TRAVAUX
DU
COMITÉ FRANÇAIS D'HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE
- Troisième série -
T.XIX (2005)
Maurice JACQUÉ
Patrick William Stuart-Menteath (1845-1925)
ou cinquante ans de controverses géologiques au Pays basque

COMITÉ FRANÇAIS D'HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE (COFRHIGEO) (séance du 14 décembre 2005)

Résumé.
Patrick William Stuart-Menteath a été un personnage hors normes, assez extravagant, aux allures et au tempérament donquichottesques que reflètent bien la seule photographie de lui qui soit connue. Formé à la géologie minière, c’était toutefois un excellent et infatigable géologue de terrain, qui s’est entièrement consacré à la géologie pyrénéenne, publiant la première carte géologique du Pays basque intérieur. Ses idées très arrêtées et son caractère difficile l’ont mêlé à toutes les controverses de son temps et lui ont valu bien des déboires. Il avait pourtant souvent raison, même si c’était parfois pour de mauvaises raisons… La découverte récente de sa correspondance avec le géologue Eugène Fournier apporte des éclairages nouveaux sur le personnage.

Mots-clés  géologie - Pays basque - stratigraphie - nappes de charriage - xixe siècle - xxe siècle.

Abstract.

Key-words: geology - Basque country - stratigraphy - thrustings - xixth century - xxth century.

1.  Introduction

Patrick William Stuart-Menteath était né le 4 octobre 1845 à Douglas, dans l’île de Man, d’une branche cadette d’une noble famille écossaise à la fière devise « Dum vivo spero » (« Tant qu’il y a de la vie il y a de l’espoir »). Second d’une famille de trois frères, il ne suit pas la carrière des armes où s’étaient illustrés ses grand-père paternel, baronet et officier au 16e lanciers, et maternel, le major-général Agnew of Dalreagle. En outre, il épouse en 1871 la fille d’un petit imprimeur d’Edimbourg, ce qui a dû être considéré comme une mésalliance dans cette famille. L’orgueil de caste blessé, le caractère soupe au lait des Écossais peuvent être pro parte à l’origine de son caractère vindicatif, frôlant parfois le délire de la persécution, qui lui a beaucoup nui. Et aussi cet incessant besoin d’exprimer sa supériorité et son prestige à travers fantasmes familiaux, sociaux et professionnels, constamment martelés dans ses publications et souvent invérifiables.

2.  Les années de formation

Avant d’apparaître sur la scène géologique par ses premières publications, entre 1866 et 1869, il affirme avoir vécu en Italie, probablement avec ses parents qui se retireront plus tard à Pau, comme beaucoup d’Anglais fortunés ; puis avoir sauvé par son sang-froid un navire de 800 hommes alors qu’il était cadet dans la marine. Plus établis sont son diplôme de chimie de l’université d’Edimbourg, puis ses études à l’École des mines de Londres sous la direction d’Andrew Ramsay, suivies d’un stage de perfectionnement à l’École des mines de Clausthal (Allemagne), avec un stage probable de terrain en Grèce. Par formation, c’est donc un géologue minier, et il le restera dans sa démarche. Il prétend avoir été aussi partie prenante dans la controverse des géologues, conduits par Roderick Murchison et Ramsay, avec Lord Kelvin, qui s’en prenait à l’uniformitarisme et assignait à la Terre un âge de 26 Ma. Il semble là qu’il ait plutôt suivi ses maîtres.

3.  Les premières armes

En 1866, il donne une première note à la Société Ramond, sur les phénomènes glaciaires de la région de Pau, où l’on reconnaît l’influence de son maître Ramsay, dont c’était la spécialité. Présenté à la Société géologique de France, il y est admis le 15 novembre, sur proposition de Edmond Hébert et Gustave Cotteau.

Première polémique aussi, dès 1868, avec Félix Garrigou, l’un et l’autre se perdant dans l’identification, la nomenclature et la corrélation des poudingues (crétacés, éocènes, miocènes, pliocènes, glaciaires ou non) des Pyrénées, tous assimilés à l’emblématique poudingue de Palassou. Puis c’est le silence à peu près complet jusqu’en 1878. Il semble que, pendant cette période, il ait occupé un poste de géologue minier au Pays basque espagnol pour le compte de Rio Tinto (comme chef d’état-major des mines de Rio Tinto, dit-il lui-même dans une publication de 1910). Il proclame qu’il a également été correspondant de guerre pendant huit ans, lors de la seconde insurrection carliste. Mais celle-ci n’a duré que quatre ans (1872-1876) !

Figure 1. Portrait de Patrick William Stuart-Menteath.

4.  Le vallon de Chabiague et l’« homme pliocène »

Revenons aux affaires sérieuses et à la communication intitulée Sur la géologie superficielle des environs de Biarritz et de Bidart dans le bulletin de la société Ramond en 1878, intéressante à deux titres. D’une part, elle traite des lignites de Mouligna, associés à la découverte d’artefacts préhistoriques, tant paléolithiques que néolithiques (fragments de poteries), qui, en pleine querelle darwiniste, ont été à l’origine de la querelle dite de l’homme pliocène. Dans son papier fondateur de 1864, qui décrit les affleurements de la côte basque, Eugène Jacquot[1] signalait au-dessus des marnes à crabes du Nummulitique de l’embouchure du ruisseau de Mouligna, ces fameux lignites, en leur attribuant un âge récent. À tort, Stuart-Menteath fait dire à Jacquot que les terrains sont pliocènes (ce qu’il n’a jamais dit), mais il livre une analyse assez correcte de la stratigraphie du gisement pour rejeter cette hypothèse. Il est aussi intéressant de constater que, dans un environnement de dépôt complexe (il y a deux niveaux à lignite), c’est la palynologie qui a réglé le problème dans les années 1960 et 1970 (publications de Gaston Astre[2] et de Franck Oldfield[3]). Personne ne reviendra plus sur le site : il a été remblayé pour faire un golf !

5.  La carte de 1881 et les publications subséquentes

Nouveau silence de Stuart-Menteath. Il semble qu’il ait repris du travail avec Rio Tinto, publié quelques articles journalistiques dans une revue populaire britannique (Leisure Hour) et fait beaucoup de terrain. En 1881, il donne au bulletin de la Société géologique de France une note de 33 pages, accompagnée d’une carte des Pyrénées basques au 1/200 000 qui résume l’état de ses observations, et établit sa réputation de géologue pyrénéen, malgré ses erreurs et surtout l’absence d’un fond topographique correct, qu’il n’avait probablement pas à sa disposition. C’est la première synthèse du Pays basque intérieur et elle contient nombre d’observations nouvelles et de nombreuses coupes. L’importance du Dévonien et du Crétacé est bien soulignée, ainsi que la présence sporadique du Jurassique sur la bordure nord des Pyrénées basques. Il en va de même du caractère injecté des ophites et de leurs relations avec les terrains encaissants (certains les considéraient encore comme stratifiées à cette époque !).

Elle est complétée en 1886 par une importante Note préliminaire sur les gisements métallifères des Pyrénées occidentales qui aura une abondante postérité entre 1909 et 1915 (quatorze papiers qui s’éloignent de plus en plus du sujet pour témoigner de ses rancœurs personnelles).

Pendant toute la période qui va suivre, de nombreuses notes, souvent polémiques, discutent de points de détail de la géologie basque, puis s’étendent peu à peu aux Pyrénées béarnaises à partir de 1892. On notera que la plupart de ces publications sont de caractère stratigraphique et n’abordent guère les aspects tectoniques des Pyrénées basques.

6.  La controverse avec Jean Seunes et l’olistostrome de Bidart

Sur la demande d’Hébert et de Munier-Chalmas, P.W. Stuart-Menteath avait supervisé en 1885-1886 le travail de thèse de Jean Seunes [Recherches géologiques sur les terrqins secondqires de l'Eocène inférieur de la région sous-prénéenne du Sud-Ouest de la France]. Après la publication de cette thèse en 1890 et jusqu’en avril 1891, se développe une vive controverse. Elle se poursuivra jusqu’en 1895. D’une part, Stuart-Menteath écrit à la Société géologique de France pour réclamer la priorité de certaines découvertes. D’autre part, la discussion concerne le lambeau de Trias présent à Caseville dans la falaise côtière, déjà décrit par Eugène Jacquot en1864.

Pour celui-ci, accident tectonique associé à une montée d’ophite non perçante ; pour Seunes, Trias associé à une faille, faille refusée par Stuart-Menteath, qui ose en faire du Crétacé métamorphisé de la base du flysch ! Il est intéressant de noter qu’il a fallu attendre 1995 et le développement des connaissances sur les phénomènes turbiditiques pour comprendre qu’il s’agissait vraisemblablement d’un olistostrome (Fondecave-Wallez et al.[4]).

L’aspect tectonique est vraiment abordé pour la première fois dans la série de douze coupes publiées dans le bulletin de la Société géologique de France en novembre 1891 et tient entièrement à l’existence de failles et plis faillés.

7.  L’Éocène du Guipuzcoa

Il faut aussi souligner qu’en 1894, Stuart-Menteath est le premier à mettre en évidence la présence d’Eocène dans la série côtière entre la frontière française et Saint-Sébastien, en soulignant que le faciès « flysch » couvre aussi bien des dépôts éocènes que crétacés. Là aussi, ce n’est qu’en 1972 (Kruit et al.[5]) que, grâce aux séquences de Bouma et au travail des géologues de Shell, cet ensemble pourra être interprété comme un dépôt turbiditique profond.

 

8.  Le conflit avec la Société géologique

 

En 1894, à l’abri du besoin, il renonce à toute activité professionnelle pour se consacrer à ses recherches et paie la somme de 400 francs, somme importante pour l’époque, pour devenir « membre à vie » de la Société géologique de France. En juin de la même année, paraît un court article fort intéressant dans le bulletin de la Société géologique de France car il aborde les questions de fond et les théories à la mode, suite à la parution de la note de Marcel Bertrand, publiée aux Comptes Rendus de l’Académie des sciences du 29 janvier 1894 sur les « lignes directrices de la géologie française ». Selon sa jolie expression « le réseau pentagonal est remplacé par le réseau orthogonal et à peine échappé des mailles du premier, on est menacé des mailles flexibles du second ». Soulignant la différence entre tectonique de surface et tectonique profonde (son expérience de mineur) il met en garde à juste titre géologues et géographes contre les généralisations abusives, en tout cas inapplicables aux Pyrénées.

Les choses se gâtent avec la Société géologique à partir de l’été de 1899, quand certains commencent à suggérer que le Trias de Caseville, déjà cité, pourrait être la base d’une lame de recouvrement charriée. Le 6 juin, il envoie une note au Compte Rendu sommaire de la Société, se terminant sur une phrase qui provoque l’ire de Marcel Bertrand (réunion du Conseil du 26 juin). Fin 1900, il envoie deux notes à la Société géologique de France qui lui sont renvoyées pour être condensées. L’élection à la présidence de Carez, et de Seunes à une vice-présidence est trop pour lui. L’octroi de facilités aux jeunes membres adhérant à la Société, pour intensifier le recrutement, est contraire à sa conception élitiste des sociétés savantes. Après une lettre incendiaire le 30 janvier 1901 (entre autres, il y rejoint Jules Marcou dans la dénonciation d’une prétendue complicité de la Société dans le scandale de Panama), il démissionne le 5 février, en demandant que le service du Bulletin et du Compte Rendu sommaire lui soient assurés, du fait de sa cotisation de membre à vie. Heureux de se débarrasser de lui, sa démission est acceptée et sa requête admise. Une demande de réadmission, soutenue par Fournier et Bresson en 1906 n’aura aucun succès. Pendant des années, le service du Bulletin qui lui avait été assuré sera très épisodique – négligence ou mauvaise volonté – ce qui vaudra jusqu’à la fin de sa vie nombre de lettres incendiaires où il s’en prend à M. Mémin, qui assure le secrétariat de la Société. Comme le montre la figure de répartition de ses publications insérée à la fin de cet article, il ne peut plus publier ni dans le Bulletin, ni dans le Compte Rendu sommaire car ses tentatives sont alors systématiquement rejetées. Jusqu’en 1906, il trouvera à s’exprimer dans des publications espagnoles (Société aragonaise des Sciences naturelles, dont il a été l’un des présidents annuels) et britanniques (Geological Magazine), Pour cette période, on retiendra ses diatribes contre Suess et Darwin, et Carez bien sûr, mais surtout la publication chez Dulau, éditeur londonien, d’un ouvrage dont plusieurs fascicules ont paru, sans que je puisse m’assurer que tous aient été publiés.

9.  La grande controverse des nappes de charriage

En 1906, c’est dans le fascicule VI (Uniformitarism) de cette publication qu’il s’en prend pour la première fois à l’interprétation développée depuis 1902 par Léon Bertrand pour Caseville et les environs du lac Mouriscot, puis reprise par Termier après une brève visite sur le terrain en 1905. Leur concept d’importantes nappes de charriage dans les Pyrénées basques en 1911 est développé dans une note commune  aux Comptes Rendus de l’Académie des sciences, puis explicité par deux notes de Léon Bertrand, avec cartes et coupes. Elles sont introduites dans l’édition française de la Face de la Terre de Suess, ce qui leur donne autorité. Stuart-Menteath ne décolèrera pas sur ce sujet pendant la vingtaine d’années qui lui restent à vivre, avec beaucoup d’attaques ad personam. Termier est raillé pour sa manie de faire de tous les conglomérats des mylonites tectoniques et pour son style « géopoétique ». Léon Bertrand devient sa bête noire. Malheureusement pour Stuart-Menteath, il ne vivra pas assez longtemps pour voir cette théorie battue en brèche lors de la Réunion extraordinaire de la Société géologique de France en 1928 dans les Pyrénées et lors de la parution de la thèse de Marcel Casteras.

C’est aussi à cette époque qu’il s’installe définitivement à Ciboure dans une grande maison, Aïta Beita, base de ses éternelles courses dans les Pyrénées, où il demeurera jusqu’à sa mort.

 

10.    L’amitié avec Eugène Fournier

 

C’est aussi en 1905 qu’il rencontre sur le terrain Eugène Fournier, avec lequel il se lie d’une amitié fidèle malgré leurs divergences d’interprétation.

L’intérêt de Fournier, professeur à Besançon, pour la spéléologie et l’hydrogéologie l’attirait vers les Pyrénées où Stuart-Menteath lui organisa des expéditions en fournissant mulets et guides. La méfiance envers la théorie des nappes de charriage les rapprochait aussi. Il lui enverra 143 lettres entre 1906 et février 1925, huit mois avant sa mort. Un heureux hasard m’a permis de les retrouver, à la Chambre de Commerce de Bayonne, mais sans les réponses de Fournier. Dans cette correspondance, on peut trouver des coupes et des notes de terrain inédites, et bien entendu beaucoup de polémiques, de rancœurs et d’insultes pour ses ennemis de tout bord. Mais il y a aussi des jugements et des analyses sur les travaux des uns et des autres et beaucoup de notations personnelles, parfois amusantes, comme par exemple : « Marcel Bertrand, dès qu’il s’est fixé à Saint-Jean-de-Luz, a répudié les extravagances de Léon Bertrand » (janvier 1923). Il y a encore beaucoup de travail à faire pour en tirer toute la substance.

 

11. Les publications tardives

 

Pendant la période de 1905 à 1913, il utilise le bulletin de la Biarritz Association pour y présenter ses interprétations, et y exhaler sa mauvaise humeur de plus en plus envahissante dans des séries d’articles : Sur les gisements métallifères des Pyrénées occidentales (11 livraisons) ; La nouvelle géologie à Biarritz (5 livraisons) ; La nouvelle géologie à Dax (2 livraisons). Cette collaboration s’interrompt brutalement, et il en accuse Pierre Termier et son frère qui seraient intervenus auprès des responsables de l’Association. Les deux dernières livraisons, sans trop d’attaques personnelles, paraissent dans le bulletin de la Société aragonaise des sciences naturelles. Elles sont un peu une somme de ses travaux précédents. Elles ont le mérite de mettre à mal quelques hypothèses hasardeuses comme de faire du flysch de Sare et Aïnhoa une fenêtre tectonique sous le Paléozoïque charrié.

On notera aussi dans la dixième livraison (avril 1913) l’attribution ferme au Crétacé (il n’en avait été question discrètement auparavant que dans quelques publications et sa correspondance avec Fournier) des poudingues de Mendibelza, entre le massif d’Iraty et le massif des Arbailles. Rappelons que leur datation n’a été établie paléontologiquement qu’en 1947 par Yvonne Gubler, et que ces turbidites proximales n’ont été comprises et correctement interprétées qu’en 1982 comme dépôts de cône sous-marin du rift albien (Boirie et al.[6]).

Dans cette période enfin, Douvillé, probablement par amitié, lui permet de publier des coupes déjà anciennes dans les Comptes Rendus de l’Académie des sciences et dans la petite Feuille des jeunes Naturalistes qu’il a fondée.

Les dernières années sont occupées par trois types de publications. Un certain nombre, purement polémiques, où s’exacerbent de vieilles rancœurs, sont souvent publiées à compte d’auteur. D’autres concernent en 1922-1923 une nouvelle et dernière polémique qui met en cause Pierre Lamare, futur « pape » de la géologie basque et alors jeune débutant, à propos du forage de San Narciso, proche du massif de la Haya, qu’on cherchait à utiliser comme argument pour l’hypothèse nappiste (le sujet de thèse de Lamare avait été proposé par Léon Bertrand). Stuart-Menteath, mieux informé localement, le prend en défaut et finit par lui faire admettre qu’il s’agit d’un pli couché et faillé peu ou pas chevauchant. On notera que cette affaire lui a permis d’être à nouveau publié dans le bulletin de la Société géologique de France, Eugène Fournier étant le premier auteur de la note.       

Il me faut encore parler d’une publication de 1918, car elle concerne un problème qui n’a pas encore trouvé vraiment sa solution. La barre d’Amotz sépare le bassin de Sare-Aïnhoa, qu’elle ferme au nord, de celui de Saint-Pée-sur-Nivelle. Dès 1899, Stuart-Menteath suggère qu’il puisse s’agir de « remplissages bréchiques » en bordure de chaîne, qu’il tend à désigner sous le nom de klippes, terme dont le sens a aujourd’hui dérivé. S’il ne le dit pas clairement dans sa publication, il pense peut-être à des phénomènes gravitaires, turbidites ou olistostromes. Si plus personne aujourd’hui ne fait du bassin de Sare, comme le suggérait Pierre Termier, une fenêtre tectonique, les publications récentes divergent encore. Pour Philippe Razin (thèse, 1989), c’est une brèche (Albien à Turonien) à la semelle d’une unité décollée du flysch. Pour Pierre Richard (thèse, 1986), c’est un Paléozoïque autochtone dont il lève les coupes. Personne encore n’a proposé l’ouverture d’un semi-graben albo-cénomanien en transtension, repris en compression à la phase pyrénéenne, dont le flanc oriental suit une faille cisaillante majeure.

12.    Conclusions

Victime d’une chute dans l’escalier de sa maison, Patrick William Stuart-Menteath décline rapidement et meurt à Ciboure le 20 novembre 1925.

Stuart-Menteath présentait ainsi, dès 1878, sa conception de la géologie : « En géologie, je pense que la théorie est toujours indispensable, mais ce que j’appelle théorie n’est autre chose que le résumé logique et naturel des faits observés, reliés entre eux par des uniformités de relation constatées par l’observation minutieuse du régime actuel de la nature […], méthode que j’ai toujours employée en parcourant les Pyrénées et que j’avais apprise surtout dans les classes de l’Ecole des Mines de Londres, où elle était enseignée par M. Ramsay, le directeur général actuel du Geological Survey ». Et encore, dans la polémique à laquelle il a pris part dès 1871 contre les auteurs et les inspirateurs de l’ouvrage The unseen universe (Lord Kelvin étant visé) : « Tout ce qui va au-delà de ces uniformités […] n’est que spéculation distincte de la science. C’est ce qui a été démontré par l’école de philosophie écossaise (Sir W. Hamilton). Le géologue écossais Hutton, disciple de cette école, en a appliqué les principes à l’étude de la terre ».

Praticien aussi, il tire parti de ses connaissances en géologie minière, s’accroche au terrain, est un inlassable chasseur de fossiles, mais se méfie d’une stratigraphie trop purement paléontologique. Dans le Geological Magazine (1902), il écrit : « la pratique s’oppose à la théorie et elle aurait confirmé, au détriment des tentatives actuelles de substituer à Paris les théories d'Edouard Suess à celles d’Elie de Beaumont et d’Alcide d'Orbigny qui ont permis pendant trente ans aux géologues parisiens de rédiger des conclusions admissibles à tout observateur local ». Il récuse aussi l’utilisation abusive des nappes de charriage, à partir de l’exemple alpin : « Asi en el Pirineo han imaginado todo lo que se encuentra en los Alpes ».

Ses contemporains l’ont jugé de façon très diverse : il est la bête noire de Carez et Seunes. Par contre, Léon Bertrand, pourtant son principal adversaire, n’a, malgré les insultes et les excès de langage, jamais usé à son égard d’arguments ad personam. Apprécié par Eugène Fournier, c’est Pierre Lamare qui malgré leurs différends a su reconnaître ses qualités, en citant souvent, parfois pour les discuter, ses travaux : « On avait trop perdu de vue les travaux de Stuart-Menteath, en raison de l’intransigeance de ses idées, dont certaines étaient insoutenables. Ses cartes plus que fantaisistes ne pouvaient être prises au sérieux et son langage, aussi violent qu’obscur, discréditait son œuvre. Mais c’était un bon chercheur de fossiles et il avait recueilli des faunes, là où personne ne trouvait rien. Termier avait trop étendu son Ordovicien et méconnu le Dévonien. Quand Stuart-Menteath déclara que le calcaire du Laxia était aussi certainement dévonien que la craie de Meudon est crétacée, il disait la vérité ».

Et aussi Pierre Termier, dans l’éloge funèbre de Jean Seunes et dans son style inimitable : « Les terrains paléozoïques, épais, sombres, énigmatiques où Seunes, qui les connaît bien, moins bien pourtant que son confrère et rival Stuart-Menteath, essaie de nous diriger […] » (C. R. somm. Soc. géol. France, 4 avril 1921, p. 79).

Il reste à son actif des intuitions que les progrès ultérieurs ( en sédimentologie ou en palynologie par exemple) ont permis de justifier a posteriori et aussi le combat contre certains excès de l’application de la théorie des nappes dans les Pyrénées.

Je crois enfin et surtout qu’on peut lui appliquer ce jugement de Goulven Laurent sur Delamétherie (1743-1817) : « Le mauvais caractère – ou plus exactement la sensibilité exacerbée qui lui faisait défendre ses idées avec passion, et attaquer avec vigueur les personnes qui en avaient d’autres que les siennes, a fait qu’il est resté durant sa vie un peu en marge des cercles scientifiques de son époque ». (Paléontologie et évolution en France, 1987)

Références

FOURNIER, E. et STUART-MENTEATH, P.W. (1923). Sur la géologie de la mine de San Narciso (massif de la Haya) et la tectonique des Pyrénées basques. Bull. Soc. géol. France, (4), XIII, p. 102-108.

LAMARE, P. (1954). La bordure septentrionale du Pays basque aux environs d’Espelette. Bull. Serv. Carte géol. France, T. LII, n° 241, p. 335-353.

STUART MENTEATH, P.W. (1866). Sur les dépôts glaciaires des environs de Pau. Bull. Soc. Ramond, n° 3, p. 119-126.

STUART-MENTEATH, P.W. (1868). Sur les évidences d’une époque glaciaire miocène considérée spécialement dans les Pyrénées. Bull. Soc. géol. France, (2), XXV, p. 694-708.

STUART-MENTEATH, P.W. (juillet 1878). Sur la géologie superficielle des environs de Biarritz et Bidart et le véritable âge du lignite de Mouligna. Bull. Soc. Ramond, p. 2-28.

STUART-MENTEATH, P.W. (4 avril 1881). Sur la géologie des Pyrénées de la Navarre, du Guipuzcoa et du Labourd. Bull. Soc. géol. France, (3), IX, p. 304-333.

STUART-MENTEATH, P.W. (21 juin 1886). Note préliminaire sur les gisements métallifères des Pyrénées occidentales. Bull. Soc. géol. France, (3), XIV, p. 587-607.

STUART-MENTEATH, P.W. (16 novembre 1891). Note sur douze coupes des Pyrénées occidentales. Bull. Soc. géol. France, (3), XIX, p. 929-932.

STUART-MENTEATH, P.W. (7 mai 1894). Sur le flysch de Biarritz et de Saint-Sébastien. C. R. somm. Soc. géol. France, (3), XXII, n° 10, p. LXXXI-LXXXIII.

STUART-MENTEATH, P.W. (18 juin 1894). Sur les plis des Pyrénées. C. R. somm. Soc. géol. France, (3), XXII, p. CIV-CVI.

STUART-MENTEATH, P.W. (mars 1906). Pyrenean geology. Part VI : Uniformitarism. Dulau and Co., London.

STUART-MENTEATH, P.W. (avril 1913). Sur les gisements métallifères des Pyrénées occidentales (10e partie). Bull. Biarritz Association, p. 3-17.

STUART-MENTEATH, P.W. (mars 1914). Sur les gisements métallifères des Pyrénées occidentales (11e partie). Bol. de la Soc. aragonesa de Ciencias naturales, p. 103-124.

STUART-MENTEATH, P.W. (juillet-octobre 1915). Sur les gisements métallifères des Pyrénées occidentales (12e partie). Bol. de la Soc. aragonesa de Ciencias naturales, p. 173-189.

STUART-MENTEATH, P.W. (juin 1918). Un type de la géologie factice : le bassin de Sare-Aïnhoa. Publié à compte d’auteur.

STUART-MENTEATH, P.W. (6 avril 1899). Sur les klippes des basses-Pyrénées. Bull. Soc. géol. France, (3), XXVII, p. 227-229.

Bibliographie de P.W. Stuart-Menteath

-                114 publications de P.W. Stuart-Menteath ont été collationnées, soit sous forme de tirés à part, soit en copies (Fig. 3). Elles ont paru dans les revues suivantes : Comptes Rendus de l’Académie des sciences, Comptes Rendus sommaires et Bulletin de la Société géologique de France, bulletins de la Société Ramond, de la Société Biarritz-Association, de la Sociedad aragonesa de Ciencias naturales, de la Sociedad iberica de Ciencias naturales, Bulletin des jeunes Naturalistes, Geological Magazine, éditions Dulau et Cie (Londres), publications à compte d’auteur.

         Une vingtaine de publications, identifiées, n’ont pas encore été retrouvées (Mining Journal, Revista minera, Leisure Hour).

-        Les 143 lettres à Eugène Fournier se trouvaient dans les papiers d’un ingénieur des mines d’Ustaritz, décédé, dont la famille a donné les archives à la Chambre de Commerce et d’Industrie de Bayonne, où elles sont conservées. On ne sait pas comment elles sont parvenues en sa possession. Des photocopies en ont été prises et elles ont été transcrites.

-        Les démêlés de P.W. Stuart-Menteath avec la Société géologique de France font également l’objet d’un dossier de copies. Les originaux se trouvent dans les archives de la Société géologique de France, avec le dossier Deprat.

-        Le portrait a été obtenu des propriétaires actuels de la maison Aïta Beïta, qui étaient liés avec la veuve de Stuart-Menteath.

L’ensemble de cette documentation est archivé chez l’auteur .

Figure 3. Publications de Patrick William Stuart-Menteath, de 1866 à 1923.



[1] Jacquot, E. (1864). Description des falaises de Biarritz, Bidart, Guéthary et Saint-Jean-de-Luz. Actes de la Société linnéenne de Bordeaux, 25, p. 1-58.

[2] Astre, G. (1970). Conditions naturelles du bassin à lignites de Chabiague. Bulletin du Centre d’études et de Recherches de Biarritz, 8, (2), p. 327-345.

[3] Oldfield, F. (1960). Quaternary plant records from the Pays basque : Le Moura, Mouligna, Marbella. Bulletin du Centre d’études et de Recherches de Biarritz, 4, (2), p. 57-70.

[4] Fondecave-Wallez, M.-J. (1995). Mise en évidence micropaléontologique d’un flysch ypréso-lutétien, ex crétacé, à matériel triasique resédimenté, dans la coupe de Bidart-nord. Géologie de la France, 1995, n° 3, p. 47-56.

[5] Kruit, C., Brouwer, J. & Ealey, P. (1972). A deepwater sand fan in the Eocene bay of Biscay. Nature, 240, p. 59-61.

[6] Boirie, J.-M. & Souquet, P. (1982). Les poudingues de Mendibelza : dépôts de cônes sous-marins du rift albien des Pyrénées. Bulletin du Centre de Recherches Exploration-Production Elf-Aquitaine, 6, p. 405-435.