François Cyrille GRAND'EURY (1839-1917)

Ancien élève de l'Ecole des mines de Saint-Etienne (promotion sortie en 1859). Ingénieur civil des mines.

Né à Houdreville le 9 mars 1939, mort à Malzéville près de Nancy le 22 juillet 1917. Père de Maurice, qui était son assistant et fils unique, mort au combat pour la France en 1916.


Il fut répétiteur à l'Ecole des mines de Saint-Etienne à partir de 1863 ; de 1883 à 1899, il eut le titre et les fonctions de professeur dans cette Ecole.

Il publia en 1876 son célèbre ouvrage "La flore carbonifère de la Loire et du centre de la France" qui lui valut d'etre élu membre correspondant de l'Académie des Sciences (1885).


C. GRAND'EURY

NOTICE NÉCROLOGIQUE présentée à la séance du 28 avril 1919
PAR Paul Bertrand.

Publiée dans Bulletin de la Société Géologique de France, 4eme série 19 (1919) pp. 148-162.

François-Cyrille Grand'Eury naquit à Houdreville (Meurthe-et-Moselle) en 1839. Il fit ses études à l'Ecole Loritz à Nancy [future Ecole Professionnelle de l'Est] et entra à l'Ecole des Mines de Saint-Étienne pour en sortir en 1859, le premier ou le second de sa promotion. Il passa quelques années aux mines de Roche-la-Molière en qualité d'ingénieur et dut renoncer à cette situation pour des raisons de santé. Devenu professeur à l'Ecole des Mines de Saint-Etienne, il y enseigna les mathématiques pures et appliquées de 1863 à 1899. Là il eut le loisir de s'adonner à la géologie qu'il affectionnait particulièrement.

En 1863, il entreprit son grand travail sur la flore carbonifère de la Loire, qui fut imprimé dans les Mémoires de l'Académie des Sciences et qui lui valut la croix de la Légion d'Honneur, décernée en Sorbonne (1879). Il était alors âgé de quarante ans. L'Académie lui décerna le prix Bordin en 1883. Il fut nommé correspondant de l'Institut en 1885. Il obtint un grand prix à l'exposition de 1900 et recut le prix Henri Schneider pour les Mines en 1903. La Société de l'Industrie minérale lui décerna une médaille d'or et le nomma membre honoraire.

Tout en s'occupant d'affaires de mines, Grand'Eury consacra toujours la plus grande partie de son activité à ses recherches scientifiques. Quand la guerre éclata, il avait commencé la publication d'un mémoire important sur la végétation houillère et le mode de formation du terrain houiller. Il désirait à la fin de sa carrière glorifier la mémoire de son fils, Maurice Grand'Eury, mort pour la France en avril 1916, en lui dédiant ses derniers travaux. Très frappé par la perte de ce fils tendrement aimé, il s'éteignit à Malzéville, près de Nancy, le 22 juillet 1917.

Grand'Eury était membre de la Société géologique de France depuis 1877. La Société a publié dans ses Mémoires son troisième grand ouvrage, relatif à la formation des couches de houille et du terrain houiller (1887).

Les travaux publiés par Grand'Eury se classent tout naturellement en deux groupes : les premiers parus de 1875 à 1890, les seconds parus de 1897 à 1912. Nous lui devons quatre ouvrages importants :

Flore carbonifère du département de la Loire et du Centre de la France (terminée en 1875,parue seulement en 1877). - Mémoire sur la formation de la houille (1882). - Formation des couches de houille et du terrain houiller (1887). - Géologie et paléontologie du bassin houiller du Gard (1890) -

Le premier de ces ouvrages suffirait à illustrer le nom de Grand'Eury. Il renferme déjà solidement ébauchées, toutes les parties essentielles de son oeuvre scientifique :

1. Paléobotanique stratigraphique ; 2. Restauration des espèces disparues ; 3. Physiologie, écologie des végétaux houillers. Climatologie houillère. Forêts et sols fossiles; 4. Conditions de dépôt du terrain houiller et mode de formation de la houille.

Le second et le troisième mémoire de Grand'Eury ont pour objet de traiter avec plus d'ampleur et plus de documents à l'appui l'une des questions déjà abordées avec beaucoup d'autorité dans la Flore carbonifère.

Le mémoire sur le bassin du Gard ne représente en somme que l'application à un second bassin houiller des principes et des méthodes, qui avaient fait leurs preuves dans l'étude du bassin de la Loire et dans la tentative de synchronisation des différents bassins houillers français.

Dans la deuxième partie de sa carrière scientifique, Grand'Eury entreprit la révision et la mise au point de ses premiers travaux. Confirmer par de nouvelles observations les faits déjà annoncés, profiter des progrès récents pour soumettre ses conclusions antérieures à une critique sévère, bref projeter sur toute son oeuvre plus de clarté et plus de vérité, tel fut l'unique objet de son activité jusqu'à la fin de sa vie.

Les derniers travaux de Grand'Eury consistent principalement en notes à l'Académie : il y en a 23 (25 si l'on y joint deux notes remontant à 1889 et qui se rattachent à la même série). Les quatorze premières (1897-1904) sont relatives aux forêts fossiles, aux sols de végétation, à la formation de la houille. Les dernières sont toutes relatives aux organes reproducteurs et à l'appareil végétatif des Ptéridospermées : une seule est relative aux mutations des végétaux houillers.

Une publication importante : Recherches géobotaniques sur les forêts et sols fossiles, etc., en deux parties et dix livraisons, était destinée à faire connaître tous les documents rassemblés par Grand'Eury au cours de sa vie. C'était en quelque sorte la justification avec commentaires et dessins de ses notes à l'Académie.

Malheureusement, seules les deux premières livraisons ont paru. Il serait regrettable pour la science, que les deux autres livraisons, même inachevées, ne soient point publiées à leur tour : les documents qu'elles renferment sur l'appareil végétatif et sur les fructifications des Ptéridospermées offrent un intérêt de tout premier ordre.

Nous avons indiqué ci-dessus les quatre directives essentielles de l'oeuvre scientifique de Grand'Eury ; nous les examinerons toutes les quatre successivement. Dans l'exposé qui suit, il convient toutefois de faire une place à part à son ouvrage fondamental : la Flore carbonifère du département de la Loire.

APPLICATION DE LA PALÉOBOTANIQUE A LA STUATIGRAPHIE. - Nommé répétiteur a l'Ecole des Mines de Saint-Étienne en 1863, Grand Eury consacra dès lors tous ses loisirs a l'exploration des mines et des carrières de Saint-Etienne et des régions voisines. Il étendit ses recherches aux autres bassins houillers du Centre de la France et à ceux des Alpes. Il compléta ses connaissances sur le Carbonifère par de nombreux voyages dans le Nord de la France, en Belgique, en Angleterre, en Allemagne, etc.

Son mémoire sur la Flore carbonifère de la Loire, présenté à l'Académie des Sciences en 1875, est le fruit de douze années de recherches personnelles. A deux points de vue, cet ouvrage représente un progrès énorme sur tous ceux qui avaient paru jusqu'alors : 1° Connaissance des espèces disparues ; 2° Application de la paléontologie végétale à la stratigraphie et à la géologie.

L'état très imparfait de nos connaissances sur la stratigraphie et sur les végétaux fossiles du Carbonifère a conduit Grand'Eury à élargir de beaucoup le cadre de son ouvrage. La première partie renferme la description sommaire de toutes les espèces recueillies dans le terrain houiller du Plateau Central, c'est-à-dire dans le Stéphanien des auteurs français. Grand'Eury y a joint les quelques espèces recueillies dans les grès à anthracite du Roannais (c'est-à-dire dans le Culm).

La deuxième partie est consacrée à la paléohotanique stratigraphique. Elle a pour objet d'utiliser les espèces végétales : 1° à déterminer l'âge du terrain houiller de la Loire ; 2° à caractériser et à raccorder les uns aux autres les différents faisceaux de couches de ce bassin.

Pour mener à bien cette double tâche, Grand'Eury fut amené à dresser d'abord une échelle stratigraphique générale des dépôts carbonifères, basée sur les modifications lentes, mais progressives, éprouvées par la flore depuis le Dévonien jusqu'au Permien, Il entreprit donc de rassembler et de mettre en oeuvre tous les documents publiés dans les diverses contrées sur les flores carbonifères de l'hémisphère boréal. C'était là un labeur énorme ; que l'on songe seulement à la confusion et à l'incertitude qui régnaient encore dans tous les ouvrages, tant sur la désignation des espèces que sur les horizons d'où elles provenaient !

Avant Grand'Eury, Geinitz (1855) s'était proposé d'établir des zones de végétation dans le terrain houiller de la Saxe et de les paralléliser avec celles des autres pays; faute d'une connaissance suffisamment précise des espèces, il n'avait abouti qu'à des distinctions vagues tout à fait inutilisables et cet échec semblait condamner pour longtemps toutes les tentatives de comparaison de bassin à bassin. La synthèse entreprise par Grand'Eury de toutes les formations carbonifères est infiniment plus vaste dans son plan, plus féconde et plus certaine, dans ses résultats, que le timide essai de Geinitz. (Au nombre des inspirateurs de Grand'Eury ou peut compter également Göppert en Silésie, Lesquereux en Amérique, dont les travaux ont une portée beaucoup plus restreinte.)

R. Zeiller a dit : La paléontologie végétale venait de faire un pas en avant des plus marquants avec le travail classique de M. Grand'Eury sur la Flore carbonifère du département de la Loire, dans lequel l'auteur ne se bornant pas à décrire la flore de nos bassins du Centre de la France, s'était attaché à l'étude des variations du monde végétal d'un bout à l'autre de la période carbonifère et avait montré l'existence dans le terrain houiller, d'étages successifs bien caractérisés et nettement reconnaissables par leur flore. (Discours prononcé à l'occasion du Cinquantenaire de l'Association des Ingénieurs sortis du l'Ecole des Mines de Paris (juillet 1914)).

Le travail de Grand'Eury fait époque dans l'histoire de la paléobotanique. Il précède de plus de dix années celui de Zeiller sur la flore fossile du bassin de Valenciennes.

Les géologues estiment aujourd'hui que l'élément paléontologique est indispensable pour déterminer l'âge d'un terrain. Mais vers 1875, plusieurs d'entre eux manifestaient encore de la défiance à l'égard des fossiles et plus spécialement des plantes fossiles. Grand'Eury fit voir que seules les empreintes végétales pouvaient fournir les éléments d'une classification générale des formations continentales carbonifères. Il montra comment les changements incessants de la flore pouvaient servir de base à cette classification. Il n'ignorait pas les difficultés d'application de cette méthode : sous peine de se livrer à un travail vain et illusoire, il est indispensable de déterminer correctement les empreintes. Il écrit lui-même à ce sujet :

La botanique stratigraphique est entièrement subordonnée à la botanique systématique... Le degré de précision, que par la considération des plantes on peut acquérir en stratigraphie est en rapport avec le niveau des connaissances que l'on a de celles-ci en paléobotanique.

L'emploi en géologie des empreintes végétales doit être fondé sur l'exacte distinction des groupes (qui ne sont pas des vues de l'esprit, mais des réalités) et sur la connaissance familière des espèces, qui seule peut en faire saisir les analogies, les différences, les modifications.

Plus que jamais ces principes sont de rigueur, si l'on veut tirer des plantes fossiles des indications sérieuses, utilisables dans la recherche des couches de houille.

Le Tableau raisonné de la succession chronologique des flores carbonifères, dressé par Grand'Eury fut très apprécié des paléobotanistes et des géologues. Il permettait de déterminer rapidement la position dans l'échelle stratigraphique de tel ou tel système de couches houillères.

De même, son essai de Synchronisation et de parallélisation des bassins houillers du Centre et du Midi de la France a rendu de grands services ; il a permis de fixer l'âge relatif de ces bassins : il a servi de base à toutes les études détaillées sur leur flore.

Par l'ensemble des recherches, résumées ci-dessus, Grand'Eury parvint à déterminer exactement l'âge du terrain houiller de la Loire. La définition du Stéphanien français est résultée directement de ses travaux. A maintes reprises, des doutes se sont élevés à l'étranger, en Allemagne et en Angleterre, sur les limites qu'il convenait d'adopter pour le Stéphanien ; ces doutes sont dus essentiellement à ce que la série houillère est moins complète dans ces pays qu'en France. R. Zeiller, et à sa suite, les géologues A. de Lapparent et Haug ont montré que c'était la conception de Grand'Eury qui était la bonne. Cette conception est destinée à prévaloir définitivement.

Le raccordement des différents faisceaux de couches du bassin houiller de la Loire est certainement la partie de son oeuvre qui a demandé à Grand'Eury le maximum d'efforts et de temps. Comme il le remarque lui-même: plus les couches, que l'on veut caractériser, sont rapprochées, plus les différences floristiques s'effacent, plus il est nécessaire de réunir une grande quantité de matériaux pour trouver des caractères distinctifs, plus il convient d'être défiant sur la valeur des distinctions observées. L'inventaire des espèces végétales, couche par couche, est un véritable travail de bénédictin, qui exige des années de recherches, travail jamais complet, jamais satisfaisant, toujours sujet à revision.

Grand'Eury consacra également plusieurs années (de 1882 à 1890) à l'étude du bassin houiller du Gard. Ce fut pour lui une occasion très favorable d'utiliser les principes et les connaissances, qu'il avait acquis par l'étude du bassin de la Loire et des autres bassins français. La stratigraphie du bassin du Gard est beaucoup plus compliquée que celle du bassin de la Loire. Seule la paléontologie végétale permettait d'entreprendre le classement et le raccordement de couches houillères très disloquées. Ce travail suppose une connaissance exacte de la succession des flores dans le temps, connaissance qui ne peut s'acquérir elle-même que par des comparaisons répétées de série à série. Grand'Eury arriva à des résultats remarquables, qui permirent aux géologues, notamment à Marcel Bertrand, d'aborder les problèmes stratigraphiques du Gard avec beaucoup plus de chances de succès.

Le sondage historique de Ricard est demeuré célèbre. Il nous suffira de rappeler qu'il avait pour objet de rechercher au mur des couches de la Grand'Combe, les couches de Sainte-Barbe. Contrairement aux opinions en cours, Grand'Eury avait annoncé que le système de Sainte-Barbe était d'âge plus ancien que celui de la Grand'Combe. Les événements semblèrent tout d'abord déjouer ses prévisions. Le sondage de Ricard, entrepris sur les conseils de R. Zeiller, fut arrêté en avril 1882 en plein stérile. Grand'Eury procéda alors à une étude plus détaillée de la flore des deux faisceaux. Il réussit à convaincre la Compagnie de l'exactitude de ses résultats. Le sondage fut repris le 1er mars 1884 ; il aboutit à la découverte d'un faisceau de couches intermédiaires entre celles de la Grand'Combe et celles de Sainte-Barbe, c'est-à-dire: intermédiaires entre la série de Saint-Etienne et celle de Rive-de-Gier. C'est dans la grande épaisseur de terrains stériles séparant ces deux séries, que le sondage de Ricard avait d'abord pénétré.

L'exemple est devenu classique ; on sait moins, dans le grand public, que la découverte du magnifique gisement de la Bouble est due également aux déductions géniales de Grand'Eury.

2- RESTAURATION DES ESPÈCES DISPARUES. - La restauration des espèces houillères est l'un des plus grands titres de gloire de Grand'Eury. Dès ses premières recherches sur le terrain, il se passionna pour cette question. Parmi les débris épars, gisant pêle-mêle, il entreprit de retrouver toutes les parties d'un même organe, toutes les parties du corps d'une même plante. En les comparant, en les rapprochant les unes des autres, petit à petit il parvint à se faire une idée de l'aspect général de tel arbre ou arbuste, de telle plante herbacée disparus. Les dessins qu'il publia, sont de véritables résurrections ; par elles nous connaissons le port des principales espèces de la période houillère.

Ces résurrections impressionnent toujours l'imagination,même des profanes. Pour les spécialistes le mérite de Grand'Eury est plus grand ; car ses recherches aboutirent à une connaissance beaucoup plus parfaite des différents organes d'une même plante, et partant : à une connaissance plus complète et plus exacte des espèces. Par exemple : grâce à Grand'Eury, nous savons désormais que le Calamites Suckowi BR. représente les rhizomes, les tiges submergées ou profondes du C. Cisti BR., que l'Asterophyllites viticulosus GR. E. représente le feuillage du C. Cisti, etc. Enfin nous savons que les fossiles appelés Calamites Suckowi, C. Cisti représentent seulement la surface du moule interne : l'étui médullaire des tiges en question. Nous sommes renseignés de même sur plusieurs espèces de Calamariées.

Tous les groupes de plantes houillères furent l'objet des investigations de Grand'Eury : Calamariées, Fougères arborescentes, Ptéridospermées, Sigillariées, Cordaïtées, etc. A tous, il apporta sa part d'observations personnelles et décisives.

Le groupe des Cordaïtées est pour ainsi dire une création de Grand'Eury. Avant lui, on ne possédait que des notions très vagues sur ces arbres, les plus majestueux de l'époque houillère. Sternberg, Corda, Eichwald, Unger, Goeppert, etc. n'avaient exprimé à leur sujet que des opinions erronées. Le traité de Paléontologie végétale de Schimper (1869-74) ne renfermait que très peu d'indications sur ces végétaux. Grand'Eury fit connaître leurs racines, leurs troncs, leurs rameaux, leurs bouquets de feuilles avec leurs inflorescences, plusieurs particularités de leur organisation et de leur végétation. Les recherches de Renault sur l'anatomie et sur l'organisation florale des Cordaïtes complétèrent très heureusement les travaux de Grand'Eury.

Les découvertes de Grand'Eury sur les appareils végétatif et reproducteur des Ptéridospermées sont considérables. A la verité il s'en fallut de peu qu'il ne fût l'inventeur des Fougères à graines. En 1875, il soulignait l'ignorance où nous étions au sujet des frondes fertiles dos Névroptéridées et des Aléthoptéridées. En 1890 (Bassin du Gard, p. 197), il écrivait : « En présence des graines si nombreuses et si variées du terrain houiller supérieur, nous pensons que certains types cycadoxylés ont porté des graines avec des feuilles ptérophylloïdes, comme les Stangeria, que l'on a d'abord confondus avec les Lomaria... etc. »

Pourtant, il était absorbé dans ses publications sur les sols de végétation et sur la formation de la houille, quand les auteurs anglais annoncèrent leurs découvertes retentissantes: Graine du Nevropteris heterophylla BR. (Kidston, décembre 1903) ; graine du Sphenopteris Hoeninghausi BR. (Oliver et Scott, janvier 1904). Grand'Eury à son tour décrivit les graines du Pecopteris Plückeneti SCHL. (mars 1905). Puis généralisant les solutions trouvées, il montra que l'on pouvait se baser sur l'association constante des mêmes organes, pour arriver à connaître les graines et les étamines de la plupart des Ptéridospermées. L'enfouissement sur place de toutes les parties d'un même arbre autorise cette induction, sous certaines réserves. Nous devons à Grand'Eury un grand nombre de découvertes dans cette voie : graines et cupules fructifères, anthères de Sphénoptéridées, graines et disques mâles de plusieurs Névroptéridées, graines d'Aléthoptéridées, etc.

Ses découvertes sur l'appareil végétatif: tiges, stolons, racines des mêmes Ptéridospermées ne sont pas moins frappantes. Grand'Eury s'obstina à rechercher ces organes et à les faire dégager sur de grandes surfaces. Il établit que les Névroptéridées étaient des arbres de 5 à 10 m. de hauteur.

Les deux premières livraisons des Recherches géobotaniques renferment des aperçus captivants sur toutes ces questions. En les parcourant, on sentira combien il est regrettable que les autres livraisons n'aient pas paru. Que de révélations merveilleuses ne nous auraient-elles pas apportées sur l'appareil végétatif et sur les fructifications des Fougères à graines !

3. PHYSIOLOGIE, ÉCOLOGIE DES VÉGÉTAUX HOUILLERS, CLIMATOLOGIE HOUILLÈRE, FORÊTS ET SOLS FOSSILES. - L'étude des plantes fossiles soulève maints problèmes, qui à leur tour nécessitent de nouvelles recherches ou suggèrent de nouveaux aperçus. Quelle était la raison d'être de tel ou tel dispositif organique ? Dans quel milieu prospéraient les végétaux houillers? sur quel sol vivaient-ils ? d'où provenait leur intensité de vie? Sur toutes ces questions Grand'Eury donna des renseignements d'un intérêt capital. Il fut frappé de la croissance rapide des végétaux houillers : tiges et rameaux s'allongeaient avec une rapidité étonnante ; les bourgeons étaient très gros ; l'intérieur des tiges était creux ou rempli de tissu lâche à grands éléments ; le bois était mince, l'écorce au contraire très épaisse; une partie de l'écorce était constituée par des tissus succulents, l'extérieur par un périderme résistant. Grand'Eury signala encore le développement exagéré des feuilles de Fougères et de Ptéridospermées ; la plupart de ces feuilles avaient la faculté de s'accroître indéfiniment à la manière des feuilles de Lygodium. Il y avait donc des conditions de chaleur et d'humidité très favorables à la végétation. Le climat paraît avoir été très doux, subtropical probablement.

Grand'Eury établit que les forêts houillères étaient des forêts marécageuses;les dépôts houillers ne renferment que des plantes appartenant toutes à un même genre d'habitat. Ce n'est qu'exceptionnellement qu'il a pu s'y mélanger des types provenant des terres émergées ou sèches. Grand'Eury montra d'autre part que les végétaux, qui ont servi à former les combustibles de tout âge, offrent ce même caractère paludéen.

La présence de racines étagées chez les Calamariées, chez les Fougères arborescentes et même chez les Cordaïtées est une découverte significative de Grand'Eury. Grâce à leur croissance vigoureuse, grâce à leur faculté de produire de nouveaux étages de racines, plusieurs végétaux houillers ont pu résister à l'envasement ou à l'ensablement. Leur propagation au moyen de stolons ou de rhizomes assurait en même temps leur conservation et leur multiplication.

Grand'Eury est de tous les paléobotanistes, celui qui a donné le plus d'attention aux sols des forêts fossiles. La plupart des observateurs se laissent rebuter par la difficulté qu'il y a à distinguer spécifiquement les parties souterraines des différents arbres ou herbes de l'époque houillère ; Grand'Eury au contraire s'attacha à leur étude. Il réussit à trouver et à caractériser les racines des Cordaitées, les racines et les stolons des Névroptéridées, les rhizomes des Calamariées, etc. A ce sujet, la lecture des Recherches géobotaniques provoque l'étonnement et l'admiration de tous les naturalistes. Cet ouvrage renferme des indications précieuses sur les Stigmaria ; on sait les discussions auxquelles ces organes énigmatiques ont donné lieu et l'incertitude qui a régné longtemps sur leur nature et sur leur attribution ; les observations de Grand'Eury permettent d'entrevoir le moment où l'on saura reconnaître ceux qui appartiennent aux Lépidodendrons, aux Sigillaires lisses et aux Sigillaires cannelées. Grand'Eury a émis l'hypothèse, assez aventurée, de l'existence de Stigmaria autonomes, c'est-à-dire de rhizomes lycopodiacéens croissant dans la vase des marais, sans relation avec des tiges aériennes ; cette hypothèse mérite d'être vérifiée et discutée.

L'étude des sols de végétation et des conditions de vie des plantes houillères entraîne l'étude des conditions de gisement des débris végétaux, c'est-à-dire en définitive l'étude des conditions de dépôt. Le paléobotaniste est donc amené invinciblement à s'attaquer à ce problème géologique : Origine des roches sédimentaires constituant le terrain houiller.

4. CONDITIONS DE DÉPÔT DU TERRAIN HOUILLER ET MIODE DE FORMATION DE LA HOUILLE. - Sur ces questions Grand'Eury contribua puissamment aux progrès de la Géologie. Dès 1875 il tirait de ses observations des conclusions fondamentales : « On peut dire, écrivait-il, qu'il y a des restes de plantes (troncs, souches et racines) in-situ dans toute l'étendue et sur toute la hauteur du bassin houiller de la Loire... Ce doit être une règle commune à tous les terrains houillers. » « Tout prouve que les dépôts houillers se sont ordinairement produits à une faible profondeur d'eau, lors que le fond était soumis à un affaissement lent et graduel. » A plusieurs reprises Grand'Eury insista sur ces deux conditions : faible profondeur de l'eau nécessaire pour permettre aux végétaux arborescents de s'enraciner, affaissements successifs indispensables pour expliquer l'épaisseur énorme des dépots houillers. deuxième condition est acceptée aujourd'hui par tous les géologues pour bien d'autres bassins que les bassins houillers.

Grand'Eury expliqua correctement la formation des schistes, des grès et des poudingues qui doivent leur origine à des ruissellements locaux ou à des courants ; il montra que les sables s'étaient souvent accumulés avec une grande rapidité autour des souches des Calamites ou des Psaronius.

Quant à la houille elle-même, il réunit une multitude de faits démonstratifs, d'arguments décisifs en faveur de la formation sur place. Pourtant il se laissa influencer par les idées plus brillantes, plus séduisantes, qui eurent cours en France pendant près de quarante ans ! Tout en combattant l'hypothèse d'un charriage violent, il admit d'abord un transport des débris végétaux depuis les forêts houillères jusqu'aux bassins de dépôt. Dès 1882, il fut conduit à rejeter l'idée de la formation des couches de houille en eau profonde à l'extrémité d'un delta ; il n'admit plus que le dépôt des substances végétales dans des marais vastes, mais peu profonds. Puis d'année en année, il modifia ses conclusions, restreignant chaque fois l'importance des phénomènes de transport. Dans les dernières années de sa vie, il fut un ardent défenseur de la formation sur place de la houille. La houille s'est formée sur l'emplacement même des forêts marécageuses, dont les débris ont servi à la constituer. Telle est la conclusion, qui se dégage de toutes les observations de Grand'Eury et que ses dernières publications proclament hautement.

Certes, il y a eu avant Grand'Eury et autour de lui bien des partisans de l'autochtonie (Lyell, Lindley et Hutton, Binney, Göppert, Stur, etc.). C'est à lui que revient l'honneur d'avoir, par ses observations loyales, minutieuses, persévérantes, tiré de la houille même, de ses conditions de gisement, les preuves matérielles, irréfragables de cette autochtonie.

D'autre part, à Potonié revient l'honneur d'avoir mis en évidence les phénomènes actuels, qui répondent le plus exactement à la formation de la houille : tourbières boisées de la Prusse orientale, forêts marécageuses de la Virginie et de la zone intertropicale. D'autres que Potonié avaient avant lui étudié les tourbières et avaient pensé à les comparer aux marécages houillers.

Grand'Eury et Potonié, chacun en ce qui le concerne, ont eu le rare mérite de grouper les faits démonstratifs, de les coordonner et de souligner toute leur importance au monde savant. Pour l'historien de la Science, ils sont incontestablement les véritables inventeurs de la formation des couches de houille. (A la découverte du mode de formation des bogheads et des schistes bitumineux sont attachés les noms de Ch. Bertrand et de B. Renault (1892). Potonié découvrit les sapropels et les sapropélites (1903), qui sont les équivalents modernes de ces combustibles).

En dépit d'interprétations douteuses, de conclusions sujettes à rectification, le mémoire de Grand'Eury sur la formation de la houille demeure pour les spécialistes un ouvrage de grande valeur. Il est rempli d'observations rigoureusement exactes, de remarques judicieuses sur la constitution de la houille, sur la nature des débris végétaux, sur leur mode de conservation et d'empilement. Les mêmes éloges s'appliquent à tous ses mémoires : ce sont de véritables mines de renseignements.

Le mémoire sur la formation des couches de houille et du terrain houiller fait suite directement au mémoire sur la formation de la houille, il en constitue la deuxième partie. Il représente un effort remarquable pour retracer dans tous ses détails l'histoire d'un bassin houiller et pour en expliquer certaines particularités comme la schistification des couches de houille.

CONCLUSION. - Grand'Eury a fait avant tout oeuvre de paléobotaniste, mais par leurs conséquences pratiques ses travaux méritent toute l'attention des géologues, spécialement de ceux qui s'occupent du terrain houiller. Il est l'un des fondateurs de la paléobotanique stratigraphique ; plus exactement il est celui qui lui a fait franchir son étape décisive ; qu'était cette science avant que Grand'Eury eût dressé le tableau de l'âge relatif des différentes formations carbonifères du globe ? Il a montré qu'elle était dès lors en mesure de fournir des résultats, aussi surprenants par leur généralité que par leur intérêt pratique.

D'autre part l'explication correcte de l'origine d'une roche sédimentaire telle que la houille est une découverte géologique considérable.

Dans la lignée des paléobotanistes français, Grand'Eury a sa place marquée entre Brongniart et Zeiller. Il se distingue de tous les deux par ses tentatives de reconstitution des végétaux houillers, au moyen des débris recueillis spécialement sur place.

Grand'Eury était timide ; il prit conseil de Brongniart et lui soumit ses travaux. Comme Renault, il subit l'influence du maître, que tous deux ils vénéraient. Grand'Eury fut influencé encore par certaines idées géologiques et botaniques, malheureusement trop en faveur dans les milieux scientifiques français : la houille produit de charriage ; les Calamodendrées, les Sigillariées, Gymnospermes primitives. De là des interprétations et des conclusions en contradiction avec les faits observés ; elles ont donné lieu à des rectilications de la part de Grand'Eury lui-même.

Ses travaux méritent, semble-t-il, une critique plus grave : ils sont d'une lecture difficile, aride, décourageante parfois. Ils sont pourtant rédigés suivant un plan clair et logique. Mais l'auteur ne fournit pas tous les éléments nécessaires pour vérifier ses assertions. L'exposition détaillée des faits est souvent confuse ; la description des espèces, que pourtant il connaissait si bien, est insuffisante ; les considérations sont imprécises. Il en résulte une impression générale de doute.

Cette impression se dissipe dès que l'on peut aller sur le terrain vérifier la réalité des faits décrits par Grand'Eury ; alors elle fait place à une admiration croissante. L'originalité de Grand'Eury réside précisément dans ses observations personnelles, dans ses recherches sur le terrain (dans les carrières de Saint-Etienne, par exemple), poursuivies d'année en année avec une ténacité inlassable. Doué d'un coup d'oeil merveilleux, il apercevait une infinité de faits nouveaux et intéressants, là où d'autres chercheurs, même prévenus, ne voyaient qu'une coupe banale dans une région quelconque du terrain houiller.

Cette sûreté dans les observations, cette persévérance dans la poursuite des recherches, destinées à éclaircir telle ou telle circonstance de dépôt, telle ou telle structure végétale, distinguent Grand'Eury des autres paléobotanistes. C'est par ces qualités géniales, qu'il s'élève au-dessus de ces confrères.

A l'époque où la paléontologie végétale était encore bien loin d'avoir acquis toutes les données fondamentales, toutes les bases indispensables à ses progrès futurs, Grand'Eury fut un précurseur ; cependant par l'exactitude de ses observations, par sa sincérité, par son amour ardent de la vérité, Grand'Eury demeura constamment au niveau de la science de son époque. La série de travaux, qu'il publia de 1897 à 1912, se relie aux idées les plus modernes, aux découvertes les plus récentes et les plus célèbres.

Il prit une part considérable à la découverte sensationnelle des organes reproducteurs des Ptéridospermées. Ayant reconnu inadéquates ou insuffisantes certaines de ses idées d'autrefois, il n'hésita pas à entamer une nouvelle série d'observations destinées à corriger ses premiers travaux. Jusqu'à la fin de sa vie, il s'efforça de rendre plus complètes et plus certaines nos connaissances sur les végétaux houillers et sur la formation de la houille. Ce faisant Grand'Eury, tout en conservant sa personnalité de chercheur et de travailleur original, se classa au premier rang des paléobotanistes modernes.




Voir aussi : Paul Vuillemin, L'oeuvre de C. Grand'Eury, Revue Générale des Sciences pures et appliquées, 28 (1917), pp. 601-604. Nous donnons ici quelques extraits de cette biographie professionnelle :

Le nom de Cyrille Grand'Eury est mêlé à la plupart des progrès de la Paléontologie végétale pendant près d'un demi-siècle. Sa personnalité revit dans son oeuvre avec cette netteté qui ressort d'un exposé sincère des faits observés, des déductions logiques qui en découlent, sans autre artifice qu'un enchaînement méthodique des idées; elle revivra plus complète encore lorsque les abondants matériaux qu'il a rassemblés auront été élaborés par ses continuateurs.

Grand'Eury avait l'esprit scientifique trop développé pour s'abstenir des hypothèses nécessaires pour orienter et guider les recherches. Mais il se gardait de donner aux vues spéculatives le pas sur les réalités. Sa préoccupation constante était d'accumuler les documents positifs, pour étayer les conceptions a priori et asseoir les conclusions systématiques. Quelques semaines avant sa mort, il me confiait qu'il lui faudrait encore vingt ans pour achever son oeuvre.

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Il fut un brillant élève de l'Ecole des Mines de Saint-Etienne. Il fut heureux d'accepter les fonctions de répétiteur et bientôt de professeur de Mathématiques à cette Ecole. L'enseignement consciencieux de la Trigonométrie lui assurait le pain quotidien, tout en lui laissant le temps et la liberté d'esprit nécessaires pour suivre la vocation éveillée dès le premier contact avec le riche bassin houiller de Saint-Etienne.

On peut être surpris que l'Administration des Mines n'ait pas tiré d'autre parti d'un géologue éminent. A tout prendre, il y a lieu de l'en féliciter. Le souci d'adapter au programme d'un enseignement élémentaire les faits nouveaux qui, chaque jour, ébranlaient les vieux cadres de la Paléobotanique, eût risqué de rétrécir le champ immense qui s'ouvrait devant lui et d'entraver l'essor de son génie.

Ses premières découvertes attirèrent l'attention d'Ad. Brongniart, qui s'intéressa à ses recherches et s'acquit la reconnaissance du jeune naturaliste. Jusqu'à ses derniers jours, Grand'Eury parlait du « grand maître » avec l'accent de la vénération. Une vive amitié le lia à d'autres paléontologistes, notamment à B. Renault, avec qui il collabora souvent.

Grand'Eury avait résolu d'arracher au sol le secret de la formation des couches charbonneuses. Il comprit que la solution du problème exige des recherches spéciales sur le terrain; par un botaniste ne dédaignant pas de participer au métier des mineurs et de guider directement ces humbles collaborateurs. Nul n'appliqua cette méthode avec plus de patience, de constance et nul n'en retira plus de résultats féconds.

Des explorations étendues à la plupart des contrées européennes et à l'Algérie, embrassant tous les gisements charbonneux jusqu'aux tourbières, lui firent abandonner l'opinion commune, à laquelle il avait d'abord souscrit (Annales des Mines, 1882), suivant laquelle la houille est une formation de transport.

En observant de près en Hongrie, en Galicie, en Transylvanie, en Roumanie, etc., les charbons tertiaires (houille brune, lignites), deux choses le frappent : 1° la présence fréquente de souches et de racines incluses; 2° le concours constant, nécessaire, d'un humus analogue à celui des marais tourbeux.

Il retrouve la même constitution essentielle dans le bassin de Saint-Etienne. La houille aussi est formée normalement, quoiqu'on proportion variable, d'humus. Suivant pas à pas les sols et forêts fossiles découverts dans les carrières qui entament de tous côtés le terrain houiller, il s'assure que les végétaux dont les débris forment la houille sont demeurés sur la place même où ils ont vécu le pied dans l'eau. De plus, la superposition de sols successifs sur la même verticale témoigne que le terrain houiller productif s'est déposé par strates horizontales sur un fond plat sujet à des mouvements d'affaissement. La végétation houillère était donc palustre et autochtone.

Connaissant exactement les rapports de position des charbons et des vestiges déterminables des végétaux dont ils proviennent, Grand'Eury était à même de préciser la valeur productive des couches carbonifères d'après la flore. Voilà pourquoi, de tous les pays, les capitalistes faisaient appel aux lumières de ce prospecteur incomparable. Ces explorations, rémunératrices pour leur auteur, furent plus précieuses encore pour la Paléontologie.

... [suit ensuite une description de ses travaux sur les Cordaïtes et Ptéridospermées] ...

Le mot Cordaïtes, créé en 1850 par Unger, commémore les remarquables travaux de Corda sur la flore primitive. Corda avait fourni (1845) quelques détails sur le Flabellaria borassifolia Sternberg 1820. Unger avait raison d'éloigner ce genre des Palmiers ; mais il se trompait en le rangeant parmi les Lycopodiacéce. Brongniart venait de reconnaître ses vraies affinités en le nommant Pycnophyllum.

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Grand'Eury estime à une soixantaine le nombre de graines différentes correspondant à douze genres de frondes. Il compte dix types de graines pour le seul genre Nevropleris ; il trouve même plusieurs espèces de graines pour des formes de frondes qu'on ne parvient pas à distinguer spécifiquement. Les sporanges ou anthères des plantes houillères sont aussi plus différenciés que les organes de végétation.

La diversification désordonnée des graines, contrastant avec l'uniformité relative du système végétatif, est la notion la plus saillante qui se dégage de la statistique de la flore houillère. Grand'Eury en était vivement impressionné. Bien qu'il se soit constamment abstenu de prendre parti dans les querelles philosophiques soulevées autour de la doctrine transformiste, je sais, d'après des entretiens personnels, que le darwinisme lui était antipathique, mais que, dans ces dernières années, la théorie de la mutation (au sens de de Vrjes) l'avait séduit. Il fait ressortir que les graines de Ptéridospermées « changent démesurément sans que ce soit visiblement pour aider à leur dissémination ou pour faciliter la lutte de la plante pour l'existence ». Il est clair que la sélection naturelle, facteur secondaire de l'évolution, n'est pas intervenue. Mais si, comme il l'admet, la diversité des graines provient de variations brusques, il serait commode d'invoquer la mutation pour interpréter les faits. Devant le monde de mystères que couvre le mot mutation, Grand'Eury garde le silence.

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S'il ne s'est pas prononcé sur le mécanisme de l'évolution, il le laisse clairement entrevoir. L'apparition des Phanérogames répond à la première conquête de l'air par des arbres élevés, implantés dans un sol encore inondé. Les conditions nouvelles du milieu favorisaient la variation des graines et autres organes reproducteurs aériens. Les premières classes de Gymnospermes ne survécurent pas aux circonstances transitoires qui avaient assuré leur brillante fortune, tandis que les humbles Fougères et des Cryptogames plus modestes peuplent toujours la terre à côté des Cycadées et des autres Phanérogames

En résumé, l'oeuvre de Grand'Eury fut féconde en résultats économiques. Elle apporte à la Géologie et à la Botanique une masse de documents précis, admirablement coordonnés, exposés avec l'impartialité d'un esprit libre des préjugés d'écoles. Elle laisse un champ fécondé par son inlassable labeur où les moissons futures glorifieront sa mémoire.

Paul VUILLEMIN, Correspondant de l'Institut.

Photo ENSMP