COMITÉ FRANÇAIS D'HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE (COFRHIGEO) (séance du 14 décembre 2005)
Résumé.
Entre les auteurs de l’Antiquité et les premiers travaux de la géologie professionnelle fin dix-neuvième siècle, il faut rappeler l’apport intéressant, mais souvent négligé, de générations de naturalistes, d’ingénieurs et de cartographes qui ont posé les premiers fondements d’une étude de la Camargue entre le seizième et le début du dix-neuvième siècle. L’hypothèse d’un golfe marin primitif remonte à l’année 1731. L’observation de la formation des terres alluvionnaires ou « créments » est encore plus ancienne, exigée notamment par les innombrables procès qu’entraînent leur statut juridique. Fin dix-huitième siècle sont reprises et précisées les études des anciens bras du Rhône et de la Durance. On essaie de mesurer les progrès historiques du delta. Il faut attendre le cœur du dix-neuvième siècle pour que se développent les études de terrain, notamment des anciennes dunes et bourrelets côtiers (notion de cordon littoral fossile). À toute époque, les progrès de la cartographie accompagnent ceux de l’étude du delta du Rhône, avec des accélérations lors des grandes crises fluviales rhodaniennes fin seizième, début dix-huitième et milieu dix-neuvième siècle, crises fluviales coïncidant avec la période dite du Petit Âge glaciaire selon l’expression convenue.
Mots-clés : actualisme - alluvions - delta - cordon littoral - embouchure - mobilité - transport solide - xvie siècle - xviie siècle - xviiie siècle - xixe siècle.
Abstract.
Between the authors of the Antiquity and the first geological and professional studies in the late nineteenth century, the interesting but often neglected contribution of the naturalists, engineers and cartographs from the sixteenth to the mid-nineteenth centuries is to be remembered because they have later founded the basis of the study of the Camargue delta. The hypothesis of a primitive gulf arises in 1731. The formation of the alluvion soils or « créments » had been observed earlier, especially because of the numerous trials relative to their legal status. During the late eighteenth century, the studies of the ancient channels or beds of the Rhône and the Durance started again in a more precise way. The measure and historical progress of the delta are attempted. It is necessary to wait until the mid-nineteenth century for the development of the field investigations, especially of the ancient dunes and coastal formations (offshore bars). At every time, the progresses of cartography are related to the study of the Rhône delta, especially hastened during the fluvial worst Rhodanian crisis in the late sixteenth, early eighteenth and mid-nineteenth centuries. This fluvial crisis is rightly related to the so-called Little Ice Age.
Key words: : actualism - alluvium - delta - offshore bar - river mouth - mobility - solid carriage - xvith century - xviith century - xviiith century - xixth century. |
Les idées sur la formation de la Camargue peuvent apparaître depuis très longtemps du ressort de l’évidence, le Rhône et la mer étant les acteurs principaux. Plus énigmatique apparut son encadrement, notamment celui de la Crau, qui ne manqua pas d’exciter les auteurs modernes, depuis le seizième siècle. Le travail de la géologie professionnelle, notamment universitaire, fut tardif. Mis à part les leçons de géologie pratique d’Elie de Beaumont sur les deltas (1845), les premiers écrits synthétiques furent ceux d’historiens comme Ernest Desjardins en 1866, puis de techniciens géologues professionnels comme Émilien Dumas en 1876. Un conducteur des Ponts et Chaussées, Théodore Picard fut sans doute le premier, en 1901 seulement, à proposer une synthèse stratigraphique de la région. Les auteurs qui ont travaillé sur la Camargue ont relevé avec soin les noms et l’apport des prédécesseurs, mais en passant très souvent directement des auteurs de l’Antiquité (Polybe, Pline, Artémidore, Pomponius Mela, Strabon ou Ptolémée, etc.) à ceux qui viennent d’être cités.
L’époque moderne, du seizième au dix-huitième siècle, a pourtant fait progresser l’observation du terrain deltaïque mais aussi les idées sur sa formation et celui de son cadre, au moins pour la période de l’Holocène récent. Le rôle des grands naturalistes méridionaux, qui va être rappelé, fut plus descriptif et spéculatif que véritablement exploratoire. S’aventurer dans l’île de Camargue elle-même était périlleux. Même les cartographes du Génie y renoncèrent au dix-huitième siècle, sous le prétexte que les rivages étaient par eux-mêmes dissuasifs pour d’éventuels ennemis. Deux passages seulement étaient aisément disponibles en temps normal (hors fortes crues et les fréquents passages de glaces[1]), le pont de bateaux entre Arles et son faubourg camarguais de Trinquetaille et, sur le Petit Rhône, le bac d’Albaron (dit Le Baron). La présence de marais s’accompagnait bien sûr de maladies pouvant effrayer l’étranger de passage ou le voyageur. Le nord du delta était entièrement cultivé en de grands domaines des quartiers de la Corrège, Camargue majeure et Montlong, parcourus de roubines et de fossés divers pour les « écoulages ». La basse Camargue à demi sauvage des étangs et des marais nécessitait des guides locaux. D’ailleurs les fréquentes inondations achevaient d’en faire un pays hostile. L’abbé Giraud Soulavie n’avança, selon ses dires, que sur ses abords immédiats, comme Aigues-Mortes. Henri Gautier fit pourtant d’intéressants prélèvements aux embouchures du fleuve pour l’étude des transports solides en suspension dont il donna une évaluation approchée vraisemblable (voir ci-après).
Ce furent en définitive d’obscurs praticiens, arpenteurs ou cartographes, qui, sur place, accumulèrent les observations et les matériaux permettant de mettre au jour les processus dynamiques de formation et d’accrétion se produisant lors des crues ou des apports réguliers. De la fin du seizième jusqu’en plein dix-neuvième siècle, ces praticiens se relayèrent, rejoints bientôt par les premiers ingénieurs du roi, notamment le plus illustre, Vauban, au moment où le problème des embouchures devint de plus en plus crucial pour la protection de l’habitat et pour le commerce ou pour l’approvisionnement des arsenaux de Toulon et Marseille.
Figure 1. Titre et frontispice de l’ouvrage de Barthole redessiné par Antoine Borel d’Arles.
L’observation « au ras du sol » des effets du transport et de l’accumulation des matériaux du fleuve fut le rôle essentiel des arpenteurs-cartographes, sans cesse sollicités pour les procès et chicaneries sans nombre que les emportements et les accrétions de terres entraînaient. Arles et la Camargue firent naître et prospérer ce type de spécialistes, au moins dès le quatorzième siècle avec Bertrand Boysset, célèbre arpenteur et mémorialiste arlésien. Fin seizième siècle et début du suivant, avec la reconstruction suivant les guerres civiles, les travaux furent multiples et accaparèrent l’activité d’Antoine Borel et d’Antoine Coutard. Le premier, de culture aussi bien juridique que technique et humaniste, remit en honneur le Traité de Barthole jurisconsulte touchant les alluvions et accréments du terroir de Tybériade. Barthole de Sassoferrato est un auteur du treizième siècle dont l’ouvrage fut imprimé à Venise au quinzième siècle. Borel y ajouta ses propres observations et dessins représentant les apports fluviaux ainsi que la façon de les départager entre riverains. Coutard travailla surtout en basse Camargue, dans les domaines dits du Bras Mort et l’Escale de Labech. Il y cartographia avec une grande acuité les marais et anciens bras en voie d’eutrophisation et d’atterrissement. La mobilité des terres et des eaux était devenue le phénomène le plus familier de tous les Arlésiens, sans provoquer encore de véritable réflexion théorique. Un auteur comme Pierre Quiqueran de Beaujeu, en sa Provence Louée, fait de la Camargue, en parallèle avec le Nil, une sorte de don du Rhône, dont il décrit les apports fertilisants. Mais c’était encore l’époque du clément et « beau seizième siècle », avant les crises aussi bien politiques, religieuses que naturelles qui marquèrent la fin de ce siècle.
Par crise, on entend ici une accélération des crues, notamment des crues débordantes, et des transformations territoriales importantes. Par exemple, formation ou destruction d’îles fluviales ou des embouchures, formation de terres nouvelles ou « créments », dans la terminologie locale, enfin changement de cours et défluviation (ces dernières plus ou moins orientées par les hommes). Ce fut le cas à la fin du seizième siècle et au début du suivant (l’événement fut daté de 1587), à l’époque des Borel et Coutard. Le retour des glaces fluviales en 1564-1565, général en Europe, marque également cette période. On retrouve tous ces éléments, plus accentués encore, à la fin du dix-septième siècle et au début du dix-huitième. La défluviation datée de 1711 en marque le terme provisoire. C’est l’époque du travail sur place d’Henri Gautier, dont les observations aboutirent à une véritable réflexion théorique de naturaliste et géologue avant la lettre. Ce fut aussi l’époque d’une grande activité cartographique annuelle aux embouchures avec le professeur d’hydrographie Noël Advizard. Une troisième époque critique marqua le milieu du dix-neuvième siècle : retour des crues catastrophiques comme en 1840, 1842 et surtout 1856. Ce fut le départ d’une réflexion beaucoup plus large qui lia les événements deltaïques à l’état des bassins fluviaux situés en amont. L’auteur éponyme fut cette fois Alexandre Surell qui travailla aussi bien sur les embouchures du Rhône que sur les torrents alpins.
L’apport rhodanien pouvait s’observer annuellement, celui de la mer ne l’était pas moins, mais peut-être à plus long terme. L’abaissement graduel de celle-ci était une opinion largement partagée, même si l’on constatait de temps à autre ses ravages par incursions violentes en basse Camargue, par vent de Labech (Sud-Est). Les premières hypothèses sur sa présence ancienne dans le delta furent émises dès le dix-huitième siècle.
Un auteur de Beaucaire, Charles Virgile de la Bastide a formulé le premier cette idée d’un ancien golfe antérieur à la construction du delta. En 1731 parurent à Avignon ses Observations physiques sur les terres qui sont à la droite et à la gauche du Rhône depuis Beaucaire jusqu’à la mer. Elle furent rééditées en 1750 dans le premier tome des Mémoires de Mathématique et de Physique, dont elles inaugurèrent le volume et la série.
Figure 2. Page titre de la réédition du mémoire de Charles Virgile de la Bastide (1750).
Virgile de La Bastide donnait une définition et une description très fine de ce qu’il fallait entendre par « créments » : Un crément disait-il se caractérise par deux qualités, « la première et la principale est d’être composée de plusieurs lits ou couches l’une sur l’autre, la seconde est de n’avoir point de pierres ». Il précisait que ces lits « sont posés horizontalement les uns sur les autres » et qu’« ils diffèrent asses souvent en couleur, en épaisseur et en nature de terre ». Mais il distinguait aussi les créments « doux » et les créments « salés ».
Mais surtout, La Bastide affirme « On croit pouvoir avancer que la mer a été autrefois jusqu’à Beaucaire ». Les créments salés n’ont acquis cette qualité que parce qu’ils ont été formés dans l’eau même de la mer. « Originellement, écrit-il, l’espace qui est depuis Beaucaire jusqu’à la mer n’était qu’un golfe ou bras de mer, dans lequel le Rhône se déchargeoit ». Il explique que, dans ce golfe, « le Rhône est à son milieu et que ses eaux se mêlant à droite et à gauche avec l’eau de la mer, déposent tout ce dont elles sont chargées, c’est-à-dire sable et limon, avec cette distinction que le sable et le limon grossier se déposant dès les premiers momens de la grande cessation du mouvement de l’eau, restoient par conséquent plus près du courant de la rivière. Le limon le plus fin ayant besoin d’un plus long temps pour se déposer, avoit le temps de pénétrer jusqu’aux rivages du golfe ».
Propriétaire à La Bastide près de Beaucaire, Virgile souligne que la qualité des terres à Beaucaire est « crément ». Le sol, observe-t-il, est à six pieds au-dessus du niveau de la mer [près de 2 mètres]. Or un trou creusé pour faire un puits à roue à quinze pieds sous terre [près de 5 m] montre toujours la « même nature de crémens », soit neuf pieds ou près de 3 m au-dessous du niveau de la mer « et que par conséquent la mer a pu y aller autrefois ».
Les définitions et constats de Virgile de la Bastide furent repris mot à mot par Nicolas Desmarest dans l’Encyclopédie méthodique en 1793 mais sans citer son auteur, tout en parlant comme lui à la première personne…
Giraud Soulavie consacre à cette question quatre chapitres de son Histoire naturelle des provinces méridionales. Son Histoire Naturelle des Embouchures du Rhône est avant tout une exposition et illustration de la théorie fluvialiste de la formation des vallées contre les opinions qui faisaient de celles-ci le résultat d’ « inondations » ou de déluges catastrophistes. Pour lui, la mer a une action de transport et de remaniement des matériaux fournis par le Rhône. Toute la côte du Languedoc a été formée de ces matériaux portés par les courants côtiers dirigés vers l’ouest. C’est un phénomène supposant des durées très longues et qui se poursuit à l’époque actuelle.
Soulavie se fait parfois visionnaire et annonce ainsi de lentes transformations des eaux en terres, toujours avec l’idée prégnante d’un abaissement continuel de la mer.
Figure 3. Extrait du chapitre de Giraud-Soulavie concernant le delta du Rhône.
Cette question est encore plus controversée que les précédentes, tout en opposant les mêmes acteurs, le Rhône, la Durance et la mer. Les premiers historiens naturalistes, appelés « chorographes », posèrent le problème de la formation de la Crau :
– Jules Raimond de Solier, seconde moitié du seizième siècle), dans sa Chorographie de Provence, restée en grande partie manuscrite ;
– Claude Nicolas Fabri de Peiresc (1580-1637) (dans ses lettres et ses manuscrits) ;
– Honoré Bouche (1598-1671), historien chorographe dans son Histoire et Chorographie de Provence (1664) ;
– Le Père Jean-Pierre Papon (1734-1803) dans son Histoire de Provence et son Voyage en Provence, historien, qui, dans le domaine des sciences naturelles devait beaucoup à son confrère de l’Oratoire, Pons-Joseph Bernard (1748-1816).
Jules Raimond de Solier fut le premier a affirmer l’hypothèse durancienne contre les partisans d’une action exclusive de la mer ou conjuguée de la mer et du Rhône. L’idée fut reprise au dix-huitième siècle avec éclat et l’appui d’une étude pétrographique précise de la Crau par le naturaliste de Salon, Robert de Paul de Lamanon. Sa notice sur la Crau fut une publication posthume (1808) par ses amis, mais ses idées furent développées et affirmées par les érudits arlésiens dont le plus prolifique fut l’ancien notaire Pierre Véran. Ce personnage a laissé une masse d’écrits et de documents, qui en ont fait le témoin et la source principale de beaucoup d’écrits postérieurs sur Arles et la Camargue.
Figure 4. Portrait de Pierre Véran (1744-1819).
– Il émit l’idée que la Crau caillouteuse passait en substrat sous le grand Rhône et la Camargue, façon de suggérer qu’elle en précédait la formation[2].
– Il restitua, dans de grandes cartes les anciens cours de la Durance et du Rhône, notamment le passage de la première dans les défilés d’Eyguières et de Lamanon. Pour le Rhône, il montrait une branche occidentale fossile en suivant les alluvions au pied de la Costière du Gard. En basse Camargue, il se livra au premier travail de restitution des anciennes branches du grand et du petit Rhône.
– Il effectua même un « parallèle entre la Crau d’Arles et la Crau de Nîmes » [la Costière], en s’appuyant notamment sur les observations lithologiques du Baron de Servières, le grand ami de Jean-François Séguier, célèbre naturaliste nîmois.
Enfin, esprit curieux et ouvert aux idées nouvelles sur l’histoire de la Terre, Pierre Véran fit l’analyse sur quinze grandes pages du Telliamed, l’ouvrage de Benoît de Maillet.
A toutes les époques, la cartographie a accompagné la découverte et l’investigation, notamment géologique, de la Camargue, avant d’être supplantée aujourd’hui par la photo aérienne et satellitaire. Nous n’en citons ci-dessous que les étapes marquantes pour l’époque étudiée ici :
– La carte des ingénieurs militaires piémontais venus dans la suite de l’équipée provençale de Charles-Emmanuel de Savoie, l’allié momentané des Ligueurs en 1591 et 1592. C’est la première représentation, presque complète, de la Camargue, compte non tenu des anciennes cartes portulanes qui se contentaient jusqu’alors de croquis à très petite échelle.
– La carte de Pierre-Jean Bompar (1591), première carte gravée et publiée de la Provence, qui donna naissance à une postérité cartographique nombreuse tout au long du dix-septième siècle. On a montré qu’elle devait sans doute beaucoup aux travaux de révision des positions et coordonnées terrestres effectuées par Jules Raimond de Solier, l’auteur chorographe cité ci-dessus. Elle montre l’existence d’un énorme panache (dit aussi plume) rhodanien dans la mer.
– La somptueuse carte des côtes provençales dressée en 1635 par les cartographes travaillant pour Richelieu, notamment l’Arlésien Flour.
Les cartes des « dessicateurs » néerlandais venus opérer les travaux d’assèchement de la Camargue au cours des premières années 1640 reprirent d’ailleurs les travaux dudit Flour. Il s’agit de l’ingénieur Van-Ens et de son cartographe Vor-Camp (selon la graphie de l’époque).
– Les cartes quasi annuelles dressées en pleine période de crise fluviale et de mutation des embouchures par le professeur royal d’hydrographie Noël Advizard, depuis 1695 jusqu’en 1711.
– Les cartes des ingénieurs aménageurs du xviiie siècle, qui suivaient avec une vigilance accrue la progression des nouvelles embouchures après la défluviation naturelle ou provoquée (sans doute les deux à la fois, indissociablement) de 1711.
– Bien entendu, la carte dite de Cassini dont la levée en Camargue date de 1778.
– Enfin, les cartes des ingénieurs des Ponts et Chaussées de la fin du xviiie et du xixe siècles, dont ce fut presque le monopole exclusif, appliquant des méthodes de relevé rigoureuses.
La cartographie « civile » se mit à son tour à enseigner un public plus large sur ces mutations du territoire camarguais. Les auteurs entendaient démontrer graphiquement et de manière pédagogique, la mobilité naturelle de ce pays et l’avancée rapide des terres par rapport à la mer. Ce fut surtout le cas de la carte de l’Aixois Devoux, publiée en 1758. Elle traçait sur la représentation du delta du Rhône les différentes lignes du rivage, déterminées à partir des vestiges de tours de surveillance de ces embouchures, abandonnées et reconstruites au fur et à mesure du recul du rivage et de l’avancée de ces terres. Ce mode de démonstration fut aussi utilisé dans le texte de l’Histoire naturelle de la province de Languedoc de Louis Astruc, puis par Nicolas Desmarest dans l’Encyclopédie méthodique. La prise de conscience de la mobilité terrestre et d’un certain actualisme des processus naturels ne pouvait pas mieux s’effectuer qu’à partir de ce paysage deltaïque rhodanien, certainement le plus spectaculaire quoique le moins connu par ailleurs, en raison même des difficultés d’accès rappelées plus haut.
La mer recule-t-elle d’elle-même ? À la fin du dix-huitième siècle, ce dogme de l’abaissement progressif des mers n’est pas vraiment remis en cause par nos observateurs méridionaux[3], même si certains évitent de prendre parti. Pierre Véran essaie d’expliquer cet abaissement en postulant des mouvements sous-marins profonds, des « gouffres » marins qui se créent à la suite d’événements cataclysmiques.
C’est en effet le grand handicap de tous ces naturalistes et observateurs qui n’imaginent pas de mouvement en sens contraire, transgressifs. L’aspect dogmatique se durcit même chez certains bien après le milieu du dix-neuvième siècle.
Figure 5. Extrait de la carte de Devoux (1758) montrant les « accroissemens de la terre sur la mer » en se basant sur la présence des tours d’embouchures ou de leurs vestiges successifs.
« Les mers n’élèvent ni n’abaissent leur niveau, c’est un axiome indiscutable, tandis que les continents se soulèvent ou s’abaissent suivant la puissance des forces intérieures qui les agitent. »
Ainsi s’exprime un contributeur, Nicolas, au Congrès archéologique de France, 43e session, tenue en Arles (1876, p. 68), où plusieurs auteurs effectuèrent les premières mises au point sur la géologie de la Camargue, publiant notamment la première représentation du golfe miocène bas rhodanien (Planche 5).
Au retrait de la mer était attachée une question corrélative, celle de la durée et des vitesses d’alluvionnement fluvial. Pierre Véran, déjà cité, paraît profondément troublé par les grandes durées postulées par le Telliamed de Benoît de Maillet ou par Giraud Soulavie.
Selon lui, trois à quatre siècles durent suffire pour atterrir l’espace qui se trouve entre Avignon et Arles. Mais dans la suite, la progression fut plus lente, due au fait que seuls des sables étaient charriés. L’une de ses cartes montre le rivage lors de la venue de Caïus Marius : il se trouvait, dit-il, « sur le domaine dit le Petit Pati » (Planche 4). Il fallut donc dix-sept siècles pour combler l’espace entre la mer et ce rivage romain. Astruc proposait des durées comparables, soit 1800 ans pour l’allongement des bras du Rhône de trois lieues, progression qu’Elie de Beaumont trouva très exagérée. Depuis 1737, affirme encore Astruc, la terre s’est avancée de 3000 toises (environ 5840 m), comme en témoignerait l’éloignement de la Tour Saint-Louis, soit une progression moyenne de 68,7 m/an sur 85 ans. Pour Peyret-Lallier, au milieu du dix-neuvième siècle, la terre gagnait à son époque 20 hectares annuellement, et si ce taux n’avait jamais varié, les 130 000 hectares du delta auraient été construits en 6500 ans.
On sait depuis François Ellenberger que cette mesure commence très tôt, avec Henri Gautier qui effectua ses prélèvements directement aux embouchures. Il montra aussi comment Henri Gautier raisonna sur ses mesures et en tira des conclusions sur l’érosion des continents et l’espace de temps nécessaires à leur ablation, qu’il semble avoir sciemment sous-estimé (précaution nécessaire ?) à 35 000 ans. Ses recherches, ses « profilages » aux embouchures du Petit et du Grand Rhône l’amenèrent à la conclusion que le rapport débit/transport solide de limon était de 1/1700, ou plutôt, dit-il, 1/2000, « que je réduisis ainsi ». Il surestime donc un peu par ce dernier rapport celui retenu au milieu du dix-neuvième siècle par un auteur comme Alexandre Surell dont les calculs vont être rapportés.
Deux ingénieurs, dont un déjà cité (Tableau 1), MM. Gorse et Soubour évaluèrent entre 1808 et 1809 la quantité de limons contenus dans les eaux du Rhône: ils trouvèrent 1 mètre-cube sur 7 000 de « fluide » pendant l’étiage du fleuve, et 1 m3 sur 230 pendant les « grandes eaux ». En moyenne, 1 m3 sur 2 000. On retrouve ici, très exactement, l’évaluation d’Henri Gautier.
Alexandre Surell consacra à ce sujet des développements très techniques à la fin de son Mémoire sur l’amélioration des embouchures du Rhône (1847). Il effectua des mesures à Lyon et à Beaucaire :
À Lyon : trouve 70 gr.15 par m3 (limon sec calciné), soit 1/1700 ;
À Beaucaire il mesura 17 kg 58 par m3 en surface, 21 kg 78 par m3 à -3,10 mètres, soit 1/68.
Il retint finalement une moyenne, considérée comme minimale de 1/2500.
Après de longs calculs sur les débits du Rhône effectués après jaugeages multiples et avec des appareils déjà perfectionnés, il risqua une évaluation globale encore citée aujourd’hui comme référence d’un fleuve, sinon « sauvage », du moins encore peu aménagé :
« Il résulte de là que la masse annuelle de limons charriés par le Rhône serait de 21 millions de mètres cubes : ce qui donnerait environ 17 millions pour le bras d’Arles ».
Citons encore ce qu’il ajoutait concernant l’accumulation des alluvions, ce qu’il nomme « le solide prismatique » ou « trapèze », aux dépens de la mer : il avait évalué ce prisme rhodanien sous-marin à 1732 millions de m3 correspondant à l’apport de la nouvelle embouchure créée depuis 1711.
« Le Rhône charriant chaque année 17 millions, a dû, depuis 134 ans [donc depuis la nouvelle embouchure du Grand Rhône, formée à partir de 1711] verser dans la mer 2 278 millions… » (de m3).
« Les 1 732 millions déposés en 134 ans correspondent à un dépôt annuel de 12 millions 93. Ainsi, sur 17 millions amenés par le Rhône, 4 millions 07 seraient entraînés au-delà des limites du delta ».
Un autre auteur, Peyret-Lallier, dans un Mémoire sur les embouchures du Rhône (1841) avait tenté également, peu avant Alexandre Surell, ces difficiles évaluations. Il est sans doute le premier à avoir marqué la rapidité de l’avancée du delta à la nouvelle embouchure créée depuis 1711. Peu connu, il est l’un des auteurs les mieux informés[4] du problème de la mobilité de ces embouchures, ce qui justifie les longues citations suivantes :
« De 1725 [année de la pleine navigabilité de la nouvelle embouchure] à 1841, il y a 116 ans pendant lesquels le progrès des alluvions a été de 5 550 mètres ou de 48 mètres par année. Or si l’on se rapporte à la carte de Cassini, ce progrès avait été beaucoup plus rapide de 1725 à 1777. À cette dernière époque, la distance de l’embouchure du Rhône à la Tour Saint-Louis [construite en 1737] était de 5 500 mètres. La marche des alluvions avait donc été de 4 000 mètres en 52 ans, ou 77 mètres par année.
« Pendant la période de 1725 à 1777, la surface émergée a été de 1 600 hectares ou de 30,77 hectares par an, tandis que dans la période de 1777 à 1841 (64 ans) les conquêtes du fleuve n’ont été que de 1 480 hectares, soit 23,12 hect. annuellement. Mais il faut remarquer que durant la première époque les reprises de la mer aux dépens des promontoires formés à droite et à gauche des anciennes embouchures du Bras de Fer [créées à partir de 1587, abandonnées à partir de 1711] ont été beaucoup plus sensibles que durant la seconde époque. On voit dans la carte de Cassini qu’en 1777 le relief et les contours de la plage du Vieux Rhône étaient à peu près les mêmes qu’aujourd’hui [en 1841]. A l’embouchure du Petit Rhône, au contraire, la mer a envahi un espace assez considérable.
« En comparant la carte de D’Anville (1706) aux plans cadastraux et aux belles cartes hydrographiques dressées en 1841, par les ingénieurs de la Marine, on arrive aux résultats suivants: de 1706 à 1841, les terres émergées présentent une superficie de 4 190 hectares ou de 31,04 hect. par an. Les terrains immergés 1 320 hect. ou 9 hect. 78 annuellement. La différence, ou 21,26 hectares exprimerait la différence, ou 21,26 hectares exprimerait l’accroissement annuel du Delta si la mer ne rongeait pas les rivages… »
Par ces raisonnements, les auteurs de cette première moitié du dix-neuvième siècle engageaient une conception dynamique et historique de la géologie des grandes formations deltaïques. Dépassant l’analyse encore grossière des premières cartes établies sur les lieux, il aurait pourtant été nécessaire de retrouver sur le terrain cette dynamique évolutive.
Dans les volumes de la Géographie de l’Encyclopédie méthodique, on arrive à se perdre dans les longs et parfois oiseux développements de Nicolas Desmarest sur le delta du Rhône, le Rhône, la Durance, les atterrissements ou les « créments » délaissés par le fleuve. L’histoire géologique de la Camargue demeurait obscure, même après la révolution stratigraphique. L’enchevêtrement des apports alluvionnaires démunis de « médailles » fossiles semblait inextricable. D’où l’éclaircissement capital inauguré en 1845 par Elie de Beaumont dans ses Leçons de Géologie pratique (p. 223) à travers le concept de cordon littoral :
« Le bourrelet de matières meubles que la mer élève sur ses bords comme pour clore son domaine, pourrait être désigné assez convenablement sous le terme de cordon littoral ».
Avec les dunes, ces cordons constituent un « appareil littoral ».
La recherche des cordons littoraux fossiles put alors prendre son essor, comme témoignages d’anciens rivages, et un peu plus tard Émilien Dumas (1804-1870) en fera un usage des plus judicieux dans sa superbe Statistique géologique, minéralogique et paléontologique du département du Gard, publiée en 1876 en 2 volumes.
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La connaissance de la Camargue à l’époque moderne fut étroitement dépendante des progrès de la représentation cartographique. Les raisonnements s’appuyaient essentiellement sur la mesure des pentes et sur les distances. Pour une part, il en est encore ainsi aujourd’hui avec, par exemple, l’apport essentiel des images SPOT. La contribution des témoignages archéologiques prolonge, plus efficacement, les conclusions que l’on tirait, parfois avec excès, de la présence des anciennes tours de surveillance aux embouchures. L’absence de fossiles dans les dépôts alluviaux de Camargue entraîna, trop souvent aussi, une surenchère littéraire à partir de toutes les traces écrites, en particulier des auteurs de l’Antiquité La question des Fosses mariennes[5] a obsédé des générations d’érudits.
Les sondages étaient trop rares pour amener un changement des conceptions. Pourtant Robert de Paul de Lamanon sut déceler à travers les puits de la Crau des structures profondes, notamment d’anciens thalwegs. Michel Darluc, dans son Histoire naturelle de la Provence en mentionne aussi plusieurs. Les travaux du canal d’Arles à Bouc, entrepris dès la première décennie du dix-neuvième siècle, amenèrent une connaissance plus précise en Crau (niveau des poudingues villafranchiens). Alexandre Surell, en 1847, put déjà définir de précises successions des niveaux d’alluvions au cœur de la Camargue. Les progrès en ce sens s’accentuèrent avec les travaux routiers et ferroviaires de la fin du dix-neuvième siècle, en attendant les sondages pétroliers profonds.
Plusieurs auteurs cités ne sont accessibles que par leurs manuscrits, lesquels sont indiqués brièvement ci-dessous :
- Jules Raimond de Solier (après 1530-avant 1595) dont le manuscrit original sur la Chorographie de la Provence (titre primitif : Rerum antiquarum et nobiliorum Provinciae libri V) est conservé à la bibliothèque Méjanes d’Aix-en-Provence (Ms 758). Il en existe des copies aux bibliothèques de Marseille (L’Alcazar, Ms 1356) et d’Arles (Médiathèque Van Gogh, fonds patrimoniaux). Une étude récente est celle d’Agnès Le Menn, Jules-Raimond de Solier, premier “écrivain général” de la Provence, Provence historique, fasc. 191, 1998, p. 3-28. L’hypothèse du passage de la Durance par la gorge de Lamanon est formulée au chapitre XII “verior ratio unde tanta lapidum congeris“.
- Les œuvres manuscrites de Pierre Véran (1744-1819) sont toutes conservées à la médiathèque d’Arles, notamment sa Statistique de la ville d’Arles et de son territoire, dont le Ms 490 contient l’essentiel des développements sur la formation de la Camargue et de son cadre géologique. Ainsi que les cartes qu’il dressa pour représenter les anciens cours du Rhône et de la Durance.
- Un autre membre de cette famille, Jacques-Didier Véran (1764-1848), reprit un peu plus tard l’essentiel de cette documentation avec quelques variantes (Territoire d’Arles, Ms. 856) Les deux auteurs exposent les idées de Robert de Paul de Lamanon sur la formation de la Crau par la Durance.
Les contributions des cartographes, arpenteurs et ingénieurs, cités notamment dans le tableau encadré, ne concernent bien entendu que marginalement l’histoire de la géologie, encore que certains, notamment au dix-neuvième siècle, n’ignoraient pas l’état de cette science en leur temps. Leurs mémoires sont dispersés dans des séries d’archives différentes selon les époques. Pour Arles, les archives communales et la bibliothèque ou médiathèque (plans et cartes notamment). Aux archives départementales des Bouches-du-Rhône (notamment série 5 S pour le dix-neuvième siècle). Les cartes des embouchures du Rhône et de leur variations ont été étudiées et vectorisées dans un mémoire de maîtrise par Christophe Caritey, L’évolution de l’embouchure du Rhône du xviième siècle à la fin du xixème – Relation avec le régime du fleuve, Mémoire de Maîtrise, Université de Provence, Aix-Marseille I, Institut de Géographie, U.F.R. des Sciences Géographiques et de l’Aménagement, Aix-en-Provence, juillet 1995, 100 p.
Pour Antoine Borel (1575-1623) et sa reprise de l’ouvrage de Barthole de Sassoferrato, le Ms 745 de la Médiathèque d’Arles (superbes représentation des « créments » du Rhône et explications concernant « les acremans et alluvions que la rivière du Rosne faict loin de son rivage »). Une étude précise et documentée sur ce personnage est celle de Jean Boyer : Antoine Borel, ingénieur et architecte arlésien (1575-1623). Livre de raison inédit, dans le Bulletin de la Société d’Histoire de l’Art français, 1982 p. 17-26.
BOUCHE, H. (1664). Chorographie et Histoire de Provence, 2 vol. in-4°.
DARLUC, M. (1783). Histoire naturelle de la Provence, 3 vol. Avignon. Le tome premier contient plusieurs chapitres (XXVIII à XXX) sur la Camargue et le bas Rhône, sans apporter d’idées nouvelles concernant la géologie. Il est beaucoup plus important au sujet des mœurs, traditions, plantes, animaux et troupeaux de la région. Notons aussi qu’il donne une origine marine pour la Crau tout en rapportant les opinions contraires, celles de Solery (Solier) et de La Manon (Lamanon), note b, p. 297-298.
DE MAILLET, B. (1748). Telliamed, ou entretiens d’un philosophe indien avec un missionnaire françois, Sur la Diminution de la Mer, la Formation de la Terre, l’Origine de l’Homme, &c. Mis en ordre sur les mémoires de feu M. de Maillet par J.A.G. Amsterdam. [Réédité dans le Corpus des Œuvres de philosophie en langue française, dir. par Michel Serres, 1984]
DESJARDINS, E. (1866). Aperçu historique sur les Embouchures du Rhône. Travaux anciens et modernes. Fosses mariennes. Canal du Bas-Rhône. Mémoire lu à la Société de Géographie, avril, mai et juin 1866, Paris, 135 p. + 21 planches.
DESMAREST, N. (1794-1811). Encyclopédie méthodique..., Géographie physique, Paris, Pancoucke, 4 volumes sous son nom, t. 1, 1794 ; t. 2 , 1803 ; t. 3, 1809 ; t. 4, 1811. (articles, Arles, Atterrissements, Beaucaire, Camargue, Crau, Créments, Durance, Etangs, Marais, Rhône)
DUMAS, E. (1876). Statistique géologique, minéralogique et paléontologique du département du Gard, t. I et II. Chez Arthus Bertrand, Paris.
ELIE de BEAUMONT, L. (1845). Leçons de Géologie pratique professées au Collège de France en 1843. Chez P. Bertrand, Paris, chez Ve Levrault, Strasbourg.
GAUTIER-DESCOTTES (1877). Etude sur la formation de la Camargue, in Congrès archéologique, Arles, Paris, p. 335 sq.
GENSANNE (1776-1779). Histoire naturelle de la province de Languedoc… Montpellier, 5 vol., (notamment pour le Discours préliminaire sur l’Histoire du Règne minéral, t. II, p. 3-172, fig. 4 et 6)
GIRAUD SOULAVIE, J.-L. (1780-1784). Histoire naturelle de la France méridionale… chez J. Fr. Quillau, Mérigot l’aîné, Mérigot jeune, Belin, Paris, 7 vol., t. I et II, 1780, t. III, IV et VI, 1782, t. V et VII, 1784 [notamment les chapitres sur l’Histoire naturelle des embouchures du Rhône dans le tome 3]
GUIMET, J. (AN VI, 1797-98). Mémoire sur les atterrissements des Bouches du Rhône. Marseille, 63 p.
LAMANON, R. P. de (1808). Notice sur la Plaine de la Crau par feu M. Robert Paul de Lamanon. Tirée de ses Papiers inédits déposés à la Bibliothèque Impériale. Communiqué par M. Depping. Annales des Voyages, 3, 1808, p. 289-309.
MARSILLI, Comte de (1725). Histoire Physique de la Mer, Ouvrage enrichi de figures dessinées d’après le Naturel, Amsterdam, Aux depens de la Compagnie. [Marsilli ou Marsigli fit des prélèvements et sondages tout le long des côtes, de Cassis à la Camargue, notamment concernant le domaine sous-marin continental.]
NICOLAS (1877). Etudes préhistoriques sur la basse vallées du Rhône. Première partie : constitution physique du sous-sol des environs d’Arles, Congrès archéologique d’Arles, Paris, pp. 50-81 [voir aussi, ci-dessus, Gautier-Descottes]
PAPON, le Père (1777). Histoire générale de la Provence, 4 tomes. [Le premier tome renferme la partie Chorographie qui adopte les vues de son confrère oratorien Bernard, de Trans, notamment en ce qui concerne l’origine marine de la Crau.]
PICARD, T. (1901). La Camargue, étude stratigraphique de la région du Bas-Rhône. Imprimerie générale, Nîmes.
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VIRGILE de la BASTIDE, (1733). Observations physiques sur les terres qui sont à la droite et à la gauche du Rhône, depuis Beaucaire jusqu’à la mer. Ce qui comprend la Camargue, &c. Avignon, 14 p. Réédition dans les Mémoires de Mathématique et de Physique, présentez à l’Académie Royale des Sciences par divers Sçavans, et lus dans les Assemblées, Tome 1, 1750
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PEYRET-LALLIER. Mémoire sur les embouchures du Rhône par M. PEYRET-LALLIER (Ms 479 de la Médiathèque d’Arles, d’où proviennent les textes cités) qui a publié par ailleurs Des irrigations et des colmatages principalement dans le delta du Rhône, s.l.n.d. [1839], 56 p.
PICHARD, G. (1995). Les crues sur le bas Rhône de 1500 à nos jours. Pour une histoire hydro-climatique. Méditerranée, 82, 3-4, p. 105-116
PICHARD, G. (2005). Les crues dans une perspective historique : Crues du Rhône pendant le Petit Âge Glaciaire, XVIe-XIXe siècles et l’histoire des échelles du fleuve à Arles (Hyperphase 2). [Dans le cadre de cette même communication, l’hyperphase 1 des crues a été traitée par Emeline ROUCAUTE].
Publication papier et CD ROM des actes issus des Conférence-débats : Comprendre les inondations du Rhône méridional, Maison de la Vie associative, 13200 Arles, les mardi 9, 16, 23 et 30 novembre 2004. Association pour l’Education à l’Environnement et la Citoyenneté du Pays d’Arles, Dynamiques économiques et sociales du milieu deltaïque- DESMID-CNRS, Université de la Méditerranée et Les Amis du Vieil Arles, Arles.
RIGAUD, P. (2004). Tours et farots de Camargue, in Delta du Rhône Camargue antique et médiévale. Bull. archéol. de Provence, Editions de l’APA, p. 285-289.
VAN ANDEN, T. J. H. (1950). Provenance, transport and deposition of the Rhône sediments. Thesis, Wageningen.
Planche 1. Page d’Antoine Borel sur les « accréments » et atterrissement alluvionnaires du Rhône : ici une île, dite aussi « islon », plantée généralement de saules et tamaris.
Planche 2. Autre page d'Antoine Borel : ici il s'agit de « créments » ou « accréments » reliés directement au rivage et d'étendue apparemment considérable. Au premier plan, mas et chaussée (digue).
Planche 3. La carte de la Camargue, des anciennes embouchures et des anciens rivages tels que Pierre Véran les reconstituait en 1806.
La ligne accentuée dans la partie supérieure à gauche limite ce qui pourrait passer pour l'ancien golfe marin. Celle qui contourne au nord les étangs de Basse Camargue passait pour être le rivage camarguais à l'arrivée des romains ou, à la fin de la période celtique, comme on le publiait encore vers 1876 (Congrès archéologique d'Arles, 1877). Il se trouve qu'elle délimite en réalité l'avancée ultime maximale ("on lap") de la mer lors de la transgression "flandrienne" ou messinienne.
Planche 4. Partie supérieure droite (Crau et Durance) de la carte originale de Pierre Véran, montrant les différents bras hypothétiques empruntés par la Durance
Les chiffres montrent les anciens passages de la Durance
1 Passage par Eyguières
2 Passage par le défilé de Lamanon
Dans la partie aval de la Durance la carte montre aussi plusieurs passages hypothétiques de la rivière (numérotés ici 3 et 4) aboutissant à Saint-Gabriel (Ernaginum antique). Ce passage par Saint Gabriel a été l'objet de supputations dont cette carte est en quelque sorte l'origine. Une foule d'auteurs se sont partagés entre les partisans d'une branche durancienne confluant au Rhône à Saint-Gabriel et ceux qui niaient cette possibilité. En 1907, Eugène Duprat soutint la thèse des premiers avec un grand nombre d'arguments (Les confluents de la Durance aux temps historiques, Mémoires de l'Académie du Vaucluse, 1907, Avignon, 1908). Mais, quatre ans plus tard, il revint sur cette question pour soutenir, définitivement, la thèse opposée. Son principal argument était d'ordre topographique, l'existence d'un seuil de Châteaurenard à Graveson, qui interdisait l'existence d'un cours d'eau se déversant ainsi vers le sud-ouest. La Durentia de Saint-Gabriel n'était qu'une Duransole, un cours d'eau réaménagé par les Romains, au niveau d'Eyragues et Châteaurenard pour communiquer avec la Durance (Nouvelle étude des confluents de la Durance aux temps historiques, Avignon, 1913, 31 p.).Cette thèse, acceptée aujourd'hui, pour la période historique (Cf. La Durance de long en large, Les Alpes de Lumière, 149, 2005, notamment le chapitre intitulé La Durance dans l'Antiquité et au Moyen-Âge, par Guy Barruol ) doit-elle l'être aussi pour les temps géologiques antérieurs ?
Planche 5. La mer de la période miocène au niveau du bas Rhône, d'après Congrès National archéologique d'Arles, 1877.
[1] Il s’agit de la période dite du « Petit Âge glaciaire », avec une haute fréquence d’embâcles et de passages de glaces, notamment au niveau du coude d’Arles, époque bien oubliée aujourd’hui.
[2] « Les racines de la Crau se trouvent sous les Marais qui sont à la rive gauche du Rhône et sur certains points elles le traversent » (Pierre Véran, 1806).
[3] Horace Bénédict de Saussure rapporte de son bref séjour à Arles, le nom d’un père minime, le P. Dumont, qui, écrit-il, « a fait des recherches très-intéressantes sur les prétendues preuves de la grande retraite de la mer, vis-à-vis d’Arles ; et il s’est convaincu que cette retraite est beaucoup moins considérable qu’on ne le croît communément » (Voyages dans les Alpes, Ch. XXXIV, § 1602).
[4] Notamment confirmé par les études géomorphologiques récentes. Cf. G. Arnaud-Fassetta, 2000.
[5] Canal creusé entre le bas Rhône et la mer pour faciliter la navigation des armées du général romain Marius. Il existe une longue série d’hypothèses, d’études et de controverses à propos de sa localisation, toute trace ayant disparue ou étant d’interprétation ambiguë.