Lionel BARON (décédé en 2024)

Ancien élève de l'Ecole des mines de Nancy (promotion 1966). Ingénieur civil des mines. Décédé le jeudi 7 mars 2024, à l'âge de 77 ans, des suites de la maladie de Parkinson.


Hommage à Lionel Baron (N66)
par Yves Ayrault, Jean-Paul Lavergne et Stéphane Tencer (Promotion 1966 de l'Ecole des mines de Nancy)

Publié dans MINES Revue des Ingénieurs, Juin 2024 N° 524.

La mémoire nous reste de ce diner à l'Excel en juin 1969 clôturant la remise des diplômes, nous étions une dernière fois tous réunis avant de partir chacun dans le tourbillon de nos vies. Nous quittions avec un pincement au coeur trois de nos plus belles années, mais nous étions remplis pour toujours des souvenirs que nous avaient construits quelques personnalités marquantes de notre promo.

Et Lionel était de celles-là. Comment oublier ses imitations de Jacques Tati, petit chapeau, long imper et pipe au bec apparaissant avec un sérieux inébranlable en amphi. Comment oublier la magie de ce moment où il nous avait emporté dans son univers de troubadour en nous chantant pour la première fois, accompagné de sa guitare, une chanson antimilitariste composée par son père, Tapatam, Tapatam, devenue l'hymne de notre promo. Comment oublier notre période militaire à Bitche et ce défilé où, sous son commandement, nous étions passés dans une ordonnance parfaite, sous la barrière baissée à l'entrée du camp.

Et puis, presque quarante plus tard, l'approche de la retraite nous donna l'envie de tous nous revoir. Pour fêter nos retrouvailles, Lionel et sa femme Cathie, nous offrirent l'hospitalité d'un lieu qu'ils venaient d'acquérir : sa très belle maison au bord du golf de Saint-Nom la Bretèche. C'était le fruit d'une réussite professionnelle que presque tous ignoraient.

Sa discrétion toute british "never complain, never explain" ne s'était pas épanchée sur sa très belle carrière et pourtant ! Dès sa sortie d'École, Lionel entame une carrière professionnelle dans la métallurgie : rapidement ingénieur de production, Aciéries de Pompey puis Sambre et Meuse, il devient responsable de branche industrielle et prouve, au-dessus et autour de lui, ses capacités de management.

Sa nomination à la tête de Benoist Girard, où il restera jusqu'à la retraite, le conduit à regrouper des sites français, américains, irlandais, anglais, suisses et allemands pour le groupe américain Howmedica, filiale de Pfizer puis de Striker, qui fabrique tous les produits à implanter pour l'ossature du corps humain, y compris les instruments de pose.

Le site d'Hérouville devient vite un pôle d'excellence reconnu par les divers propriétaires américains : Lionel a une culture pointue de toutes les méthodologies de la gestion de production et voit dès lors ses missions s'élargir ; son sens du travail en équipe fonde son autorité.

Lionel s'engage comme administrateur de l'École d'ingénieurs de Caen et fait face aux responsabilités sociales de l'entreprise. Lionel, au-delà de ses réussites professionnelles, a une vie personnelle, familiale et sociale où Cathie, son épouse tient un rôle essentiel. Outre les réunions de promotion qu'elle accueille, elle prend sa part dans les activités de l'Association Ishac Ould Ragel France-Mauritanie, qui organise des actions de coopération avec la famille d'Ishac, un camarrade de promotion qui nous a quittés en 2006.

Lionel est devenu un très honnête golfeur mais, dès qu'il peut, il prend son bateau, passe d'Atlantique à Méditerranée par le canal du Midi, puis effectue la traversée vers Corse. Dès les grandes marées, il pratique pêche à pied (ormeaux, crevettes, pétoncles, couteaux...) ; à terre, il jardine dans son potager !

Lionel, enfin, en impose, avec sa stature de Lord anglais - humour compris - et son regard malicieux tant dans les situations professionnelles que dans les retrouvailles amicales qui jalonnèrent ces années vécues depuis la sortie d'école. Son souci de essentiel comme sa nature poétique l'affranchissent des conformismes stériles et poussent à construire des voies nouvelles pour sortir par le haut de circonstances difficiles.

Tout au long de sa vie, Cathie l'a aidé, sans faiblir, à équilibrer ouverture au monde, mobilité, audace et vie familiale : Lionel fut un des pôles essentiels qui ont donné une identité et une cohésion à la Promo 66. La liberté de son imagination, sans cesse renouvelée, les chemins de traverse qu'il nous a montrés, son élégance si pudique, sa superbe sans fard face à l'adversité, sa générosité, son amitié radieuse, tout cela a contribué à faire de nous ce que nous sommes et nous aide à continuer, riches de son souvenir.

Mais c'était plus facile quand il était là.