposât vers 1753, dans ses Anecdotes de la Nature, une vue moderne sur la géologie de la région (Hampton, 1955 ; Ellenberger, 1994) : « La Montagne de Rheims, y explique-t-il, qui fait encore […] une grande saillie en arrachement sur cette contrée, est construite de pierres d'une nature toute differente de celle de la craye, et il paroit qu'elle devoit s'avancer bien plus qu'elle ne le fait actuellement vers Rheims et vers Chaalons, et recouvrir par conséquent autrefois la surface qui est presentement découverte ». A l'époque de Peiresc, au contraire, on n'avait pas encore assimilé l'idée de la continuité initiale des strates, et du façonnage par érosion des cuestas et des buttes témoins.
Il demeure que notre Champenois inconnu a rédigé le plus ancien mémoire qui nous soit parvenu sur les fossiles et les terrains de la Champagne. A ce titre, il mérite une place dans l’anthologie des travaux sur la géologie du Bassin parisien.
Je remercie vivement Madame Geneviève Bouillet, qui a eu l'obligeance de relire et corriger les citations latines et leur traduction, Didier Merle, qui a déterminé les espèces fossiles du gisement de Nogent-Sermier, et Jean Gaudant pour son aide précieuse et ses indications sur les gisements de la côte de l'Ile-de-France, en particulier Courtagnon, et pour son travail de relecture.
BAUSSONNET G. (s.d.). Reste des vers de la composition de feu très-généreux seigneur Messire Charles de Maupas [...], recueilly en l'an MDCXXXVIII, plus un éloge pour le mesme seigneur par G. Baussonnet. F. Bernard, Reims, 46 p. + portrait [p. 43-45].
DEZALLIER D’ARGENVILLE, A. (1757). L’histoire naturelle éclaircie dans une de ses parties principales, la Conchyliologie, qui traite des coquillages de mer, de rivière et de terre… Bure l’Ainé, Paris, 878 p.
DIEUDONNÉ, Dom P. (1763). Le Cabinet de Courtagnon, poëme... avec un discours préliminaire sur l'histoire naturelle des fossiles de Champagne. Seneuze, Chaalons, in-4°, 28 p.
ELLENBERGER, F. (1988). Histoire de la géologie. Tome 1, Des anciens à la première moitié du XVIIe siècle. Lavoisier, Paris, 352 p.
ELLENBERGER, F. (1994). Histoire de la géologie. Tome 2, La grande éclosion et ses prémices 1660-1810. Lavoisier, Paris, 381 p.
GAFFAREL, J. (1629a). Curiositez inouyes sur la sculpture talismanique des Persans, horoscope des patriarches et lecture des estoilles. H. Du Mesnil, Paris, in-8°, pièces liminaires + 644 p. + pl.
GAFFAREL, J. (1629b). Retractatio auctoris libri des Curiositez inouyes. In : Censura sacrae Facultatis theologiae parisiensis lata in Petri Picherelli opuscula theologica, Lugduni Batavorum [Leiden] 1629 excusa. Retractatio Jac. Gaffarelli, auctoris libri : Des Curiositez inouyes. J. Guillemot, Paris, in-8°, [4+]2 p.
GAUDANT, J. (2004). Lieux de mémoire géologiques du Bassin de Paris et protection du patrimoine naturel. Bulletin d’Information des Géologues du Bassin de Paris, 41 (3), p. 3-27 [Courtagnon : p. 16-18].
GODARD, G. (2005). Peiresc et la proto-géologie du début du XVIIe siècle. Sciences et Techniques en perspective, II série, 8 (1), sous presse.
GOHAU, G. (1987). Histoire de la géologie. La Découverte, Paris, 259 p.
GOHAU, G. (1990). Les sciences de la terre au XVIIe et XVIIIe siècles : naissance de la géologie. Albin Michel, Paris, 420 p.
HAMPTON, J. (1955). Nicolas-Antoine Boulanger et la science de son temps. E. Droz, Genève, Lille, 208 p.
LAURAIN M., COURTEHOUX H., BARTA L. & GUÉRIN H. (1976). Carte géologique de la France à 1/50000. Feuille Fismes (n° 131) + notice 34 p. B.R.G.M., Orléans.
LAURAIN M., GUÉRIN H., BARTA L., MONCIARDINI C. & DURAND R. (1981). Carte géologique de la France à 1/50 000. Feuille Reims (n° 132) + notice 34 p. B.R.G.M., Orléans.
MOLINET, père Cl. du (1692). Le cabinet de la bibliothèque de Sainte-Geneviève. A. Dezallier, Paris, in-f°, préface + 224 p. + table + planches.
PALISSY, B. (1580). Discours admirables de la nature des eaux et fontaines, tant naturelles qu'artificielles, des metaux, des sels et des salines, des pierres, des terres, du feu et des emaux... Martin le jeune, Paris, in-8°, xii-361 p.
PLAZIAT, J.-C. (1997). L’importance des coquilles fossiles du Tertiaire parisien dans l’oeuvre scientifique et artistique de Bernard Palissy à la fin du seizième siècle. In GOHAU, G. (Dir.) : De la géologie à son histoire. Ouvrage édité en l’honneur de François Ellenberger. Mémoire de la Section des Sciences, 13 ; C.T.H.S., Paris, p. 15-24 [+ Travaux du Comité français d’Histoire de la Géologie, 3e sér., 4 (1990), p. 79-84].
RUDWICK, M. J. S. (1976). The meaning of fossils. Episodes in the history of paleontology. 2nd ed., Neale Watson Academic Publication, New-York, xi-287 p.
SCHNAPPER, A. (1988). Le géant, la licorne et la tulipe. Collections et collectionneurs dans la France du XVIIe siècle. I-Histoire et histoire naturelle. Flammarion, Paris, 416 p.
SNEYDERS de VOGEL, K. (1955). Une lettre de Herryard, joaillier du Grand Mogol. Neophilologus, XXXIX, p. 1-8, 95-103.
ZEHNACKER, F. & PETIT, N. (1989). Le cabinet de curiosités de la bibliothèque Sainte-Geneviève des origines à nos jours. Bibliothèque Sainte-Geneviève, Paris, 182 p.
ANNEXE
Le texte transcrit ci-après a été légèrement aménagé pour le rendre plus lisible, par l'ajout de titres, l'adoption de la graphie moderne pour les lettres u,v,i,j, et la modification occasionnelle de la ponctuation. Les notes infrapaginales donnent les références bibliographiques des ouvrages cités par l'auteur, et proposent une traduction française des quelques citations latines.
Discours sur les coquilles de mer qu'on trouve en terre ferme, particulierement en Champagne
[Des coquilles de mer en Champagne]
A deux bonnes lieües de la ville de Rheims en Champagne il y a un chasteau nommé le Causson[1], appartenant au Baron du Tour[2] avecque le village d'auprés, lequel est basty partie de pierre & de craye, partie de carreaux faits de sable lié avecque de la chaux, & jettez en moule, a la mode du païs. Ce sable qui luy a servy, a esté tiré d'un endroit de la montagne d'aupres, fort sec, entre des vignes assez bonnes, comme celles de toute la coste qu'on appelle la coste de Rheims. Cet endroit, depuis ce temps la, est devenu une eschole de philosophie, & un camp clos ou un amphitheatre a voir battre [= forger ?] des esprits curieux ; lesquels s'y font porter souvent, pour y voir & admirer, ou les restes d'un deluge universel ; ou les jeux & fantaisies d'une terre industrieuse, & d'une nature qui se delasse ; ou les ouvrages de quelques animaux, dont on ne sçait le nom, & dont l'espece est perdue.
Ce sont certaines coquilles faittes de la mesme façon que celles de mer, que l'on y rencontre parmy le sable en si grande abondance, pour ce qui est des petites, qu'on croiroit qu'elles y ont esté formees a plaisir. Il s'y en trouve de moyennes, c'est a dire, de la grosseur de trois ou quattre doigts, en fort grand nombre ; & d'autres encore qui passent la longueur & la grosseur du bras d'un homme, faittes en pyramides, marquees & comme armees de pointes & de noeuds au dehors, lisses & polies, mais remplies de sable au dedans. Pour ce [qui] est des grosses & des moyennes, il ne s'y en void point d'autres que de pyramidales. Quant aux petites, elles se rapportent toutes a quattre sortes de figures, & comme d'especes. La premiere est des pyramidales. La seconde est de celles qui sont comme un cul de lampe, dont il s'en trouve d'assez grosses. La troisieme est de celles qui sont pareilles a nos coquilles de limaçons. La quatriesme est comme celle des huistres et des naines les unes lisses & polies tant dedans que dehors ; les autres rayees de lignes au dehors & canellees, comme celles que nous appellons par deça Coquilles de St Michel. Desquelles especes on peut voir les figures dans Gesnerus[3].
[Qui a fait ces conques ?]
La question est de sçavoir qui fait ces conques ou coquilles, ou qui les a portees la, & si ce sont des jeux de la nature, ou bien ouvrages de quelques animaux terrestres, ou reliquats de deluge car tout ce qu'on en peut dire se rapporte a l'une de ces trois causes, car tel effect merite bien qu'on en recherche la vraye.
[Première opinion : coquilles d'animaux terrestres]
La premiere & la plus faible opinion, ce me semble, est de ceux qui disent que certains animaux ont formé ces coquilles, comme les limaçons font les leurs, ou de leur bave, ou de la terre qu'ils trouvent autour d'eux.
Mais jusqu'à cette heure on n'a scue trouver aucun de ces animaux ny vif ny mort, & il est croyable que l'espece n'en seroit pas perdue. S'ils disent que ce sont animaux de mer, qui les y a fait venir sinon le deluge, qui a inonde jusque la ? Et partant de dire cela, c'est passer a la troisiesme opinion, qui tient pour le deluge.
[Deuxième opinion : jeux de la nature]
La seconde [opinion], qui est plus vraysemblable, & qui est soustenue des simples & de quelques sçavans, dit que ces coquilles s'engendrent dans la terre ; que la nature les y fait germer ; que les influences du ciel y contribuent ; que la rencontre de la terre & de l'eau en certaines veines les y forme, particulierement en cette coste, qui est tournee droit a l'orient ; & que le soleil les y cuit. D'autres appellent [= invoquent] une carriere ou perriere esventée.
Ils autorisent cette opinion par une quantité de productions qui se font dans la nature sans dessein, ce semble, & comme par hazard. On rapporte quantité de curiositez la dessus. On produit les agathes, figurees de mille fantaisies. On represente les marbres & les jaspes si diversifies sans art & sans conduitte. On va ramasser jusques aux pierres de la Crau de Provence. On cite les merveilles de l'ambre, les secrets des aymans, & mesmes les vertus des herbes.
Mais on respond -1°- que ces comparaisons clochent de plus d'un pied. 2°- on tient que jamais fortune, hazard, avanture ne rencontra bien deux fois de suitte, & qu'il y a de l'advertance & de l'application d'une raison ou generale ou particuliere en ce qui se fait tousjours de mesme façon ; & que ou il y a de l'artifice il y a de l'art et de la prudence. S'il ne se trouvoit la que quelques coquilles imparfaittes, & en petit nombre, on les pourroit donner au hazard & a la rencontre. Mais cela n'est pas ainsi. 3°- Il se faut expliquer, quand on dit que la terre ou la nature fait cela, car c'est parler d'une cause sans la declarer. Et puis nous en demandons plus d'une.
Nous cherchons, non point la formelle que nous avons ; ny la materielle non plus, de laquelle nous tomberions bientost d'accord si nous avions les deux autres[4].
C'est de l'efficiente qu'on est en peine, & de la finale. Or que la terre ou la nature de ce terroir n'en soit point l'efficiente, il se peut prouver, parce que les elements ne concourent que comme matieres pour la composition des mixtes, autrement le moins parfait auroit les vertus du parfait, & par consequent seroit plus noble que luy ; ce qui se contredit. Et que ces coquilles soient un mixte, qui a forme & figure particuliere, & ou il y a plus d'une estoffe, cela se void mesmes a l'œil. Et puis a quelle fin ? a quel usage ? &c.
De m'aller dire que la nature en l'air, ou le soleil, ou les influences particulieres de quelque quartier du ciel, font cela, je demande ou en est le moule, & pourquoy telle diversité en un si petit espace ! Et puis c'est une grande dispute, a sçavoir si ces causes seules font cela. Si on dit qu'on les aide ; ou sont ces secours ? ou sont ces causes secondes, & comme servantes ? Reviendront il [sic] a leur terre sourde, brute, & insensible ?
Et qu'on ne me rapporte point que dans les entrailles de cette mesme terre il se fait des pierres, du plomb, & de l'or ; parce que c'est autre chose de donner des figures, & des imitations de grandeur & autre chose de mettre terre contre terre, & puis prendre une couleur, une liaison, une duretee. Ce qui se fait sans moule & sans passion.
Et apres, a quoy bon cela ? a quel dessein ? a quelle fin ? Si c'est une demeure propre pour loger des animaux, la nature l'at-elle faitte sans animaux, c'est a dire sans habitans pour y loger ? Elle est trop sage, elle prend mieux ses mesures ; & l'on se mocqueroit d'un homme, qui trouvant dans une vigne des coques de limaçons, croiroit que la terre s'en [sans] y penser les auroit faittes, & non par les limaçons, a qui elles servent de maisons pendant leur vie, & de sepulchre apres leur mort.
Je supplie encore ces Messieurs qu'ils considerent ce bel artifice, ces nœuds, ces boutons d'espace en espace, comme posez par un animal qui travaille a repriser, & qui arreste la besogne quand il est las. Qu'ils me disent qui a si bien uny & licé le dedans ; qui a si bien vuidé ces vis naturelles ; qui a inventé ces diverses figures & formes de coquilles pareilles a celles de mer, que des animaux y forment, & non par la terre ny le sable ? Et en fin qu'on me die si les grosses se font tout a la fois comme champignons, ou si elles y croissent & amendent a loisir & par nourriture, comme des arbres, ou comme des hommes ?
Si l'on me dit que parmy ce sable, qui est un vray sable de mer, il y a un certain sel, qui sert de semence a ces coquilles, tousjours on n'evite pas ce qu'on veut fuir, & par la on ne se sauve point du deluge. Car par ainsi il faut tousjours avoüer que la mer a donné jusque la, & que le flot a laissé ces vestiges. Et puis, n'est il pas aussi malaisé d'entretenir la cette semence depuis trois ou quattre mille ans avecque sa force sans s'evaporer, que les coquilles mesmes ?
[Troisième opinion : reliquat du déluge universel]
Je maintiens donc la troisiesme opinion contre qui me la voudra debattre. Et parce que la chose semble de difficile creance, je l'appuye de l'auctorité & de la raison.
Premierement je trouve que ce n'est pas ce seul endroit du monde ou il se rencontre de ces sortes de coquilles loing de leurs lieux naturels, & je ne suis pas seul qui les prend pour marques & reliquat du deluge universel.
[Les auteurs anciens ont rapporté des preuves du Déluge]
Tevet[5] lib.7 Cosmogr. cap. 3 escrit qu'il y a des montagnes pres de Nicosie ville de Chypre au centre de l'isle, qui sont toutes couvertes de grosses escailles d'huistres. Et ne puis penser, adjouste-t-il, que ce ne soient des reliquats du deluge, dautant qu'il ne se trouve aucune huistre au rivage de la mer de Chypre.
Henrion[6] l[ib]. 5 de sa Cosmogr. c[ap]. 38 rapporte qu'en creusant les fossez de Veronne, l'on trouva quantité de coquille[s] de mer, des becs d'oiseaux [=dents de requins], des poissons transmuez en pierre & qui sans doute estoient argument de quelque deluge.
Quant a ces poissons petrifiez qu'on a quelques fois tirez des montagnes des Pyrenees en y creusant, comme tesmoigne Polybe, et Frey cap. 7 apres luy[7], c'est la mesme preuve.
Apulée en son Apolog. met en la Getulie sur les plus hautes montagnes des poissons, qu'il dit y avoir esté apportez par le deluge de Deucalion[8].
Mais devant tous ceux la, Hérodote[9] l. 1 ne tesmoigne-t-il pas qu'il se trouve des conques aux lieux les plus hauts de l'Egypte ?
Et Plutarque[10] au traitté d'Isis & d'Osiris ne tire-t-il pas cette consequence, que l'Egypte a esté autresfois toute couverte de mer, veu qu'encore aujourd'huy, dit-il, l'on trouve dans les mines [= carrières ?] et parmy les montagnes force coquilles de mer ?
Et Strabon l'a dit aussi clairement que l'Egypte, la contree de Lybie [sic] ou est le temple d'Ammon & l'Armenie, ont este autresfois terres sous la mer, comme les coquilles & les autres marques le monstrent[11].
Semblablement Solin c. 25[12] & [Pomponius] Mela l. 1[13] reconnoissent une inondation dans la Thessalie de ces mesmes vestiges. In Thessalia latebrosis rupium cavaminibus, quae fluctuum confligÿs [tunc] adesa [sunt] residua conchiliorum resederunt & ce qu'il appelle non languidae fidei diluvÿ vestigia[14].
Que veulent dire autre chose ces vers d'Ovide, que cela mesme ? C'est au c. 5 [?] de la Metamorph.[15]
Vidi ego, quod fuerat quondam solidissima tellus,
Esse fretum, vidi fractas ex aequore terras,
Et procul a pelago conchae iacuere marinae[16].
Et ce qu'il dit la mesme en general,
Et vetus inventa est in montibus anchora summis[17], s'est trouvé verisfié en Espagne, sur la montagne de Stella, au rapport de Mercator.
En fin il ne faut point apprehender comme estrange, qu'y ayant eu un deluge universel sur terre, il n'y en demeure des vestiges. Ce que dit elegamment & chrestiennement Oros.[18] l. 1. cap. 3. Fuisse diluvium etiam illi contestati sunt, qui praeterita quidem tempora, ipsum auctorem temporum nescientes, tamen ex indecis & conjectura lapidum, quos in remotis montibus conchis & ostreis scabros, saepe etiam cavatos aquis visere solemus, conÿenendo dideusrunt[19].
Mais voicy un passage de Tertullien, qui ne vaut guere moins que celuy la. Il est tiré du livre de pallio[20]. Mutavit & totus orbis, aliquando aquis omnibus obsitus adhuc maris conchæ & buccinæ peregrinantur in montibus, cupientes Platonis probare etiam ardua fluxisse[21].
Cet autheur donc est d'advis que telles coquilles de terre ont pris naissance ailleurs, & qu'elles demeurent la comme bannies de leur païs, & aussi bien hors de leur element quand elles sont hors de l'eau, que les poissons mesmes, a qui elles ont servy ; non pas qu'elles y meurent ou qu'elles y doivent pourrir, mais parce que ce n'est pas leur lieu natal.
Gaffarel en ses curiositez inouïes[22], rapporte qu'en un village de Provence pres de Forcalquier, on a autrefois trouvé dans une mine de pierre rougeastre & molle[23], quantité de figures peintes d'oiseaux, de rats, d'arbres, de serpens, & de lettres, si parfaittement representees, que les enfans les reconnoissoient, lesquelles il appelle Gamahez ou Camayeux. Au mesme endroit il cite Goropius Becanus[24] in Niloscopio l. 3 lequel asseure avoir veu en Angleterre une perche, poisson si parfaitement figuré sur une pierre, qu'il n'y avoit pas une escaille, ny aucune proportion qui n'y fust observee, & dit qu'elle avoit esté apportee des plus hautes montagnes de ce royaume la. Et quoy que l'un & l'autre se moque [sic] de Cardan, & des autres, qui maintiennent que telles choses se font par endurissement & par petrefaction, & que les hommes ou les eaux de la mer les y ont mises, ou les y ont portees ; & quoy que le mesme Gaffarel dit quelques fois qu'autresfois il avoit creu que nos coquilles fussent vrayes & naturelles coquilles de poisson, apieraies ou petrifiees, & non pas pierres faittes en coquilles, mais que maintenant il les tenoit pour gamahes, depuis qu'il avoit consideré qu'il s'en trouvoit a la crouppe des plus hautes montagnes; neantmoins la clause qu'il adjouste, quand il dit que la mer n'a point couvert l'Egypte, non plus que l'Apennin, les Alpes, & les Pyrenees, & que c'est chose absurde de le croire, si ce n'est, dit-il, qu'on l'entende du deluge universel, empesche qu'il ne conclue comme nous, mais seulement comme ceux qui ne veulent reconnoistre le grand deluge, dont le creance est un point de nostre foy. En tout cas, son opinion est particuliere, & ne peze pas plus que dix autres d'autheurs aussi judicieux que luy, pour le moins.
[La disposition des lieux est favorable à l'idée du Déluge]
La raison pour cet endroit du Causson d'aupres de Rheims est forte. C'est que la disposition de la montagne est telle, qu'elle feroit un parfait sein de mer, ou un golfe, si la campagne Rhemoise estoit couverte d'eau. Car elle se courbe comme un arc parfait, ou comme un croissant de la circonference d'environ une petite lieüe, & cette carriere est l'endroit le plus enfoncé, de sorte qu'on reconnoit evidemment qu'un flot de mer a jetté la plustost qu'ailleurs ce monceau de sable & de coquilles.
On me demandera si c'est le seul endroit ou il s'en rencontre. Je responds qu'il s'y en trouve quelques petites par cy par la en divers endroits de cette coste, & mesme j'en ay rencontré a quattre lieües de la, lesquelles j'estois bien asseuré qu'on n'y avoit pas apportees. Mais cela ne fait rien pour les autres, dont voicy la plus forte opposition.
[Le Déluge plus crédible qu'un jeu de la nature]
Le moyen de croire que de petites coquilles, qui ne semblent avoir qu'un jour, soient la depuis le temps du deluge, & qu'elle ne s'y soient point pourries ou corrompues. Il me semble que vers des gens d'esprit cela doit avoir bien peu de force car premierement ceux la ne seront ils pas bien ridicules, s'ils font semblant de douter que cette montagne la soit du deluge, comme si c'estoit une antiquité qui ne fust point autre part. Et si elle en est, pourquoy non de petits grains de sable qui s'y rencontrent, voire qui la composent [ne soient aussi le fait du déluge]. Secondement je maintiens que ce sable qui vient de mesme endroit que les coquilles, est fort propre pour les conserver leur estant comme conaturel [?]. Troisiemement, j'estime une forte preuve que ces conques ne se font pas la, de ce qu'ils disent ; parce que si elles s'y engendrent, on y en doit trouver qui soient fraisches & tendres, & d'autres qui soient imparfaittes & seulement commencees. Or est il qu'elles sont toutes blanches & fermes dans la carriere mesme, & l'air ne sert de rien pour les endurcir, comme il fait les pierres, la craye & les autres matieres qu'on tire de la terre, & qu'on appelle fossiles. Et ce qui est admirable, c'est qu'il ne s'y en void point qui ne soient en leur perfection, & qu'on puisse appeller esbauchees tant seulement & non achevees.
Mais l'on ne se rend pas encore, & l'on me dit que leur matiere, qui ne semble estre que craye, monstre leur origine, & que le païs de Rheims, ou il y a plus de crairies que de perrieres, est leur vray lieu natal, & que la terre, par consequent, est non seulement leur hostesse, mais leur nourrisse & leur mere. Je respons que comme les plantes changent un peu leur naturel en changeant de sol, les conques de mesme s'alterent un peu dans ce païs, & prennent la couleur de la terre, mais que nonobstant cela les tritons marins reconnoistroient bien que ce sont leurs trouppes & leurs amusements s'ils les voyoient.
[Adresse à Peiresc]
Celuy qui par divertissement de quelques autres estudes ausquelles sa charge l'oblige, a dressé ce petit discours, plustost pour son contentement particulier que pour faire perdre du temps a d'autres, qui l'employe [sic] mieux, seroit bien aise, puisqu'on l'a obligé de le faire transcrire [afin] d'avoir la dessus l'advis du tres docte Monsieur de Peiresc pour une sentence definitive. Et d'autant que sans la veüe des pierres mesmes dont on dispute, il est malaisé de former un jugement sain, il luy laisse envoyer a mesme temps quelques unes de ces coquilles qu'il a ramassees sur les lieux. C'est son tres humble serviteur. J. P.
2) Charles Cauchon de Maupas, baron du Tour, né à Reims en 1566 et décédé au Cosson en 1629, fut conseiller du roi et ambassadeur en Angleterre. Guillaume Baussonnet (s.d.) publia ses poésies à Reims en 1638 et lui fit un éloge. Gédéon Tallemant des Réaux, pourtant une méchante langue, le qualifie de « père des pauvres ». Il peut s'agir aussi de Jean Baptiste de Maupas, fils cadet du précédent, qui hérita du titre de Baron du Tour.
3) Gesner, Conrad (1565). Conradi Gesneri de Rerum fossilium, lapidum et gemmarum maxime, figuris et similitudinibus liber... Tiguri, 1565, in-8°, pièces liminaires+169 ff.
4) L'auteur évoque ici les causes dans le sens d'Aristote, qui distingue quatre causes, matérielle, efficiente, formelle et finale.
5) Thevet A. (1575). La Cosmographie universelle d'André Thevet cosmographe du Roy, illustrée de diverses figures des choses plus remarquables veuës par l'Auteur, & incogneuës de noz Anciens & Modernes. P. l'Huillier, Paris, in-4°, pièces liminaires + 467 f. + tables [f° 202v°].
6) Henrion, D. (1626). Cosmographie, ou Traicté general des choses tant celestes qu'Elementaires, avec les accidens & proprietez plus remarquables d'icelles […] seconde edition, reveuë, corrigée & augmentée. chez l'autheur, Paris, 1626. In-8°, paginé 113-934 p. (p. 745 : « lors que les Venitiens la fortifioient [Vérone], on trouva en ses fossez des caves creuses & ouvertes dans le tœuf, & fouïssant en la montagne on y rencontra des herissons [= oursins], coquillages, huistres, becs d'oiseaux [= dents de requins], poissons et autres choses transmuez en pierre »). Le passage ne figure pas dans la première édition de 1620. Cette découverte remontrait en fait à 1517, et avait inspiré à Fracastoro une remarquable doctrine sur l'origine des fossiles (cf. Ellenberger, 1988, pp. 164-165).
7) Frey, J. C. (1628). Iani Caecili Frey Admiranda Galliarum compendio indicata. F. Targa, Paris, 117 p. + pièces liminaires [BNF, 8-L15-6] ; p. 42 : « Polybus & Georgius Agricola tradunt post Pyrenaeos montes pisces fossiles reperiri » (Polybe et Georges Agricola rapportent que l'on trouve des poissons fossiles après les montagnes des Pyrénées).
8) Apulée, IIe siècle après J.C. ; cf. von Lasaulx, Die Geologie der Griechen und Römer. München, 1851.
11) Strabon, introduction (l. I) de la Géographie ; cf. Ellenberger, 1988, pp. 25-29.
12) Solinus, IIIe siècle après J.C., cf. Cai. Julii Solini De mirabilibus mundi [http://gallica.bnf.fr/, NUMM-60094, ch. 14 plutôt que 25] ; cf. Ellenberger, 1988, pp. 62-63.
14) « En Thessalie, dans les grottes secrètes des rochers, qui ont été rongés alors par les chocs des vagues, se sont arrêtés des restes de coquillages », et ce qu'il appelle « des vestiges assez fiables du déluge ».
15) Ovide (43 av. J.C.-17 ap. J.C.), Les Métamorphoses, livre XV, vers 262-265 ; cf. Ellenberger, 1988, p. 13-16.
16) « J'ai vu, moi, que, où avait été jadis la terre la plus ferme,/ était la mer, j'ai vu des terres faites au dépens de la mer,/ et bien loin de la haute mer des coquilles marines qui gisaient ».
18) Paul Orose (Ve s.). Adversus paganos historiarum libri septem [Histoires contre les païens], I, 3 ; cf. Ellenberger, 1988, p. 74.
19) « Qu'il y ait eu un déluge, s'en portent témoins même ceux qui, bien qu'étant dans l'ignorance des temps écoulés et de l'auteur même des temps, se sont instruits en conjecturant d'après les signes et l'interprétation tirés des pierres que, dans des montagnes éloignées, nous avons l'habitude de voir hérissées de coquillages et d'huîtres, et souvent aussi creusées par les eaux ». cf. Ellenberger, 1988, p. 74.
20) Tertullien (155- env. 220), De pallio, cap. 2 (e.g., 1595, BNF C-1596(1), p. 6) ; cf. Ellenberger, 1988, p. 74-75.
21) « L'orbe terrestre entier fut changé, étant un jour couvert par toutes les eaux. Encore maintenant des coquilles et buccins marins errent sur les montagnes, désirant confirmer Platon, que même les lieux élevés ont flotté dans l'eau ».