Arthur Jean Baptiste Théodore Édouard LODIN DE LÉPINAY (1849-1914)

Photo ENSMP

Fils de Jean Baptiste Emile Gilles Anne LODIN, sous-préfet puis préfet, et de Marie Françoise LE BRUN. Son épouse meurt le 21 avril 1926.

Ancien élève de l'Ecole polytechnique (promotion 1869, sorti classé 2ème sur 128 élèves juste derrière SAUVAGE qui était major), et de l'Ecole des mines de Paris. Corps des mines. Frère de 2 polytechniciens.

Professeur de métallurgie à l'Ecole des mines.


DISCOURS PRONONCÉ AUX OBSÈQUES DE M. LODIN
INSPECTEUR GENERAL DES MINES
Par M. DELAFOND.
Inspecteur général des Mines, Directeur de l'École Nationale supérieure des Mines.


le 18 juin 1914

MESDAMES, MESSIEURS,

J'ai à remplir ici une double et pénible mission. J'ai tout d'abord, à la place de M. Zeiller, vice-président du Conseil général des Mines, empêché par son état de santé d'assister à cette cérémonie, à exprimer, au nom de ce Conseil, les vifs regrets que nous cause la perte si inattendue d'un sympathique et bienveillant collègue.

J'ai, en outre, comme Directeur de l'École nationale supérieure des Mines, à dire combien les professeurs, les employés et les élèves ont ressenti une poignante émotion en apprenant la fatale nouvelle, arrivée avant-hier de Clermont-Ferrand.

Arthur Lodin était en bonne santé lorsqu'il partait, le samedi 13 juin, pour une tournée de service en Auvergne ;et, tout récemment encore, il faisait remarquer à des amis combien il supportait allègrement et vaillamment ses soixante-cinq années. Mais les prévisions humaines sont bien fragiles et reçoivent souvent de cruels démentis ; déjà la mort avait secrètement marqué Lodin : un affection de coeur insoupçonnée faisait que ses jours étaient comptés, et, le lundi matin, il tombait foudroyé dans une chambre d'hôtel.

La carrière d'Arthur Lodin a été bien remplie ; sa vie entière a été consacrée au travail et à l'étude. Il avait d'ailleurs une grande érudition, favorisée par une mémoire excellente, et il n'était pas de question, même artistique ou littéraire, qui lui fût étrangère; causeur agréable, il était, en outre, connaisseur en objets d'art, dont il avait rempli le petit hôtel de la rue Desbordes-Valmore.

Sa courtoisie, son aménité et sa bonté ne se démentaient jamais; la compagne de son existence, Madame Lodin, possédait les mêmes qualités, de sorte qu'il trouvait, dans son intérieur, un bonheur complet. Il avait eu jadis, il est vrai, un chagrin, celui de ne pas avoir d'enfants, mais il avait eu l'heureuse pensée d'adopter une jeune fille, à laquelle sa femme et lui s'attachèrent profondément. L'affection de cette jeune personne les récompensa largement de leur bonne action.

Arthur Lodin naquit à Rennes en mai 1849 ; son père était fonctionnaire et devint préfet de l'Empire. C'est au lycée de Clermont-Ferrand que notre camarade fit ses études; il était un des plus brillants élèves de cet établissement et obtenait un prix d'honneur à un concours général.

Par une singulière coïncidence, cette ville de Clermont-Ferrand, qui fut le théâtre de ses premiers succès, devait être plus tard le témoin de la fin de sa longue carrière.

Admis à l'École polytechnique, Arthur Lodin en sortait en 1871 avec le numéro 2 et le grade d'élève-ingénieur des Mines.

C'est à Caen qu'il faisait, en 1875, ses débuts comme ingénieur ordinaire ; il y restait quatre ans et il s'y faisait remarquer aussitôt par d'intéressants travaux de chimie et de géologie.

En 1879, il était nommé à la résidence du Mans et y continuait ses études de chimie au beau laboratoire dont disposait le service des Mines.

En 1884, sa carrière s'orientait dans la voie du professorat qu'il ne devait plus abandonner. Il était nommé à la chaire de Métallurgie de l'École des Mines de Paris, comme suppléant de Lan ; il devenait, en 1885, par suite du décès de ce dernier, titulaire de la chaire qu'il devait conserver jusqu'à ce jour. Arthur Lodin est donc, en fait, depuis trente ans, professeur à l'École des Mines, et aucun de ses collègues du professorat ne peut invoquer d'aussi longs états de service. Bien que le cours de Métallurgie constituât à lui seul une lourde tâche, Arthur Lodin avait encore été, à diverses reprises, chargé de services administratifs. Ainsi il avait eu, en 1887, un service de contrôle au Chemin de fer du Nord, qu'il conserva jusqu'en 1890, date de sa nomination au grade d'Ingénieur en chef.

En 1898, il était de nouveau chargé du contrôle de l'exploitation du chemin de fer de l'Ouest, qu'il quittait en 1900.

Enfin, en 1907, alors qu'il était promu Inspecteur général des Mines, il était placé à la tête de l'Inspection du Sud-Est qu'il quittait ensuite pour celle du Centre. Ces deux inspections sont importantes, de telle sorte que, pendant sept années, Arthur Lodin dut faire face à une double et lourde tâche, que venaient accroître encore ses fonctions de membre du Comité consultatif des Arts et Manufactures. Il y suffisait cependant fort bien, grâce à son activité et à une grande facilité de travail, et ne se plaignait nullement d'être surmené.

Il avait heureusement trouvé le temps de faire connaître, dans diverses publications, les résultats de ses études. Les mémoires publiés par lui ont été nombreux ; je me bornerai à citer les principaux :

Annales des Mines :

1875. Mémoire sur les filons du Comitat de Zips (Hongrie);

1875. Sondages exécutés au moyen d'un perforateur au diamant ;

1883. Note sur certains combustibles tertiaires de l'Istrie et de la Dalmatie ;

1889. Observations sur l'électro-métallurgie de l'aluminium;

1892. Étude sur les gîtes métallifères de Pontgibaud ;

1895. Note sur les dégagements de gaz inflammables survenus dans les mines métalliques, notamment dans celles de Pontpéan ;

1904. La fusion pyriteuse ;

1906. Élimination du soufre des produits métallurgiques ;

1908 et 1911. Notice historique sur l'exploitation des mines de Pontpéan.

Bulletin de la Société géologique de France :

1884. Note sur la constitution des gîtes métallifères de la Villeder (Morbihan) ;

1890. Note sur l'origine des gîtes calaminaires.

Compte rendu de l'Académie des Sciences :

1880. Sur les causes d'altération intérieure des machines à vapeur ;

1895. Étude de quelques propriétés des réactions du sulfure de plomb ;

1904. Emploi de l'air desséché par congélation pour le soufflage des hauts fourneaux.

Enfin, Arthur Lodin publiait, en 1905, un magistral ouvrage sur la métallurgie du zinc, industrie qu'il connaissait admirablement.

Cette énumération, quoique bien incomplète, montre que l'activité de notre camarade s'était portée sur les sujets les plus variés, depuis la chimie et la métallurgie jusqu'à la géologie, dont les multiples problèmes lui inspiraient un vif intérêt.

Ces services et travaux avaient été récompensés en 1888 par le ruban de la Légion d'honneur et en 1900 par la rosette.

Le décès si imprévu d'Arthur Lodin sera un véritable deuil pour tous ceux qui l'ont connu et approché. Le Conseil général des Mines et l'École supérieure des Mines regretteront un ingénieur affable, très instruit et tout dévoué à l'accomplissement de ses devoirs.

L'École des Mines regrettera plus particulièrement un professeur qui lui avait, depuis trente ans, consacré le meilleur de son temps et lui avait toujours témoigné un profond attachement.

Il me reste à souhaiter que les nombreux témoignages de sympathie qui se sont manifestés autour de ce cercueil apportent quelques adoucissements à la profonde douleur d'une épouse et d'une fille aussi cruellement éprouvées.


Lodin caricaturé par un élève des Mines de Paris
(Petite Revue des élèves, 1911, page 41)
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