Ancien élève de l'Ecole polytechnique (promotion 1829 , sorti classé 4), et de l'Ecole des Mines de Paris (sorti en 1834). Corps des mines.
Fils de François Edme JUDAS-DUSOUICH, négociant, et de Sabine Elisabeth Agathe BAILLET. Epoux de Pauline Emma FEVEZ.
Père de Edme Alban Marie Judas DU SOUICH (1846-1899 ; X 1866, cap. artillerie, percepteur des contributions directes).
Extrait du LIVRE DU CENTENAIRE DE L'ECOLE POLYTECHNIQUE, tome III page 147 (publié en 1897)
Du SOUICH, de la promotion de 1829 de Polytechnique, né à Amiens le 6 avril 1812, mort le 13 avril 1888, a été retraité comme Inspecteur général de première classe, après avoir été Vice-Président du Conseil général des Mines de 1879 à 1882 [dont le président était le ministre des travaux publics].
L'intervention de du Souich dans la découverte du bassin houiller du Pas-de-Calais reste le trait le plus remarquable d'une carrière administrative consciencieusement remplie.
Le bassin découvert, il a contribué à l'installation des premières concessions avec un soin et une méthode dont il ne peut être que loué, alors même que l'on ne partagerait pas les vues qu'il a fait prévaloir sur les vastes concessions s'étendant transversalement du nord au sud du bassin.
Ingénieur en chef à Saint-Étienne, du Souich a dû s'occuper, avec ce soin et ce succès qui ont marqué toute sa carrière, des affaires si ardues de la dislocation de la grande Société civile des Mines de la Loire et du partage de son domaine entre les quatre Sociétés actuelles.
Publiés dans Annales des Mines, 8e série vol. 13, 1888.
AU NOM DU CORPS DES MINES
Messieurs,
Quel que soit le nombre de jours que Dieu lui ait accordés ici-bas, l'homme juste parait toujours trop tôt ravi à l'amour des siens et à l'estime de ceux qu'il a précédés dans la carrière. Depuis plusieurs années déjà, la retraite avait éloigné M. du Souich du Conseil général des mines qu'il avait présidé, mais il restait pour nous le modèle vivant de l'ingénieur de l'État, soucieux de conserver à son corps la réputation de dévouement, de probité, de désintéressement et de loyauté, dont nous sommes si fiers et que nous devons tous nous efforcer de maintenir.
Du Souich (Charles-Amable-Alban) est né à Amiens, le 6 avril 1812.
Entré, à 17 ans, à l'École polytechnique, d'où il sortit dans les mines, il fut, en 1835, chargé du service du sous-arrondissement minéralogique d'Arras, qu'il conserva jusqu'à sa promotion au grade d'ingénieur en chef, en 1852. Durant ces dix-sept années, il prit une part considérable aux travaux qui ont amené la découverte du prolongement du bassin houiller de la Belgique et du Nord dans le département du Pas-de-Calais et doté la France d'une source féconde de richesse et de travail.
Par sa science géologique et ses conseils judicieux, il éclaira les explorateurs sur les résultats à attendre de leurs sondages, régularisa leurs recherches et, pendant plusieurs années, fit succéder un calme prudent à la fièvre d'exploration qui agitait le pays. Puis continuant son oeuvre, il poursuivit avec une persévérante énergie l'étude de la constitution du sol du Pas-de-Calais et en consigna les résultats sur une carte, dont les indications permirent d'imprimer aux recherches la méthode et la sûreté qui leur avaient fait défaut jusqu'alors.
Sous son impulsion désintéressée et dévouée, plusieurs Compagnies se réorganisèrent, reprirent leurs explorations et parvinrent, en peu d'années, de 1847 à 1852, à conquérir un bassin houiller de 40 kilomètres de longueur, comprenant des concessions qui comptent aujourd'hui parmi les plus importantes de la France.
La croix de la Légion d'honneur, en 1850, une médaille d'honneur à l'Exposition universelle de 1855 furent la récompense bien méritée des services exceptionnels rendus par M. du Souich à l'occasion de cette brillante découverte.
Appelé, en 1852, comme ingénieur en chef, à la direction de l'arrondissement minéralogique de Saint-Étienne, M. du Souich dut quitter Arras et s'éloigner d'une contrée, à laquelle le rattachaient ses plus chers travaux et où son caractère et son mérite étaient tellement appréciés, que le Conseil général du Pas-de-Calais crut devoir, par un vote unanime et spontané, réclamer son maintien dans le département.
Dans la Loire, M. du Souich conquit rapidement une influence égale à celle dont il avait joui dans le Nord. Il apporta dans son nouveau service le même dévouement absolu au devoir, le même désintéressement dans ses conseils, et plus d'une fois des Compagnies rivales durent à son sage esprit de conciliation la fin de difficultés, dont elles avaient gravement à souffrir.
Il quitta Saint-Étienne, en 1861, après avoir, pendant deux années, dirigé l'École des mineurs conjointement avec le service ordinaire ; l'administration venait de l'appeler à Paris, pour y prendre le service des appareils à vapeur de la Seine et, plus tard, celui des carrières. Dès cette époque, sa connaissance approfondie de l'art et de la législation des mines, sa valeur incontestée comme ingénieur, son jugement droit et sa grande honorabilité désignaient M. du Souich pour les fonctions les plus élevées du Corps des mines. Il fut promu au grade d'inspecteur général de 2e classe en 1866, élevé à la 1re classe en 1872, appelé, en 1879, à la vice-présidence du Conseil général des mines. Il présidait en outre la Commission spéciale de la carte géologique détaillée de la France, la Commission centrale des machines à vapeur, la Commission consultative du matériel fixe des chemins de fer construits par l'État; il siégeait dans d'autres assemblées importantes et au Conseil d'hygiène publique et de salubrité de la Seine, dont il est resté membre jusqu'à sa mort.
Il avait été promu au grade d'officier de la Légion d'honneur, par décret du 13 juillet 1862, et à celui de commandeur, le 19 juillet 1880.
La retraite a enlevé M. du Souich à la carrière active en avril 1882. Les regrets unanimes du Corps des mines l'y ont suivi, particulièrement ceux du Conseil général qu'il avait présidé et qui perdait en lui un guide aussi sûr et éclairé que bienveillant et sympathique.
L'homme privé ne le cédait point en lui à l'homme public. Si celui-ci se faisait apprécier de tous par l'étendue de son savoir, la sagacité de son esprit, la rectitude de son jugement, la parfaite loyauté de son caractère, l'homme privé se montrait riche des qualités du coeur, des belles et modestes vertus du chrétien. Bienveillant à tous, il conservait pour les siens des trésors de tendresse et de dévouement.
Sans reproche, il vit venir la mort sans peur, oubliant, jusque dans son agonie, ses propres souffrances pour songer à la santé et au soulagement de ceux qu'il aimait. Sa pieuse compagne, femme forte de l'Evangile, l'a soutenu dans ses derniers moments comme elle l'avait soutenu dans les épreuves douloureuses que chacun dans ce monde rencontre sur sa route. Cette union parfaite leur a permis de transmettre à leurs enfants leur solide vertu : l'aîné, donnant son sang à la France, est revenu, glorieux mutilé, de la douloureuse campagne de 1870; une de leurs filles, se sacrifiant aux pauvres et aux déshérités, est morte sous la bure des soeurs de Saint-Vincent de Paul.
Le court exposé de cette belle vie est un exemple pour nous, messieurs. Bien que, mêlé par ses fonctions aux affaires les plus considérables du pays, M. du Souich meurt, sans avoir augmenté son patrimoine; mais il laisse aux siens un héritage d'honneur et de probité légendaires, dont ils doivent être fiers.
Quant à nous, mes chers camarades, efforçons-nous de ressembler à ce modèle des ingénieurs et conservons soigneusement dans nos coeurs, pour les imiter, le souvenir de ses vertus.
Membre de l'Institut,
AU NOM DU CONSEIL D'HYGIÈNE PUBLIQUE ET DE SALUBRITÉ DU DÉPARTEMENT DE LA SEINE.
Messieurs,
Je ne veux pas laisser refermer cette tombe sans rendre, au nom du Conseil d'hygiène publique et de salubrité du département de la Seine, un suprême hommage au collègue éminent dont nous déplorons la perte.
M. Linder vous a, dans un langage ému, rappelé la vie et les travaux de M. du Souich; il vous a dit les services rendus par le savant, par l'habile et consciencieux ingénieur des mines. Toute sa science, toute l'expérience acquise dans sa longue carrière, M. du Souich les a, au Conseil d'hygiène, consacrées à la solution des problèmes incessants, que soulèvent de nombreuses industries et de multiples causes d'insalubrité, au milieu d'une population aussi condensée que celle du département de la Seine. Il siégea d'abord au Conseil, à raison de ses fonctions, comme ingénieur en chef du département, et le quitta lorsqu'il fut nommé inspecteur général ; mais son souvenir y était resté vivant, et quand la mort de M. Combes laissa une place vacante, M. du Souich fut élu, à l'unanimité, membre titulaire.
Il s'en montra très heureux, et jusqu'au dernier moment, malgré l'affaiblissement de sa santé, il ne cessa d'apporter le concours le plus actif à nos travaux. Personne n'était plus assidu à nos séances, personne n'y montrait un zèle et un dévouement plus soutenus.
Dans ses rapports toujours consciencieusement étudiés, aucun élément d'information n'était négligé, toutes les faces des questions étaient discutées. M. du Souich s'y attachait à bien faire ressortir les droits incontestables de l'industrie, en même temps que les justes exigences de l'hygiène des ouvriers et de la salubrité publique ; et toujours il savait trouver des solutions équitables pour satisfaire à la fois des intérêts souvent opposés, et en apparence inconciliables.
Grâce à la compétence exceptionnelle de M. du Souich, les questions soumises au Conseil ont souvent pris un caractère général, et les délibérations sont devenues les éléments de prescriptions administratives applicables à la France entière. Ainsi, c'est d'après ses conclusions qu'a été réglementée l'industrie aujourd'hui si répandue du Celluloïd, sa fabrication, son ouvraison, son emmagasinement. C'est également M. du Souich qui a formulé les conditions à imposer, dans l'intérêt de la santé publique, aux fabriques de superphosphates et à celles de sulfate d'ammoniaque, qui ont pris, depuis une vingtaine d'années, un si grand développement. Enfin, il était celui qui connaissait le mieux l'industrie des hydrocarbures, ses usines de distillation et de rectification, ses dépôts, ses débits, etc.
L'étendue et la variété de ses connaissances lui permettaient d'intervenir dans toutes les discussions, et toujours ses avis étaient écoutés avec une respectueuse déférence.
Pendant vingt ans, M. du Souich a été une des lumières du Conseil d'hygiène, qui conservera le souvenir du savant, de l'homme bon et consciencieux, qui a fait du sentiment du devoir la règle et l'honneur de toute sa vie.
Au nom de tous les membres du Conseil, adieu cher collègue, adieu.