Jean-Étienne Joseph BAILLS (1851-1889)


Baills, élève de l'Ecole des Mines de Paris
(C) Photo collections ENSMP

Fils de Jean BAILLS et de Rose AUBERT.

Ancien élève de l'Ecole polytechnique (promotion 1871, boursier, entré classé 7 et sorti classé 3ème), et de l'Ecole des Mines (sorti le 6/4/1877, entré et sorti classé 3ème sur 4 élèves). Corps des mines.


Résumé de la carrière de BAILLS, publié dans le LIVRE DU CENTENAIRE (Ecole Polytechnique), 1897, Gauthier-Villars et fils, TOME III.

Né à Bages (Pyrénées-Orientales), le 16 février 1851, mort Ingénieur ordinaire le 12 août 1889, il appartint à la promotion 1871 de Polytechnique.

Lorsque furent constituées, en 1879, les diverses missions qui devaient avoir pour objet l'étude de voies de pénétration dans le Sud de l'Algérie, l'étude du Transsaharien, comme on l'avait appelé, les membres du Corps des Mines furent naturellement appelés à concourir à ces travaux. M. l'Ingénieur Rolland (promotion de 1871 de Polytechnique), avait été adjoint à la mission Choisy, et Roche fit partie de la première comme de la seconde mission Flatters, avec laquelle il a péri en 1881. Ces Ingénieurs avaient plus spécialement pour mandat d'étudier la géologie des régions traversées et leurs conditions hydrologiques et climatologiques. A l'Ouest, près de la frontière du Maroc, l'étude complète des tracés avait été remise à M. l'Ingénieur en chef Pouyanne, que devait seconder l'ingénieur Baills. Avec une audace peu commune, livré presque à lui-même, abandonné par l'autorité militaire, à la veille de la révolte de Bou-Amama qui allait ensanglanter ces contrées, délaissé par ses agents, Baills fit, en 1880, un relevé complet dans le Sud-Oranais, de Saïda à Ras-el-Ma par Aïn-Sefra, qui permettait d'établir tous les profils nécessaires à l'exécution des voies ferrées dans cette région. Il présenta, du reste, en août 1880, les avant-projets de deux lignes, l'une de Saïda à Méchéria, sur 165 kilomètres de longueur, l'autre de Méchéria à Ras-el-Ma, de 135 kilomètres.


NOTICE NÉCROLOGIQUE sur
M. JEAN BAILLS
INGÉNIEUR DES MINES
Par M. Louis AGUILLON, Ingénieur en chef des mines.

Publié dans Annales des Mines, 8e série, vol. 16, 1889.

On ne peut se défendre d'un sentiment de tristesse particulièrement pénible lorsqu'on voit disparaître, en pleine force, par un de ces malheurs qui semblent pouvoir être toujours évités, un ingénieur encore jeune, dont les travaux passés autorisaient à concevoir des espérances pour l'avenir ; tel est le cas de Baills (Jean-Étienne), ingénieur ordinaire des mines de 1re classe à Oran (Algérie) mort, à peine âgé de trente-huit ans, à Montereau (Seine-et-Marne), le 12 août 1889, au cours d'un voyage dans la Métropole.

Né à Bages (Pyrénées-Orientales), le 16 février 1851, dans une famille de situation très modeste, Baills s'était fait remarquer de très bonne heure par une intelligence précoce et éveillée. On l'envoya à treize ans achever ses études à Paris, et le lycée Charlemagne garde encore le souvenir de ses succès exceptionnels, dans les lettres comme dans les sciences, et surtout des couronnes nombreuses, parmi les plus appréciées, qu'il rapportait chaque année du concours général, dans l'une et l'autre ordre des matières, montrant ainsi une intelligence d'une étonnante vivacité et une aptitude à tout bien faire.

Après son passage à l'École polytechnique et à l'École des mines où il était entré comme élève-ingénieur en 1873, Baills fit, en 1876, son dernier voyage de mission en Espagne, pays qui devait naturellement attirer le Catalan qu'il était resté. Il rapporta de ce voyage une étude sur les mines de fer de Bilbao et le traitement direct par les procédés Chenot, qui fut jugée digne d'une insertion dans les Annales des mines (7e série, t. XV, p. 209).

En mai 1877, ses obligations scolaires terminées, il prit possession à Oran de son premier poste d'ingénieur qu'il devait conserver jusqu'à sa mort.

Deux ans de séjour dans un service étendu, de parcours difficile, au milieu de conditions bien différentes de celle-de la Métropole, lui avaient à peine permis de commencer à se mettre au courant du pays et de ses coutumes lorsqu'il fut appelé à concourir aux travaux qui, sous l'impulsion de M. de Freycinet, alors ministre des travaux publics, allaient être entrepris de divers côtés en Algérie, dans le but de préparer les éléments de l'étude du Transsaharien dont M. Duponchel avait particulièrement contribué à lancer l'idée. Ce n'était pas seulement la recherche d'une ligne allant jusqu'au Niger dont on se préoccupait, mais aussi celle des lignes, de moins grande longueur, dites de pénétration, qu'il pouvait être utile, à plusieurs points de vue, de pousser vers le sud, sur les hauts plateaux et de là dans le Sahara, de divers points du Tell.

Parmi les missions constituées à cet effet, l'une d'elles fut confiée, par dépêche du 21 octobre 1879, à M. l'ingénieur en chef des mines Pouyanne pour l'étude de divers tracés dans le sud Oranais.

Baills fut attaché à cette mission avec mandat d'organiser et de conduire une exploration chargée d'étudier à l'aller une ligne partant de Saïda et s'avançant autant que possible dans le sud du haut plateau, et au retour une ligne aboutissant à Ras-El-Ma. Ce fut dans le printemps de 1880 que Baills entreprit cette tâche rude et difficile en tout temps, et dont les circonstances augmentaient encore les difficultés ; il la remplit d'une façon particulièrement complète et brillante, non moins que fructueuse pour l'avenir, mais aussi au prix de bien rudes fatigues.

Parti de Saïda, point extrême où arrivait alors le railway de la compagnie Franco-Algérienne, Baills releva au théodolite une chaîne de triangles allant jusqu'à Méchéria, à 165 kilomètres au sud, pour revenir de ce point, qu'il reçut l'ordre de ne pas dépasser, en relevant une autre chaîne de triangles jusqu'à Ras-El-Ma, sur l'arête les hauts plateaux, où il put se rattacher aux levés que la compagnie de l'Ouest-Algérien avait poussés jusqu'en ce point. Ces levés topographiques et géodésiques, dont la précision a été ultérieurement constatée, permirent à Baills d'établir les tracés complets de deux voies ferrées, dont il remettait les avant-projets dès le mois d'août 1880, l'une de Saïda à Méchéria de 165 kilomètres de développement, l'autre de Méchéria à Ras-El-Ma de 135 kilomètres. Ces levés et ces tracés étaient complétés par une étude géologique sommaire de la région traversée et un relevé très complet des quantités et de la nature des eaux disponibles, chose essentielle dans ce pays de la soif.

Baills s'était plus particulièrement réservé, au cours de l'exploration, le soin de choisir les sommets des triangles; il fallait chaque jour se porter en avant des opérateurs, faire installer les grands signaux portatifs qu'il avait imaginés et fait construire à cet effet ; le soir, rentré au campement, il contrôlait toutes les opérations de la journée, il calculait les angles et les triangles pour ne se porter en avant que lorsque les calculs donnaient des vérifications suffisamment exactes. Il devait en même temps assurer l'approvisionnement de sa petite caravane dans un pays dénué de toutes ressources, et veillait à sa sécurité dans une contrée, infestée de maraudeurs, qui, quelques mois après allait être inondée de sang lors de la révolte de Bou-Amema.

Aussi lorsque Baills fut décoré huit ans après, à la fin de 1888, beaucoup de ceux qui sont au courant des choses de l'Algérie pensèrent que cette décoration avait été bien gagnée depuis 1880.

Rentré à Oran, Baills reprit son double service des mines et du contrôle des chemins de fer; il s'en acquittait avec un soin attentif et consciencieux. Un rapport rédigé par lui à l'occasion de l'explosion d'une locomotive sur la ligne d'Alger à Oran parut assez intéressant et assez instructif pour être inséré in extenso dans les Annales des mines (8e série, t. XIII, p. 137). Baills s'attacha plus spécialement à recueillir les données les plus complètes et les plus étendues sur les ressources minérales de la province. Aussi, quand l'Association française pour l'avancement des sciences vint tenir son congrès à Oran, en 1888, Baills put faire profiter ses membres de sa parfaite connaissance du pays ; il publia à cette occasion deux notices : l'une sur les sources thermales et minérales du département, avec 6 planches coloriées et une carte d'ensemble, forme un travail très complet et très intéressant; l'autre sur la géologie et la minéralogie du département est plus sommaire et demanderait peut-être à être revue pour quelques indications géologiques.

Baills était particulièrement préparé, par ce séjour relativement prolongé à Oran, par sa parfaite connaissance de toutes les choses de son service, à aider au succès de l'exposition que la province d'Oran organisait pour l'esplanade des Invalides ; il fut désigné comme secrétaire du comité départemental, et il s'efforça d'enrichir personnellement les envois adressés à Paris. On pouvait voir au pavillon de l'Algérie, dans la section de la province d'Oran, trois cartes du département, avec cartogrammes, à l'échelle de 1/200000, dressées par lui, et relatives l'une à la production des céréales, la seconde à la production des vins, et la troisième indiquant tous les gîtes de substances minérales utiles ou utilisables, ainsi que les sources thermales et minérales. Cette dernière carte était complétée par une série d'échantillons, de grandes dimensions, des substances plus spécialement intéressantes, telles que les marbres onyx, les belles calamines et les curieuses phosphorites du Djebel-Tou-maï. Une médaille d'argent de collaborateur devait personnellement récompenser Baills de ses efforts et assurer officiellement leur succès. Il ne se sera pas trouvé là pour en jouir; avant que le jury eût statué, il avait changé le poids de la vie d'ici-bas contre l'éternel repos de l'au-delà!