LES ANNALES DES MINES - REALITES INDUSTRIELLES - FEVRIER 1998
Organisations de la recherche
Par François Jacq
Ingénieur des Mines
Ministère de l’Education nationale, de la Recherche et de la Technologie
Que sont devenues les politiques publiques ? |
Par François Jacq
Les systèmes de recherche et les conceptions actuelles de la science et de la technologie sont héritiers directs de la seconde guerre mondiale et de la guerre froide, notamment en France. Or, le nouveau contexte international politique, social et économique remet en cause les choix passés. Le regard historique permet de saisir forces et faiblesses et, peut-être, d’engager le débat sur les évolutions à venir.
Les transformations du système de recherche français dans les années quatre-vingt
Par Philippe Mustar
Professeur à l’Ecole des Mines de Paris, Centre de Sociologie de l’Innovation
Les modes d’organisation de la recherche et de la technologie ont largement évolué, en France, depuis le début des années 1980. L’image trop simpliste d’un modèle colbertiste a vécu. Ne pas prendre en compte ces évolutions, c’est s’interdire de penser les nécessaires adaptations des politiques de recherche à l’évolution des technologies, aux changements du contexte international, au poids croissant d’acteurs tels les régions et l’Union européenne, aux problèmes collectifs liés à la santé, à l’environnement ou à l’emploi...
L’innovation appelle l’innovation
Par Jeanne Seyvet
Ingénieur en chef des Mines
Directeur général adjoint, Anvar
L’affirmation d’une politique publique de l’innovation distincte de la politique de recherche date, en France, de la fin des années 1970. Histoire jeune, mais aussi riche que le processus d’innovation lui-même. Les évolutions de l’Anvar sur cette période en donnent une illustration assez caractéristique...
Recherche nationale et internationalisation de la recherche
Par Bernard Decomps
Directeur de l’Ecole normale supérieure de Cachan
Chercher pour comprendre, chercher pour agir, chercher pour maîtriser notre avenir collectif, ainsi se déclinent les trois formes d'activité de la R&D. Si la communauté scientifique a bien défini les règles du jeu de la "recherche pour comprendre", si des progrès substantiels ont accompagné la montée en puissance de la "recherche pour agir", la communauté nationale doit se doter d’un dispositif de veille mondiale dans l’optique de la "maîtrise de l’avenir collectif".
Une politique européenne de la recherche est-elle possible ?
André Danzin
Ancien président du Comité européen de recherche-développement
Président du forum international des sciences humaines
Jamais une politique de la recherche européenne n’a été aussi nécessaire et il est pathétique que nous posions la question : est-elle possible ? Tout se passe comme si l’Europe avait perdu son désir d’innover. Là est le problème fondamental qui rejoint la pensée de ceux qui demandent un supplément d’âme, cette impulsion profonde qui animait les premiers fondateurs de la CEE. Ceci, d’autant plus que les conditions de succès sont réunies.
Russie : que sont devenus les instituts ?
Marie-Laure Couderc et Gilles Le Blanc
Cerna, Centre d’économie industrielle, Ecole des mines de Paris
La fuite massive des cerveaux russes à l'étranger, tant redoutée au début des années 90, n'a finalement pas eu lieu. Clé de voûte de l’édifice de la recherche en URSS, mais aussi facteur décisif des transformations actuelles, le principe de séparation entre R&D et production donne naissance à des entités indépendantes, issues des instituts, qui doivent désormais établir entre elles des relations marchandes contractuelles.
La privatisation des laboratoires de recherche en Grande-Bretagne
Par Anne E. Beesley et Katharine Barker
Université de Manchester
De nombreux laboratoires de recherche, relevant du secteur public, ont été créés en Grande-Bretagne depuis le début du XXème siècle. Une politique de privatisation, d’abord guidée par une idéologie de dégraissage et d’efficacité, a été mise en œuvre depuis une dizaine d’années. Les problèmes rencontrés au cours des privatisations déjà réalisées ainsi que les critiques qui se sont élevées contre les procédés utilisés impliquent qu’il est aujourd’hui nécessaire de réévaluer la situation et d’attendre qu’elle se stabilise avant de changer à nouveau quoi que ce soit.
La gestion de la dualité militaire/civil : l’exemple des composants électroniques
Par Denis Randet
Directeur du LETI
S’il existait dans les années 1970-80 une symbiose entre civil et militaire dans l’industrie des composants électroniques, depuis la fin des années 80, le marché civil des circuits intégrés n'est plus à l'échelle nationale et l’industrie française de l'électronique compte aujourd'hui plusieurs acteurs de niveau mondial. Il est trop tôt pour apprécier les conséquences de ces décisions sur la recherche. Ce qu'on voit, par contre, ce sont les "retombées" positives de recherches anciennes, longtemps soutenues par la DGA. D'où la question : qui se souciera désormais de préparer ce type d'innovations à longue portée ?
Les capacités technologiques des quatre nouveaux pays industrialisés (NPI) asiatiques
Par Philippe Régnier
Directeur du Centre de recherche sur l’Asie moderne, Université de Genève
L'investissement direct des pays de l'OCDE a finalement peu contribué à la création d'une capacité endogène d'innovation technologique autonome dans les NPI asiatiques. Afin de compenser cette insuffisance, l'intervention stimulatrice de l'État a pu être envisagée par certains NPI comme un palliatif partiel et transitoire, se combinant avec l'émergence d'un secteur privé plus ou moins dynamique selon les cas. Qu'en a t-il été dans la réalité et quelles sont les perspectives au seuil de l'an 2000 ?
Les pouvoirs publics doivent-ils soutenir la recherche académique ?
Michel Callon
Professeur à l’Ecole des Mines de Paris
Parce qu'elle débouche sur la production de biens publics, la recherche de base doit, selon la théorie économique standard, être conduite dans un cadre académique. Mais, certains faits, notamment la part importante des publications signées par des chercheurs industriels dans les revues scientifiques sont difficilement explicables par ce modèle. Que l'argumentation s'effondre n'implique pas pour autant que l'on doive supprimer les financements publics : un modèle en réseau conduit à une justification différente du nécessaire soutien de la recherche académique par les pouvoirs publics.
Les nouvelles formes d’organisation de la recherche |
Vingt ans de programmes interdisciplinaires au CNRS
Maurice Claverie
Ingénieur de recherche honoraire du CNRS
En 1976, le directeur général du CNRS créait sous son autorité le premier programme interdisciplinaire de recherche. En 1997, vingt et un programmes consacrés à des finalités scientifiques ou répondant à des problèmes de société sont en activité. Une expérience qui montre la difficulté de l'administration de la recherche, tenue à un compromis permanent entre le respect de la créativité du chercheur et la nécessité d'orienter les dépenses de recherche au mieux des besoins de la société.
L’émergence de nouvelles formes d’invention collective :
réseaux et consortia de recherche dans le domaine des biotechnologies
Par Maurice Cassier
Institut pour le management de la recherche (IMRI), Université Paris-Dauphine
La recherche en consortium permet de partager les coûts et les risques de la R&D, de réduire le volume des investissements, de créer de nouvelles techniques, de générer de nouvelles connaissances grâce à la réunion de collections d’échantillons privés et dispersés. La constitution et la gestion des consortia se heurtent toutefois à des problèmes d’organisation et de coordination : la difficulté réside, notamment, dans l’équilibre à trouver entre le partage des connaissances au sein du réseau, afin de favoriser l’apprentissage collectif, et un certain degré de protection individuelle, afin d’assurer des retours pour les participants qui ont investi des ressources privées dans le projet.
Les nouvelles formes de valorisation de la recherche
Par Paul Maruani
Président directeur général d’IdVectoR
La valorisation de la recherche est le seul moyen d’éviter la paupérisation des pays développés. Thèse provocante, mais difficile à rejeter. Où l’on voit qu’une entreprise bien gérée rejette les meilleures innovations et que les PME à elles seules ne peuvent pas assurer la croissance et l’emploi.
Le rôle du capital-risque dans le développement des petites entreprises innovantes
Par Vololona Rabeharisoa
Maître-assistant, Ecole des mines de Paris
Entre le moment où ils s’engagent dans le capital d’une entreprise et celui où ils liquident leurs parts, les capital-risqueurs vont participer activement à l’orientation de l’entreprise, allant parfois jusqu’à infléchir sa trajectoire initiale, de façon à faire fructifier leur investissement. Une enquête menée dans la Silicon Valley montre comment l’exigence de bénéfice dont l’argent du capital-risque est assorti, se traduit par un engagement momentané des capital-risqueurs aux côtés des entrepreneurs.
La R & D dans le groupe Saint-Gobain
Par Jean-Claude Lehmann
Directeur des recherches, Saint-Gobain
Assurer son leadership technologique, permettre son développement, anticiper ses évolutions et participer à la définition unique de la culture et de la stratégie de l’entreprise, telles sont quelques-unes des responsabilités de la R & D. Peu de fonctions doivent concilier autant d’inconciliables et si l’on devait, à partir de telles considérations, apporter quelques mots-clés pour illustrer la conduite d’une politique de R & D industrielle, on pourrait en retenir trois : excellence, communication et facteur temps.
La diffusion technologique vers les PMI
Par Guy Crespy
Directeur adjoint des technologies avancées du CEA
Le CEA pratique un mode de collaboration avec les PMI, différencié selon le degré d'implication de ces entreprises dans la technologie. Trois catégories de PMI sont ainsi distinguées. L'efficacité d'un transfert de technologie repose aussi sur l'existence de références communes entre laboratoire et entreprise : pour rapprocher "le langage" du chercheur de celui de l'industriel, le CEA a mis en place un certain nombre de services d'appui aux équipes de recherche, comme l'analyse de la valeur et le marketing technologique.
Claude Rosental
Brunel, The University of West London
La mise en réseau de la recherche, obtenue à l’aide d’Internet, ne contribue pas simplement à modifier les modes d’échange et de production scientifiques. Son utilisation induit de nouvelles formes d’organisation de la recherche et de nouvelles dynamiques de constitution des réseaux.
Recherche, expertise et décision
Guy Paillotin
Président de l’INRA
Propos recueillis par François Baratin et François Jacq
La science semble de plus en plus lointaine et mystérieuse, alors même qu’elle a l’ambition de plus en plus affirmée d’intervenir dans notre vie quotidienne. Le citoyen, qui souhaite de plus en plus savoir comment on décide, pose un problème de droit et de démocratie. L’expertise n’est qu’un élément du triangle public-expert-politique : il faut des "traducteurs", pour aider à poser les questions, et une confrontation assez générale, pour s’assurer que les questions ont été posées aussi largement que possible. La constitution de corps d’experts peut être une solution.
L’industrie pharmaceutique et des médicaments : des chercheurs-stratèges
Laurent Bibard
Professeur à l’ESSEC
Le secteur des médicaments est particulièrement représentatif de l’activité innovatrice contemporaine : les chercheurs ne s’y tiennent pas à leur domaine officiel d’expertise. Ils déploient leur imagination dans des directions financière, stratégique, institutionnelle, légale, susceptibles de faire réussir (ou échouer) les projets qu’ils estiment viables ou non. Ces déploiements donnent lieu, dans ce secteur, à des controverses d’autant plus importantes que, derrière les innovations pharmaceutiques, c’est l’idée même de l’humain qui est à chaque fois renégociée.
Expertise et exploration du futur : le cas des consommations d'énergie
Jean-Marie Martin
IEPE
(CNRS-Université de Grenoble)
Quel que soit le contexte des explorations du futur, l'affichage de niveaux probables de consommation d’énergie peut être lourd de conséquences financière, économique ou politique, car il renforce des partis pris, cautionne des choix, étaye ou désarme des interventions de la puissance publique. La plupart des experts en sont tout à fait conscients. Toutes les précautions d’analyse ne suffisent pourtant pas toujours à éclairer correctement les diverses configurations possibles de la consommation énergétique.