SOUVENIRS

1848-1878

Charles de Freycinet

Volume 1, paru en 1912 chez Ch. Delagrave éd. (4ème édition)

CHAPITRE XII
LE SEIZE MAI. — LA DISSOLUTION.

Le lendemain du vote de la Chambre, le Maréchal écrivit à M. Jules Simon la lettre suivante, que ses conseillers, pour empêcher toute retraite, eurent soin d'insérer au Journal officiel du 17 :

« Versailles, le 16 mai 1877.

« Monsieur le Président du Conseil,

« Je viens de lire dans le Journal officiel le compte rendu de la séance d'hier.

« J'ai vu avec surprise que ni vous ni M. le Garde des sceaux n'aviez fait valoir à la tribune toutes les graves raisons qui auraient pu prévenir l'abrogation d'une loi sur la presse votée il y a moins de deux ans, sur la proposition de M. Dufaure, et dont tout récemment vous demandiez vous-même l'application aux tribunaux : et cependant, dans plusieurs délibérations du Conseil, et dans celle d'hier matin même, il avait été décidé que le président du Conseil, ainsi que le Garde des sceaux, se chargeraient de la combattre.

« Déjà, on avait pu s'étonner que la Chambre des députés, dans ses dernières séances, eût discuté toute une loi municipale, adopté même quelques dispositions dont, au Conseil des ministres, vous aviez vous-même reconnu tout le danger, comme la publicité des conseils municipaux, sans que le ministre de l'Intérieur eût pris part à la discussion.

« Cette attitude du chef du cabinet fait demander s'il a conservé sur la Chambre l'influence nécessaire pour faire prévaloir ses vues.

« Une explication à cet égard est indispensable, car si je ne suis pas responsable comme vous envers le parlement, j'ai une responsabilité envers la France dont, aujourd'hui plus que jamais, je dois me préoccuper.

« Agréez, Monsieur le Président, l'assurance de ma plus haute considération. »

Dès que j'eus lu cette lettre, dont les conséquences n'étaient que trop claires, je courus chez M. Gambetta. Je le trouvai fort animé et non moins surpris que moi : « C'est une tentative de résurrection du pouvoir personnel, me dit-il, la France ne la souffrira pas. La Chambre va le déclarer tout à l'heure. Le parti républicain se retrouvera tout entier uni pour protester. Le Maréchal pourra mesurer toute l'étendue de la faute qu'on lui a fait commettre. » Je le quittai peu après, des députés étant survenus pour se concerter en vue de la séance.

Le cabinet était démissionnaire. M. Jules Simon avait, le jour même, répondu au Maréchal par la lettre suivante, que le Journal officiel du 17 ne reproduisait pas et qui ne fut rendue publique que par les journaux du soir :

« Paris, le 16 mai 1877.

« Monsieur le Président de la République,

« La lettre que vous voulez bien m'écrire m'impose le devoir de vous donner ma démission des fonctions que vous aviez bien voulu me confier.

« Mais je suis obligé en même temps d'y ajouter des explications sur deux points.

« Vous regrettez, Monsieur le Maréchal, que je n'aie pas été présent samedi à la Chambre, quand on a discuté en première lecture la loi sur les conseils municipaux. Je l'ai regretté également; j'ai été retenu ici par une indisposition ; mais la question de la publicité des séances ne devait être discutée qu'à la seconde délibération ; je m'étais entendu à cet égard avec M. Bardoux. L'amendement de M. Perras, qui a passé, a pris l'Assemblée à l'improviste, et j'avais rendez-vous avec la commission, vendredi matin, pour essayer de la faire revenir sur son vote avant d'engager le débat devant la Chambre. Tout cela est connu de tout le monde

« Quant à la loi sur la presse, Monsieur le Maréchal, vous voudrez bion vous souvenir que mes objections portaient uniquement sur les souverains étrangers. Je m'en étais toujours expliqué dans ce sens, comme vous vous en êtes souvenu vous-même, au conseil d'hier matin. J'ai renouvelé mes réserves devant la Chambre. Je me suis abstenu de les développer pour des raisons que tout le monde connaissait et approuvait. Pour le reste de la loi, j'étais d'accord avec la commission.

« Vous voudrez bien comprendre, Monsieur le Président, le motif qui me porte à entrer dans ces détails. Je devais établir ma position d'une façon très nette au moment où je quitte le Conseil. J'ose à peine ajouter, mais comme citoyen, non plus comme ministre, que je désire vivement être remplacé par des hommes appartenant comme moi au parti républicain conservateur. J'ai eu, pendant cinq mois, le devoir de vous donner mon avis; et, pour la dernière fois que j'ai l'honneur de vous écrire, je me permets d'exprimer un souhait qui m'est uniquement inspiré par mon patriotisme.

« Veuillez agréer. Monsieur le Maréchal, l'hommage de mon respect. »

Cette lettre était fort probante. On eût toutefois souhaité qu'elle revendiquât énergiquement les droits que le président du Conseil tenait de la Constitution. En agissant comme il l'avait fait, il était resté dans les limites qu'elle trace et c'est le président de la République qui en sortait en se déclarant responsable devant le pays. Il ne l'était en réalité que devant les Chambres et seulement dans le cas de haute trahison. M. Jules Simon pouvait formuler un rappel respectueux à la loi fondamentale dont l'Élysée s'écartait et le parti républicain eût applaudi à cette leçon discrète qui aurait marqué nettement les rôles au seuil des événements.

Ainsi s'ouvrit la période désignée abréviativement dans l'histoire sous le nom de « Seize-Mai ».

Le Journal officiel du 18 apporta au public la composition du nouveau ministère, institué par décret du 17 : M. le duc de Broglie, à la présidence du Conseil, et à la Justice où on ne l'attendait guère ; M. de Fourtou à l'Intérieur; M. Caillaux aux Finances; M. Brunet à l'Instruction publique et aux Cultes; M. Paris aux Travaux Publics; M. de Meaux à l'Agriculture et au Commerce. M. Decazes restait aux Affaires étrangères et le général Berthaut gardait le portefeuille de la Guerre, avec adjonction de l'intérim de la Marine.

Après la défaite, les fauteurs du Seize-Mai ont volontiers décliné la responsabilité de l'aventure. A entendre les plus qualifiés d'entre eux, le coup n'avait été ni prémédité ni souhaité. Ils se sont rendus à l'appel du Maréchal et ont consenti à se charger du pouvoir pour ne pas le laisser dans un inextricable embarras. Il faut n'avoir pas connu les personnages pour accepter de semblables explications.

Outre que la soudaineté de la lettre du Maréchal et la rapidité de la formation du ministère ne laissent aucun doute sur la préméditation, un homme de l'envergure du duc de Broglie n'aurait point cédé à un mobile sentimental. Il n'a obéi qu'à une forte conviction politique.

On a été injuste envers cet homme d'Etat. On lui a attribué de vulgaires ambitions, je ne sais quel désir mesquin du pouvoir, pour le pouvoir même. M. de Broglie voyait plus haut. Nul plus que moi n'a déploré la direction funeste de ses idées, mais elles étaient sincères et il visait, à sa manière, au bien du pays. Il avait la crainte de la République et l'horreur de la foule. Il avait foi en l'excellence des « classes dirigeantes » et croyait que le pays ne pouvait être sauvé que par la monarchie constitutionnelle. Il en avait désiré le rétablissement, sans trop l'espérer: l'entreprise avortée, il s'est bercé de l'illusion de réaliser un régime qui s'en rapprochât. Il n'a vu ni la vanité de la conception ni l'infirmité des moyens dont il disposerait. Il était le dernier des hommes qui pût réussir, car il n'avait pas le tempérament nécessaire : il faisait de la compression à contre-cœur, étant libéral par éducation ; il devait torturer la loi, alors qu'il eût mieux aimé la respecter et qu'en tout cas il ne voulait pas formellement la violer. De là ce mélange d'audace et de faiblesse qui caractérise ses tentatives. Le 24 mai, le 16 mai sont l'œuvre hésitante d'un théoricien convaincu. Son malheur fut de n'être pas à sa place. Il aurait pu servir un puissant monarque ; il ne fut que le conseiller néfaste d'un président de république et l'exécuteur timoré d'un plan qui ne souffrait pas les demi-mesures.

Son lieutenant, M. de Fourtou, n'aurait pas été sans doute arrêté par les mêmes scrupules. Il appartenait à l'école de 1852 et admettait, j'imagine, qu'on « sorte de la légalité pour rentrer dans le droit ». Mais retenu par son chef, il offrait la perpétuelle contradiction de ses tendances personnelles avec les résolutions dictées par la solidarité ministérielle. Il aspirait à « faire marcher » la France et se bornait à des mutations de préfets et de sous-préfets. Son énergie se répandait en circulaires dépourvues d'une suffisante sanction et il levait le bras sans pouvoir frapper. Ces hommes embarqués dans la plus terrible aventure n'ont su qu'irriter le parti républicain; ils n'ont pas réussi à l'intimider.

Moins encore que le duc de Broglie, le maréchal de Mac-Mahon avait l'esprit porté aux coups d'État. Il possédait un fond d'honnêteté et de désintéressement qui le protégeait contre les mauvaises suggestions et lui faisait trouver sa voie hors des louches combinaisons offertes à son choix. Son « respect du règlement » l'avait accompagné dans ses hautes fonctions. Le « règlement » était maintenant la loi et la Constitution; il ne les aurait transgressées sciemment à aucun prix. Ses amis pouvaient l'entraîner à des incorrections sur le terrain parlementaire, qu'il connaissait mal — comme en témoignent sa lettre à M. Jules Simon et divers discours prononcés pendant ses tournées en province —, mais ils n'auraient jamais obtenu son adhésion à une illégalité certaine. Indépendamment de son caractère, qui en est un sûr garant, j'en ai eu un jour la preuve directe. Dans les premiers temps du cabinet Dufaure, qui suivit ces événements et dont j'étais membre, la délibération du conseil des ministres s'égara un moment sur quelques incidents de la crise. M. Léon Say fit allusion au dessein qu'aurait eu le général de Rochebouët, successeur du duc de Broglie, de tenter un coup de force, en novembre 1877. Le Maréchal, avec sa rondeur un peu brusque, l'interrompit : « Il n'y a rien de vrai dans tout cela. Il a seulement été question — pas avec Rochebouët — d'une seconde dissolution. Mais le budget n'était pas voté et, à partir du 1er janvier, l'argent ne serait plus rentré dans les caisses. On me proposa divers moyens pour suppléer à l'absence de budget. Je consultai Pouyer-Quertier qui me démontra que tous ces moyens seraient illégaux. Dès lors, il n'y avait rien à faire : on aurait pu marcher quelques jours; plus longtemps, je ne m'y serais pas prêté. » Cela fut dit avec un accent de sincérité auquel il était impossible de se tromper. Nous nous regardâmes tous avec la même pensée. [Gaëtan de GRIMAUDET de ROCHEBOUËT (1813-1899 ; X 1831, corps de l'artillerie) fut général de division, ministre de la guerre, président du conseil].

Le duc de Broglie devait donc, à défaut de ses propres scrupules, se heurter à ceux du Maréchal. A eux deux, ils ne pouvaient aller bien loin dans la voie où ils s'engageaient. Il aurait fallu que le pays fût complice ; et comme il ne l'avait pas été après le 24 mai 1873, alors que l'Assemblée nationale était souveraine, il n'existait aucune chance pour qu'il le fût maintenant, sous le régime d'une Constitution qui délimitait étroitement les attributions de chacun des pouvoirs publics. On s'étonne que le duc de Broglie n'ait pas aperçu cette conséquence nécessaire et se soit mépris à un tel point sur l'influence qu'il pourrait exercer. Des esprits moins avisés que le sien s'en rendaient compte. Dans les rangs de la majorité sénatoriale, beaucoup de doutes s'élevaient sur le succès final. Je connaissais quelques-uns de ceux qui bientôt voteraient la dissolution, résignés même d'avance à en voter, s'il le fallait, une seconde : « Nous ne pouvons abandonner nos chefs, me disaient-ils, mais où cela mènera-t-il? Dès l'instant qu'on ne voulait pas employer la force, il eût mieux valu temporiser, patienter, attendre que la Chambre, par des renversements successifs de ministères, se fût déconsidérée aux yeux du pays. A quoi bon se donner l'air de menacer les institutions républicaines, alors qu'on est décidé à les conserver? Actuellement la dissolution ne peut avoir pour résultat que de ramener une Chambre semblable à celle-ci. Et alors?... » Je rapportais ces impressions à M. Gambetta et je lui disais que, dans mon opinion, une première dissolution serait tout ce qu'on obtiendrait du Sénat, mais qu'on ne lui en arracherait pas une seconde. Devant cette exigence, la majorité, disciplinée jusque-là, se débanderait.

Dès l'ouverture de la séance, le 17 mai, M. Gambetta, dans une intervention rapide, voulut interpeller le cabinet Jules Simon sur les causes de sa démission. M. Christophle, seul ministre présent, se trouvait dans l'impossibilité de répondre. M. Gambetta n'en exposa pas moins, en quelques paroles enflammées, hachées par les interruptions de la droite, la grave atteinte portée à la Constitution et présenta l'ordre du jour suivant :

« La Chambre, considérant qu'il lui importe, dans la crise actuelle et pour remplir le mandat qu'elle a reçu du pays, de rappeler que la prépondérance du pouvoir parlementaire, s'exerçant par la responsabilité ministérielle, est la première condition du gouvernement du pays par le pays, que les lois constitutionnelles ont eu pour but d'établir ;

« Déclare que la confiance de la majorité ne saurait être acquise qu'à un cabinet libre de son action et résolu à gouverner suivant les principes républicains qui peuvent seuls garantir l'ordre et la prospérité au dedans et la paix au dehors,

« Et passe à l'ordre du jour. »

Malgré les protestations de la droite et l'abstention forcée du gouvernement, cet ordre du jour, destiné à grouper toutes les forces républicaines en vue de l'action prochaine, fut voté par 347 voix contre 149.

Le lendemain, 18, le nouveau ministère se présenta à la Chambre, en la personne de M. de Fourtou, armé d'un décret de prorogation qui ajournait la prochaine réunion des députés au 16 juin suivant. La lecture de ce décret, que prétendait justifier un assez long préambule placé dans la bouche du Maréchal, fut aussitôt l'objet d'une demande d'interpellation déposée par les républicains. Mais leurs auteurs ne purent la développer, en raison de la prorogation, qui produisait ses effets à l'instant même et entraînait la clôture de la séance. Elle fut donc renvoyée à la date de la rentrée.

Je ne connais rien de plus maladroit, au point de vue des coalisés, que cette prorogation. Il était bien évident que la Chambre reviendrait encore plus excitée et que la dissolution s'imposerait à bref délai. C'est par là qu'il eût fallu commencer. On n'aurait pas laissé aux républicains le temps de s'organiser pour de nouvelles élections et le Sénat aurait voté séance tenante, sous le coup de l'acte audacieux du 10 mai. Le gouvernement, par une offensive rapide, aurait entraîné les timides et les hésitants, que l'adversaire a eu tout loisir de reprendre. Heureusement les coalisés n'ont pas fait ces calculs ou, s'ils les ont faits, ils n'ont pas eu le courage d'y conformer leur conduite.

La rentrée s'effectua dans des conditions faciles à prévoir : la Chambre plus résolue que jamais à n'accorder aucune concession au ministère; le ministère désireux de se débarrasser de la Chambre et ne cherchant qu'un prétexte. Il lui fut aussitôt fourni par le refus qu'opposa la Chambre d'inscrire à son ordre du jour quelques projets jugés urgents par le gouvernement. Celui-ci porta dès lors au Sénat la demande de dissolution. Notre rôle, à nous minorité, fut d'agir sur nos collègues de la droite, pour en détacher quelques-uns, car l'écart des voix ne devait pas être très grand. Mais nous nous heurtâmes à un parti pris qui semblait être aussi aveugle qu'obstiné. Plusieurs à mes instances répondaient : « Nous ne pouvons refuser notre vote au Maréchal ; il démissionnerait, et ce serait la révolution. » — « Mais, disais-je, si la nouvelle Chambre est pareille à l'ancienne (et vous-mêmes n'en doutez pas), que ferez-vous? » — « Nous irons jusqu'au bout. » — « Et qu'entendez-vous par le bout? » Ici ils devenaient beaucoup moins explicites. « Le bout », pour eux, c'était l'inconnu. On ne voulait ni regarder, ni réfléchir; on marchait devant soi, dans les ténèbres.

La discussion sur la demande de dissolution dura trois jours. Le Sénat a rarement vu débat aussi dramatique et aussi élevé. Ce qui en a fait l'originalité, du côté républicain, c'est que le groupe modéré par excellence, le centre gauche, en a supporté presque tout le poids. Nous avions trouvé habile de remettre aux sénateurs les moins suspects de radicalisme la justification d'une Chambre, accusée d'aller aux extrêmes. Ils s'acquittèrent de leur tâche avec autant de courage que de talent. M. Bérenger, notamment, qu'entourait déjà l'estime générale, réduisit à néant les griefs invoqués; il montra combien le prétexte était futile, à quels dangers on courait sans nécessité. Au nom de l'ordre, il repoussait une mesure qui conduisait au désordre. Mais tous les efforts furent vains. La dissolution, volée par 150 voix contre 130, fut notifiée à la Chambre le 25 juin.

Celle-ci qui, dès le premier moment, se savait condamnée voulut,avant d'entendre son arrêt de mort, exprimer son ultime pensée dans un ordre dujour, sorte de testament politique à la veille des élections, qui contribuerait à éclairer le suffrage universel. Les groupes de gauche développèrent l'interpellation déposée à la date de la prorogation et qui n'avait pu être discutée. Le débat occupa les séances des 16,18 et 19 juin. Chaque groupe tint à honneur de faire entendre sa voix indépendante. Tour à tour, le centre gauche, la gauche, l'union républicaine et l'extrême gauche répétèrent sur des tons différents la même note de réprobation contre l'odieuse entreprise. Le feu fut ouvert par M. Paul Bethmont, et par M. Gambetta qui jamais n'atteignit à de plus grandes hauteurs d'indignation, de colère vengeresse, et ne déchaîna autant les fureurs de la minorité. Celle-ci dépassa en violence tout ce qu'on avait vu dans les années précédentes. M. Gambetta termina par ces mots qui, dans un pays comme le nôtre, frappaient dangereusement le nouveau pouvoir : « Vous êtes le gouvernement des prêtres ; vous êtes le ministère des curés. » M. Jules Ferry remplit brillamment sa tâche, comme représentant de la gauche modérée ; ce réquisitoire vigoureux lui assignait désormais sa place à côté de M. Gambetta. M. Louis Blanc parla au nom de l'extrême gauche. Enfin M. Léon Renault, au nom du centre gauche, prononça un discours de grande portée, destiné à agir sur les esprits hésitants. Le comte Horace de Choiseul. du même groupe, proposa cet ordre du jour :

« La Chambre des députés,

« Considérant que le ministère, formé le 17 mai par le président de la République et dont M. le duc de Broglie est le chef, a été appelé aux affaires contrairement à la loi des majorités, qui est le principe du gouvernement parlementaire...

« Déclare que le ministère n'a pas la confiance des représentants de la nation. »

Nonobstant une défense hardie et à certains égards remarquable de M. de Fourtou et de M. Paris, cet ordre du jour fut adopté, le 19 au soir, par 363 voix contre 158. Le chiffre des 363 est resté légendaire dans les fastes de la troisième République, comme celui des 221 sous la Restauration.

La Chambre, malgré les passions qui bouillonnaient en elle, sut se dominer pour entendre en silence la lecture du décret de dissolution. Elle se sépara dignement. Son président, M. Jules Grévy, avant de lever la séance, lui rendit ce dernier hommage, en termes lapidaires : « Le pays, devant lequel elle va retourner, lui dira bientôt que. dans sa trop courte carrière, elle n'a pas cessé un seul jour de bien mériter de la France et de la République. »

Les belligérants entrèrent immédiatement en campagne. D'un côté, le bloc compact des républicains des deux Chambres, soudés comme si leur sort eût été pareil ; la presse indépendante de Paris et des départements animée d'un même esprit; les comités électoraux précipitamment rappelés, avec leurs cadres et leur personnel ; en un mot, toutes les forces, toutes les volontés, tous les courages, depuis la plus pâle nuance jusqu'aux plus vives couleurs, conjurés sans restriction pour imposer le respect de la Constitution et la sincérité du régime parlementaire. De l'autre côté, tout le déploiement officiel, les ressorts administratifs tendus à l'excès, la résurrection des fonctionnaires « à poigne », les parquets lancés à la poursuite d'imaginaires délits, la loi, qu'on n'osait pas violer dans sa lettre, faussée dans son esprit, l'armée recevant des instructions qui fleuraient le coup d'État; bref une sorte de terreur qu'on essayait de faire planer sur les populations pour leur arracher un vote contraire à la République. Même sous l'Empire, la candidature officielle ne s'était pas adonnée à de tels excès. Nous retournions aux jours sombres de 1852, avec cette heureuse différence toutefois qu'à la tête de l'entreprise ne se trouvaient pas des hommes comme ceux qui avaient assuré le succès du Deux-Décembre.

Mais nous ne pouvions spéculer alors sur un futur manque d'audace. Nous devions supposer qu'avant d'engager la partie les chefs en avaient supputé les risques, et qu'ils ne s'arrêteraient pas à mi-chemin. Qui garantissait d'ailleurs que le suffrage universel, où se rencontrent tant d'éléments timides, ne se laisserait pas impressionner par les forfanteries, les menaces, et par le bruissement des armes qu'agitait un gouvernement sans scrupules? Qui pouvait dire qu'il saurait, en dépit de tout, exprimer clairement sa volonté? M. Gambetta fut tel ici que je l'avais connu à Tours et à Bordeaux, gardant toujours l'espoir et relevant les courages. Sur ce terrain qui lui était familier, il se montra tacticien consommé. Que d'hommes j'ai vus défiler dans les bureaux du journal, qui venaient solliciter ses instructions et ses conseils! Combien étaient entrés inquiets qui sortaient rassurés ! Combien hésitaient qui discernaient ensuite leur voie! Les personnalités les plus marquantes l'acceptèrent tacitement pour chef. Il fut véritablement l'âme de la résistance.

Un de ses premiers soins fut d'organiser un comité central, composé surtout de sénateurs (les députés étaient, pour la plupart, en province), chargé de réunir et de distribuer les ressources. Les souscriptions affluèrent; l'une d'elles fut de cent mille francs. Le gouvernement, effrayé de cet élan, se demanda s'il les interdirait. Mais on était en période électorale et il eût fallu violer trop ouvertement la loi. M. de Broglie, en dépit de sa casuistique, reconnut que ceci dépasserait les bornes des interprétations audacieuses.

Afin de simplifier la campagne et de ne pas disperser les forces, M. Gambetta avait fait décider que les trois cent soixante-trois votants de l'ordre du jour du 19 juin se représenteraient en bloc, qu'aucun d'eux n'aurait de compétiteur républicain dans sa circonscription. C'est ainsi que le prince Napoléon Bonaparte fut réélu sans concurrent, malgré les réserves que son républicanisme inspirait. D'autre part, il noua fortement la ligue des journaux. Une « triplice » fut formée entre la France, rédigée par Emile de Girardin, le XIXe siècle, rédigé par Edmond About, et la République française, que lui-même continuait de diriger. L'union fut définitivement scellée chez Mme Edmond Adam, qui nous avait conviés dans ce but et dont l'influence contribua beaucoup au résultat. « Vous êtes le capitaine du navire, dit en terminant Girardin à M. Gambetta; commandez la manœuvre, nous obéirons. » Les autres journaux républicains, tout en conservant leur autonomie, prenaient volontiers leur orientation chez ces trois organes et en diversifiaient la polémique. Les feuilles de province reproduisaient les articles essentiels, qui se trouvaient ainsi répandus à profusion dans le pays.

Une autre partie du rôle de M. Gambetta, plus originale et plus personnelle encore, consiste dans ces voyages, ces apparitions subites et multipliées, ces harangues enflammées qui remuaient le suffrage universel dans ses profondeurs. L'ardeur de la lutte lui inspirait des formules vives, tranchantes, des mots à l'emporte-pièce, que les masses se répétaient. A Lille, dès le début des hostilités, il prononça la fameuse phrase : « Quand la France aura fait entendre sa voix souveraine, il faudra se soumettre ou se démettre. » (Ce mot historique eut une origine modeste. Nous déjeunions un jour chez M. Gambetta, dans son nouveau domicile, rue de la Chaussée d'Antin;nous étions une dizaine de convives. La Chambre venait d'être dissoute et l'on parlait des futures élections. • Si elles sont républicaines, dis-je naturellement, il faudra bien que le Maréchal se soumette ou se démette • — • Je retiens le mot, dit en riant M. Gambetta, je lui ferai un sort. • Il le lui fit, en effet, grâce à son prestige et aux circonstances dans lesquelles il le prononça.). Parole à l'adresse du Maréchal, destinée à détruire dans son germe la pensée d'une seconde dissolution. Le gouvernement se sentit tellement atteint qu'il eut l'impudeur de poursuivre M. Gambetta pour délit de presse. Il trouva un tribunal, la 10e chambre correctionnelle, pour le condamner par défaut, le 11 septembre, à trois mois de prison et deux mille francs d'amende. Mais le coup était porté, et M. Gambetta sut traîner si bien le procès dans le « maquis » de la procédure que la nouvelle Chambre se réunit et l'inviolabilité parlementaire le couvrit avant que la peine devînt exécutoire. Les ministres, afin de donner plus de force à leur propagande, déterminèrent le Maréchal à se montrer sur plusieurs points du territoire. Sa personne fut à dessein entourée de cette pompe officielle, qui avait si bien servi les desseins du prince Louis-Napoléon vingt-sept ans auparavant. Pour compléter la ressemblance, ils placèrent dans sa bouche des paroles à double entente, qui rappelaient celles du prétendant à l'Empire. En style sibyllin, le Maréchal revenait sur « sa mission », sur les « grands intérêts dont il avait la garde », sur « ses devoirs envers le pays ». Il attendait du suffrage universel l'élection d'une Chambre imbue d'idées « conservatrices », sans laquelle « il ne pourrait gouverner ». Il laissait supposer que le pays serait consulté autant de fois qu'il le faudrait pour obtenir cette Chambre modèle. Ces menaces voilées ne produisirent cependant qu'un effet médiocre. Le Président, malgré sa grande honorabilité personnelle et le respect dû à son passé, n'avait pas le don de passionner les foules. Il n'était pas orateur et manquait d'à-propos. On citait de lui des mots, vrais ou faux, qui n'augmentaient pas son prestige. Sa raideur militaire, qui réveillait des souvenirs pénibles, qui faisait songer à Sedan plutôt qu'à Magenta, ne provoquait pas dans les milieux populaires le courant de sympathie qu'on avait escompté. Quel contraste avec la nature bouillonnante, les éclats passionnés de M. Gambetta, son geste dominateur, les services non encore oubliés de 1870 ! Le ministère avait été bien mal inspiré en provoquant la comparaison. Elle ne pouvait que tourner au détriment du Maréchal. Malgré tout le décor officiel, la faveur des masses allait au tribun, au démocrate, au républicain.

Sur ces entrefaites, le 3 septembre 1877, M. Thiers, dont l'étroite union avec M. Gambetta s'était affirmée dans ces conjonctures difficiles, rendit le dernier soupir. Ce malheur national ne découragea pas la coalition républicaine. Au contraire, les amis du grand homme d'État se rappelèrent avec un redoublement d'amertume les injustices dont il avait été abreuvé et cherchèrent à le venger en faisant triompher la cause à laquelle il s'était passionnément attaché vers la fin de sa vie


Les élections confirmèrent, dépassèrent nos espérances. Les scrutins des 14 et 28 octobre donnèrent 318 sièges aux républicains et 208 aux réactionnaires de toutes nuances. Plus tard, à la suite des invalidations, nécessitées par les débordements de la candidature officielle, le nombre des républicains dépassa trois cent quatre-vingts.

La nouvelle Chambre se réunit le 7 novembre. Le doute le plus inquiétant planait sur les intentions du gouvernement. Le Maréchal allait-il « se soumettre » ou, comme il l'avait donné à entendre, se raidir contre les volontés du pays? En prévision de cette seconde alternative, la majorité républicaine s'occupa sur-le-champ d'organiser la résistance légale. Elle constitua un comité de dix-huit membres, où les divers groupes étaient représentés, et qui avait la charge de dicter la conduite du parti, de façon à prévenir toute perte de temps, toute hésitation. L'histoire des assemblées délibérantes offre peu d'exemples d'une discipline comparable à celle dont témoigna la majorité pendant les jours angoissants de novembre et décembre 1877.

Le duc de Broglie avait hésité à paraître devant la Chambre et, le 6 novembre, il voulut se retirer. Il sentait la partie irrévocablement perdue. Il était trop fin politique pour compter sur les effets d'une seconde dissolution, et trop prisonnier de son passé pour attenter à la Constitution. Il n'avait donc qu'à conseiller la soumission ou à céder la place. C'est ici qu'éclate l'égoïsme des partis. Son entreprise ayant échoué, on lui fit comprendre durement qu'il ne pouvait se dérober aux responsabilités encourues, qu'il se devait à lui-même de recevoir le choc, plutôt que de compromettre des hommes nouveaux. Il aborda donc la Chambre le 15 novembre et — il n'est que juste de le reconnaître — il parla avec éloquence et courage. Sa défense est un modèle du genre. On ne saurait mieux plaider une plus mauvaise cause.

La Chambre, par 312 voix contre 205, vota le projet de résolution du Comité des dix-huit, tendant à nommer une commission de 22 membres pour ouvrir une enquête sur les actes du ministère. A moins d'en appeler à la force, il fallait cette fois que l'Elysée se résignât au départ de l'éditeur responsable du Seize-Mai. La démission de M. de Broglie fut officiellement acceptée le 16 novembre, mais il dut continuer d'expédier « les affaires courantes » jusqu'à la nomination de son successeur, le 23 novembre.

Le choix de ce successeur ne fut pas aisé. Aucun homme politique sérieux ne consentait à se charger de la corvée. La première condition, en effet, de la formation d'un cabinet était qu'on sût ce qu'on voulait. Or personne ne le savait. La minorité réactionnaire de la Chambre était, si l'on peut dire, hors du jeu, parce que minorité. La politique se brassait au Sénat, où la droite l'emportait, et à l'Elysée. A l'Elysée, on s'inspirait de deux principes qui s'excluaient : ne pas « se soumettre », et ne pas recourir à l'illégalité. La majorité sénatoriale s'agitait dès lors dans le vide. Elle se trouvait rejetée vers l'idée vague d'une seconde dissolution. Les meneurs en parlaient avec une feinte assurance. Mais le gros des troupes hésitait. Le Maréchal, un instant rallié à cette idée, consulta quelques personnages de marque. On prétend que MM. de Broglie et Buffet le poussaient; j'ai tout lieu de croire, d'après des renseignements particuliers, qu'ils se tenaient dans une prudente réserve. Si M. de Broglie avait cru cette issue praticable, il aurait gardé le pouvoir. Le président du Sénat, duc d'Audiffret-Pasquier, fut appelé au moment le plus critique. Il se montra très discret sur l'entrevue, mais il avait dû dissuader le Maréchal, car, dans les couloirs, quand les plus échauffés allaient répétant : « Le Maréchal recommencera, il faut une autre Chambre », lui hochait la tête et se bornait à dire : « C'est très grave! » Je ne le connaissais pas encore assez pour tirer la chose au clair. Plus tard, je l'ai vu beaucoup. « Je n'ai jamais été mêlé à ces combinaisons, m'a-t-il dit nettement, ma fonction ne me le permettait pas. Un jour cependant, le Maréchal me demanda mon avis sur l'opportunité d'une seconde dissolution : « C'est bien scabreux, lui ai-je répondu; il ne faut pas trop demander au Sénat. » — « Je crois, ajouta le duc, que ces mots ont donné à réfléchir au Maréchal; mais il ne m'en a plus parlé, je n'étais pas au nombre de ses confidents. »

C'est une singulière figure que celle du duc Pasquier. Monarchiste par ses origines, ses relations, sa famille, il avait le tempérament d'un tribun, — et aussi l'éloquence, — les idées très libérales et l'esprit ouvert aux besoins de la démocratie. Nul préjugé de caste, le culte de la souveraineté nationale. Sa préférence pour la monarchie tenait surtout, je pense, à ce qu'il n'apercevait pas les éléments d'une république telle qu'il la comprenait. « Au fond, lui disais-je quelquefois en riant, vous êtes des nôtres. » Il ne s'offensait pas de ces propos, qu'il savait affectueux et empreints d'une profonde estime. Il convenait qu'il n'avait pas d'objection de principe contre la République ; mais il l'eût voulue « plus tolérante, surtout en matière religieuse ». Comme je lui faisais observer que c'étaient ses propres amis qui avaient déchaîné la tempête, il ne le contestait guère. Du reste, il n'a jamais rien entrepris contre la République. Il s'est mêlé aux tentatives de fusion, parce que la République n'était pas encore légalement établie et qu'il considérait l'Assemblée nationale comme souveraine. La Constitution une fois votée, il l'a acceptée sans arrière-pensée. Non seulement il a détourné le Maréchal d'une seconde dissolution, mais, un mois plus tard, il lui a conseillé de faire appel à M. Dufaure, ce qui était la consécration définitive du régime. Maintenu à la présidence du Sénat par les conservateurs, il s'y est montré d'une rigoureuse impartialité vis-à-vis des républicains. Redevenu simple sénateur, et libre de son action, il s'est tenu en dehors de la coalition boulangiste, qu'il jugeait « de nature à déconsidérer les Princes ». Le 23 novembre, après des journées enfiévrées, le ministère Rochebouët succéda au ministère de Broglie. Je n'ai jamais compris cette combinaison. Présidée par un général qu'on disait résolu, elle groupait des collaborateurs incolores, plutôt timides, empruntés à l'Administration et fort incapables d'attenter a la légalité. (Le ministère était ainsi composé : présidence du Conseil et Guerre, général de Rochebouët; Justice, Lepelletier; Affaires étrangères, de Banneville; Intérieur, Welch ; Finances, Dutilleul; Marine, contre-amiral Roussin [Alfred Victor ROUSSIN (X 1857) fut commissaire général de la Marine] ; Instruction publique, Faye [Hervé Etienne Auguste Albans FAYE (1814-1902 ; X 1832) commence sa carrière dans l'industrie hollandaise, puis devient astronome (1842) et découvre une comète (1843) ce qui lui vaudra d'entrer à l'Académie des sciences ; il fut professeur à Polytechnique (1848-1854) puis à Nancy où il fut recteur ; il ne fut ministre que moins d'un mois] ; Agriculture et Commerce, Ozenne ; Travaux publics, Graef.).

J'en ai connu quelques-uns personnellement et je déclare qu'ils étaient à l'antipode du rôle que leur assignait le public. « Nous sommes entrés là, m'ont dit MM. Faye, Graef, Ozenne, uniquement pour accomplir un intérim et parce que le Maréchal nous l'a demandé comme un service. Nous avions mis pour condition de conserver nos situations que nous comptions reprendre très prochainement. » Ce ne sont pas là pensées de gens qui vont bouleverser l'État. Je n'ai pas approché le général de Rochebouët, mais j'ai beaucoup connu deux de ses collaborateurs immédiats, Berge et de Miribel. Les ayant eus sous mes ordres, onze ans plus tard, et de plus étant camarade d'Ecole du premier, je les ai interrogés librement [Henri BERGE (1828-1926 ; X 1847), officier d'artillerie, fut blessé en Crimée, fit la guerre du Mexique puis fut prisonnier à Metz en 1870 ; il fut inspecteur des écoles d'artillerie, général de division et en 1888 membre du Conseil supérieur de Guerre]. Mon impression est qu'il n'y eut aucun plan ; en tout cas, ils n'en ont connu aucun : « On était résolu, m'ont-ils dit, à défendre l'ordre et à réprimer les tentatives révolutionnaires. Il n'a jamais été question d'autre chose. » Pris à la lettre, ce programme n'avait rien d'incorrect ni de menaçant pour les libertés publiques. Le ministre de la Guerre a-t-il fait résonner son sabre? Y a-t-il eu quelques instructions maladroites, excessives, comme celle qui a provoqué l'incident du major Labordère? C'est probable. Mais je crois fermement que l'Elysée ne méditait aucune atteinte à la Constitution. Il se prémunissait contre les imaginaires violences du parti républicain, lequel, à son tour, se prémunissait, avec plus d'apparence de raison, contre quelque tentative de coup d'Etat. En réalité, chacun des deux adversaires prêtait à l'autre des intentions qu'il n'avait pas.

Le 24 novembre, ce cabinet si gauchement formé et d'un aspect franchement antiparlementaire se présenta devant la Chambre. Celle-ci, sur la motion de M. de Marcère, refusa catégoriquement, par 315 voix contre 204, d'entrer en rapport avec lui. Elle était décidée, déclarait-elle, à « ne reconnaître qu'un ministère formé selon les règles parlementaires et respectueux des droits du suffrage universel ».

Devant cette mise en demeure, quelle serait l'attitude du Maréchal?

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