Autour du catastrophisme -- Des mythes et légendes aux sciences de la vie et de la terre
par Claude Babin
COMITÉ FRANÇAIS D'HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE (COFRHIGEO) (séance du 14 décembre 2005)
Voici un livre qu'on attendait. La question du catastrophisme en géologie, qui s'est brutalement réveillée voici un quart de siècle, méritait une étude. Claude Babin a mis sa culture au service de ce travail. Bien connu pour ses multiples ouvrages, depuis ses fameux Eléments de paléontologie en 1971 jusqu'à l'Histoire de la Terre (avec Serge Elmi), l'auteur qui a enseigné la géologie historique et la paléontologie, successivement aux universités de Bretagne occidentale et de Lyon I, s'est de longue date intéressé au problème des extinctions en masse. Or, comme on sait, la question a brutalement pénétré le grand public en 1980, suite à un article de Luis et Walter Alvarez qui attribuaient l'extinction fini-crétacé (dont on retint la mort des dinosaures) à l'impact d'un astéroïde qu'on retrouva, début des années 1990, dans le golfe du Mexique.
Après avoir rappelé cet épisode, l'auteur étudie ce qu'on a pu dire à travers les âges du danger venu du ciel : comètes, astéroïdes, météorites et astroblèmes. Un chapitre est ensuite consacré aux extinctions en masse, dont celle de la limite K-T n'est pas la plus importante, comme on sait. Il fait notamment remarquer la difficulté des fondateurs de la théorie synthétique de l'évolution à prendre en compte des phénomènes qui contredisaient leur gradualisme.
La partie suivante, des mythes aux sciences de la nature, montre comment on est passé des déluges des textes antiques (Gilgamesh, Noé,…) aux cataclysmes des théories de la Terre (Burnet, John Woodward, Whiston), fin XVIIe siècle. Une autre partie est consacrée à la tourmente polémique du XIXe siècle : catastrophisme versus uniformitarisme et actualisme, représentés respectivement par Cuvier et Charles Lyell, auxquels Claude Babin ajoute de multiples noms de devanciers et opposants, enrichissant ainsi l'exposé classique de la question.
L'épilogue évoque la longue domination de l'actualisme et le retour de la discontinuité, les élucubrations de Velikovsky précédant les travaux plus sérieux : macromutations de Richard Goldschmidt et équilibres intermittents de Stephen J. Gould et Eldredge. Et l'ouvrage se clôt sur une belle interrogation à propos des mots : événement, déterminisme, contingence, qu'on peut résumer en notant que, si l'actualisme méthodologique reste indispensable, il ne doit pas exclure la prise en compte du contingent qui n'est pas forcément catastrophique.
Parmi les bonnes choses lues dans ce bel ouvrage, je note que l'auteur fait justice des propos, qu'on trouve encore chez Claude Allègre ou Patrick Tort, selon lesquels Cuvier fait appel à la théorie des créations répétées pour compenser ses catastrophes. Il rappelle que cette dernière nous vient de l'abbé Croizet (1828). Mais il place malencontreusement Lacépède (1800) dans le chapitre sur l'accueil fait au Discours préliminaire de Cuvier (1812). Dernière remarque : Elie de Beaumont se prénomme Léonce, Elie est son nom (de roturier) auquel son grand-père ajouta un titre nobiliaire.