COMITÉ FRANÇAIS D'HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE (COFRHIGEO) (séance du 10 mars 2004)
Résumé.
Des manuscrits inédits de Jacques-François Borda d’Oro (1718-1804) constituent le catalogue d’une collection géologique régionale cédée à la ville de Dax en 1807. Les manuscrits qui furent initialement prêtés pour copie, sont longs de près de 1500 pages. Ils comprennent un ouvrage pétrographique qui décrit les roches, minéraux et concrétions et leur aspect économique, et un ouvrage de paléontologie. Les restes de vertébrés constituaient une richesse remarquable de la collection. Beaucoup de fossiles proviennent de la commune actuelle de Saint-Paul-lès-Dax qui repose sur un véritable lagon fossile d’âge tertiaire. Pour décrire sa collection, Borda d’Oro s’est penché sur l’anatomie des analogues actuels. Il a aussi sollicité l’aide des savants et consulté d’autres collections. Les planches d’accompagnement n’ont pas été retrouvées mais quelques figurations ont été découvertes dans des publications contemporaines. Mots-clés : géologie - Landes - paléontologie - pétrographie - ressources minérales - XVIIIe siècle.
Abstract.
Unpublished manuscripts written by Jacques-François Borda d’Oro (1718-1804) are the catalogue of a regional geological collection bought in 1807 by the city of Dax. The catalogue was only lent for copy. The 1500 pages long manuscripts include a volume of petrography with description of minerals and rocks as well as their economical use, and two volumes of palaeontology. The remains of vertebrates were abundant in the collection. Many fossil shells came from the present city of Saint-Paul-lès-Dax which lies on a real tertiary fossil lagoon. For describing the collection, Borda d’Oro studied the anatomy of present equivalent forms and required the help of contemporaneous scientists. Accompanying plates were not found but a few figures of Borda d’Oro’s fossils were printed in contemporaneously published papers. Key-words : geology - Landes - palaeontology - petrography - mineral resources - XVIIIth century. |
Jacques-François Borda d’Oro (Dax 1718 - Saugnac 4 janvier 1804) a rédigé de longs manuscrits sur la géologie des environs de Dax. Le contenu de ces volumes n’a jamais fait l’objet d’une analyse précise ; c’est l’entreprise dont ce texte est l’aboutissement.
La biographie de Borda d’Oro est résumée par Coste (1908) ; d’autres informations sur la famille Borda ont été rassemblées par Cauna (1863) et Mascart (2000). Dans cette famille de notables (depuis 1571), Borda d’Oro a occupé sa charge de président du présidial de Dax (équivalent à notre tribunal de première instance) de 18 à 53 ans. Il lui restait 30 ans de vie pour se consacrer à sa passion : la collecte des fossiles et l’observation des roches.
Borda d’Oro avait constitué une collection de curiosités géologiques dont les manuscrits donnent un aperçu. Ces manuscrits constituent deux ouvrages distincts. L’un, relié avec le numéro 1, traite de la pétrographie régionale : des minéraux, des roches et des sols et est intitulé : Mémoires pour servir l’histoire du règne minéral aux environs de Dax en Gascogne ; l’autre, relié en deux volumes avec les numéros 2 et 3, traite des fossiles et est composé de : Mémoires sur les fossiles des environs de Dax. Longs et de lecture fastidieuse, ils contiennent des informations qui ne manquent cependant pas d’intérêt. Les citations ci-dessous sont données fidèlement à l’original mot à mot et notées entre guillemets. C’est autant pour faire connaître ces manuscrits que pour rendre hommage à un naturaliste méconnu, mort voici deux siècles, que cette contribution a été entreprise.
Les manuscrits ont été rédigés par « Monsieur de Borda d’Oro, Membre Correspondant de l’Académie des Sciences et de l’Institut de France » ainsi qu’il est écrit sur la page de couverture intérieure, d’une grosse écriture élégante. Jacques-François Borda d’Oro fut correspondant de l’Académie des sciences à partir de 1753. Il avait été affecté à René-Antoine Ferchaut de Réaumur (pensionnaire de l’Académie, naturaliste et physicien, 1683-1757). A la mort de ce dernier, il devint celui du botaniste, physiologiste et agronome Henri-Louis Duhamel du Monceau, puis, à la mort de celui-ci (1782), celui de son propre cousin (voir figure 2) Jean-Charles de Borda (1733-1799), le marin et physicien.
C’est au château d’Oro, dans la commune actuelle de Saugnac-et-Cambran au sud-est de Dax, que ces manuscrits furent composés par Borda d’Oro qui avait sous ses yeux la collection de curiosités rassemblée tout au long de son existence.
Un tableau généalogique (figure 1) démontre que Jacques-François et Jean-Charles sont cousins (3e génération), bien que leur différence d’âge ait fait écrire (plusieurs sources dont les biographies du service des Archives de l’Académie des sciences dont j’ai suggéré la modification) que Jean-Charles (10e parmi 16 enfants) était le neveu de Jacques-François. Autre information, deux enfants de Jean-Bertrand-Alexandre d’Oro (cf. figure 1) ont épousé deux membres (le grand-père et la tante) de la famille de notre Jacques-François de Borda. Ce dernier a acquis de sa tante le domaine d’Oro en 1756 et c’est ainsi qu’il est devenu Borda d’Oro et que le domaine, où il fit construire l’actuel château, est passé des Oro aux Borda. Il retournera, deux générations plus tard, à la famille originelle qui s’est transmis jusqu’à aujourd’hui les archives auxquelles nous avons eu accès.
Figure 1. Tableau généalogique de la famille Borda-d’Oro (adapté d’après Benoît Laborde-Barbanègre, comm. pers. 2001 ; de Cauna, 1863 ; Mascart, 2000). La succession familiale des propriétaires du Château d'Oro à Saugnac (trait épais) explique la préservation d'archives.
A la mort de Jacques-François, Marie-Louise Borda d’Oro (1749-1844), sa fille aînée, hérita des collections, manuscrits et dessins. Elle souhaita les céder à la municipalité de Dax. Les conditions de cette cession firent l’objet d’un accord formalisé le 2 février 1807 (pièce archivée 1). La cession comprenait des objets composant le cabinet ; ces objets étaient accompagnés de « mémoires originaux de la main de M. de Borda » ; ces mémoires autographes seraient prêtés à la municipalité pour copie puis rendus.
Ces conditions furent acceptées par le Conseil municipal en 1807 (pièce archivée 2). Le Conseil municipal a prisé l’offre de cession du « Cabinet d’Histoire naturelle de feu Monsieur de Borda d’Oro » dont la collection comprend des « objets trouvés à trois myriamètres de circonférence » de Dax ; les manuscrits doivent être copiés et les dessins feront partie de la cession.
La mise en œuvre de cette cession fit l’objet de débats d’après les courriers dont nous avons retrouvé copie à Oro. Le texte d’un brouillon de lettre non daté de la main de Marie-Louise Borda d’Oro au préfet des Landes (pièce archivée 3) confirme que les Mémoires concernent les objets du cabinet d’histoire naturelle régionale mais que des objets exotiques existaient aussi au château d’Oro et furent cédés, bien que non inclus dans la cession. Une autre lettre de Marie-Louise au maire de Dax, (pièce archivée 4), nous informe de la volonté du préfet de nommer Jean-Baptiste Grateloup (1735-1817, l’oncle du futur médecin naturaliste dacquois Sylvestre Grateloup : 1782-1861) conservateur. Marie-Louise proteste contre ce choix peu en rapport avec les mauvaises relations que son père et elle entretenaient avec lui. Par contre, elle souligne les bonnes relations entre son père et le Dr Jean Thore (1762-1823) botaniste de renom qui l’aurait soigné de 1794 à 1804 et connaissait le cabinet d’histoire naturelle de longue date. L’accord pour le prêt des manuscrits pour copie est confirmé tandis que les dessins seraient cédés.
La municipalité de Dax, encombrée du volume de cette cession, souhaite s’attribuer le mobilier abritant la collection, ce que refuse Marie-Louise (pièces archivées 4 et 5), mais elle tente d’influencer le préfet en faveur de Jean Thore en accordant quelques pièces de mobilier. Un dernier document, laconique, certifie la remise de « deux grands portefeuilles contenant divers desseins » le 1er juillet 1807 (pièce archivée 6).
L’écriture des manuscrits dacquois est la même que celle des archives du château d’Oro écrites et signées de la main de Borda d’Oro. Elle est petite, fine et dense, aisée, rapide mais bien formée, sans fioriture et avec le même dessin des chiffres. Cette similitude, comme la nature des surcharges, permettent d’établir que les manuscrits examinés sont les originaux qui ne furent donc pas rendus bien qu’une copie, au moins, en ait été faite. Elle comporte la même présentation en trois volumes répartis entre plusieurs membres d’une famille dacquoise que nous remercions pour son amabilité. Pour rendre hommage à celui qu’elle prit pour parrain, la toute jeune Société de Borda a commencé la publication de ses manuscrits dans son Bulletin de 1881 (jusqu’à la page 99) mais la tâche était trop lourde. En 2003, la même Société nous a convié à présenter oralement les résultats de notre étude mais n’a pas souhaité publier les écrits correspondants.
Les manuscrits comprennent trois volumes de format 19x23 cm comprenant 595, 599 et 285 pages. La couverture en cuir porte au dos un titre en lettres dorées. Sur chaque feuille, un cadre au crayon de 12x17 cm est dessiné et l’auteur a rédigé dans ce cadre le plus souvent 25 lignes (jusqu’à 27) de texte. L’écriture est remarquablement lisible ce qui a permis de proposer des citations précises respectant le graphisme original. Les ratures sont rares, les noms de lieux soulignés, les pages numérotées en haut hors du cadre.
La préservation des manuscrits est assez bonne pour rendre possible une photocopie intégrale, sans que l’encre du texte d’un côté de la feuille ne brouille le texte de l’autre côté.
Le titre inscrit sur la page de couverture intérieure du premier ouvrage : « Mémoires pour servir l’histoire du règne minéral aux environs de Dax en Gascogne » est répété à la page 1 avant le titre du premier mémoire, tandis que le dos de la reliure fait état de « Mémoires sur les fossiles des environs de Dax, 1, par Mons de Borda d’Oro ». Une confusion est possible : pour Borda d’Oro le mot fossile n’a pas le sens actuel ; il est noté au début du volume 2 (p. 1) : « J’avois destiné la première partie de cet ouvrage a ceux de nos fossiles dont la nature fut minérale dès leur origine. des restes d’animaux et de substances végétales tirés de nos terreins, devoient remplir la seconde ». Donc, les manuscrits se composent de deux parties ayant deux objets distincts, d’une part, les roches et minéraux, d’autre part les fossiles au sens actuel de reste ou trace d’origine biologique.
Le volume 1 est constitué de 16 mémoires (tableau 1). Les objets cités sont les objets signalés dans le texte par un astérisque reportant à un numéro en marge ; chaque numéro correspond à un objet du cabinet d’histoire naturelle cédé en 1807. Ces numéros suivent l’ordre des citations et non des récoltes. Certains numéros manquent (par exemple n° 164 et 165, voir tableau 1). Environ 480 échantillons sont appelés dans ce volume de pétrographie.
La composition de la collection peut être reconstituée (tableau 1). Près de 80 spécimens sont des roches ferrugineuses et autant pour les calcaires ; les sables, le gypse, les silicifications (dont des fossiles silicifiés et du silex taillé), les argiles (en particulier les argiles blanches) sont représentés par une quarantaine de spécimens ; un nombre à peine moindre concerne les roches volcaniques et encore d’autres pierres dures. On compte une vingtaine de spécimens cités pour les faluns, pour les roches combustibles, pour le quartz et les grès ; 15 marnes et 4 sols complétaient la collection.
L’avertissement précise l’étendue des investigations faites autour de Dax : « Mes recherches se sont étendües autour de cette ville a divers eloignemens dont le plus grand n’est que de cinq lieües » (un rayon de moins de 30 km d’après notre tableau 2).
Le premier mémoire donne ce qu’on nommerait aujourd’hui la géomorphologie avec opposition entre le sud de l’Adour, un pays « montüeux », le « Païs de terre forte » et, au nord de l’Adour, un « Païs de sable » au relief « moins inégal et moins élevé » avec ses dunes côtières. Il est noté que « Depuis l’année 1500 jusqu’à l’année 1579 l’Adour s’est jettée dans la Mer à l’Oüest du Vieux Boucau, et a une courte distance de ce bourg ».
Tableau 1. Organisation des mémoires de pétrographie et numéros des objets cités.
En de rares occasions les numéros sont subdivisés en A et B.
Le second mémoire débute l’observation des roches par les argiles, longuement décrites avec leur localisation. Quelques informations expérimentales, notamment sur l’action des acides et de la chaleur sont données. Les argiles blanches se taillent une large part (22 p. / 36) justifiée par leur éventuel intérêt comme matière première à cuire. Borda d’Oro constate l’association « argile blanche »-« basalte » (à Bénesse, Gaujacq, Poyartin). On sait aujourd’hui que les venues hydrothermales profondes à la périphérie des massifs d’ophite sont source d’altération des roches conduisant à la formation d’argiles pures. C’est ainsi que naît le kaolin utilisé dans la porcelaine.
Dans le troisième mémoire, les marnes des environs de Dax sont passées au crible après leur définition : « Toutes les matières minérales qui ont la propriété de fertiliser les champs sont des marnes dans le langage de nos Agriculteurs. Ils comprennent sous ce nom les faluns et certaines argiles. Je le donne à celles de nos terres dans lesquelles j’ai cru voir les caractères que les minéralogistes assignent a la marne. elles sont de deux sortes ; les unes ressemblent aux argiles par leur onctuosité, par leur ductilité, et par leur dureté qu’elles acquièrent exposées a l’action du feu ; elles en sont distinguées par l’effervescence qu’elles font avec les acides… ».
Le quatrième mémoire, sur les « terres superficielles », décrit divers sols et sous-sols et l’endroit où on les observe : la terre de Chalosse, le sable blanc, le sable noir. Le sujet de ces douze longues pages est particulièrement austère ; c’est en publiant cette portion du manuscrit que les éditeurs du Bulletin de la Société de Borda se sont découragés en 1881.
Dans le cinquième mémoire, sont rassemblées des informations sur ce que l’on pourrait nommer des cailloutis y compris des amas de galets : « ces pierres roulées sont appelées des cailloux dans la manière ordinaire de parler. je leur donnerai ce nom, quoique affecté par les naturalistes a une espèce particulière de pierres ».
Le sixième mémoire est consacré à un minéral sous ses diverses formes, le quartz : cristaux, éléments de roche, roches quartzeuses. Borda d’Oro justifie ainsi cet assemblage : « à la suite des Quartz de ce païs, je vais decrire les Grès qui se montrent dans quelques unes de ces parties, ces deux pierres etant des espèces d’un même genre. qu’on observe en effet nos Grès avec le secours d’une loupe, on verra que tous sont des amas de parcelles dont la nature est Quartzeuse ». Il évoque aussi les pavés de Dax dont bon nombre de spécimens semblent avoir trouvé place dans sa collection.
Dans le septième mémoire, la définition du silex est pertinente : « La pierre de laquelle je me propose de décrire les espèces et les variétés répandües autour de nous, donne du feu quand on la frappe avec l’acier […] elle n’est point attaquée d’une manière sensible par les acides. exposée seule au feu des fourneaux elle résiste a sa plus grande violence ; mais de son mélange avec un sel alkali il reste un beau verre dans ce même feu. ces caractères du silex lui sont communs avec le Quartz » … [ils] « ont porté des Chymistes célèbres a regarder ces deux minéraux comme des espèces d’un même genre. d’autres savans respectables les ont placés comme des genres dans leurs nomenclatures ». Ce style exclut curieusement le nom des personnes. Parmi les échantillons de la collection, on trouvait des silex de Bidache (des rognons), de Tercis et Pouillon (des fossiles silicifiés), du jaspe, des pavés de Dax, etc.
A la fin de ce septième mémoire sont abordés les silex taillés : « Les Anciens habitans du Païs, et vraisemblablement ceux qui les premiers y fixèrent leurs demeures, ont emploié le silex pour en faire des instrumens. j’ai une lame de cette matière qui pourroit remplir plusieurs des usages d’un couteau […] on trouve quelques fois dans Les Landes des pointes de flèches faites de silex, mais grossièrement travaillées. il paroît qu’on leur donnoit la forme triangulaire en frappant la pierre. les surfaces en effet en sont raboteuses et couvertes d’aspérités. une branche part du sommet de l’angle rentrant. elle est platte : sa forme prouve qu’elle étoit reçüe dans une fente pratiquée dans le bois auquel on l’assujetissait par une forte ligature ».
Les roches qui constituent ce que l’on nomme aujourd’hui les pointements d’ophite sont décrites dans le huitième mémoire « Du basalte ». On y voit cités les plus grands gisements notés sur la carte géologique actuelle : le Pouy d’Euze (Tuc d’Eauze à Dax), le Pouy d’Arzet (Saugnac), Saint-Pandelon, Montpeyroux-Mondran-Monhouga (Pouillon), Bastennes-Gaujacq-Caupenne (voir plus loin, figure 3).
Borda d’Oro revient, dans ce mémoire, sur les argiles blanches : « Ce qu’on lit dans le second mémoire sur les lieux qu’occupent nos bancs d’Argile blanche, pourroit porter a croire que quelques uns d’entre eux ont leur origine dans les amas de Basalte qu’ils suivent immédiatement. alors il paroitroit possible qu’ils fussent des produits de la décomposition de la matière dont ils seroient précédés, et cette idée pourroit acquérir quelque vraisemblance, s’il étoit prouvé que l’argile blanche doit être comptée parmi les parties constituantes de nos basaltes ». Ce texte suit et précède la description de diverses expériences chimiques dont le but semble être de décolorer le basalte pour obtenir cette matière blanche qui serait l’argile blanche.
Le passage suivant caractérise à plus d’un titre la contribution de notre collectionneur : « Cette analyse de nos Basaltes se trouve faite, au reste, en quelque manière, et la célébrité du Chymiste dont elle est l’ouvrage lui mérite la confiance la plus entière. M. Palassou remit à M Bayen quelque portion d’une matière qu’il met au nombre des pierres, et a laquelle il a donne le nom d’ophite. il l’avoit recueillie dans les Pyrénées, et je tiens de lui-même qu’elle n’étoit pas differente du Basalte qu’il a vu dans nos environs, lorsque j’ai eu l’avantage de le conduire sur quelques uns des monceaux de cette matière ». M. Bayen traita la roche par « vitriolisation » et obtint « de la sélénite, de l’alun, du vitriol martial et du sel de Sedlitz ». Les minéraux de l’ophite : pyroxènes et plagioclases sont constitués dans l’ordre décroissant de Si, Al, Fe, Mg, Ca. L’analyse qualitative de Bayen est bonne si l’on considère que la vitriolisation est une attaque par l’acide sulfurique qui tend à décomposer la roche pour aboutir à des sulfates de ses éléments constitutifs (sélénite : sulfate de calcium ; alun : sulfate d’aluminium ; vitriol martial : sulfate de fer ; Sedlitz (Sedlice) : ville de Bohême aux eaux purgatives chargées de sulfate de magnésium).
Les descriptions des gisements d’ophite notent les minéralisations associées à ces remontées profondes, dont des cristaux de quartz, « de fer » (l’hématite) et de gypse.
C’est ce gypse qui fait l’objet du neuvième mémoire avec la description de ses cristallisations au « Tuc d’Euze », à Arzet, associés à l’argile rouge du Trias observée à Saint-Pandelon, Bénesse, Pouillon, Bastennes, Gaujacq, Caupenne et jusqu’à Bidart, à la « vallée de Baygorri » et à la vallée d’Aspe où le gypse était exploité à l’époque (voir aussi Palassou, 1784).
Les « pierres composées » dont il est question dans le dixième mémoire désignent les roches magmatiques et métamorphiques (composées de minéraux visiblement distincts à la loupe). Si les spécimens de la collection de Borda d’Oro ont bien été récoltés dans les environs de Dax, leur origine est lointaine : ces « masses pierreuses de diverse nature [… (ces roches)] furent amenés des Pyrénées avec les autres débris de ces montagnes […] la plupart de ceux que je me propose de décrire ont été trouvés sur les bords de la rivière que forme la réunion de ces torrents. […] transportés à Dax avec d’autres cailloux pour être emploiés dans le pavé de la ville […] un amateur zélé qui les avoit fait enlever de nos rües, a bien voulu en enrichir ma collection (n) » (n = note infrapaginale : « M. Fondeviole docteur en médecine »). On imagine avec allégresse le pétrologue amateur, docteur en médecine, observant les pavés de sa rue et demandant à l’employé municipal de lui extraire un ou deux spécimens rares pour sa collection.
Les calcaires constituent le sujet du onzième mémoire dont la longueur est liée à leur relative rareté régionale par rapport aux besoins (empierrage, construction, chaux). Ce sont « toutes les pierres que les acides attaquent [et qui] exposées a des feux d’une force et d’une durée convenable […] passent a l’état de chaux ». C’est là, dans une première section, que sont citées les cristallisations, par exemple : « des crystaux hexaëdres de spath » [du Monhouga à Pouillon] et « des crystaux qui appartiennent a une autre espèce [qui] me sont venus de Bastènes ». Pour ces derniers, leur longue description désigne les prismes hexagonaux d’aragonite de Bastennes connus des collectionneurs du monde entier. Une seconde section est consacrée aux « pierres composées de spath calcaire et de terre », c’est-à-dire les calcaires argileux observés à Dax, Pouillon, Tercis, Angoumé, au Pouy d’Arzet etc. Enfin, une troisième section est consacrée aux calcaires argileux renfermant aussi du quartz : la pierre d’Abesse, de Labatut, Cauneille, Saint-Cricq, Sordes, Gaas, Heugas, etc., et notamment ce qu’il nomme les pierres blanches sans distinction entre calcaires que l’on sait aujourd’hui être secondaires et tertiaires.
C’est ensuite, dans le douzième mémoire seulement, que sont décrits les sables dont la fréquence est si grande dans les lieux qu’il a explorés.
L’intéressant treizième mémoire se consacre aux roches combustibles. On y lit la description de « curiosités » extraites du bitume à Gaujacq, Bastennes, Caupenne, Donzac et celles du « charbon de terre » extrait des mines de Saint-Lon avec des succès momentanés.
Dans le quatorzième mémoire, Borda d’Oro évoque les faluns et notamment les gisements de Saint-Paul (Cabanes, Quillac, Abesse) très fossilifères. La région en est riche avec les faluns de Saint-Geours (de Maremne), de Gaas, de Narrosse, Sort, Garrey, Poyartin, Ozourt, Castelnau, etc.
Le long quinzième mémoire présente les roches ferrugineuses, communes dans la région, exploitées artisanalement, de faible puissance et relativement faible teneur. Les multiples aspects que prennent les concrétionnements ferrugineux ont justifié une ample récolte.
Le dernier mémoire donne un aperçu très général de la végétation et de sa répartition de part et d’autre de l’Adour.
Le texte ne comporte pas une seule illustration. Des figures sont appelées et reportent aux planches citées dans les accords de cession (pièce archivée 6). Trois planches seulement sont notées pour les 495 pages de cette partie pétrographique : avec un maximum de 7 figures pour la planche II et une seule pour la planche III. Malgré des descriptions confuses, on devrait reconnaître les objets si l’on avait les planches. La concision n’est pas de mise dans ces descriptions ; ainsi, correspondant à la note marginale, planche I figure 1 et à propos de ce qu’on appellerait aujourd’hui un fossile silicifié du Crétacé de Tercis (n° 99 de la collection de Borda d’Oro), on peut lire : « je possède un morceau qui par d’heureuses dispositions montre un de ces corps devenu silex très dur et très sain engagé en partie dans un autre silex également bien conservé. C’est un fragment qui est demeuré d’une masse dont les extrémités ont été emportées. Les plans produits par les cassures sont parallèles dans une partie de leur étendüe. Le fragment est épais de deux pouces et concave dans une portion de son contour. Le vide qui résulte de cette forme est rempli par un Madrépore [rayé et surchargé] polypier branchu converti en silex, et cassé par les deux bouts. une de ses branches […] ». Ces neuf lignes sont suivies par une vingtaine d’autres.
Dans le chapitre sur les faluns on note la citation de « planche II figures 1, 2, 3, 4 » figurant des objets venant probablement du falun du moulin de Cabanes à quoi correspondent 23 lignes consacrées à la description de ce que nous pensons être des concrétions gréseuses : « On rencontre dans l’épaisseur entière de ce dépôt une substance qui mérite d’être connüe. elle y est dispersée en masses détachées et de formes très différentes […] plusieurs d’entre elles paroissent composées de corps globulaires qui auroient été réunis. toutes sont arrondies en quelque degré. […] elles sont formées pour la plupart en plaques très minces. mais certaines s’écartant de ce modèle présentent des formes bizarres. d’autres ont quelque ressemblance avec des animaux, et avec l’homme lui même en diverses atitudes […] ». Sans les dessins, ces descriptions parlent peu mais, un rapprochement est possible. C’est ainsi que lors de la réalisation d’un forage pour prélever de l’eau dans une propriété proche de l’église de Narrosse, un foreur a récolté des concrétions dans le Miocène, atteint vers -24 m. L’une d’elles illustre ce que décrit Borda d’Oro puisqu’on peut y voir, selon les orientations, une poupée, un chat, un bonhomme de neige…
Outre les citations de figures (un astérisque ajouté dans le texte et le même avec un numéro précédé de « fig. » dans la marge), d’autres additions au texte initial sont significatives. Trois sortes sont commentées ci-dessous : l’avertissement, les surcharges liées à des questions nobiliaires, des modifications liées aux noms de personnes.
Un avertissement est inséré entre la page de couverture et la page 1 : trois pages collées. L’auteur y note son attirance pour l’étude de la nature qui le « conduisit à la découverte des fossiles répandus autour du lieu de ma naissance » et l’obligation morale qu’il a ressentie de décrire sa collection. « Cette riche moisson se trouvait encore intacte. J’emploiai pour la receuillir tous les momens dont il m’étoit permis de disposer. L’intérêt et l’amitié me prêtèrent leurs secours et avec le temps une ample collection se forma par le concours de ces moiens. Des personnes respectables touchées de la multitude et de la variété des objets qu’elle offroit a leurs regards m’exhortèrent a les décrire. Leurs avis, je pourrois dire leurs instances furent pour moi des ordres et l’obéissance produisit les mémoires qui vont paroitre ».
Suivent diverses considérations sur le fait que l’ouvrage va paraître ou non ; sur le caractère imparfait de l’ouvrage ; sur la nécessité de poursuivre le travail ; sur l’extrapolation des observations contenues dans cet ouvrage aux régions voisines.
La seconde sorte, les surcharges, place la rédaction dans
l’ambiance du temps : la Révolution, l’avènement de la République, la
chasse aux aristocrates dont l’auteur fit indéniablement partie. En de nombreux
endroits, le caractère d’Ancien Régime de la rédaction originale est gommé ;
ainsi, la maison seigneuriale de Monbrun (à Rivière), le château d’Abesse (à
St-Paul), le château de La Roque (à Tercis) deviennent la maison de Monbrun, la
maison d’Abesse, la maison de La Roque ; l’expression « qui
environne le château » devient « voisine de l’église ».
Les subdivisions administratives de l’Ancien Régime sont évitées ainsi : « dépendante
de la Baronie de Gaujac » devient « dépendante de Gaujac » ;
la « route qui conduit du Béarn a Baionne »
devient la « route qui conduit de la ville d’Orthès a Baionne » ; « plusieurs
provinces du roiaume » devient « des portions
septentrionales de la france ». Quand la substitution devient
difficile on atténue ainsi : « le päis des Basques, le
Bearn, l’Armagnac, et la partie orientale de la Gascogne » devient par
une surcharge « ce qu’on appelloit avant ces derniers temps le
païs » etc. Dans le même ordre d’idée, à propos d’un spécimen qu’il a
vu : « en 1772 il était placé dans le Cabinet du Roi »
devient « en 1772 il était placé dans le Muséum d’histoire
naturelle ». Ces modifications indiquent que Borda d’Oro avait
l’espoir de publier l’ouvrage après l’avoir rendu plus conforme à la langue de
la République. C’est ce que confirme l’annonce publiée dans le Magasin
encyclopédique (Borda d’Oro, 1798, s.d., s.l.).
La raison de la troisième sorte de modification n’est pas claire et nous cèle une grande partie des relations et des sources de l’auteur. Aujourd’hui, on se réfère nommément aux auteurs, à la fois par courtoisie et parce que la responsabilité de la chose citée est ainsi à la fois rejetée sur et imputée à son auteur véritable. Ainsi, « M. faujas de Saint fond a fait imprimer a la suitte de son ouvrage » devient « imprimées a la suitte de l’ouvrage sur les Volcans du Vivarais et du Velai » tandis que « M. De Saint fond a donné » devient « l’ouvrage que je viens de citer donne ». Plus loin, « L’essai sur les roches de Trapp publié par M. faujas de Saint fond » devient « l’ouvrage publié sous le titre d’essai sur les trapp » (voir référence : Faujas, 1788). Le sort de Sage (Balthazar-Georges Sage, 1740-1824, chimiste et minéralogiste ; Académicien, un des créateurs et directeur de l’Ecole des mines) est également réglé en plusieurs endroits ainsi, p. 239, « M. Sage » devient « un chymiste dont la sagacité s’est exercée principalement sur le règne minéral », tandis que p. 531 : « M. Sage » devient « un Chymiste très expérimenté ».
Borda d’Oro préfère même maintenir le mot château que de citer une personne. Ainsi, p. 173. « le château de Gaujac » a été d’abord remplacé par « l’habitation du marechal de Sourdis » mais cette correction est nerveusement et doublement rayée à son tour et le mot « château » maintenu.
Le manuscrit de pétrographie donne quelques indications de date qui permettent de situer sa réalisation. On doit distinguer la rédaction de notes préalables, celle de la rédaction au propre et celle des modifications postérieures. Quelques exemples sont précisés ci-dessous.
Des récoltes ou visites sur le terrain sont datées en 1768 (à Saint-Paul et à Dax), de 1773 (à Saint-Cricq), de 1771 et 1778 (aux mines de charbon de Saint-Lon).
Il y a aussi des échanges datés comme cet envoi de roches à Réaumur de 1753 ; un autre envoi, à Guettard cette fois, est noté pour 1756. Il y a encore la citation de publications comme celle de l’Histoire de l’Académie des sciences, « année 1761 page 30 », et année 1772. En 1772, Borda d’Oro a fait une visite au « Cabinet du Roi » où, « parmi ses différentes espèces je remarquai du Basalte semblable au plus commun de ceux qui sont répandu autour de nous ».
Quelques faits sont datés comme la chute dans l’Adour des bancs supérieurs situés au nord de l’actuel Mur de Bédat à Tercis [ces lits] « n’étoient plus qu’au nombre de deux en l’année 1753 […] le dernier […] fut renversé pendant l’hiver de l’année 1769 ». De même, à propos de l’ensevelissement de pins par une dune sur la route de Capbreton à Dax, Borda d’Oro note qu’« a peine voit on quelque portion de leur cime en 1774 ».
Plus indirecte est l’information donnée sur le décès de Cassini : « Moulin d’Abesse dans la carte de feu M. Cassini ». Il s’agit ici de César-François Cassini de Thury (1714-1784) qui entreprit la carte de France en 180 feuilles, la rédaction est donc un peu postérieure à 1784, assez peu pour que l’on note encore « feu » M. Cassini. Dans le dernier mémoire sur la végétation, il est fait référence aux froids mémorables de 1766, qui se sont renouvelés en 1786 et 1789 et provoquèrent la « gélivure [de] presque tous les jeunes chênes du canton sabloneux ».
On n’a trouvé qu’une indication susceptible de dater presque instantanément le moment de la rédaction. Borda d’Oro décrit sa visite près de la métairie de Gueyrosse (Abesse) et sa récolte sous le minerai de fer, en 1786, d’une « matière du bleu le plus beau laquelle perdoit cette couleur après avoir été exposée à l’air pendant quelque temps » ; il ajoute qu’après avoir lavé ce sédiment, l’eau contenait un composé qui « exhaloit une odeur sulfureuse qu’il n’a pas entièrement perdüe après quatre ans révolus ». Il semble bien qu’il vienne de vérifier le fait dans sa collection ce qui situerait cette partie de la rédaction vers 1790.
Après la rédaction au propre, les ajouts donnent une idée de la date des relectures. Ainsi est citée, dans une note de bas de page rédigée sur un collage, l’action du froid de l’hiver 1789. Nous avons déjà cité les modifications liées à une lecture finale au sujet de l’élimination de certaines désignations liées à l’Ancien Régime ; elles sont postérieures à l’adoption de la République le 21 septembre 1792.
L’avertissement, lui aussi collé a posteriori note que les mémoires de pétrographie ont été « écrits depuis plus de vingt ans » (surchargé « vingt cinq »). Tenant compte de la date du décès de Borda d’Oro (1804), cela situe la rédaction initiale avant 1779 au moment du rajout du cinq. Pourtant l’auteur a peut-être inclus dans ce vingt-cinq surchargé sur le vingt initial, le futur long laps de temps nécessaire à l’édition espérée (plusieurs années à l’époque). Dans ce cas, la rédaction initiale se serait située vers 1784 avec une mise au propre vers 1788-1790, si l’on considère la date la plus récente déduite du texte et la plus ancienne déduite des ajouts.
On notera encore qu’avant la page 460, les dates citées vont de 1753 à 1778 ; ensuite seulement viennent les dates de 1784 à 1790. La figure 2 résume la situation ; elle met en évidence deux groupes de dates : entre 1765 et 1774 et entre 1784 et 1790. On peut suggérer qu’une première série de notes a été rédigée au cours du premier intervalle tandis que la fin de la seconde période a été celle de la mise au propre. Pour terminer sur cette question, rappelons qu’une souscription fut lancée pour faire paraître ces Mémoires (Borda d’Oro, 1798) et des prospectus distribués dont un exemplaire est préservé à Oro (Borda d’Oro, s.d., s.l.).
Figure 2. Dates relevées dans les mémoires de Jacques-François Borda d’Oro.
A : ajout en bas de page, D : datation instantanée déduite, E : échange daté, H : fait historiquement situé, R : récolte ou visite de terrain; les flèches indiquent quelques dates de publication de références citées.
Un bilan des localités citées a été réalisé en feuilletant le volume de pétrographie, 410 citations ont été relevées. Elles comprennent des sites précis souvent qualifiés par le nom d’un lieu-dit (Cabanes, Abesse, Quillac à Saint-Paul par exemple), ou d’une métairie (Tartas, Larrat, Lagoarde à Gaas par exemple), ou d’un relief (Bénarrac, Monhouga, Montpeyroux à Pouillon par exemple), ou d’une tuilerie, ou d’un moulin. Elles comprennent aussi des localisations moins précises : les paroisses, dont plusieurs ont été rassemblées ensuite dans nos communes actuelles. Le tableau 3 regroupe et résume les informations.
Les divers sites relevés pour la présence de roches ou minéraux dépassent le nombre de 130 répartis sur environ 70 paroisses. On constate une grande disparité entre ces dernières, avec 9 paroisses totalisant 209 citations, les 15 suivantes n’en comptant qu’un peu plus de la moitié (111) tandis que les 45 restantes regroupent 91 citations. Ce bilan permet de faire apparaître les diverses richesses minérales des environs de Dax au XVIIIe siècle.
Voyons d’abord le cas remarquable de Pouillon. Pouillon, Bénesse et Saint-Pandelon, ainsi que Dax et Tercis-Angoumé font partie de la même structure géologique : un pli-diapir à cœur de Trias (voir plus loin figure 3). Il n’y a que 5 à 6 km depuis Oro jusqu’à ces affleurements. La richesse en curiosités minérales sur ces territoires s’organise autour de la présence des diapirs souvent accompagnés d’ophite. L’ophite est cette roche verte, dure, de type volcanique, composée essentiellement de pyroxènes et de plagioclases, que l’on utilise aujourd’hui comme granulat pour les routes ou les allées de jardin après concassage (carrières Merle & Peyroux à Saint-Pandelon). Les couches du Trias renferment le gypse, la potasse, le sel et l’argile rouge typiques des bassins à faciès germanique d’Europe de l’Ouest. Le phénomène diapirique injecte le Trias à travers les formations sus-jacentes en les redressant, ce qui fait que celles-ci pointent à la surface sur les flancs du Trias. C’est ainsi qu’apparaissent, au milieu d’étendues de sédiments plus jeunes du Tertiaire et du Quaternaire landais, ces couches calcaires du Crétacé autour d’un cœur d’argile rouge du Trias. A Tercis-Angoumé, ce sont ces roches calcaires et leur contenu (les silex) qui ont suscité les citations de Borda d’Oro.
Certaines de ces lames de roches verticales, notamment une dolomie fracturée (Le Pochat & Thibaut, 1977), permettent aux eaux de remonter à la surface (sources thermales de Dax « connüe par ses eaux chaudes », de Préchacq « beaucoup plus chargées de sélénite », de Tercis, etc.) après s’être enrichies, au passage, de sels divers dissous dans les roches du Trias. Les diapirs proches de Dax sont schématisés figure 3. Un pointement d’ophite explique la hauteur du Tuc d’Eauze à Dax, où Borda d’Oro a repéré « l’argile rouge » comme le « basalte » : « l’argile rouge est parsemée de paillettes Gypseuses dès l’endroit ou elle se trouve appliquée contre le basalte. plus bas elle est mêlée de Crystaux gypseux. C’est dans cet état qu’elle a été tirée de toute la profondeur d’un puits creusé jusqu’a celle de quarante deux pieds ».
Tableau 3. Localités citées dans les mémoires de pétrographie de Jacques-François Borda d’Oro.
Les principales ressources sont indiquées avec, soulignés, les composés principaux et, entre parenthèses, ceux cités de façon subsidiaire.
Dans l’ensemble Bastennes-Caupenne-Gaujacq, c’est aussi un diapir qui explique la présence d’ophite, de gypse et de minéralisations. Le bitume remonte sur les bordures fracturées de la structure et imprègne alors les sables et faluns tertiaires (Le Pochat & Thibault, 1977).
A Saint-Paul-lès-Dax, c’est l’abondance des faluns, ces roches sédimentaires constituées d’un amas de coquilles qui justifie les citations. Une grande portion de la commune repose sur un véritable amas de fossiles caché sous une pellicule superficielle. Au Tertiaire, un lagon a occupé le site à diverses reprises ; une information pour le tourisme : Saint-Paul, son lac, son lagon fossile !
Le cas d’Abesse a été distingué car sa richesse est la combinaison de la présence de faluns avec celle de ferruginisations. Celles-ci ne sont pas exceptionnelles au nord de l’Adour avec la présence d’alios (sable cimenté d’oxydes de fer) et de garluche (concentrations plus élevées) mais le minerai paraît plus riche qu’ailleurs aux alentours d’Abesse. Borda d’Oro n’a pas manqué de s’y intéresser, d’autant que le propriétaire et exploitant des lieux était son oncle (Mascart, 2000, p. 643) Jean-Louis de Borda (1716-1798, maire de Dax de 1768 à 1770) qui, bien que demi-frère de son père, avait l’âge d’un cousin germain (cf. figure 1).
Figure 3. Localisation des structures diapiriques de la région de Dax
(simplifié d’après Rocher, 2001 et cartes géologiques). Trait plein et pointillés : ophite et Trias affleurant ; en tiretés : structure enfouie. A l’ouest de Préchacq comme au nord de Dax le diapir est sous les alluvions et bordé d’une lame de dolomie qui conduit les remontées d’eaux chaudes. L’étoile situe Oro.
C’est aussi pour leur proximité que sont souvent citées les paroisses de Saugnac et de Cambran, résidence de Borda d’Oro, au bord du Luy, mitoyennes de la commune de Mimbaste, sur le territoire de laquelle le domaine d’Oro s’étendait en partie à l’époque comme aujourd’hui. La présence de falun, de sable, d’argile complètent ces raisons. Pour les citations de la ville de Dax, c’est surtout à la variété de ses pavés que la cité doit son score (tableau 3). La présence d’autres richesses : eaux chaudes et pointement du Tuc d’Eauze justifient ces citations.
Enfin, quelques localités sont citées dans le mémoire sur les sables, omniprésents au nord de l’Adour.
Le texte donne quelques indications biographiques sur la jeunesse de l’auteur. Dans l’avertissement, il situe déjà clairement le cadre de son intérêt pour la géologie : « L’ouvrage […] est le fruit des recherches dont je me suis occupé depuis ma première jeunesse. je ressentis dès lors l’attrait qui me portoit a l’étude de la nature. il devint le guide qui me conduisit a la découverte des fossiles répandus autour du lieu de ma naissance [à Dax …] j’emploiai pour la receuillir tous les momens dont il m’étoit permis de disposer ».
On trouve encore cette expression de « première jeunesse » lorsqu’il décrit la présence de faluns à Abesse et Cabannes : « J’ai connu dès ma première jeunesse l’un et l’autre de ces dépôts. La recherche des fossiles rares et curieux qu’ils renferment a fait mon amusement pendant plusieurs années ».
Sur le territoire de Saint-Paul et « sur les confins de cette parroisse et de celle d’Herm », Borda d’Oro cite la métairie de Doute : « cette habitation sauvage ombragée par des Chênes a vastes têtes, me fournissoit un lieu de repos, lorsque dans ma jeunesse l’amour de la chasse m’amenoit dans le désert dont elle est entourée. des ma première station dans cet endroit solitaire, les murs de l’étable aux boeufs m’offrirent les objets les plus dignes d’attirer l’attention d’un naturaliste. ils sont construits d’une matière analogue au Lapa [alios] que j’ai décrit dans ce mémoire, mais qui en diffère souvent par une plus grande dureté, et toujours par la nature du sable, anguleux ici, et composé de molécules blanches et noires, toutes d’une petitesse extrême.
On remarque des différences entre les portions de cette matière, soit du côté de la dureté, soit à l’égard de la couleur. mais toutes sont chargées de coquilles dont les espèces sont très variées, ou des restes de ces corps marins en divers états ».
Le manuscrit de pétrographie offre des indications concernant les relations de Borda d’Oro avec ses contemporains. Divers points vont être illustrés : les relations personnelles avec des savants, la connaissance des travaux de ses contemporains, les relations avec ses concitoyens.
Pour les premières, nous avons trouvé trace des échanges avec Réaumur ; il écrit « M. de Réaumur lui même crut voir une pierre dans l’échantillon de Basalte que je lui envoiai l’année 1753 ». Le minéralogiste Guettard, (1715-1786, de l’Académie des sciences), l’a visité en 1771 : « M. Guettard qu’un voiage sur les côtes maritimes du roiaume avoit amené ches nous, m’aiant accordé l’avantage de le posséder pendant quelques jours, la mine de charbon fut un des objets dont je voulus lui donner le spectacle ». Ce minéralogiste est encore cité dans le volume II mais il était alors décédé. Borda d’Oro rencontra aussi le chimiste Macquer (Pierre Joseph Macquer, 1718-1784, académicien en 1745) « pendant le séjour que M. Macquer fit à Dax en 1768, je vis entre ses mains une sorte de porcelaine dont la couverte étoit assés blanche. Il l’avoit faite, me dit-il, de la terre de Poublan [à Pouillon] ».
Coste (1908) note de son côté que, lors de son enquête sur le kaolin destiné à la fabrication de la porcelaine, Macquer écrivit au ministre, en 1768 : « M. de Borda […] correspondant de notre Académie […] a fait une des plus belles collections que j’aie encore vues de minéraux, de terres et de pierres […] que des terres du pays, toutes en bon ordre, avec l’indication précise des lieux d’où elles sont tirées ».
C’est l’abbé Palassou (cf. Durand-Delga, 2002) qui a indiqué à Borda d’Oro que son basalte était l’ophite : « Cette analyse de nos Basaltes se trouve faite, au reste, en quelque manière, et la célébrité du Chymiste dont elle est l’ouvrage lui mérite la confiance la plus entière. M. Palassou remit à M Bayen quelque portion d’une matière qu’il met au nombre des pierres, et a laquelle il a donne le nom d’ophite. il l’avoit recueillie dans les Pyrénées, et je tiens de lui-même qu’elle n’étoit pas differente du Basalte qu’il a vu dans nos environs, lorsque j’ai eu l’avantage de le conduire sur quelques uns des monceaux de cette matière ».
On peut encore indiquer l’abbé Rosa (sic, le cabinet de l’Abbé Rose, de Tours, est cité par Dezallier d’Argenville) : « Je dois a la générosité de M. L’abbé Rosa une belle suitte de Polypiers qu’il avoit tirés des environs de Tours ». C’est un des seuls cas où l’auteur indique la présence d’objets étrangers à la région de Dax.
Quant à la connaissance des travaux contemporains, Borda d’Oro s’y réfère souvent sans précision ; ainsi : « les naturalistes mettent le Schorl au nombre des pierres » ou encore « elles sont colorées de ce jaune, qui selon le savant Henckel caracterise les Pyrites cuivreuses » ; « M. Sage » est aussi privé de la citation de ses travaux (Sage, 1769, 1772).
Réaumur est impliqué à propos de sa méthode pour noter la température (par exemple pour les eaux de Dax et de Préchacq, ou encore pour les records de froid des hivers de 1766, 1786 et 1789). Il le cite aussi à diverses reprises pour ses travaux sur les faluns : « Parmi les objets remarquables que présente l’histoire naturelle de la france, on doit placer au premier rang le dépôt de coquilles fossiles qui s’étend sur une partie de la Touraine. c’est à M. de Réaumur que nous avons l’obligation de le connoitre. il est devenu pour ce Physicien celèbre le sujet d’un des mémoires qu’il a donnés a l’Académie des Sciences » (cf. Réaumur, 1722).
Borda d’Oro cite aussi Desmarest (probablement Nicolas Desmarest, 1774, 1777) ; La Crystallographie de M. Romé de L'Isle (cf. Romé de l'Isle, 1772, 1784) ; La Lithogéognosie de M. Pott qui fut traduite en français (Pott, 1753) ; le Tome V du Traité de la culture des terres de M. Duhamel (cf. Duhamel du Monceau, 1753) ; l’ « ouvrage sur les Volcans du Vivarais et du Velai » de M. Faujas de Saint Fond (cf. Faujas, 1778) ; les « 2 mémoires exposant les effets d’un feu violent sur les matières minérales » de Darcet, un chimiste et naturaliste d’origine landaise (alias Jean d'Arcet, académicien, professeur au Collège de France, inspecteur des Monnaies : Audignon 1725 - Paris 1802 ; Eloge par Georges Cuvier le 15 nivose an X : 5-XI-1802 ; cf. Darcet, 1766, 1771). A propos du bitume, le mémoire d’un certain M. Juliot est cité sans précision.
Quelques réflexions sur ses relations géologiques sont données. Borda d’Oro relate ainsi la provenance d’une pyrite : « Le païsan duquel je la tiens, m’a montré le lieu d’où il avoit été arraché, […]. La naïveté de cet homme me repondit de sa bonne foi. d’ailleurs aucun motif d’intérêt ne l’engageoit a me tromper ».
A propos de l’exploitation d’une argile par un dur labeur d’enlèvement de la découverte il écrit : « mais les habitans de nos campagnes n’ont pas encore imaginé qu’on puisse descendre dans des puits et s’engager dans des souterreins ».
Au sujet de l’exploitation frauduleuse du bitume, Borda d’Oro précise : « L’autre manière est celle qu’emploient aujourd’huy les païsans qui arrachent le Bitume en fraude. ils l’enlèvent à coups de pioches […] étroites et fortes. La matière du depot s’attache au fer de l’instrument, dont les coups seroient bientôt amortis si on ne l’en separoit. on y parvient facilement en le frottant avec du lard […] ». Le juge perce sous la remarque qui suit, toujours à propos du bitume (p. 450) : « La portion du depot de Caupenne qui est renfermée dans l’enclos D’Armentière [?Armentieu?] est un objet de commerce pour le propriétaire de cette métairie. Les païsans de Bastènes ne cessent point d’enlever furtivement les restes de celui qu’on exploitoit auprès des fourneaux, et dont la propriété appartient aux représentans de M. Juliot et des autres anciens associés ».
Sévère est le jugement sur la façon dont certains ouvriers exploitent la garluche en trous isolés au lieu de suivre le niveau une fois celui-ci découvert : « mais les gens du païs n’auroient pas imaginé qu’il y eût de l’économie a conduire le travail de cette manière, et les Basques moins encore qui dirigeoient presque entier les travaux qu’exigeoient la mine d’Abesse ».
A propos du faible rendement des minerais d’Abesse, il implique encore les ouvriers : « un produit aussi mince pouvoit etre attribué au peu d’habileté des ouvriers, gens incapables de penser, et servilement assujettis aux pratiques qu’ils avoient apprises dans les forges d’Espagne. en effet la pesanteur de quelques scories est vraiement énorme, et ne laisse aucun lieu de douter qu’elles ne recèlent une grande quantité de métal ».
Les termes régionaux actuels d’alios, ce sable plus ou moins cimenté d’hydroxydes de fer et de garluche (plus riche en fer) semblent inconnus de Borda d’Oro qui note par exemple que « les gens du païs ont donné le nom de Lapa [… pour l’alios et] Le Lapa n’est autre chose qu’une portion du sable superficiel parmi les grains duquel une terre martiale [riche en fer] s’est introduite » et encore « aucun terrein n’est plus infertile et ne présente un aspect aussi triste. dans la parroisse de Saugnac, lorsqu’après avoir traversé la Lande on entre dans le chemin qui conduit vers l’Orient a la rivière du Luy, on voit le Lapa a la droite et a la gauche dans la coupe du terrein ».
Borda d’Oro rappelle l’origine de Saint-Geours : « Saint Geours est le nom de saint Georges rendu de cette manière dans l’idiome du païs […] et : de Maremne « Maritima dans les anciens titres du païs écrits en langue latine ».
L’origine et l’emploi du mot falun sont rapportés d’après le mémoire de Réaumur : « on y apprend enfin qu’il a reçu le nom de falun des laboureurs qui transportent cette matière sur les champs, et c’est ainsi que c’est [sic] introduit dans la Physique ce nom qui n’étoit en usage que dans l’Agriculture d’une province ». Le Robert note que falun « reprend (1720) un mot dialectal d’origine inconnue ». Borda d’Oro nous remémore, après Réaumur, qu’il vient de Touraine.
A propos de l’origine volcanique des reliefs ophitiques il écrit (p. 218) : « j’ai parlé du Mont Caüt de Gaujac ; montagne chaude est la traduction française de ces deux mots de la langue Gasconne. trois lettres ajoutées à Monhouga (n) en feront dans la même langue deux mots que le françois rendroit par ceux de Montagne en feu » (n) note infrapaginale collée : « on formeroit les deux mots Mont Hoüegat […] du nom Hoüet qui exprime le feu dans notre dialecte gascon. il ne diffère que très peu comme on le voit [du mot] fuego par lequel la langue espagnole rend le feu ».
Le discours de Borda d’Oro est sous-tendu par l’intérêt des roches qu’il décrit en tant que ressources minérales. Quelques points sont abordés ci-dessous.
L’argile est le sujet du premier mémoire de pétrographie qui nous rappelle l’importance de cette matière première dans la vie quotidienne pré-industrielle ; l’auteur signale, en même temps que leur apparence, les propriétés physiques et les utilisations pratiques ou potentielles, ainsi que les résultats de tests chimiques (action des acides) ou physiques (chauffage).
La poterie est l’activité la plus communément nommée ; sa qualité varie d’un endroit à l’autre. Elle est citée pour Gaujac : « des potiers établis dans le village de la dernière de ces parroisses font de cette terre une vaisselle qu’ils débitent dans les marchés voisins. j’allai visiter dans l’automne 1773 une fouille qu’ils avoient faite pendant l’été précédent pour se procurer la matière de leur travail ». Les potiers utilisent la « terre » d’un puits à Saugnac.
La fabrication de tuiles est remarquée à Pouillon dans une « Tuillerie renommée dans le pays, la Tuillerie de Laborde » ; et encore : « l’abondance de l’argile bleüe a Hinx, a Narrosse, et a Terciis a fait établir des tuilleries dans ces trois parroisses. Les briques et les tuiles qui sortent de ces atteliers, sont peu compactes et d’un rouge très pâle. La qualité de celles de Hinx est la moins mauvaise ; les ouvrages de Narrosse et de Terciis ne sauroient être plus mal conditionnés. ils sont mis en pièces par la gelée, ils se brisent au moindre choc. […] celle qui a subsisté à Saint Paul pendant quelques années travailloit l’argile bleüe decouverte auprès du chemin de la poste ».
La recherche de matière première susceptible d’être employée
pour la porcelaine a préoccupé Borda d’Oro sollicité par Macquer (voir plus
haut). Sans qu’il prétende avoir rien découvert, il s’attache à noter les
utilisations constatées et rapporte quelques analyses. Il indique à ce propos
le site de Poublan (à Pouillon), dont l’argile blanche sert à la « couverte
des vases », celui de Bélus, dont l’argile blanche est toutefois trop
mélangée d’impuretés pour être utilisable économiquement. C’est dans le mémoire
sur le sable qu’est nommée la porcelaine de Bayonne : « On
doit a M l’Abbé Desbiey de l’Académie de Bordeaux la découverte d’une
terre blanche emploiée depuis lors dans des manufactures de porcelaine qui ont
subsisté quelque temps a Baionne » ; le passage rayé est remplacé
en marge par « au génie observateur d’un habile naturaliste ».
Au sujet des marnes, l’emploi en poterie et pour des tuiles est encore cité : « Quelques unes de ces marnes ne servent a d’autres usages qu’a celui d’etre répandües sur les champs. L’une de celles que donne la parroisse de Cazordite est la matière qu’on met en œuvre dans une tuillerie voisine. la terre insoluble n’est que le tiers de son volume » (ce qu’il nomme « terre insoluble » est la fraction argileuse qui, mêlée au calcaire, constitue la marne).
Les potiers sont présents à Angoumé : « la marne blanche […] d’Angoumé […] est plus fréquente que partout ailleurs dans le domaine de Barran ; mais on en voit aussi en d’autres endroits de cette parroisse et l’une de celle [sic] qu’on y trouve est emploiée sur les lieux dans une poterie de cruches et terrines ».
La production est parfois notable, ainsi : « Plusieurs autres de ces terres sont emploiées par une classe particulière de potiers dont le travail se borne a des cruches et a des terrines […] ils utilisent […] une autre marne dont le banc commence de se montrer dans la partie occidentale de Pouillon, traverse en entier la parroisse de Bénesse, et s’étend jusqu’a Heugas […] les deux sortes de vases qui sortent de leur fabrique ont un debit très etendu non seulement a Dax et dans tous les lieux circonvoisins, mais encore a Baionne ».
Mais l’essentiel de l’utilisation des marnes est d’améliorer les sols. L’amas de Monbrun (à Rivière) est employé « avantageusement pour l’engrais des terres voisines » et encore, « Aucune des terres capables de féconder les champs n’ont [sic] produit a cet egard des effets plus connus dans ce païs que celles qu’on fait servir a cet usage dans la parroisse de Terciis […] l’amas des terres qu’on y emploie [… est traversé] dans sa largeur en suivant le chemin qui de Dax conduit au bac établi sur l’Adour a l’endroit nommé le Vimport. cette largeur est de quinze à vingt toises. La longueur du dépôt est inconnüe ».
Dans le mémoire sur les calcaires, cette ressource minérale est signalée pour la construction comme pierre de taille et pour la chaux.
La qualité de la pierre de Bidache est connue ; elle est apportée jusqu’à Dax et préférable à celle des environs : « ceux qui cherchent a épargner tirent des pierres de taille [de Bidache] pour les parties de maisons qui sont tournées vers l’Oüest et vers le Sud, et de Pouillon celles qu’on doit emploier dans les faces qui regardent l’Est et le Nord ».
La pierre de Tercis sert « de fondemens aux edifices construits au Nord et à l’Oüest de ces bains » ; celle « des lits qui se trouvoient placés entre la rivière et la grande roche [il s’agit des niveaux situés au nord de l’actuel mur de Bédat] ont été presque entierement enlevés. ils paroissent avoir fourni la pierre de laquelle on a construit a Dax des maisons qui subsistent depuis plus de deux siècles [mais] Les murs extérieurs de l’église cathédrale de Dax sont bâtis en grande partie de pierres de Pouillon », de même pour la façade du Palais de Justice.
La pierre de Cazordite, métairie Bertrac est « emploiée pour la construction du pont ». Des carrières utiles à la construction sont exploitées à Heugas ; la roche est « composée presque en entier de très petites numismales » (c’est le calcaire à nummulites) et à Gaas.
Borda d’Oro remarque avec perspicacité que les calcaires mêlés d’argile sont gélifs et les autres pas ; il précise qu’une teneur égale ou supérieure à 10% d’argile (de « terre ») laisse prévoir que cette roche sera impropre à donner une pierre résistante. Deloffre et Bonnefous (2000) fournissent une somme de données modernes sur cette question des roches utilisées autrefois à la construction des monuments.
Quant à la chaux, elle est signalée à propos de Tercis : « Un four à chaux etabli depuis longtemps a Terciis au bas de la grande roche, ne travaille que sur la pierre blanche ».
Borda d’Oro distingue le falun des autres calcaires parce que son contenu figuré, ce qui intéresse au premier chef un collectionneur de curiosités géologiques, est particulier. Le falun est repéré en de nombreux endroits de Saint-Paul (faluns de Cabanes, d’Abesse, de Quillac) ; à Saint-Geours (de Maremne) « il se montre vers les limites orientales de la parroisse de Saint Geours, auprès du grand ruisseau qui naît dans les fondrières de cette même parroisse » (on le dirait aujourd’hui falun d’Escornebéou). D’autres faluns s’étendent à Bélus, Saint-Lon, Siest / Cauneille, Gaas, Bénesse : métairie de Pribat-Jusan, Heugas : métairie de Bonehou. L’un des faluns les plus fameux est celui dit de Narrosse, très fossilifère ; ce falun “bleu” « commence de paroitre a l’extremité occidentale du bois de Narrosse […] ce falun suit ce même bois vers […] les parroisses de Saugnac, de Cambran, de Sort, de Garrey, de Poyartin, de Castelnau. La distance des termes extrêmes est de trois lieües. […] On le retrouve « dans les coteaux du bois D’Oro, dans les parroisses de Cambran, de Mimbaste, de Clermont, et d’Ozourt ».
Borda d’Oro justifie sa longue description des gisements de faluns : « Cette sorte d’analyse a du précéder ce que j’avois a écrire sur la propriété fertilisante du falun. j’en ai déjà donné une idée au commencement de ce mémoire. mais un pareil sujet mérite d’être traité plus amplement ». Après avoir rappelé son action : « instruit par la lecture du mémoire de M. de Réaumur, je crus pouvoir annoncer que ces matières répandües sur les champs produiroient des effets semblables a ceux de nos marnes. L’événement a justifié ce que j’avois osé prédire. on n’a fait jusqu’a présent aucun usage du falun de Quillac ». Il insiste plus loin : « aucun engrais n’est comparable au falun ; nos marnes même les plus renommées lui sont de beaucoup inférieures. il fertilise également et les sables et les terres fortes. il augmente presque jusqu’au double le produit des prairies. ces derniers terrains en demandent a peine une quantité qui soit egale a celle de la graine de foin dont on voudrait les ensemencer ». L’auteur expose alors, en sept pages pleines d’informations pratiques, manifestement liées à des observations et expériences vécues, l’emploi du falun, la quantité, les précautions, l’action « capable de faire naître l’étonnement » sur diverses cultures et au cours du temps.
Le grès n’est pas fréquent dans la région ; Borda d’Oro signale qu’on pourrait faire des pavés avec celui de Gousse ; mais sa seule utilisation pratique est notée ainsi : « on emploioit autre fois le Grès voisin du Lous que pour la maçonnerie […] on sait en faire un meilleur usage depuis quelques années. il sert pour des meules de moulin qu’on tire souvent d’un même bloc ».
Quant à l’ophite : « des blocs de Basalte servent de bornes dans les rües de Dax ; des globes de la même matière ont été emploiés dans le pavé de cette ville ».
Le gypse a attiré l’attention de Borda d’Oro pour la variété de ses cristallisations (à Caupenne, Bastennes et Gaujacq, au Tuc d’Eauze à Dax, à St-Pandelon : métairie Loustau, à Bénesse : métairie Brana, à Pouillon : Montpeyroux, Monhouga, métairies de Coy et de Tingla). La présence de plâtrières est notée au Pouy d’Arzet (p. 235 et 299) à Saugnac mais le gypse de Pouillon est réputé de meilleure qualité ; il est encore exploité aujourd’hui.
Le sable est un produit si commun et dont l’emploi est si naturel que Borda d’Oro fait peu d’allusions à son exploitation ; les lieux d’exploitation sont nommés « sablonnières » : sablonnière de La Herrère, sablonnière d’Aulons (à Pouillon), de Fauron (à Montfort), sable de l’Adour à Dax etc. On notera surtout la citation d’un sable de qualité : « nos fondeurs tirent le sable de leurs moules de la parroisse de Moscardès ».
Près de 30 pages sont consacrés au « Bitume », présent à la périphérie du massif de Gaujacq-Bastennes-Caupenne-Donzaq. Le mot est rigoureusement défini : « ce qu’on nomme Bitume, est un composé de diverses matières liées par un suc épais, gras, inflammable, qui suivant les vicissitudes de froid et de chaud qu’il peut eprouver donne a ce melange ou la dureté de la pierre, ou la mollesse de la cire échauffée ».
L’utilisation du bitume est essentiellement décrite au passé d’après un mémoire dont le titre n’est pas précisé : « M. Juliot semble n’avoir parlé que par conjécture de la plupart des effets utiles qu’il a attribués aux matières qu’il nomme Le Bitume. il paroit que de son temps elles ne fussent emploiées qu’a remplir les joints de pierre qu’on vouloit rendre imperméables a l’eau de pluie ». Il précise le procédé d’extraction essentiellement d’après des témoignages oraux et critique l’imprécision de la rédaction de Juliot : « Pour séparer le Bitume on construisoit des fourneaux que M. Juliot a décrits d’une manière très imparfaite. il les nomme, des fourneaux de Reverbère. on y entretient, dit il, le feu pendant quatre ou cinq jours. le Bitume le plus disposé a la fonte coule de dessus des grilles de fer dans des bassins, et de la dans des barrils. […] Ces fourneaux, me disoit on, etoient au nombre de dix ou de douze, couverts d’un hangar dont il ne demeure aucun vestige. il en reste très peu des fourneaux eux mêmes […] ».
Pour imperméabiliser des assemblages de pierres, on utilise un ciment bitumineux : un mélange de 85 % de « brut » et 15% « d’épuré » auquel on ajoute « environ six ou sept pour cent de chaux vive » ; cette recette s’est révélée très efficace « a Bordeaux dans les remparts du Chateau Trompette. [… Malheureusement] l’etablissement qui eüt pu fournir le matériaux de cette composition dans la quantité necessaire pour de grands ouvrages est abandonné depuis longtemps. après avoir dépensé cent dix mille livres, on n’en retira que quatre vingt mille des matières Bitumineuses qu’on vendit ». Suivent des considérations détaillées sur la consommation de bois, la gestion de la compagnie, etc. Le bitume attirait déjà l’intérêt des contemporains (Faujas & Lavoisier, 1790).
Kieken et Thibault (1975) mentionnent l’existence des argiles à lignite dans le Cénomanien affleurant près de Gaouyous (Est de St Lon) avec des blocs de calcaire à grosses huîtres. Borda d’Oro signale la présence de « charbon de terre » (lignite) et son extraction à Saint-Lon et près de Cazordite sous un niveau marneux à huîtres qu’il visita avec Guettard. Le début de l’exploitation est situé vers 1750 mais elle « ne fut pas d’une longue durée. la partie supérieure du charbon se trouve remplie de Pyrites. celui qu’on enleva d’abord aiant été emploié par des forgerons, rendit leur fer aigre et cassant, et l’amas entier fut décrié » ; puis elle reprit : « l’extraction depuis ce premier temps en a été reprise et abandonnée a diverses fois. elle fut suivie avec quelque activité en 1771 » ; puis « ce nouveau travail fut abandonné après quelques années. un troisième lui succeda et fut entrepris beaucoup plus en grand. en aiant été averti en 1778, je m’empressai de me rendre sur les lieux [… mais] La mine de charbon fut abandonnée une troisième fois dans le cours de l’année 1778 ».
L’exploitation de ces concrétions est à l’origine de la vocation sidérurgique ancienne de la région. Le minerai du domaine d’Abesse (Saint-Paul) était bien connu de l’auteur qui note la présence de la forge alimentée pendant longtemps sur place par un site boisé qui « a fourni pendant longtemps la matière du travail de la forge qui etoit etablie dans ce même lieu ». Mais le minerai s’est épuisé et, en 1786, il provenait d’un autre lieu : « Depuis quelques années, le bois d’Abesse avoit cessé de donner la mine qui fournissait au travail de la forge. on la tiroit d’une métairie nommée Gueyrosse, séparée du terrein d’Abesse par le ruisseau ».
La description de la technique employée à Abesse mérite d’être
citée : « Je crois devoir décrire maintenant le travail par
le moien duquel les mines d’Abesse et de Gueyrosse étoient amenées à l’état
parfaitement métallique. On leur faisoit subir un grillage. je n’ai pu
m’appercevoir qu’elles donnassent quelque odeur sulfureuse dans cette
opération. quel que pût être l’effet qu’on attendoit de ce moien, il me paroit
n’avoir eu que celui de rendre plus facile la séparation de la partie
métallique d’avec la terre martiale. elle se détachoit en grande partie des
masses grillées, lorsqu’on frappoit celles ci. Le fer demeuroit comme en
grumeaux qu’on degageoit plus exactement encore en les agitant sur un crible.
C’est dans cet etat qu’il étoit porté au fourneau de l’espèce de ceux qu’on a
nommés fourneaux a la Catalane/ Biscayenne. avec la mine on jettoit dans
ce grand creuset du charbon de bois de Pin. lorsqu’elle avoit éprouvé le degré
de feu convenable, on ouvroit une porte pour donner lieu a l’écoulement des
scories. Le fer étoit ensuitte retiré du creuset rassemblé en un tourteau de
l’interieur duquel des flammes s’élançoient de toutes parts. Les parties de
cette masse aiant été rapprochées par des coups de marteau, le même instrument
aidé d’un coin, étoit emploié pour la diviser en trois saumons. tandis que deux
de ces portions refroidissoient plongées dans l’eau, la troisième placée dans
le fourneau recevoit un recuit, après lequel on l’allongeoit en plaques longues
a peu près de quatre pieds, larges d’environ trois pouces, sur trois ou quatre
lignes d’épaisseur. Le fer que donnoient l’une et l’autre mine se ressembloit
par ses qualités. elles ne rendoient que dix pour cent » (NB :
mine = minerai ; taille des plaques citées : 130 x 8 x 0,5 à 1 cm).
L’exploitation dura longtemps : « Il y a près d’un siecle qu’on etablit a Abesse un haut fourneau […] il fut abandonné après quelques années, et l’on continua d’exploiter la matière du banc dans le fourneau qui existait auparavant, et dont le travail vient de cesser pour n’être point repris désormais ». La cause de la cessation d’activité est décrite ensuite : « Le fer d’Abesse jouissait d’une grande réputation dans le païs. aucun autre ne pouvait lui être comparé pour la fabrique des instrumens du labourage. du fer de Suède qu’on porte a Baionne depuis quelques années, s’étant trouvé semblable a celui d’Abesse par sa qualité, et pouvant etre vendu a moindre prix, le dernier n’a pu soutenir cette concurrence, et la forge a été détruite ».
D’autres forges sont signalées comme récemment abandonnées, l’une à la limite entre St-Paul et Herm « auprès d’une métairie nommée Pinteseque » et l’autre « dans le domaine d’Ardie, située au Sud Oüest d’Abesse » (Hardy au NW de Saint-Paul). D’autres ont pris le relais : « La forge d’Uza fut établie vers l’année 1760 au Nord Ouest de Dax […] à plus de 6 lieües […] plus recemment la forge de Pontens a été bâtie au Nord Est de celle d’Uza ».
Outre son utilisation comme minerai, le manque de pierre dure dans la lande a fait utiliser la garluche comme pierre de construction : « la matière de ces dépôts ferrugineux a fourni du moélon pour les murs de plusieurs maisons baties dans leur voisinage ».
En conclusion, Borda d’Oro associe toujours l’objet géologique et son aspect utilitaire et la description de sa collection qui pourrait n’être qu’un catalogue devient souvent un utile témoignage sur les ressources minérales et leur exploitation au XVIIIe siècle.
Jacques-François Borda d’Oro est informé du progrès des connaissances de son temps. L’avertissement suggère tantôt que les mémoires vont être publiés, tantôt non. Il note : « la destination que je leur avois donnée aiant rencontré des obstacles inattendus [nous supposons qu’il n’a pas pu trouver d’éditeur] je les avois condamnés à demeurer dans l’obscurité, me félicitant de leur voir éprouver le sort qu’ils me paraissoient mériter [c’est-à-dire, demeurer inédits]. Comment en effet en aurois je pu méconnoitre les imperfections ! […] D’ailleurs les connoissances nécessaires pour écrire sur les sujets que j’avois à traiter me manquoient presque absolument. il ne m’avoit été possible de les acquérir ni par la lecture, ni par le commerce des savans ni par ce spectacle du règne minéral que les cabinets présentent en abrégé. Mes mémoires enfin sur les pierres de nos environs sont écrits depuis plus de vingt ans [surchargé vingt cinq, soit avant 1780]. quels progrès n’a point fait depuis lors cette portion de la minéralogie ! il m’eut falu refondre tout ce travail pour le mettre en état de paroitre a côté de ceux des Saussure et de tant d’autres savans lithologues » (Horace-Benédict de Saussure (1740-1799), physicien, minéralogiste et géologue ; dont le père (Nicolas, 1709-1790) et le fils (Nicolas-Théodore, 1767-1845) contribuèrent aux progrès des sciences de la nature).
Lorsqu’il analyse les basaltes, après avoir décrit divers comportements au chauffage, aux acides, « plongés dans l’urine », il invoque « d’autres moiens » et note : « Je me dispenserai de rendre compte de ces procédés fort inférieurs en exactitude a ceux qui sont en usage maintenant pour l’analyse des pierres et des matières volcaniques. ces derniers m’étaient inconnus alors » et poursuit par la citation de l’analyse de Bayen (voir plus haut). Il reste qu’il a expérimenté ce qui lui était connu, lui permettant d’apprécier très correctement les propriétés des calcaires, marnes et argiles.
Ses observations lui suggèrent l’existence d’un feu intérieur : « Les eaux chaudes de Dax attestent qu’il existe du feu maintenant, au pied des hauteurs Basaltiques dont la ville est en quelque manière entourée. il ne donne point a la vérité des signes de sa présence dans les autres lieux qui nous offrent du Basalte ; mais d’où viendraient les noms que des buttes conoïdes portent dans ces lieux, si elles ne les tiroient des traditions qui ont transmis jusqu’à nous le spectacle de la flamme, ou le sentiment de la chaleur qu’elles donnerent autrefois » (suit la citation du Mont Caüt et du Monhouga donnée dans le paragraphe sur la sémantique ci-dessus). Ce débat sur le feu intérieur est contemporain (Romé de l’Isle, 1781).
Comme le notait déjà Durand-Delga (2002, p. 21) Borda d’Oro a nommé basalte les ophites rencontrées autour de Dax et a admis leur nature volcanique malgré l’opinion de Palassou qui a toujours considéré que son ophite résultait de la recristallisation de matières argileuses. Notre Dacquois a reconnu leur aspect voisin des basaltes vus en collection ou décrits par ses contemporains comme Réaumur et Faujas de St-Fond : « à la couleur près elle [l’ophite] a tous les caractères du Basalte vert décrit par M. faujas de Saint fond dans son ouvrage sur les volcans du Vivarais et du Velai » ; il a rappelé que la toponymie elle-même évoquait le feu (cf. plus haut) et a imaginé que ces massifs d’ophite étaient venus au jour par soulèvement comme les îles de Santorin ou d’Islande.
Borda d’Oro a vu l’alignement est-ouest des couches du diapir de Tercis-Angoumé (Le Pochat & Thibault, 1977) depuis l’actuel Mur de Bédat (rive gauche) jusqu’à Angoumé (rive droite) ; il l’interprète comme un amas peu profond après avoir cherché la roche en sondant entre les deux affleurements au fond de l’Adour un jour de basses-eaux : « la base de l’amas de Terciis ne descendoit pas profondément au dessous du lit que l’Adour occupe maintenant. […] je n’ai point formé une supposition gratuite lorsque j’ai attribué une profondeur aussi mediocre a ce vaste amas de pierre. dans un temps ou toutes les eaux du païs etoient très basses, traversant l’Adour sur l’alignement des carrières de Terciis et d’Angoumé, j’en sondai le fond très exactement, et je ne découvris aucun vestige de pierre ». Delbos (1854) note, dans son historique des travaux sur le bassin de l’Adour, qu’à la même époque, l’abbé Palassou (1784) avait « reconnu le premier la constance des couches inclinées » et avait donc saisi la logique géométrique des strates.
C’est surtout au sujet du falun bleu miocène à restes de vertébrés que Borda d’Oro a repéré une continuité latérale depuis Narrosse jusqu’à Montfort.
L’attirance de Borda d’Oro pour la géologie fut liée à son intérêt pour les fossiles. L’ouvrage est organisé en mémoires relatifs à divers groupes zoologiques (tableau 4). Presque la moitié du volume 2 est consacrée aux vertébrés ; eu égard à la difficulté de fossilisation de ces animaux et de leur rareté dans les couches on en déduit que Borda d’Oro a accordé une attention particulière à ces restes. Pour le volume 3, plus de la moitié concerne les « polypiers fossiles ».
Les subdivisions de certains chapitres précisent les fossiles compris sous leurs titres à une époque où la connaissance de la systématique était en pleine évolution.
Tableau 4. Organisation des mémoires de paléontologie de Jacques-François Borda d’Oro.
Mémoire 2-1 (volume 2 n° 1). Ce mémoire sur les os de la tête, débute par la description d’une dizaine d’ « os pierreux » attribués à l’oreille des mammifères. Il en avait d’autres qu’il ne décrit, ni ne numérote : « ceux que je possède de plus ont été tirés de la même matière en divers endroits dont j’ai négligé de retenir des notes ». Suivent les descriptions de multiples dents, lesquelles sont parfois l’ornement de fragments de mâchoires.
Mémoire 2-2. Dans ce mémoire, il s’agit principalement de vertèbres et de côtes. Les restes attribués aux cétacés ne sont pas rares, l’attribution étant liée à leur taille : « Des dimensions d’un fragment tiré du falun sur les limites des parroisses de Sort et de Cambran, on peut inferer avec une pleine assurance que la côte a laquelle il appartient, etoit d’une de celles de quelque grand Cetacée. Il est long de deux pieds deux pouces* (en marge *n° 323), et les fractures qui terminent ses extremités doivent le faire regarder comme une partie intermédiaire de l’os dont il a été separé ». Et encore : « La plus grande des Vertebres de ma collection* (en marge *n° 294) […] est haute de huit pouces, le grand diametre de sa base a six pouces dix lignes de longueur ». L’os est long de 70 cm et la vertèbre mesure 21,5 x 18,5 cm.
Mémoire 2-3. Les coquilles univalves comprennent : « Lépas », Dentales, Nautiles, Limaçons, Buccins, Vis, Porcelaines, Cornets, Rouleaux, Tonnes ou conques sphériques, Murex, Pourpres.
Ce mémoire commence par un groupe rare (sept spécimens cités et illustrés dans la planche XXVII). Lepas est, aujourd’hui, le nom de genre de l’anatife ou bernacle qui est un crustacé comme la balane. Mais Borda d’Oro désigne ainsi les patelles, comme le note Romé de l’Isle dans le catalogue de la collection Davila (Romé de L'Isle, 1767).
Sous le titre de nautiles, Borda d’Oro évoque les « Cornes d’Ammon » (les ammonites) et les « Nautiles microscopiques » (foraminifères benthiques). Les gastéropodes des faluns de Gaas et de Saint-Paul constituent le bataillon principal de ce mémoire.
Mémoire 2-4. Les coquilles bivalves comprennent toute la classe des bivalves, tels que désignés actuellement mais, probablement aussi, les brachiopodes. Les subdivisions incluent : huîtres, jatarons, cames, tellines, pétoncles, arches et coeurs, peignes, moules, manches et couteaux, pholades.
Mémoire 2-5. Ce mémoire « fourre-tout » a du mal à trouver son organisation. Borda d’Oro nous explique ce qu’il entend par coquilles multivalves : « Parmi les genres dont la classe des Multivalves est composée, les Oursins, les Glands de Mer, et les Tuyaux de Vers marins, sont les seuls qui aient donné des fossiles a notre contrée. celui que j’ai nommé le premier doit occuper la première place. il l’emporte sur les deux autres par l’abondance avec laquelle il est répandu chés nous ».
Cet extrait nous explique le choix du plan : le groupe le mieux représenté est décrit en premier. Ainsi a t-il fait en commençant le volume 2 par les vertébrés mais aussitôt il déroge à sa règle en décrivant les « Glands de Mer » dont il ne numérote que quatre spécimens (encore qu’il décrive une valve d’huître couverte de 27 individus), avant les « Tuyaux de Vers » qu’il possède en plus grand nombre : plus de 30. Le sens des mots variété, espèce, genre, famille, classe n’est pas constant.
Parmi les oursins, on trouve les noms de turbans, spatagi dont cœurs, brissus etc. ; les « Glands de Mer » sont nos balanes d’après la racine grecque (balanos : gland) ; les tuyaux de Vers marins sont placés là sans assurance car : « J’ai placé les Dentales de ma collection parmi nos coquilles Univalves. d’autres tuyaux qui ont été comme eux des demeures d’animaux marins auroient du etre decrits au même lieu, s’il eut été bien certain que leur interieur ne renfermoit aucune des pieces qui peuvent etre regardées comme des valves. pour s’en assurer, il aurait falu les détruire, ou les dégrader trop considérablement ».
Les crustacés sont ajoutés là car ils ne trouvaient pas leur place ailleurs. Parmi ces crustacés, un beau spécimen mérite d’être connu : « Un dernier Crabe* (en marge *n° 732) l’emporte sur tous les autres par la grandeur. de l’origine de l’une des pinces jusqu’a l’extremité opposée, il est large de cinq pouces. La perpendiculaire a cette distance, menée par le milieu de l’origine de la queüe a trois pouces cinq lignes de longueur » (13,5 cm x 9,2 cm).
Mémoire 2-6. Il s’agit ici de « noiaux » ; ces moulages internes ne sont pas d’autres groupes fossiles, il n’y avait pas lieu d’en faire un mémoire particulier. On voit là le collectionneur de formes qui a pris le pas sur le naturaliste. Ils peuvent être abondants : « La carrière de Garanx ouverte dans la parroisse de Gaas en est remplie et c’est de ce lieu qu’est sorti le plus grand nombre de ceux qu’on voit dans ma collection. […] plus à l’Est d’un demi quart de lieue que celles de Larrat, de Lagoarde et de Tartas » (Tartas est le du nom d’une métairie et non celui de la ville homonyme).
Il peut exister tous les intermédiaires entre les coquilles et leurs moulages : « Les coquilles sont absolument conservées autour de quelques noiaux de Bivalves. en d’autres elles sont réduites a une couche très mince sur d’autres de la meme classe encore, on voit quelques portions de la surface revêtües d’une matière blanche, semblable a de la Craie qui leur eût été appliquée avec un pinceau ».
C’est parmi ces « noiaux » que la présence d’ammonites a été présumée dans la collection de Borda d’Oro mêlées aux nautiles provenant des dépôts tertiaires de Mimbaste ou Tartas (Miocène des « faluns de Tartas », Platel, 1990). L’extrait suivant nous le confirme : « A ces trois noiaux trouvés dans les falunières de ce canton [Mimbaste?], je crois devoir en associer un quatrième qui m’est venu des carrières voisines de la ville de Tartas* [en marge *n° 759 …] long de huit pouces quatre lignes, il a six pouces de hauteur, et seulement deux pouces une ligne d’épaisseur vers l’endroit ou fut l’ouverture de la premiere chambre […] ces noiaux d’ailleurs s’eloignent peu de ceux qu’on connoit sous le nom de Corne d’Ammon ; et les Nautiles dans lesquels ils ont pris leurs formes pourroient avoir été le passage de ce genre, a celui de ces autres coquilles encore chambrées, auxquelles les Cornes d’Ammon doivent leur origine. Elles sont peu frequentes chez nous ; mais nos environs n’en sont pas entièrement dépourvus. la pierre blanche de la parroisse de Pouillon renferme de ces noiaux. je n’ai pas retenu le nom de la carriere ou furent trouvées celles qu’on m’apporta. elles étoient au nombre de quatre […] Trois de ces fossiles ont été représentés grans comme nature. celui qu’on voit a la figure 4 [en marge n° 760] est vert au dehors, et couvert d’une arborisation… un sillon parcourt le milieu du dos que termine une portion de courbe ».
Cette dernière description est conforme à l’aspect des ammonites du Crétacé de Tercis communément verdies par la glauconie et dont on aperçoit la suture complexe des cloisons effectivement sous forme de dessins arborescents (Odin, 2001, p. 563).
Mémoire 3-1. Ce premier mémoire du volume 3 comprend des structures que l’on désignerait aujourd’hui comme des terriers (de vers, de pholades…).
Mémoire 3-2. L’importance accordée aux coraux dans ce volume de paléontologie est expliquée au début de ce mémoire : « De tous les ouvrages construits par les Polypes marins, nous ne trouvons autour de nous que ceux qui longtemps ont été connus sous le nom de Plantes pierreuses. […] Ces ouvrages qui ont reçu le nom de Polypiers […] sont une portion considérable de nos richesses minéralogiques. on en trouve dans la plupart de nos dépôts fossiles : ils sont répandus dans tous les amas de falun particulièrement dans ceux de Cabanes et d’Abesse […] mais l’abondance en est plus grande que partout ailleurs dans la parroisse de Saint Paul, de part et d’autre du chemin par lequel, en venant de l’Est, on descend dans la valée de l’Adour ».
La présence d’éponges mêlées avec les polypiers est déduite des extraits suivants : « Les Madrépores que je dois décrire maintenant, ont été tirés de cette couche de terre grasse qui mêlée a des masses de silex surmonte la pierre blanche dans les paroisses de Terciis et de Pouillon. Ils ont pris la nature siliceuse. la matière dont ils ont été pénétrés a fait disparoitre leurs etoiles, elle a meme comblé la plus grande partie des ouvertures […] comme fait en entonnoir ». Il s’agit d’éponges silicifiées communes dans l’Unité à silex du Maastrichtien, notamment là où la dissolution du calcaire les a concentrées (Odin, 2001, p. 147). On note encore : « Je place après eux d’autres formes qui paroissent devoir etre comprises parmi les Cyathiformes de M. Romé de L’ile ». Ce sont donc bien des éponges silicifiées.
Des ossicules de la classe des crinoïdes (embranchement des échinodermes) sont aussi présumés parmi ce que Borda d’Oro décrit comme « étoiles circulaires » ou « étoiles polygones ».
Mémoire 3-3. Les roches à nummulites communes près de Montfort ou de Sordes ont attiré l’attention de Borda d’Oro : « Des numismales forment un vaste depôt dans la parroisse de Nousse contigüe vers le Nord Est a celle de Montfort [… dans une] carriere ouverte dans ce dépôt, on fait donner a celle ci le nom de carrière des Mouliets diminutif de celui des moulins dans l’idiome du päis ».
Mémoire 3-4. Les restes de végétaux ont été collectés en divers endroits : « dans la parroisse de Poyartin, procure la decouverte de plusieurs fragmens de bois changés en pierre […] la plupart de ces fragmens me furent apportés. le plus grand de tous (n° 265) est long d’un pied trois quarts. [… et aussi] on retrouve cette partie blanche dans un autre morceau de bois (n° 268) tiré des falunières d’Arrieupeyrét situées entre les parroisses de Mimbaste et de Cambran. [… et encore] j’ai trouvé des cônes de sapin dans le falun de Saint Geours. [… et enfin] On a vû dans le mémoire sur nos minéraux combustibles qu’un lit de tourbe épais de dix huit pouces se montrait parmi les matières qui précédent le charbon fossile de saint Lon ».
Mémoire 3-5. Le dernier mémoire rassemble ce que l’on nommerait aujourd’hui des éléments de stratigraphie mais la notion de couche caractérisée par des fossiles était trop ténue à l’époque de Borda d’Oro. Pourtant, il a tenté de définir des successions verticales régionales et a clairement perçu le paléoclimat du Miocène : « Pour rendre raison de ces faits il faut supposer un changement dans la temperature de notre climat. La chaleur y dut etre autrefois la meme qu’elle est aujourd’huy dans la zone torride ».
Les mémoires font appel à des figures organisées en planches ; les planches III à LX sont citées pour ces manuscrits de paléontologie. Ces 60 planches constituaient une importante contribution regroupée dans « deux grands portefeuilles contenant divers desseins relatifs au cabinet d’histoire Naturelle » dont le reçu fut donné à sa fille Marie-Louise le 1er juillet 1807 (pièce archivée 6). Ces planches n’on pas été retrouvées.
Borda d’Oro n’écrit jamais qui les a dessinées. Ce n’est pas son œuvre, comme le suggèrent les extraits suivants : « Deux de ces corps dont la description doit précéder celle de tous les autres, n’ont pas été représentés et quand j’ai vu combien cette description demandoit le secours des figures, le moien de me les procurer n’étoit plus disponible » et encore : « les noiaux que j’ai fait dessiner » et enfin : « sa forme présente celle d’un cône dont la base est elliptique, et dont la hauteur est rendüe par le dessin que j’en ai fait tracer ».
Borda d’Oro n’exprime pas toujours un grand enthousiasme pour ces représentations : « un troisieme Buccin […] je crois avoir rapporté cette coquille des falunières de Gaas. Ces mêmes depots m’ont donné l’un de nos plus jolis Buccins dont la figure par laquelle on a voulu le représenter rend a peu près la forme [en marge : figure 6] mais n’exprime pas l’élégance ».
Si les planches ont disparu, quelques figurations des fossiles de Borda d’Oro ont été conservées. Borda d’Oro cite lui même une représentation d’un polypier publiée par Guettard (1759, p. 357, pl. II, figure 3). D’autres concernent des spécimens particulièrement remarquables, tels deux morceaux de mâchoire de dauphin (Cuvier, 1823, p. 312-313, pl. XXIII, fig. 4-5 et fig. 9-11) ; de ces deux portions d’un même crâne l’une (morceau de palais long de 17 cm) est celle qui fut envoyée à Réaumur tandis que l’autre (mâchoires inférieures longues de 44 cm) demeura à Dax. Dans ce mémoire sur les dauphins, Cuvier ne rassemble que quatre articles dont deux concernent des restes des faluns bleus de Narrosse (Sort), l’un avec les deux fossiles de Borda et l’autre avec un fossile du même lieu décrit par Grateloup (1830). La figure 4 reproduit les illustrations de Cuvier.
Un autre excellent fossile remarqué par Cuvier lors de sa visite dacquoise, est un morceau de mâchoire de mastodonte, son mastodonte à dents étroites (Cuvier, 1806, p. 405-406, pl. III, fig. 2 ; repris par Cuvier, 1812). Ces découvertes de dents furent importantes car ce sont elles, précisément des restes de l’espèce américaine, qui ont fait prendre conscience à Buffon de la notion d’ « espèce perdue » c’est-à-dire d’espèces connues uniquement à l’état fossile (Tassy, 2002).
La dernière illustration trouvée est celle d’un crabe (Romé de l’Isle, 1767 ; vol. III, pl. III, p. 208 et p. 289) de grande taille (16 cm x 11 cm). Ce dernier cite, en outre et au minimum, 19 coraux, 39 gastéropodes, 5 bivalves, 1 nautile, 3 oursins et 4 autres crabes provenant « des environs de Dax ». Le nom de Borda d’Oro n’est pas cité alors que ce dernier note, dans ses mémoires, que la plupart avaient été envoyés par lui à P. F. Davila. C’est encore dans ce volume que Romé de l’Isle soutient qu’ « Il est donc plus que probable que toutes les espèces que nous trouvons actuellement dans la terre, n’existent plus dans la mer, et que c’est prendre une peine inutile que de chercher à quelle espèce vivante on doit rapporter telle ou telle espèce fossile », soit une dizaine d’années avant que Buffon (1778) n’envisage la notion d’espèce perdue.
Figure 4. Représentations de spécimens de la collection de Jacques-François Borda d’Oro dessinés par Cuvier. A gauche mâchoire inférieure de dauphin (Cuvier, 1823 p. 312-313, pl. XXIII, fig. 4) ; à droite, mâchoire supérieure de mastodonte (Cuvier, 1806, p. 405-406, pl. III, fig. 2). Pour les deux figures x 1/4 et l'avant de la tête à gauche.
La nature et la forme des ajouts permettent d’évoquer les différentes phases de la rédaction. Les ajouts les plus communs sont des appels par un astérisque dans le texte auxquels correspondent des numéros dans la marge. Leur succession est généralement continue dans le texte avec, rarement, des numéros suivis d’une lettre. Borda d’Oro a rédigé, puis numéroté, puis complété.
Toujours dans la marge, sont inscrits les numéros de figures et de planches. A certains endroits, ces figures sont appelées dans le cours du texte avec le numéro laissé en blanc (il est noté « figure ... ») ou bien le numéro est raturé. Il en découle que Borda d’Oro n’avait pas les planches sous les yeux pour certaines descriptions. Pour d’autres, c’est l’inverse puisqu’il commente la qualité des dessins. L’auteur préparait les fossiles à dessiner avant la rédaction mais les planches n’avaient pas toujours été préparées au moment de la rédaction au propre.
De rares additions plus importantes ont été effectuées. Ainsi, une feuille collée en bas de la page 33 a trait à des restes de reptiles du falun de Narrosse, interprétation qu’il déclarait avoir été confirmée ainsi : « J’ai su depuis lors qu’on avait trouvé une conformité parfaite entre ce fragment, et une portion de la machoire d’un Crocodile qui vit dans le Gange et qui est connu sous le nom de Gavial (n) ».
Ainsi, l’attribution de Borda d'Oro est en faveur d’un reptile et elle est appuyée dans son texte original par un certain « on » dont rien de plus n’est dit dans l’addition. Le texte de cette addition de bas de page est le suivant : « (n) C’est ainsi qu’un amateur d’histoire naturelle l’écrivoit en 1753 a une dame qui faisoit quelque sejour à Dax. Quelque temps après M. de Buffon dans un ouvrage dont le titre ne m’est pas présent et ensuitte M. De La Cépède dans son traité des reptiles avaient vu dans ce même fragment la portion d’une machoire de Gavial. D’après de telles autorités j’avois pu croire que notre falun bleu m’avoit donné des débris de machoires d’un Crocodile. […] mais M. Cuvier annonçant son travail sur les os fossiles, écrivit que j’avais pris des os de dauphins ou de Cachalots pour des os de Crocodiles. Sans avoir l’honneur d’être connu de ce savant je me crus permis de lui écrire pour lui prouver que ce n’était pas a moi que cette méprise devoit etre imputée. il voulut bien me repondre qu’il me rendroit dans son ouvrage la justice qu’il reconnoissoit m’etre düe. amené depuis lors a Dax dans son voiage pour l’inspection des ecoles secondaires, il honora ma collection de sa visite. Le fragment de machoire que je viens de décrire attira principalement ses regards. Il le considera soigneusement et a diverses reprises. il en prit une esquisse et il me promit que de retour a Paris, il m’apprendrait a quelle classe d’animaux je devois le rapporter. voici les propres termes dans lesquels il a rempli sa promesse dans une lettre du 23 vendemiaire dernier : je me suis assuré de la manière la plus positive que votre grande machoire a dents aigües est réellement d’une espece du genre Delphinus, mais d’une espèce que nous ne connoissons plus vivante. toutes les comparaisons des plus scrupuleuses m’ont conduit a ce résultat. ce n’est point un Crocodile. L’examen qui a précédé ce jugement, et les lumières qui l’ont dicté m’imposent l’obligation d’y souscrire. ce n’est donc plus comme des restes d’animaux du genre des Crocodiles que je dois regarder soit le fragment de machoire dont j’ai donné la description, soit les dents que j’ai designées par les numéros 24, 25, 26, 27, 28, 29 ».
En décembre 2001, les archives d’Oro ont livré la première lettre de Cuvier dont il est question dans cette addition. Son texte intégral est donné et des extraits sont représentés figure 5. La collection de Borda d’Oro est un témoignage d’assez grande valeur pour intéresser les plus grands spécialistes de l’époque. En 1801, il avait terminé de rédiger ses mémoires ; cette rédaction était connue à Paris mais non leur contenu : Borda d’Oro avait, très probablement, fait connaître son travail à son cousin Jean-Charles Borda, son correspondant à l’Académie après 1782. Mais en cette même année 1801, Borda d’Oro semblait s’être résolu au fait que ses mémoires ne seraient pas publiés, comme le laisse supposer la lettre de Cuvier qui s’en désole.
Un bilan des citations des localités a été réalisé en feuilletant les mémoires. Le tableau 5 résume ce bilan qui peut être comparé à celui des localités citées pour la pétrographie (tableau 3). Sur 288 citations relevées, 40 localités sont impliquées. Presque 40% des citations concernent trois sites (Cabanes : 19,7% ; Abesse : 12,0% et Montfort : 7,4%). On trouve ensuite les maisons de Coupe Gorge et d’Agés à Saint-Paul (6,3 %) puis Gaas, Garanx, Narrosse, Quillacq, Tercis et Poyartin avec 4 à 5% chaque, soit 34,5% des citations pour ces 7 dernières localités. Enfin, 17 localités sont notées 1 ou 2 fois soit 8,5% des citations de localités. On remarque le potentiel remarquable de la commune actuelle de Saint-Paul-lès-Dax (Cabanes, Abesse, Poustagnac, maisons d’Agès et de Coupe Gorge, Quillac) qui monopolise plus de 40% des citations.
Figure 5. Extraits de la lettre de Georges Cuvier à J.-F. Borda d'Oro datée de 1801
(archives privées d’ Oro).
La figure 6 illustre le territoire parcouru par Borda d’Oro. Pratiquement toutes les localités sont regroupées dans un rayon de 15 km dont le centre est, non pas Dax car les sites sont décalés vers l’Est par rapport à cette ville, mais le domaine d’Oro. La circonférence dessinée concrétise cette distance. Le nombre de citations ne reflète pas la richesse des dépôts ; il est aussi lié à la distance de l’affleurement ; par exemple, le tableau 5 relève trois citations pour Tartas mais Borda d’Oro note à propos d’un os de cétacé : « Le dernier de ces morceaux a été tiré des carrieres voisines de Tartas. peu d’endroits sont aussi riches en fossiles rares et curieux que les environs de cette ville ». Ces faluns de Tartas sont invisibles aujourd’hui (Platel, 1990).
L’âge des sites fossilifères a été établi d’après la carte géologique (Henry et al., 1989 ; Kieken & Thibault, 1975 ; Le Pochat & Thibault, 1977 ; Platel, 1990) et remis à jour par Madame Armelle Poignant. La majorité (6/10) des gisements est oligocène (Gaas, Garanx, Lahosse, St-Etienne d’Orthe) et miocène (Saint-Paul, Mimbaste, Narrosse, Poyartin, St-Geours d’Auribat, Sort…). Ce sont les fameux faluns dont Borda d’Oro a préconisé l’utilisation comme amendement, à l’image de ceux utilisés en Touraine à la même époque.
Borda d’Oro note indifféremment « pierre blanche » pour les Calcaires du Crétacé de Rivière, Pouillon et Tercis et pour le Lutétien de Montfort et il convient donc d’être précautionneux pour les noms de formation qu’il utilise.
Borda d’Oro a pris soin de consulter les écrits de son temps. Il note ainsi :
- « Les dents de Crocodile sont canines, dit M. Perrault dans ses essais de Physique » (cf. Perrault, 1680-1688) ;
- « M. Romé de L’Ile […] s’est conformé […] a la methode de Dargenville lorsqu’il a decrit les coquilles du Cabinet de Davila. Je ne saurais mieux faire que d’adopter cette même methode […] je l’ai pris souvent pour guide dans ces descriptions elles mêmes. celles de M. Adanson m’ont été d’un plus grand secours encore. J’ai emprunté jusqu’aux expressions qu’ils ont emploiées et l’un et l’autre […] les planches de Dargenville m’ont fourni quelques lumières […] au dela de ces trois auteurs, Lister dans son traité des coquilles marines de l’Angleterre est le seul qu’il m’ait été possible de consulter » ; (cf. Romé de l’Isle, 1767 ; Adanson, 1757 ; Lister, 1770 ; Dezallier d’Argenville, 1742 et Rémy, 1766) ;
Tableau 5. Gisements fossilifères dont les noms ont été relevés dans les mémoires de paléontologie
(plus de 290 citations relevées). Le nom du site, la distance depuis Oro, l’âge, le numéro sur la carte (figure 5) et le nombre de citations relevées sont indiqués dans cet ordre. Biarritz, Léognan, la Touraine sont aussi cités dans ces mémoires.
- « Ceux qui ont vu le Cabinet de Davila ou qui en ont lu le catalogue savent combien les fossiles des environs de Dax étaient nombreux dans cette collection. Le curieux qui l’avoit formée tenoit de moi la plupart de ces morceaux, particulierement ceux dont le catalogue atteste la rareté. cette ample libéralité me donne des regrets dont je crois devoir taire la cause, et qui subsisteroient peut etre encore, si je ne devois la regarder comme le prix qui m’a fait acquerir des reconnoissances sur le degré de mérite de nos coquilles fossiles, et des instructions sur la manière de les décrire. j’ai puisé les unes et les autres dans ce même catalogue, production dont le savant auteur est assés connu [il s’agit de Romé de l’Isle]. Son ouvrage va me fournir dés secours pour l’histoire des nautiles de nos environs » ;
- « On voit dans la Conchyliologie [Dezallier d’Argenville, 1742] l’analogue du Buccin que je vais decrire maintenant […] j’ai trouvé cette belle coquille a Gaas dans la faluniere de Lagoarde » ;
- « La coquille a été tirée du dépôt de Cabanes. C’est dans ce meme dépôt que j’ai trouvé un Buccin presque entièrement semblable a celui que designe la lettre L dans la troisieme planche de La Conchyliologie » ;
- « Wallerius a compris sous le nom générique de Coraux tous les corps marins reconnus de nos jours pour avoir été des ouvrages et des demeures de Polypes. Les Astroïtes sont rangés parmi les coraux […] Romé de L’ile semble avoir transcrit cette description dans le catalogue du Cabinet de Davila » (voir Romé de l’Isle, 1767).
Enfin, outre Lacépède, Borda d’Oro cite trois mémoires de l’Académie de sciences de 1759 dans lesquels Guettard affirme la nature organique des fossiles (Guettard, 1759) qui sont des restes d’animaux ayant vécu et non des tentatives manquées d’un créateur d’animaux.
Le château d’Oro accueillait les savants et amateurs de passage. Des dons ont été faits au Cabinet Davila ; d’autres à des membres de l’Académie des sciences d’après les passages suivants : « Dans une tres courte visite de laquelle M. Poissonnier honora ma collection [l’anatomiste Pierre-Isaac Poissonnier, 1720-1798, académicien en 1760], je le priai de m’apprendre sous quelle espece cet os devait etre rangé ». A propos de la mâchoire de dauphin qui a fait l’objet de discussion : « sa couleur est celle du falun dans lequel ce fossile a été trouvé à Sort. Ce morceau se trouve maintenant déposé dans le Cabinet du Roi. Je l’avais envoié à M. de Réaumur ». Et encore, à propos d’autres os : « j’en envoiai quelques uns a M. de Reaumur. Le savant naturaliste ». A propos des terriers reconnus par Borda d’Oro : « Je me faisois un plaisir de communiquer les fruits de mes recherches a feu M. de Reaumur. les cellules creusées dans la pierre, et les noaiaux formés dans l’argile me parurent dignes de sa curiosité. je lui adressai des uns et des autres. voici la reponse que je reçus du savant académicien. elle est datée du 6 décembre 1756 : il n’y a que deux jours que M. Bernard de Jussieu et moi examinames pièce a pièce, et aiant votre mémoire sous les yeux toutes celles de votre dernier envoi. je ne connois personne plus instruit que lui dans ce genre de productions de la nature. aussi fut il très touché de leur nouveauté. il ne doute point, et qui pourroit en douter? que vos tuyaux creux n’aient été habités ». Enfin : « De tous les animaux marins qu’on tire de l’intérieur de la terre, les Crustacées sont les plus rares. ceux qui contribuaient a former la collection de Davila furent portés a des prix considerables dans la vente de ce cabinet. mais le cas infini qu’en faisoit M. Bernard de Jussieu [1699-1777] devient un témoignage tout autrement certain de leur grande rareté. je tiens d’un de ses disciples que les moindres debris de ces fossiles etoient precieux pour ce grand naturaliste ».
Deux groupes de fossiles font l’objet de développements particulièrement longs : les vertébrés et les polypiers (Tableau 4). Le bilan des spécimens numérotés de la collection a été réalisé et est résumé dans le tableau 6. Il y a 1240 numéros attribués ; certains manquent, d’autres désignent plusieurs spécimens. Borda d’Oro précise parfois qu’il ne décrit qu’une sélection. Par exemple : « Je m’abstiens de decrire plusieurs autres Buccins qu’on voit dans ma collection, quoique la forme élégante de quelques uns parut leur meriter une place dans ce mémoire. mais le volume en est très médiocre, et de pareilles descriptions ne pouvant être entendües sans le secours des figures il eut falu les représenter, ce qui n’a pas été possible. Leur petitesse eût fatigué le dessinateur ».
Les deux premiers mémoires consacrés aux vertébrés indiquent l’importance attribuée à cet embranchement par l’auteur. La région fut favorable à ces découvertes (144 os de vertébrés et près de 400 restes de vertébrés en tout), c’est l’une des richesses indéniables de la collection. Pour l’illustrer, 20 des 60 planches ont été confectionnées.
Pour les invertébrés, l’embranchement le mieux représenté est celui des mollusques avec 408 numéros (faluns de l’Oligocène et du Miocène). Les mollusques du secondaire sont peu représentés par rapport aux récoltes récentes effectuées sur le site de Tercis où plus de 450 spécimens d’ammonites ont été récoltés (Odin, 2001, p. 136). On peut suggérer que cette rareté relative des ammonites, si variées et parfois spectaculaires, est liée à la difficulté de récolter des spécimens naturellement dégagés de la gangue.
Si l’on ajoute aux vertébrés et aux mollusques les échinodermes et les coraux, on obtient une collection diversifiée, encore enrichie de crustacés remarquables.
Borda d’Oro a souvent comparé ses fossiles aux analogues actuels ; parmi de multiples exemples, il n’a pas hésité à se déplacer pour examiner des cétacés échoués sur les plages afin d’en examiner les éléments squelettiques et noter des indications anatomiques : « J’ai fait observer que depuis la vingtroisieme jusqu’a la derniere des lombaires du Marsoüin deux protuberances naissoient de la partie interieure de chacune : je dois ajouter maintenant que le canal de la moële epiniere est plus etroit dans ces vertebres que dans celles qui les precedent, et qu’il devient moindre de plus en plus » ; et encore vol. 2, p. 95 : « j’achetai a Biarritz les machoires d’un Chien [de mer] qui avoit été pris dans les mers voisines de nos Iles de l’Amérique, et dont on ne put m’apprendre le nom*. (en marge *n° 99) au milieu de la machoire supérieure on remarque une très petite dent semblable par sa forme a notre Glossopètre ». Cela dénote une curiosité de naturaliste dépassant la simple collection.
Tableau 6. Répartition des spécimens numérotés de la collection paléontologique de Jacques-François Borda d’Oro.
On a distingué la numérotation du volume 2 (n° 2-n) et du volume 3 (n° 3-n). La citation des spécimens n° 2-733 à 2-746 n’a pas été localisée. (a) dents et mâchoires de reptiles, de mammifères (surtout cétacés) ; (b) requins et raies ; (c) os du crâne, vertèbres, côtes, membres de cétacés, oiseaux ; (d) attribution difficile ; (e) vraisemblablement 4 groupes et non 4 spécimens ; (f) Borda d’Oro inclut les ordres des Nautiles et des Ammonites ainsi que des foraminifères benthiques nommés « Nautiles microscopiques » ; (g) Ordres des Nautiles et des Ammonites; (h) nature incertaine: vers, serpules, terriers ou coquilles ; (i) sous le nom de polypiers sont rassemblés des membres de l’embranchement des Coraux mais aussi des éponges (silicifiées) ; (j) il s’agit de restes de bois, de cônes de gymnospermes, de tourbe, de lignite.
Borda d’Oro a été un pourvoyeur de matériel pour les savants de son temps, un rôle fondamental à une époque où peu de fossiles étaient disponibles. Sa collection constituait une illustration remarquable des macrofaunes présentes dans les environs. Les nombreux affleurements cités par Borda d’Oro étaient liés aux exploitations artisanales pour la pierre ou pour l’amendement. Ils ont aujourd’hui disparu mais leur contenu, préservé par lui, constituerait un témoignage intéressant au plan paléontologique.
Le travail de Borda d’Oro a été utile et utilisé. Par exemple, le second conservateur de sa collection, Sylvestre Grateloup (voir § 2.2) devint un féru de paléontologie. Il a parcouru les manuscrits que nous avons étudiés et rend parfois hommage à Borda d’Oro (Grateloup, 1830). En suivant Borda d’Oro, il désigne comme « faluns bleus » (Grateloup, 1836) les faluns du Miocène moyen de la région de Narrosse à Montfort, terme toujours utilisé dans la carte géologique (Le Pochat & Thibault, 1977). Les manuscrits signalent des affleurements visités au XVIIIe siècle dont certains sont oubliés. Leur utilisation nécessiterait la réalisation d’une bonne reproduction pour préserver le précieux original qui souffre à chaque consultation.
Pour situer la contribution de Borda d’Oro dans l’histoire de la géologie, on ne peut mieux faire que de citer François Ellenberger (1994) : p. 181-182 « Entre 1725 et 1745 l’Académie n’entend plus parler de géologie […]. En 1746 s’ouvre une période faste. Les volumes des années 1746 à 1775 contiennent une proportion notable de mémoires géologiques, où nous voyons la science de la terre enregistrer des acquis décisifs […] nombreux mémoires de Guettard, […] Desmarest, […] Lavoisier » et, p. 166-168, « le Journal de Physique …, à partir des années 1770 […] jouera un rôle considérable dans la diffusion des connaissances […]. Les bibliothèques privées (ainsi que les cabinets ou collections) se multiplient […] de façon spectaculaire […]. L’intérêt, parfois la passion pour les sciences de la nature […] bouillonneront dès les années 1760 ou 1770 […]. Tout se passe comme si avant le grand bond en avant des années 1800-1830, la communauté scientifique avait d’abord fait un puissant effort de regroupement des connaissances ». En réunissant sa collection, il était dans l’esprit du temps ; en la mettant à la disposition des savants il leur a donné du grain à moudre pour développer leurs idées.
Les manuscrits de Borda d’Oro ont été analysés en détail. Ils constituaient le catalogue de son cabinet de curiosités. Un tel catalogue était cité dans les actes de cession du cabinet mais aucune trace n’en était connue. Ces manuscrits rassemblent deux ouvrages, le premier sur la pétrographie, le second sur la paléontologie des environs de Dax.
Le volume sur la pétrographie couvre tous les aspects des roches présentes dans la région ; il fut rédigé mémoire après mémoire dans un ordre reflétant le souci de faire le point des ressources utiles. Les descriptions sont parfois difficiles à suivre sans l’illustration qui n’a pas été retrouvée. Les rares corrections, ajouts ou surcharges semblent liés au souci de publier ces écrits à une époque où il ne faisait pas bon se référer aux valeurs de l’Ancien Régime.
Si le travail dénote les préoccupations du collectionneur, le propos s’étend grâce à des tests analytiques. De plus, l’auteur ne manque pas de rapporter l’étendue des gisements et la présence d’autres gisements similaires qui donnent à son exposé une valeur de rapport historique sur les ressources minérales de la région. Cet aspect domine parfois avantageusement l’aspect descriptif qui mène localement à « des longueurs rebutantes ». Il s’y ajoute des informations sur l’histoire de ces ressources minérales et leurs applications pratiques. Les remarques sur l’effondrement des couches minées par l’Adour (§ 5) sont une leçon à retenir pour la stabilité incertaine de cet endroit du site géologique de Tercis.
L’auteur était un collectionneur original. Des personnalités de l’époque ne s’y sont pas trompées, qui ont fait appel à ce connaisseur du terrain. Il a, par là, agi en pionnier dans l’association féconde entre chercheur scientifique et amateur de curiosités qui débouche, parfois, sur des découvertes fondamentales ou d’intéressantes applications.
La présentation de ces écrits pourrait être utile à ceux qui souhaiteraient retrouver un témoignage sur l’histoire des ressources minérales landaises à la fin du XVIIIe siècle. En outre, c’est une source d’information pour le géologue qui rechercherait des affleurements oubliés.
Les mémoires de paléontologie font le tour des gîtes fossilifères. L’auteur fut le meilleur connaisseur de la région à son époque et, probablement, de tous les temps pour les macrofossiles.
De la cession originale, aucune roche n’a été retrouvée. Quelques dizaines de fossiles ont été identifiés lors de nos récentes investigations (Odin, 2002 ; Odin et Zubillaga, 2005). Les planches ont disparu. Il est particulièrement ironique que le seul héritage dont on dispose soit ce manuscrit que la famille souhaitait garder. Les temps ont changé, les sciences de la nature passionnaient les gens cultivés du XVIIIe siècle. Ce n’est presque plus le cas aujourd’hui et l’on ne peut que regretter qu’une société créée autour de collections naturalistes fasse peu de place, aujourd’hui, à cette connaissance.
Il serait indispensable qu’une reproduction intégrale des manuscrits soit réalisée avec des moyens modernes pour faciliter la consultation et préserver définitivement ce qui reste de l’héritage de Borda d’Oro, naturaliste landais auquel ce travail rend hommage.
Je suis très redevable envers Christine Courjaud et Jean-Claude Merlet de la Société de Borda, pour leur aide dans la consultation de ces précieux manuscrits. Ce travail doit beaucoup à l’aimable coopération des habitants du château d’Oro et à leurs archives familiales. A Bastennes, mon condisciple Roger Laboudigue, M. le maire de la commune, ainsi que MM. Yvon Lannevère et Jean-Louis Weider m’ont fait connaître les richesses minéralogiques locales. Je dois à Armelle Poignant, micropaléontologiste, la remise à jour des informations stratigraphiques. Merci à Michel Durand-Delga qui m’a fait profiter de sa grande culture en histoire de la géologie lors d’une première lecture de cette contribution, à Pascal Tassy du Muséum national d’Histoire naturelle qui m’a fait connaître l’histoire des fossiles de vertébrés et à Jean Gaudant qui a contribué à améliorer ce texte.
1° Sources manuscrites
Archives du Château d’Oro, Saugnac et Cambran (Landes)
pièce 1- Convention de cession (2-II-1807 signée M.-L. Borda / Maire de Dax)
pièce 2- Copie conforme de Décision du Conseil municipal de Dax (23-II-1807)
pièce 3- Brouillon de lettre de Marie-Louise de Borda d’Oro au Préfet des Landes (non datée)
pièce 4- Brouillon de lettre de Marie-Louise de Borda d’Oro au Maire de Dax (22-III-1807)
pièce 5- Brouillon de lettre de Marie-Louise de Borda d’Oro au Préfet des Landes (2-IV-1807)
pièce 6- Certificat de cession (signé, le Maire de Dax 1-VII-1807)
BORDA D’ORO, J.-F. (inédit). Mémoires pour servir l’histoire du règne minéral aux environs de Dax en Gascogne. Manuscrit relié, Bibliothèque Société de Borda, Dax, vol. 1, 595 p.
BORDA D’ORO, J.-F. (inédit). Mémoires sur les fossiles des environs de Dax. Manuscrit relié, Bibliothèque Société de Borda, Dax, vol. 2, 599 p., vol. 3, 285 p.
2° Sources imprimées
ADANSON, M. (1757). Histoire naturelle du Sénégal. Coquillages… Bauche, J.-B.-C. éditeur, Paris, 190 p. et 275 p., 19 planches.
BORDA D’ORO, J.-F. (1798). Mémoires sur les fossiles des environs de Dax (3 vol. grand in-4°, 1 vol. de 64 planches 48x32 cm). Magasin encyclopédique, 4è année, 419-420. (annonce d’une souscription pour la parution en 6 livraisons de l’ouvrage cité).
BORDA D’ORO, J.-F. (s.d., s.l.). Mémoires sur les fossiles des environs de Dax. Prospectus, 4 p. (original conservé au château d’Oro).
BUFFON, G. L. L. de (1778). Histoire naturelle générale et particulière. Supplément V, Des époques de la Nature. Impr. royale, Paris, 615 p.
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Figure 6. Carte de localisation des sites paléontologiques évoqués par Jacques-François Borda d'Oro. La taille des figurés donne une indication du nombre de citations dans le texte. Oro est le centre du cercle. D’autres localités plus lointaines telles Léognan, Biarritz, Mont de Marsan ont aussi été visitées. Les numéros renvoient aux noms de localités numérotés dans le tableau 5. 1- Abesse (Abbesse) ; 2- Poustagnac ; 3a, b, c- Saint-Paul, Agès, Coupe Gorge ; 3d- Quillacq (Saint Paul) ; 4- Cabanes ; 5- Rivière; 6- Tercis ; 7- Tercis-Saubagnac ; 8- Saint-Etienne d’Orthe ; 9- Saint-Lon ; 10- Heugas ; 11- Bénesse ; 12- Pouillon ; 13- Gaas; 14- Garanx; 15- Sorde ; 16- Narrosse ; 17a- Saugnac (Arzet); 17b- Cambran ; 18- Mimbaste ; 19- Sort ; 20- Estibeaux ; 21- Habas ; 22- Cassen ; 22b- Saumon (mét) Préchacq ; 23- St-Geours d’Auribat ;
24- Préchacq ; 25- Gamarde ; 26- Montfort ; 27- Nousse ; 28- Nousse-Lahosse ; 29- Poyartin ; 30- Gibret ; 31- Baigts ; 32- Ozourt ; 33- Castelnau ; 34- Gaujacq; 35- Tartas (ville).
Annexe : Transcription d’une lettre de Georges Cuvier adressé à J.-F. Borda d’Oro
(Archives du Château d’Oro ; orthographe respectée)
Au citoyen
de Borda, en sa maison d’Oro à Oro
près Dax
dépt des Landes ./.
Monsieur,
Je serois désolé, que ce qui m’est échapé a votre sujet dans le program-e de mon ouvrage sur les os fossiles vous eut déplu; ce n’était pas mon intention, a beaucoup près. Voici com-ent la chose s’est faite : J’ai trouvé dans le cabinet national un fragment de machoire, où était écrit sur une simple carte, & non sur une étiquette semblable a celles qu’on employe dans le cabinet machoire fossile de Gavial des environs de Dax par Mr Borda. J’ai cru sans autre examen que cette carte était de vous; plusieurs autres personnes m’ont dit que vous aviez trouvé des ossements de Gavial & le citoyen Lacépéde cite aussi cette machoire a l’article du Gavial dans son histoire des quadrupèdes ovipares. Or il est de fait que le morceau cidessus appartient a un cétacé & non a un Gavial; c’est ce que prouvent sa forme plutot comprimée que déprimée, ses dents solides & non creuses, les sillons qu’on y remarque etc. Je vois bien à présent d’après ce que vous me faites l’honneur de m’écrire, que c’est à Monsieur de Reaumur qu’est due cette fausse dénomination & que j’aurois du être plus réservé & ne point vous l’attribuer aussi légèrement. C’est une faute que je m’empresserai de réparer dans l’ouvrage même & j’espère que vous voudres bien me pardonner ; je dois avouer que j’en serai recompensé bien autrement qu’elle ne mérite, si elle me procure l’honneur de votre connaissance que j’ambitionnais depuis longtems.
L’ouvrage que vous avez entrepris est attendu généralement et avec impatience par les naturalistes ; la nature de mes recherches m’y fait mettre encore plus d’intérèt qu’a tout autre ; & je vois avec bien de la peine que vous semblez annoncer qu’il ne paraitra pas. j’ose espérer que vous ne voulez parler que d’un retard momentané, & que vous ne priverez pas l’histoire naturelle de matériaux aussi précieux que ceux que vous avez rassemblés avec tant de peine & que personne n’est plus en état de faire connaitre que vous.
La chaîne des pyrénées est aujourd’hui celle qui est la plus intéressante pour la géologie ; surtout par rapport aux fossiles ; les os que les citoyens Lapeyrouse & Ramond ont annoncé avoir trouvés sur le mont perdu n’en sont cependant pas : je les ai vus & tenus & je suis bien certain que ce ne sont que de simples silex.
Je vous prie d’agréer l’hommage du plus sincère & du plus respectueux dévouement.
G. Cuvier
Membre de l’Institut nat.
prof. au coll. de Fr.
Au jardin des plantes le 26 Messidor an 9 [15 juillet 1801].