Paul LEMONNIER (1831-1916)

Né le 5/4/1831 à Romilly (Eure). Mort le 20 janvier 1916.
Son épouse est décédée en 1917 dans sa propriété de Bléneau (Yonne).

Ancien élève de l'Ecole des mines de Paris (promotion 1852 : admis en cours préparatoire le 16/9/1851 ; admis comme élève externe le 27/7/1852, classé 8 ; breveté le 2/6/1855, classé 3). Ingénieur civil des mines.
Président de l'association amicale des anciens élèves de l'Ecole des mines de Paris, de 1895 à 1898 et de 1900 à 1903.


Publié dans Bulletin de l'Association amicale des anciens élèves de l'Ecole des mines de Paris, Juillet 1916 :

Notre Camarade Paul Lemonnier, un des doyens de notre Association, vient de s'éteindre dans sa 85e année, après une vie de travail exemplaire et après avoir été en même temps, pour notre Association Amicale, un membre particulièrement dévoué ; personne n'a oublié les services qu'il lui a rendus pendant ses années de Présidence.

Paul Lemonnier était né en 1830, à Romilly-sur-Andelle (Eure), où son père dirigeait une usine à cuivre appartenant à la Maison Laveissière.

Il y passa ses premières années, puis il vint avec sa famille habiter le Creusot, où son père était appelé à la Direction technique des usines.

Il fit ses études au lycée Louis-le-Grand, puis entra à l'Ecole des Mines en 1852 ; il en sortait en 1855 pour se rendre dans la Loire, aux forges de Terrenoire, où devait s'écouler toute sa carrière d'ingénieur d'usine. Il ne les quitta qu'en 1888, c'est-à-dire après un séjour de 33 années, pendant lesquelles il ne cessa, par son labeur infatigable, d'être le plus précieux des collaborateurs de son beau-frère, M. Euverte, Directeur du Groupe des usines de Terrenoire ; il eut donc sa large part dans la conduite de ces usines, dont l'initiative si remarquable fit faire, à un certain moment, de grands progrès dans la métallurgie de l'acier.

C'était, en effet, l'époque où l'on vit aux usines de Terrenoire cette réunion exceptionnelle d'ingénieurs de grand mérite, comme Valton, Pourcel, Gautier, pour ne rappeler que les plus marquants, dont les recherches et les travaux ont hâté la mise au point de fabrications délicates : au Bessemer, la pratique de la marche en première fusion ; au four Martin, l'emploi raisonné du ferro-manganèse et du ferro-silicium.

D'autres progrès étaient en même temps réalisés dans les mêmes usines, notamment en ce qui concerne les installations de laminage ou de forgeage, et c'est à la réalisation de ces derniers que l'intervention de Paul Lemonnier s'appliqua plus particulièrement, au grand profit des fabrications diverses des usines de Terrenoire, dont le renom ne cessa de grandir dans les quelque dix années qui ont suivi la guerre de 1870.

Mais les années difficiles devaient suivre et pendant cette autre période, si pénible, qui devait aboutir en 1888 à la liquidation de la Compagnie, nous voyons notre Camarade encore plus attaché à sa dure besogne et défendant, avec un dévouement inlassable, les intérêts déjà compromis de sa Compagnie. Puis, quand tous ces efforts furent reconnus inutiles, quand on se décida à l'inévitable sacrifice, notre Camarade assiste encore à l'agonie de cette Société à laquelle il avait consacré le meilleur de ses forces ; il la quitte le dernier, comme le capitaine son navire condamné.

Il sort de la tourmente, profondément meurtri, touché gravement dans ses intérêts matériels qu'il a, avec une délicatesse extrême, volontairement négligés ; mais il en sort accompagné de la plus haute estime de ceux qui l'ont vu si longtemps à l'œuvre auprès d'eux, qui l'ont plus complètement connu et qui avaient espéré pour lui une plus juste récompense de tant de travail et de dévouement.

Lemonnier passe alors quelques années dans un repos relatif ; mais étant donné le besoin de travail et d'activité qui était la caractéristique de sa nature, ce repos ne pouvait être que de courte durée. Dès 1892, en effet, il aborde de nouvelles occupations à Paris, où il s'est retiré avec sa famille ; il y est chargé, comme fondé de pouvoirs, des intérêts de la Société des Aciéries de Longwy ; ce sont alors les questions commerciales, avec les à-côté d'ordre général, dont il a la responsabilité ; mais avec son esprit de méthode et ses précieuses qualités d'assimilation, il a bientôt pris une place particulière dans ce milieu nouveau pour lui, où il doit vivre désormais.

D'ailleurs, d'autres questions l'attirent en même temps ; il a gardé de ses souvenirs d'usine, et de ses propres débuts, l'impression très vive des services que l'on peut rendre aux jeunes camarades, au moment de leur sortie de l'Ecole, en les guidant dans le choix de leur carrière, en les aidant surtout par les conseils ou les appuis que l'expérience de la vie industrielle ou la situation acquise permettent aux anciens de mettre à leur disposition.

Paul Lemonnier fut toujours un ancien d'une bienveillance inépuisable ; aussi sa place au milieu du Comité de l'Association Amicale des Elèves de l'Ecole des Mines était-elle absolument indiquée, du moment où il se fixait à Paris. En effet, il fut bientôt élu membre du Bureau, et, peu de temps après, appelé à la Présidence de l'Association. Dès lors, il consacra à ces fonctions, souvent absorbantes, une attention et une bonté toujours en éveil, et parmi les jeunes, camarades qui ont eu recours à lui, il n'en est point qui ne lui ait gardé un souvenir de profonde reconnaissance. C'était, on peut le dire, le Président modèle, grâce à ce cœur si chaud et à cette activité toujours prête à se donner que nous lui avons connus.

C'est ainsi qu'il vécut les dernières années de sa laborieuse existence, partagé entre les obligations nouvelles que lui imposaient les intérêts de la Compagnie des Aciéries de Longwy, dont il avait désormais la charge, et l'intervention active, qu'il avait acceptée avec tant de dévouement, dans la conduite de l'Association des Anciens Elèves de l'Ecole des Mines ; il les vécut en restant avant tout, comme toujours, l'homme du devoir, et en franchissant avec courage les épreuves de famille qui ne lui furent pas épargnées.

Puis, quand l'Age vint diminuer son activité, au point de lui faire prendre une retraite définitive, c'est aux œuvres de toutes sortes qu'il réserva ses dernières forces : d'abord à cette chère Association d'Ecole, puis à la Société d'Economie Sociale, dont il suivit toujours les travaux avec un si grand intérêt ; ou encore à la Ligue Nationale de Prévoyance, et enfin à cette Société de Secours mutuels de Bléneau, dont il avait été l'âme.

Et maintenant que Paul Lemonnier a terminé sa tâche en ce monde, tâche qui fut toujours si productive et quelquefois bien difficile, nous saurons lui garder le souvenir que l'on doit à un ami très cher, à un parfait homme de cœur, tout de loyauté et de dévouement.

Puisse cette pensée être pour sa famille, et en particulier pour ce fils, dont il suivait avec tant de joie les progrès dans la carrière qu'il avait lui-même si honorablement parcourue, un réconfort et un soutien au milieu des épreuves actuelles !

Ed. Dupuis.