COMITÉ FRANÇAIS D'HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE (COFRHIGEO) (séance du 10 juin 2009)
Résumé.
Les rois de France ont affirmé très tôt leur droit à administrer l’exploitation du sous-sol et en ont confié la gestion à des officiers désignés à cet effet. Après la Révolution, les textes de 1810 définissent en la matière le rôle de l’État (loi du 21 avril 1810) et organisent le Corps des mines. Au cours des premières décennies du XIXe siècle, la géologie occupe une place importante dans les activités des ingénieurs des mines. La qualité de leurs travaux scientifiques est reconnue : ils sont nombreux dans la section de géologie et minéralogie de l’Académie des sciences, et très actifs à la Société géologique de France. Ils ont la responsabilité des Écoles des mines, et sont chargés d’établir et publier la Carte géologique de la France. Depuis deux siècles, les activités des ingénieurs des mines se sont progressivement diversifiées, mais le recours aux techniques issues de la géologie demeure pour la majorité d’entre eux essentiel (mines, carrières, eau, hydrocarbures, uranium, valorisation des matières premières minérales). La puissance publique puise largement les artisans de ses décisions au sein du Corps des mines, qui s’est adapté à l’élargissement de l’éventail de ses attributions. Les ingénieurs des mines, tout en continuant à assumer leurs missions antérieures, ont ainsi joué un rôle fondamental : dans la création et le fonctionnement des bureaux miniers, et dans l’évolution des structures qui ont abouti au Service géologique national, dans la pénétration et le développement économique des colonies et territoires de l’Union française (cartographie et prospection minière), dans la création et le fonctionnement des organismes chargés des interventions industrielles de l’État : sociétés minières (potasse, charbon,…) et pétrolières, COGEMA, branche minière du CEA, etc. Qu’ils soient restés ou non au service de l’État, la vocation sociale des ingénieurs des mines répond au même objectif : mobiliser les ressources de la science et de la technique au profit du bien public ou du progrès économique.
Mots-clés : France – Corps des mines – législation minière – attributions – ingénieurs des mines – responsabilités – géologie – géologie appliquée – XXe siècle – XXe siècle.
Abstract.
Beginning in the Middle-Ages, the Kings of France asserted their right to control the mining of the sub-stratum of France. They entrusted the management and the control of production to specially designated officers. Laws written in 1810 established the Corps des mines as an official agency of the French Government and specified its functions and responsibilities. Since the early nineteenth century, the engineers of the Corps des mines have used their geological expertise to oversee and regulate the safety and long-term viability of industrial mining of French soil. The value of their scientific work was widely recognized and many of them were members of the geology and mineralogy section of the Academy of Sciences, and were also very prominent in the French Geological Society. They have been in charge of the engineering school dedicated to the mining industry, École des Mines, since its founding in 1783. They also conducted the field work, the drawing up and publishing of the geological map of France. For the past two hundred years, the engineers of the Corps des mines have progressively diversified their professional activities and expertise. However, for many of them, the techniques derived from geology still remain important in their work (mining, quarrying, water, fossil energy, uranium, mineral industry). When the French Government has to appoint leaders of government-directed organizations, it often chooses members from within the Corps des Mines. As a result, its engineers, while pursuing their core mission, have played an instrumental part in: (i) the inception and management of public mining organizations, which later became the National Geological Survey; (ii) the early surveying and economical development of the colonies and territories of the French Union (cartography and mineral exploration); (iii) the creation of companies in charge of implementing and managing the industrial involvement of the French Government in such fields as mining potash, coal, oil, uranium… Whether its members continue to work for the Government or leave public service, the social mission of the Corps des mines keeps the same objective: to develop and apply scientific and technical resources for economic progress and the benefit of the general public.
Key words: France – Corps des mines – mining law – assignments – mining engineers – responsibilities – geology – applied geology – 19th century – 20th century.
|
Les médias se sont faits l’écho des réunions qui ont commémoré les deux-centièmes anniversaires de la loi du 21 avril 1810 relative à l’exploitation des ressources de notre sous-sol, et du décret du 18 novembre 1810 qui définissait peu après l’organisation du Corps impérial des ingénieurs des mines (Marbach, 2011).
En fait, l’intervention de l’État dans ce domaine, pas plus que le Corps des mines, ne sont apparus ex nihilo en 1810.
Rappelons tout d’abord en quelques mots l’importance et le rôle qu’ont joué depuis plusieurs millénaires, dans l’histoire de l’humanité, la recherche, la possession et la maîtrise des ressources minérales et surtout des métaux : alors que l’exploitation du sous-sol devança l’agriculture, les richesses qu’il renferme permirent ou favorisèrent le développement des civilisations et furent la cause de bien des conflits et de beaucoup d’invasions. C’est dire que la puissance publique y joua toujours un rôle, dont les modalités peuvent cependant largement varier d’un pays à un autre.
Mais pourquoi donc, en France, un Corps des mines ? La réponse est simple : parce que, dans notre pays, le pouvoir a décidé d’administrer très directement l’exploitation des ressources du sous-sol. L’existence même de ce corps de fonctionnaires concrétise cette volonté du pouvoir, une volonté qui remonte au Moyen Âge, mais dont la première transcription juridique (Benoît, 2010) apparaît au début du XVe siècle : les lettres patentes, données à Paris le 30 mai 1413 par Charles VI, considérées comme l’acte fondateur de la législation minière française, consacraient le droit régalien sur les ressources minérales, privant seigneurs et grands feudataires de droits qu’ils jugeaient appartenir exclusivement au propriétaire du fonds, principe longtemps affirmé – jusqu’au Bas Empire – par le droit romain.
Par la suite, le pouvoir royal fut de plus en plus conscient de la nécessité d’exploiter les mines et carrières au mieux de l’intérêt général, et d’éviter toute anarchie et tout gaspillage dans cette activité.
D’où, au cours des siècles, une série de textes, chaque souverain tenant à réaffirmer ses droits. Nous n’en rappellerons que quelques-uns. L’ordonnance de Louis XI (Samuel-Lajeunesse, 1948), en date du 27 juillet 1471, crée un Général maître gouverneur des mines, chargé de vérifier que le propriétaire est capable d’exploiter, ou sinon, de lui substituer des étrangers. Ce « maître des mines » est, semble-t-il, le premier « officier » chargé d’administrer le droit régalien, et, premier « ingénieur des mines »1, serait donc au Corps des mines ce qu’Adam est à l’espèce humaine ! Cette ordonnance créait en même temps l’organe, et la fonction qui restera celle d’agents de l’État dont l’appellation évoluera au gré des régimes et de textes qui, tout en reprécisant la fonction, réorganisaient l’organe plutôt qu’ils ne le créaient.
Le droit régalien ne s’exercera que sur certaines (charbon, fer et autres métaux, sel, frappé par la gabelle de sinistre mémoire) des substances susceptibles d’être exploitées, l’objectif étant d’accorder les concessions à des exploitants aptes et compétents.
Sous Louis XV, on doit à Daniel Trudaine une série d’actes, remarquables pour l’époque, en matière de mines. L’arrêt du Conseil du Roi du 14 janvier 1744 comporte les premières clauses générales de la police des mines. Plus tard, le Conseil du Roi en date, par un arrêt du 21 mars 1781, crée un corps de fonctionnaires, les inspecteurs des mines et minières du Royaume.
Dès le début de la Révolution, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (26 août 1789) consacre le droit de propriété comme un droit « naturel et imprescriptible,… inviolable et sacré », mais… « sauf nécessité publique constatée par la loi ».
Cependant, les besoins en métaux du pays et de ses armées ne peuvent être satisfaits, et l’instruction du 18 Messidor an IX cherche à corriger les retombées néfastes du retour au droit du sol. Le Premier Consul (devenu bientôt empereur) prend une part active à la préparation d’une nouvelle législation minière. Si Napoléon Bonaparte tient à ce que le droit sacré de propriété, affirmé par la Déclaration, et repris par le Code civil (article 552) ne soit pas remis en cause, il souhaite une administration raisonnée, efficace de l’exploitation des ressources du sous-sol national.
Au fur et à mesure que s’est développée l’emprise de l’État, le nombre d’« officiers » intervenant a cru autour du pouvoir central, puis dans les régions. En 1805, le Corps des mines est dirigé par un Conseil de trois membres, et comprend douze ingénieurs en chef et une vingtaine d’ingénieurs ordinaires. À partir de 1810, le « stationnement » d’agents des services des mines dans les départements est généralisé.
Malgré les remises en cause lors des soubresauts politiques que traversa la France au cours du XIXe siècle, la loi de 1810 resta sensiblement le cadre dans lequel s’inscrivit au cours du siècle la plus grande partie de l’activité des ingénieurs du Corps des mines.
Avant de revenir sur le Corps des mines et son action dans le domaine de la géologie, quelques réflexions générales sur le rôle d’un corps de fonctionnaires, et plus précisément sur le sens de la mission d’un corps technique.
Les « officiers », puis les Corps de fonctionnaires, ont été créés pour permettre au souverain d’exercer ses prérogatives puis, plus tard, de remplir ses missions d’administration dans les domaines dont la responsabilité lui a été confiée par la loi. Ont ainsi été créés nos différents Corps.
La mission fondamentale et permanente des Corps de fonctionnaires est donc d’administrer et de contrôler, dans l’intérêt général, le secteur qui leur est assigné. Les corps techniques n’ont pas, à ce titre, à intervenir directement dans la gestion quotidienne des agents économiques du domaine concerné, cette gestion relevant des entreprises, qu’elles soient privées, publiques ou semi-publiques. Mais au gré des options politiques, ou dans certains secteurs (télécommunications, poudres, tabacs…), ces Corps peuvent être, et ont été, de façon plus ou moins permanente, chargés directement de cette gestion. Depuis une vingtaine d’années, une conception plus stricte de l’extension du domaine régalien oriente l’adaptation de nos institutions, et les agents de l’État n’ont plus que rarement à exercer, en tant que tels, des activités de gestion directe.
Il faut donc admettre que, puisque la société évolue, puisque la législation et la réglementation s’adaptent à cette évolution, puisque le contenu – sinon l’esprit – du rôle de la puissance publique évolue en conséquence, le domaine dans lequel s’exerce l’activité d’un corps puisse changer corrélativement au cours du temps : les fonctionnaires ont pour mission générale d’aider le pouvoir, et celui-ci est fondé à leur demander une adaptation constante à l’évolution des besoins du pays. On peut même penser qu’ils ont le devoir moral d’essayer de prévenir cette évolution.
Notre pays a, a contrario, plutôt créé un nouveau Corps chaque fois qu’apparaissait un nouveau besoin. Il en a existé ainsi plusieurs centaines : en 2004, on en comptait 685, dont beaucoup en voie d’extinction. Un effort de rationalisation a ramené ce chiffre, en 2009, à 380.
Nous garderons en tête, quant à nous, ce caractère nécessairement évolutif du domaine d’activité d’un corps technique lorsque l’on constatera ci-après l’évolution des rapports entre le Corps des mines et la géologie.
En 1794, Charles-Etienne Coquebert de Montbret, alors rédacteur en chef du Journal des Mines, définit ainsi l’orientation générale de la mission du Corps des mines : « servir l’État en mobilisant les ressources de la science au profit du bien public et en diffusant le savoir ». Et lorsque, au récent colloque des ingénieurs du Corps des mines qui s’est tenu le 18 novembre 2010, un orateur se penche sur ses missions, il déclare ne pas trouver meilleure formule. Sans doute faut-il souligner que le « savoir » visé par Coquebert couvrait à l’époque a science et la technique.
Le Corps des mines n’a donc pas, pour vocation essentielle, la recherche (ajoutons fondamentale), ni la progression de la science et de la technique. Sa mission première est celle qui fut la raison d’être de la création des ingénieurs des mines : administrer ce que sont les prérogatives de l’État dans l’activité minière.
À l’énoncé de Coquebert, j’ajouterai cependant : « encore faut-il que la science et la technique soient suffisamment développées pour permettre une administration efficace », ce qui permet à mon sens à la fois d’éclairer l’importance, surtout au XIXe siècle, de l’apport du Corps des mines à la science géologique (voir ci-après), et le fait que ses membres se soient ensuite tournés vers d’autres préoccupations, dès lors que science et technique se développaient par ailleurs.
Quant à la diffusion du savoir, elle avait été affirmée comme une mission fondamentale des ingénieurs des mines : l’arrêt du Conseil du Roi du 19 mars 1763 créait l’École des mines (Aguillon, 1889 ; Chesneau, 1932) et les chargeait de son organisation, afin qu’y soient formés les ingénieurs et techniciens indispensables, mission qui conduisait nécessairement les enseignants (la quasi-totalité des professeurs étaient à l’époque membres du Corps des mines) à des activités de recherche. L’École des mines, qui va demeurer, jusqu’à la création en 1839 de l’École centrale des arts et manufactures, la seule école préparant des cadres pour l’industrie et offrant un enseignement d’exploitation des ressources du sous-sol, formera, non seulement les membres du Corps des mines, mais aussi les « ingénieurs civils » qui prendront une part déterminante dans les activités géologiques placées sous la responsabilité des ingénieurs des mines, comme dans le développement de l’industrie minière française.
Depuis le XVIIIe siècle, les missions du Corps des mines se sont profondément modifiées et n’ont cessé de se diversifier. Alors que, jusqu’au milieu du XIXe siècle, la pratique ou le contact avec la géologie étaient une règle quasi-quotidienne, cette diversification a éloigné de la géologie une proportion grandissante des ingénieurs des mines. En outre, pour la plupart de ceux qui sont restés en rapport avec les sciences de la Terre, la nature même de ce rapport a changé : l’ingénieur des mines, de « géologue chercheur » est devenu « géologue appliqué », puisqu’utilisateur de la contribution que la géologie apporte à l’exercice de ses responsabilités. Cette mutation nous paraît suffisamment essentielle, au regard du titre et de l’objet de notre propos, pour que nous ayons souhaité traiter d’abord des XVIIIe et XIXe siècles, période qui fut l’âge d’or des relations entre le Corps des mines et la géologie, puis, dans une deuxième partie, de l’évolution de ces relations jusqu’à nos jours, quitte alors à revenir sur des domaines déjà abordés : tel est le cas de la cartographie géologique, restée depuis deux siècles, en métropole comme dans les territoires qui firent partie de l’Empire français, sous la responsabilité d’ingénieurs des mines.
À la fin du XVIIIe et au cours du XIXe siècle vont se développer parallèlement deux systèmes cartographiques (Laboulais, 2010) répondant à des objectifs différents, mais complémentaires.
Pour assurer leur mission d’administration (délimitation des concessions, conseil aux exploitants, organisation de l’exploitation, établissement des redevances, sécurité et surveillance des conditions de travail…), les Services des mines eurent très tôt besoin de reporter sur des cartes la localisation des établissements industriels dans lesquels ils avaient à intervenir.
Une autre préoccupation s’était faite jour dès le milieu du XVIIIe siècle : comprendre la répartition des exploitations (mines et carrières), afin d’inventorier les ressources du territoire. Il fallait alors s’intéresser à la nature des terrains. Jean-Étienne Guettard, médecin, mais aussi botaniste et minéralogiste (qui, à ces titres, sera chargé, en 1748, du cabinet d’histoire naturelle du duc d’Orléans), présente en 1746, la Carte minéralogique où l’on voit la nature et la situation des terreins9 qui traversent la France et l’Angleterre, première tentative en France d’une approche spatiale et d’une cartographie géologique qui n’en portait pas encore le nom.
En 1766, Jean-Étienne Guettard entreprend l’élaboration d’un Atlas minéralogique de la France, avec l’aide de Lavoisier, pour rassembler les informations ponctuelles dont ont besoin les Services des mines. Le programme prévoit 214 feuilles fournissant des informations très complètes (211 signes distinctifs !). Mais seules quelques dizaines de ces cartes auront été publiées en 1780.
La Convention constate qu’une élaboration plus rapide de cette cartographie, est rendue impérieuse par le développement des grands travaux (les routes, puis bientôt les chemins de fer) et le recours indispensable à des matériaux d’origine locale est nécessaire pour couvrir à la fois les besoins des services des travaux publics et ceux des services des mines.
Le Conseil des mines, normalement chargé de cette tâche, souhaite en 1796 que ces cartes fournissent la localisation complète des mines, minières, carrières, salines, fourneaux, fonderies, usines… relevant de l’autorité des Services des mines, et qu’elles soient élaborées à partir des observations faites par les agents des mines lors de leurs tournées de terrain. En 1810, l’Administration constate que ce travail n’a pas été réalisé, « faute de moyens ». L’ordonnance du 5 décembre 1816 confirme la mission des Services des mines, qui demandent le concours financier des départements, mais ce n’est qu’à partir de 1835 que le travail sera généralisé, dans le cadre d’un programme de Cartes géologiques départementales détaillées, qui seront pour la plupart accompagnées de monographies départementales.
Entre temps, la première de ces cartes départementales, celle du Calvados, aura été levée par Arcisse de Caumont, naturaliste et « antiquaire », et aura été publiée en 1825. La réalisation du programme s’étalera sur le demi-siècle suivant. En 1868, 75 départements avaient été couverts par ces cartes, établies par des ingénieurs et techniciens d’origine et de formation variées (beaucoup étaient d’anciens élèves de l’École des mines, membres, ou non, du Corps des mines : 47 des 59 premières cartes publiées ont été établies par des ingénieurs des mines (Aguillon, 1897). Ces cartes ont mis à jour d’innombrables ressources minérales, mais chaque auteur était libre de son mode de représentation ; elles étaient de plus dressées sur des fonds topographiques divers (certaines sur la carte de Cassini), et à des échelles différentes, ce qui en rendait impossible la juxtaposition, un temps espérée par le Conseil des mines.
D’autres réalisations, en dehors des Services des mines, avaient eu pour objectif, dès le début du siècle, une représentation spatiale des terrains. La Carte géognostique des environs de Paris, de Georges Cuvier et Alexandre Brongniart est publiée en 1811. Omalius d’Halloy publie l’Esquisse d’une carte géologique du Bassin de Paris… (1816), et prépare la Carte géologique de l’Empire français, commandée par Napoléon en 1806, achevée en 1813, qui ne donnera lieu à publication qu’en 1822. Elle sera intitulée Essai de carte géologique de la France, des Pays-Bas et des contrées voisines.
Néanmoins, pendant quelques années, les ingénieurs des mines ont pensé qu’il était possible de concilier l’approche savante et l’approche économique. Le premier projet de Carte minéralogique de la France proposé dans cet esprit vers 1810 par Brochant de Villiers au nom de l’École des mines reste sans suite. Mais l’ordonnance royale de 1816 y revient, et charge le Conseil des mines de l’élaboration d’une carte conciliant ces deux approches, qui serait réalisée par l’ensemble des ingénieurs des Services des mines. Constatant que ceux-ci n’en ont pas le temps, Brochant de Villiers propose en 1822 d’affecter à cette tâche deux ingénieurs dégagés de toute autre responsabilité. Les levés d’Armand Dufrénoy et de Léonce Élie de Beaumont aboutiront à la publication en 1841 de la Carte géologique de la France, en 6 feuilles, à 1/500 000.
Le Service de la Carte géologique de la France est créé en 1868, et restera constamment dirigé par des ingénieurs des mines : Léonce Élie de Beaumont (1868), André-Eugène Jacquot (1874), Auguste Michel-Lévy (1888). Jusqu’en 1875, l’élaboration de la carte géologique à 1/80 000 est principalement, sinon exclusivement, l’oeuvre des agents des Services des mines, mais le rythme en est lent. La décision, en 1876, de faire appel à des « collaborateurs extérieurs » permettra seule d’accélérer la réalisation d’une couverture homogène, et de mieux suivre le rythme de parution de la carte topographique. Ces collaborateurs extérieurs sont essentiellement des universitaires, et la cartographie devient l’expression privilégiée de leurs recherches. Le Service de la Carte publiera parallèlement des cartes à 1/320 000 et à 1/1000 000.
La géologie est, dans les premières décennies du XIXe siècle, le domaine de prédilection de l’action scientifique des ingénieurs des mines. Ils ont en effet à coeur de faire progresser les connaissances scientifiques (aussi bien que les techniques) à la base de l’industrie qu’ils sont chargés d’administrer, ou indispensables à la formation des élèves qui leur sont confiés.
Le rappel détaillé des travaux de recherche faits par les membres du Corps des mines n’est pas l’objectif de cet exposé, mais l’importance de leur contribution à l’essor de la géologie française au XIXe siècle est marquée par la présence de ses membres au sein de l’Académie des sciences et de la Société géologique de France (Thépot, 1998).
À l’Académie des sciences, dans la section de géologie et minéralogie, 58 académiciens se sont succédé de 1795 à 1914 : 23, soit presque 40 %, appartenaient au Corps des mines. Entre Balthazar-Georges Sage et Albert-Auguste de Lapparent, on retrouve parmi eux la plupart des professeurs de l’École des mines de Paris. En outre, de nombreux ingénieurs des mines figurent dans la liste des « académiciens libres » de l’époque. Les ingénieurs des mines étaient certes présents dans d’autres sections de l’Académie, mais les 2/3 des académiciens membres du Corps des mines étaient des géologues au début du XIXe siècle. La proportion en diminua par la suite, mais la géologie a donc été à cette époque le domaine scientifique dans lequel les ingénieurs des mines ont été le plus actifs.
Au sein de la Société géologique de France, créée en 1830, les membres du Corps des mines ont joué un rôle important. Si la proportion des membres de la Société issus du Corps des mines n’a jamais dépassé 10 % de l’effectif global de la Société, il faut souligner que leur nombre représentait parfois presque la moitié de l’effectif du Corps. Mais, plus encore que par le nombre, le rôle du Corps a été important par les responsabilités que ses membres ont assumées au sein de la Société, et notamment de son bureau, surtout au cours des premières décennies de la Société. Les présidents ont très souvent été des ingénieurs des mines : sur la période de 70 années entre 1830 et 1900, les présidents ont été pendant 28 ans des membres du Corps, le plus souvent professeurs à l’École des mines : (dans l’ordre chronologique de leur première élection), Louis Cordier (en 1830, puis à quatre reprises), Alexandre Brongniart (deux fois), de Bonnard, Élie de Beaumont (à quatre reprises), Armand Dufrénoy (deux fois), Joseph Levallois, Achille Delesse, Daubrée, Albert de Lapparent (deux fois), Henri Douvillé, Alphonse Parran, Ernest Mallard, Marcel Bertrand, René Zeiller, Oscar Linder.
L’intérêt de ces énumérations est notamment que l’on y retrouve beaucoup de personnalités dont l’apport scientifique à la géologie et à la minéralogie a été honoré par leurs pairs, qui ont utilisé leur nom pour baptiser les espèces minérales nouvellement identifiées, ce qui constitue une reconnaissance pérenne de la valeur de leurs travaux, et un témoignage de l’importance de leur contribution à l’essor de la géologie française au XIXe siècle.
L’objectif des activités de tous les ingénieurs des mines n’était certes pas la recherche et l’enseignement, mais, au XIXe siècle, la plupart de leurs activités faisaient appel à (voire reposaient principalement sur) de solides connaissances géologiques, la pratique de la géologie se révélant être un facteur majeur du développement économique. La compréhension des gisements était un élément indispensable (avec la rigueur dans l’application du droit minier, le désir d’améliorer les techniques et le souci constant de la sécurité) d’une exploitation « en bon père de famille », les ingénieurs des mines devant « surveiller » mais aussi « porter secours et lumière » aux concessionnaires.
Les responsabilités dévolues aux Services des mines dépassaient déjà les mines et carrières de matériaux (Aguillon, 1897). Un exemple, bonne illustration de l’orientation générale de la mission du Corps des mines, « de la recherche scientifique à la mise en oeuvre du savoir » : Héricart de Thury, inspecteur général des carrières de la Seine, avait étudié les « fontaines jaillissantes », notamment celles de l’Artois, et en avait défini la théorie. Cela incita Arago, qui était alors « maire » de Paris, à confier en 1833 à l’ingénieur fontainier Georges Mulot le forage du puits de Grenelle. L’eau jaillira en 1841, lorsque le puits aura atteint une profondeur de 547 mètres.
Avec le développement du pays, et notamment de son industrie, l’activité des membres du Corps des mines va progressivement se diversifier.
Si les ingénieurs des mines poursuivent les travaux de leurs prédécesseurs du début du XIXe siècle, cette diversification va intervenir selon trois axes : quant à son champ géographique, à son objet, et à son contenu :
Avant d’essayer de balayer l’éventail des activités des ingénieurs des mines, en commençant par les activités de recherche et d’enseignement, une mention particulière sur les responsabilités du Corps des mines dans le domaine de l’eau et qui concernent les eaux thermales, les eaux souterraines (Le Service des eaux minérales est rattaché, en 1854, à l’Administration des mines), mais aussi, partiellement, les eaux superficielles.
Dans le sillage de leurs illustres anciens, tout en professant dans les Écoles des mines (à Paris principalement), nombreux sont les ingénieurs des mines qui s’illustrent dans la recherche dans le domaine des sciences de la Terre (Chesneau, 1932). Citons en particulier : Edmond Fuchs (géologie minière), Louis de Launay (notion de province métallogénique), Pierre Termier (tectonique alpine), Georges Friedel et François Grandjean (cristaux liquides), Conrad Schlumberger (géophysique), Georges Painvin (paléontologie), André Demay (microtectonique), Eugène Raguin (roches plutoniques et gîtes minéraux), Jean Goguel (étonnant par l’éventail de ses recherches en tectonique, géophysique, géothermie, etc.), Louis Neltner (géologie), Hubert Pélissonnier (gisements minéraux), Georges Matheron (géostatistique).
Dans leurs activités de recherche, l’apport original des ingénieurs des mines est de mettre leur solide formation en mathématiques, physique, chimie, mécanique, etc. au service de la géologie, en essayant de quantifier les phénomènes, mais sans jamais oublier, dans ce délicat échange et cette interaction entre disciplines de domaines connexes, l’absolue nécessité d’une observation scrupuleuse et méticuleuse des faits.
Dans les Écoles des mines, l’enseignement s’adresse aux futurs ingénieurs des mines (à Paris, de l’ordre d’une dizaine par an), mais aussi aux futurs « ingénieurs civils » Tous ces élèves sont entrés dans ces Écoles à la suite d’une sélection basée principalement sur les mathématiques, la physique, la chimie, etc. Le contact avec les sciences de la nature (cristallographie, minéralogie, géologie), sensiblement nouveau pour eux, va leur apporter un complément de formation essentiel. Les membres du corps professoral responsables de l’enseignement de ces disciplines s’attachent à leur démontrer la multiplicité des relations et la complexité du jeu des phénomènes qui interfèrent dans les sciences naturelles (et notamment la géologie), préparant ainsi les futurs ingénieurs à la confrontation avec les situations qu’ils vont rencontrer dans leur vie professionnelle, et qui n’ont que peu à voir avec la simplicité rigoureuse des mathématiques.
Hubert Curien insistait à cet égard sur les vertus particulières de la minéralogie et de la cristallographie dans un enseignement global destiné à des ingénieurs (Curien, 1998).
À la mort d’Auguste Michel-Lévy (1911) le Service de la Carte géologique sera dirigé successivement par Pierre Termier, puis (1930) par Louis de Launay, (1940) Eugène Raguin, et (1953) Jean Goguel, jusqu’à son rattachement en 1968 au BRGM (Médioni, 2009).
La couverture à 1/80 000, réalisée pour 71% (191 coupures) du territoire national à la fin du XIXe siècle, sera considérée comme une priorité, mais la dernière coupure ne sera publiée qu’en 1962. Cependant, le Service obtient en 1913 l’autorisation de dresser et publier une nouvelle carte à l’échelle du 1/50 000, dont les premières coupures paraîtront à partir de 1924. Les levés se poursuivent grâce aux collaborateurs extérieurs, mais la recherche universitaire se tournera progressivement vers les études thématiques. Jean Goguel obtient heureusement la possibilité de recruter un certain nombre de géologues, le rythme des travaux ne pouvant que suivre celui de l’établissement par l’Institut géographique national des fonds topographiques en courbes de niveau.
Le BRGM a poursuivi, sous la direction de Jean Goguel, jusqu’à sa retraite, les levés et publications, qui bénéficient de l’appui de ses Services. À la fin du XXe siècle, 92 % de la couverture à 1/50 000 étaient disponibles ; aujourd’hui (fin 2010), 1023 feuilles (sur un total de 1060) sont proposées à la vente. La direction du BRGM prévoit que les levés de terrain seraient terminés à la fin de l’année prochaine, et pour la fin 2012, la publication des dernières coupures.
À d’autres échelles, le BRGM a également poursuivi, pour remplacer la carte de synthèse à 1/320 000, l’établissement d’une couverture au 1/250 000 (15 coupures, sur 44 – plus 6 pour le plateau continental – sont aujourd’hui disponibles), a réédité la carte à 1/1 000 000, et publié, pour le XXVIe Congrès géologique international (Paris, 1980) une carte à 1/1 500 000 étendue au plateau continental.
Il faut enfin mentionner l’établissement et la publication des cartes géophysiques de la France : carte gravimétrique (à 1/80 000, à 1/200 000, et à 1/320 000), carte magnétique (à 1/80 000, et 1/250 000), plus récemment spectrométrie gamma.
Enfin, les préoccupations de la puissance publique ont conduit le BRGM à diversifier ses productions cartographiques et à établir notamment des cartes des risques naturels : les premières cartes de représentation des risques sismiques, ont été fournies à l’occasion du 26e Congrès géologique international.
Les ingénieurs des mines ont joué un rôle déterminant dans l’évolution des structures et des organismes qui a abouti en 1969 à l’individualisation au sein du BRGM du Service géologique national.
Alors que les activités du Service de la Carte constituent un élément essentiel de celles de tout Service géologique national, une autre étape est franchie avec la création, à l’initiative conjointe de Pierre Pruvost et d’Edmond Friedel, respectivement professeur à la faculté des sciences de Lille et chef de l’arrondissement minéralogique de Douai, du Bureau de Recherches géologiques et géophysiques (BRGG). Ce service extérieur de la Direction des mines a pour mission initiale le recueil, la conservation et la mise à la disposition du public des données (y compris échantillons) sur le sous-sol. Au sein du BRGG, devenu en 1953 Bureau de Recherches géophysiques, géologiques et minières (BRGGM) se développent des activités de géologie appliquée, eaux souterraines, prospection minière, visant à un inventaire des ressources du sous-sol national, elles aussi classiques du rôle d’un Service géologique national. En 1959, le BRGGM est fusionné avec les bureaux miniers créés en dehors de la France métropolitaine, au sein du BRGM (Bureau de Recherches géologiques et minières), qui poursuit et développe ces activités. À l’issue de longues discussions et rapports auxquels prennent part universitaires (notamment Marcel Roubault et Georges Millot) et ingénieurs des mines (Pierre Laffitte, Raymond Fischesser, Claude Daunesse, directeur des mines, dont le rôle va s’avérer déterminant), le Service de la Carte géologique est rattaché au BRGM à compter du 1er janvier 1968. L’opération a été facilitée par la promesse faite que les collaborateurs extérieurs conserveront leur rôle, et par l’évolution de l’orientation de la recherche universitaire. En 1969, la direction du BRGM fait constater par le directeur des mines que l’une des branches du BRGM a toutes les activités d’un Service géologique national, et qu’il suffit de lui en donner le nom : proposition acceptée.
Mention doit être faite ici de la part importante qu’a prise le Service géologique national dans la préparation du 26e Congrès géologique international, tenu à Paris en 1980. Plusieurs ingénieurs des mines ont personnellement participé à son organisation.
Depuis, la tendance étant de réserver l’activité de l’administration de l’État et des organisations qui lui sont propres à l’exercice de son rôle régalien, le BRGM a perdu son activité industrielle en filialisant, puis en cédant ses participations minières, et son activité commerciale. Le BRGM constitue donc aujourd’hui, bien qu’il n’en porte pas le nom, le Service géologique national.
Dans ce long cheminement, les directeurs généraux ont toujours été des ingénieurs des mines. Les présidents l’ont été quelquefois, mais lorsque les deux personnalités à la tête du BRGM n’avaient pas la même origine, la diversité de leurs expériences, leur donnant accès à des réseaux de contacts différents, a été bénéfique, la collaboration s’étant révélée plus souvent harmonieuse que conflictuelle.
Par ailleurs, en confiant des responsabilités de direction scientifique à des universitaires (Maurice Roques, Robert Lafitte, Pierre Routhier) le BRGM a maintenu une liaison étroite avec les milieux de la recherche.
Il ne faut pas attendre le XXe siècle pour voir les ingénieurs des mines souhaiter le déroulement de leur vie professionnelle en dehors de la métropole. Dans le développement économique, l’exploration géologique et la recherche de ressources minérales jouent un rôle de premier plan ; les ingénieurs des mines ont accordé un intérêt tout particulier à ces missions qui leur ont été confiées dans les territoires d’outre-mer sous autorité française.
En Algérie, des ingénieurs des mines participent à la première pénétration, et sont chargés d’établir une esquisse géologique et un inventaire des richesses minérales. La carte géologique à 1/400 000, décidée en 1852, est établie par trois ingénieurs des mines, et publiée en 1881. Le Service de la Carte géologique de l’Algérie est créé en 1883 et confié à Justin Pouyanne.
Certains de leurs collègues dirigent ou sont associés aux missions de reconnaissance qui avaient pour but de définir le tracé de l’ambitieux projet de chemin de fer transsaharien. Jules Roche participa aux deux missions Flatters et fut massacré aux côtés de Flatters en 1881.
En Tunisie, après la signature du traité du Bardo (1881) des ingénieurs des mines participent à la Mission d’Exploration scientifique. L’un d’eux, Francis Aubert, établit une Carte géologique provisoire au 1/800 000. Le Service des mines est créé en 1903 sous la direction de Georges Gourguechon.
Au Maroc, Pierre Despujols dirige le Service des mines et de la Carte géologique créé en 1919, et sait réunir autour de lui des ingénieurs et géologues qui contribuèrent grandement au développement de la connaissance géologique de l’Empire chérifien. Louis Neltner établit, de 1927 à 1931, dans des conditions de haute insécurité, la carte de l’Atlas et de l’Anti-Atlas.
L’État français mit quelque temps à faire du développement économique un élément de sa politique dans l’Empire colonial français ou les territoires sous mandat. Un corps particulier, le « Service colonial », plus souvent appelé Mines Colo, est créé en 1919, mais les ingénieurs des mines qui y sont affectés sont tout d’abord chargés surtout de tâches administratives.
Ils vont cependant plus tard largement contribuer au développement économique grâce en particulier à Fernand Blondel (Legoux et Marelle, 1991). Jeune ingénieur des mines et grand voyageur, celui-ci avait été frappé par la différence d’approche de la Grande-Bretagne et de la France dans leur politique coloniale. Il crée en 1930 le Comité, puis Bureau d’études géologiques et minières coloniales. Il était persuadé que le continent africain contenait des ressources minérales importantes, et son opiniâtreté conduira au développement de Services géologiques compétents dont la mission concernait la cartographie ainsi que la connaissance et l’exploitation des ressources naturelles.
Des structures sont ainsi mises en place en AOF et en AEF.
En AOF, on compte déjà des réalisations en 1939 : grâce aux travaux des équipes menées par Jean Malavoy, Pierre Legoux présente en 1939 une carte à 1/500 000 de cette partie de l’Afrique.
Après 1945, les travaux s’intensifient, au sein des Directions de la géologie et des mines d’AOF et d’AEF ; la cartographie vise à la fois le levé des formations géologiques et la prospection générale, et l’on retrouve alors le double objectif poursuivi, puis abandonné, au début du XIXe siècle. Les ingénieurs des mines qui sont détachés en Afrique se passionnent tout particulièrement pour cette activité, accompagnant les équipes dont ils ont la responsabilité ou participant à leurs travaux. La publication de la carte est accompagnée de mémoires descriptifs, qui ont souvent donné lieu à la soutenance de thèses de doctorat, les ingénieurs des mines se trouvant ouverts à une collaboration avec l’Université qui trouvait là matière à de nouveaux travaux de recherche.
En Indochine, Honoré Lantenois réorganise le Service géologique (créé en 1898) et publie en 1907 sa Contribution à l’étude géologique de l’Indochine.
Madagascar ne fait partie de l’Empire français qu’à la fin du XIXe siècle, mais ses ressources minières et l’extrême abondance et la diversité de ses richesses minérales y ont déjà attiré mineurs et géologues. Le Service géologique y est établi en 1922. Henri Besairie y organise la cartographie et, à partir de 1956, la prospection minière systématique. Il dirigera le Service jusqu’à sa retraite (1965).
Dans les autres territoires de l’Empire colonial français, les premières reconnaissances géologiques ont plutôt été le fait des géologues universitaires jusqu’à ce que le BRGM reprenne ensuite la responsabilité d’une couverture géologique plus systématique.
Alors que, depuis une dizaine ou une vingtaine d’années, l’État, dans une politique de privatisation, se désengage de toute responsabilité industrielle directe, il n’en a pas toujours été ainsi, et, au cours du XXe siècle, il fut souvent exploitant (quelquefois temporairement) de ressources minérales.
Après le retour de l’Alsace sous autorité française sont créées en 1924 les Mines domaniales de Potasse d’Alsace .
La nationalisation des exploitations de charbon est décidée à la fin de la Seconde Guerre mondiale ; sont alors créés les Charbonnages de France et les Houillères de bassins.
La Compagnie française des Pétroles conserve longtemps l’État comme principal actionnaire. La Régie autonome des Pétroles, la Société des Pétroles d’Aquitaine, la Société nationale de Recherche et d’Exploitation des Pétroles en Algérie (SNREPAL) et la Société de Recherches et d’Exploitation des Pétroles en Tunisie (SEREPT), créées par l’État, ont pour mission de développer les intérêts français dans les hydrocarbures.
Lorsque l’État décide que la France doit devenir autonome dans l’énergie atomique, il crée le CEA, qui devient l’exploitant des gisements d’uranium qu’il a découverts. Les structures changent (création de COGEMA, Compagnie générale des Matières nucléaires, filiale du CEA, puis d’AREVA), mais l’État demeure indirectement exploitant de mines.
Au début de la décennie 1980-1990, la vague de nationalisations concerne un certain nombre de mines, qui retourneront ensuite au secteur privé.
Outre-mer, l’État français veut aller au-delà de la mise à disposition d’éventuels exploitants des documents de base que sont la carte géologique et les résultats de la prospection générale : il va créer les « bureaux miniers », ayant vocation à développer les indices relevés par la prospection, en démontrer l’exploitabilité, puis promouvoir leur exploitation dans le cadre de société industrielles dont ils resteront actionnaires. Le Bureau de Recherches et Participations minières (BRPM), créé au Maroc en 1928, est le premier exemple. Suivront, en 1948, le Bureau minier de la France d’Outre-mer (BUMIFOM) pour l’Afrique subsaharienne, Madagascar et la Nouvelle-Calédonie, ainsi que le Bureau de Recherches minières en Algérie (BRMA), et, en 1949, le Bureau minier guyanais (BMG).
L’État a le plus souvent chargé des ingénieurs des mines de la création de ces différentes structures. Ils y demeurent très nombreux en activité. Même s’ils ne sont pas des spécialistes de géologie, ils ne peuvent assumer leurs responsabilités sans prise en compte de ses indispensables apports.
Beaucoup d’ingénieurs du Corps des mines qui quittent le service de l’État vont conserver des relations avec la géologie.
Les sociétés minières françaises ont toujours compté dans leur état-major des ingénieurs issus du Corps des mines : mines de fer, de sel, Penaroya, Pechiney, Le Nickel. Ils restent présents aujourd’hui dans les sociétés exploitantes, en métropole, et outre-mer (Eramet, pour le nickel en Nouvelle-Calédonie et pour le manganèse au Gabon). Il en est de même dans l’industrie pétrolière (sociétés déjà citées, ou autres), les minéraux industriels (Imerys), les matériaux de construction, l’industrie du ciment (Lafarge).
Au 1er janvier 2009, le Corps des mines, tel que défini par le décret de 1810, a été fusionné avec le Corps des ingénieurs des télécommunications, créé en 1902. Le Corps ainsi réorganisé porte le nom de « Corps des mines ». Le Corps des mines n’a donc aujourd’hui ni deux cents ans, ni plusieurs siècles, mais un peu plus de deux ans. Je conclurai néanmoins par ce qu’il était licite d’écrire à la fin de l’année 2008.
Le XIXe siècle fut l’âge d’or des relations entre le Corps des mines et la science géologique. Par la suite, ces relations ont été davantage du domaine de la géologie appliquée que de la recherche. La géologie n’est plus aujourd’hui un volet majeur des activités de beaucoup d’ingénieurs des mines, mais tous, quel que soit leur domaine professionnel, demeurent néanmoins très conscients de l’importance des ressources minérales Ceux qui, encore nombreux, participent à l’exploitation de ces ressources, savent la nécessité, pour les rechercher, les exploiter et les utiliser au mieux, de faire converger l’emploi de toutes les sciences et techniques disponibles, au nombre desquelles la géologie occupe une place de premier plan. Si, depuis deux siècles et demi, les ingénieurs des mines ont pris une part importante dans les progrès de la géologie, celle-ci, avec ses applications et les techniques qui en dérivent, apporte à beaucoup d’entre eux, qu’ils soient restés ou non au service de l’État, une contribution majeure à l’exercice des responsabilités qui leur sont confiées.