APRES AZF, COMMENT VIVRE AVEC LE RISQUE INDUSTRIEL ?


EDITORIAL

par François VALÉRIAN
Rédacteur en chef des Annales des Mines


« Les usines doivent être éloignées des habitations », et « faire usage de procédés économes en vies humaines » : telles étaient les conclusions du rapport administratif après l’explosion de la poudrerie de Grenelle, qui fit un millier de morts en 1794. On pourrait remonter bien davantage dans le temps, par exemple en 1292 lorsque les autorités de Venise décidèrent de transférer les verriers sur l’île de Murano pour limiter le risque d’incendie urbain. Le constat est donc ancien, et aussi vieux que la mise en oeuvre de fortes chaleurs ou de procédés chimiques dans l’activité humaine : il y a conflit possible entre l’industrie et la sécurité des personnes. L’explosion de Grenelle fut à l’origine de réflexions qui débouchèrent sur des mesures de police dans Paris, et sur le décret impérial de 1810, préfigurant la législation des installations classées.

Sans doute faut-il des accidents mortels pour modifier la norme juridique. Les grandes catastrophes des années 60, 70, 80 (Feyzin, Seveso, Bhopal), ont fait évoluer à la fois les mentalités et la réglementation.  A l’époque de la directive Seveso (1982), l’espoir était sensible d’une élimination des grandes catastrophes industrielle, perçues comme les dernières manifestations d’une sorte de préhistoire technologique.

Puis il y eut AZF. Au-delà des débats et investigations, toujours en cours, sur les causes exactes de l’explosion, cette catastrophe aux conséquences lourdes et durables a éloigné le rêve d’un risque nul et mis en lumière une contradiction importante de notre développement : tout se concentre de plus en plus dans les aires urbaines, les usines et les hommes.  La loi risques votée en 2003, deux ans après l’accident, s’efforce d’en tirer les leçons et de mettre en place une nouvelle politique de prévention. L’analyse du risque est désormais bien plus détaillée, et elle s’appuie sur une approche probabiliste dont l’industrie nucléaire donne l’exemple depuis les années 70. Par ailleurs, les plans de prévention sont développés en concertation avec les élus et la population. Entre l’industrie et l’urbanisation, aucun équilibre ne peut être défini a priori, la synthèse entre ces deux formes d’une même expansion économique ne peut provenir que de débats et de choix politiques.

 


                         
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