François-Clément SAUVAGE (1814-1872)

Polytechnique (promotion 1831), corps des mines.

Fils de Pierre-Auguste SAUVAGE, négociant, et de Françoise LAGANNE. Marié à Marie Élisabeth Victoire GOSSET.
Père de Louis Auguste Edouard SAUVAGE (X 1869, 1850-1937), ingénieur des mines. Père de Victoire Marie SAUVAGE qui épousa Edouard DELEBECQUE. Oncle de Jules FLEURY.

Il fut élu à la Chambre des députés, représentant de la Seine, du 8 février 1871 jusqu'à sa mort. Il y soutenait le gouvernement Thiers.

Commandeur de la Légion d'Honneur (1868).


Biographie de Sauvage

Publié dans le LIVRE DU CENTENAIRE (Ecole Polytechnique), 1897, Gauthier-Villars et fils, TOME III

Né à Sedan le 4 avril 1814, mort le 11 novembre 1872, de la promotion 1831 de Polytechnique, il a été chargé du service ordinaire des Mines, à Mézières, de sa sortie de l'École des Mines, en 1836, à son entrée dans le service des chemins de fer, en 1846. Il s'y était fait remarquer par des travaux géologiques distingués, poursuivis en vue de l'exécution de la carte géologique du département des Ardennes, qu'il dressa en collaboration avec M. Buvignier, et de celle de la Marne. Il avait donné au laboratoire de Mézières une activité exceptionnelle. En outre, de divers voyages à l'étranger, en Espagne et en Grèce, il avait rapporté des Mémoires de Géologie fort importants. Il s'était montré, dans le service ordinaire, chimiste et géologue également remarquable: il allait se montrer, aux chemins de fer, supérieur encore aux promesses de ces débuts.

En 1848, les ouvriers mineurs du Creusot s'étaient mis en grève. Le Ministre des Travaux publics envoya comme Commissaire spécial, pour rétablir l'ordre, Sauvage, qui venait à peine de quitter le Service ordinaire de Mézières et était alors Ingénieur en chef du matériel de la Compagnie des chemins de fer de Paris à Lyon. Grâce à l'ascendant qu'il sut prendre, dès son arrivée, sur les délégués chargés de lui présenter la réclamation collective des ouvriers, il obtint, par leur intermédiaire, la reprise immédiate du travail. Des concessions modérées, qu'il sut obtenir de la Direction de l'établissement, firent tout rentrer dans l'ordre habituel. Le Commissaire spécial pouvait repartir presque immédiatement, après avoir conquis la confiance respectueuse des ouvriers et l'estime de leur chefs.

Lorsque Sauvage quitta le service ordinaire pour commencer sa brillante carrière dans les chemins de fer, ce fut tout d'abord pour construire une section de la ligne de Metz à Sarrebrûck.

Après son court passage dans la construction des chemins de fer, Sauvage avait été, en 1847, Ingénieur en chef du matériel de la Compagnie de Paris à Lyon et, en 1852, Ingénieur en chef du matériel et de la traction de la Compagnie de l'Est dont il prenait la direction en 1861 pour la garder jusqu'à sa mort en 1872. Dans l'intervalle, en 1848, il avait eu à remplir deux missions spéciales, l'une au Creusot dont nous avons eu occasion déjà de parler, l'autre comme séquestre des chemins de fer d'Orléans et du Centre. De graves difficultés s'étaient effectivement élevées entre les diverses catégories d'agents de la Compagnie d'Orléans et l'Administration de cette Compagnie; les mécaniciens étaient arrivés à interrompre leur service. Les agents réclamaient d'importantes augmentations de salaire et le droit de choisir leurs chefs. Des concessions imprudentes faites par la direction de la Compagnie à certaines classes d'agents avaient augmenté le désordre. Quatre mois après l'installation du séquestre, l'ordre était entièrement rétabli et tous les services solidement réorganisés. Comme récompense de tant d'habileté et de succès, Sauvage fut nommé Ingénieur en chef des Mines à 34 ans, bien qu'il ne fût Ingénieur ordinaire de première classe que depuis quelques mois.

Lorsqu'en 1856 un plan de construction fut conçu dans ce pays par une réunion des principaux financiers de France, d'Angleterre, de Hollande et de Russie, on fit appel à Sauvage, pour concourir à cette grande oeuvre. Il fut chargé d'étudier et de discuter les conditions de la concession d'un réseau de 4000 kilomètres traçant deux immenses diagonales à travers la Russie d'Europe, l'une de la mer Noire à la mer Baltique, l'autre de la Vistule au Volga et à Saint-Pétersbourg. A la suite d'un voyage, qui ne dura que deux mois, toutes les bases de l'opération étaient arrêtées. Des difficultés créées par des circonstances financières et par les dispositions contraires d'une partie de l'Administration russe ont amené la compagnie à n'exécuter que la moitié de son réseau, mais on peut affirmer que rien ne serait venu démentir la juste confiance que Sauvage avait contribué à inspirer aux fondateurs dans le succès de cette oeuvre, s'il eût été donné à la Compagnie de la compléter suivant les indications du Gouvernement russe.

La partie capitale de l'oeuvre de Sauvage dans les chemins de fer est sa direction de la Compagnie de l'Est. L'étudier en détail serait reprendre presque toute l'histoire de cette Compagnie, pendant la période de son développement le plus rapide. La prospérité de la Société, qu'il avait prise dans une situation assez précaire, ne fit que croître jusqu'au moment où les revers de 1870-1871 vinrent la frapper plus que toute autre. L'influence de la Compagnie s'étendait directement hors de France ; par son exploitation des lignes belges du Luxembourg, elle devenait maîtresse d'une grande partie du trafic d'Anvers vers la Suisse et l'Italie, trafic qu'elle attirait sur la rive gauche du Rhin; cette pacifique extension de notre pays devait être brusquement coupée par la guerre.

Un des points les plus remarquables de l'administration de Sauvage fut son habileté à conduire les hommes et à se faire aimer d'eux. Il était très juste, et la justice est la qualité la plus importante d'un chef. C'est un art bien difficile que de régler l'avancement sur le véritable mérite, tout en respectant, dans une mesure convenable, les droits de l'ancienneté; mais les agents ressentent vivement les injustices qu'il est si facile de commettre en pareil cas, et leur reconnaissance est acquise à ceux qui, comme Sauvage, savent éviter ces fautes. La justice commande aussi parfois une grande sévérité envers les auteurs des fautes graves et bien prouvées; Sauvage, rigoureux quand il le fallait, savait être indulgent pour les infractions légères ou justifiées par quelque motif plausible.

Pour savoir avec quel succès Sauvage a su remplir cette tâche si délicate, conduire un nombreux personnel, il suffit de prononcer son nom devant un des anciens agents de la Compagnie de l'Est : avec quelle émotion, avec quelle reconnaissance, tous parlent de leur ancien directeur!