n°57 - Janvier 2010
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par
Pierre Couveinhes
Rédacteur en chef des Annales des
Mines
* * *
Avant propos
L'HOMME EN QUETE DE CERTITUDES : ENTRE CROYANCE ET SAVOIR
par
Marie-Josèphe Carrieu
Amble-Consultants
par Jean-Pierre Dupuy
Ecole Polytechnique, Paris
et Université de Stanford,
Californie
Le type
d’incertitude qui
est lié aux événements extrêmes, qu’ils
soient naturels ou moraux, exige des
concepts complètement nouveaux. Convaincu que les mots
possèdent une sagesse
que n’ont pas toujours ceux qui les utilisent, je ne résiste pas
à la tentation
de me référer à la controverse qui entoure
l’étymologie de ce mot
étrange : « risque ». D’un
côté, il y a ceux qui, avec Wartburg,
le font dériver de l’ancien italien risco,
lui-même issu du latin resecum,
« ce qui coupe » - d’où les sens de
« rocher escarpé »,
« écueil » et, finalement, de
« risque encouru par une
marchandise transportée par un bateau » : donc,
l’accident. Mais, de
l’autre, on trouve ceux qui, avec Guiraud, pensent qu’« il n'y a pas le moindre
commencement de preuve à ce roman nautique » et font
dériver le mot du
latin rixare (« se quereller »). Le risque, c’est
ce qui émerge du
conflit humain – la rixe – lorsque, ainsi que Clausewitz en a fait la
théorie,
il monte aux extrêmes et, tel un destin indifférent,
mène les violents à la
destruction mutuelle. Les catastrophes naturelles et les catastrophes
morales,
de plus en plus, seront indiscernables. C’est la leçon
apocalyptique par
excellence.
QUELQUES ELEMENTS DE REFLEXION SUR L'INCERTITUDE
A TRAVERS L'HISTOIRE DES SCIENCES ET DES IDEES
par
Alexandre
Moatti
X-Mines
L'incertitude
a de tous temps accompagné les progrès de la science
et de l'industrie : la peur de l'incertain est la face
cachée de toute
création ou innovation. Une attitude alimente l'autre :
anticiper, prévoir,
sont certes producteurs d'innovation, d'imaginaires créateurs,
mais aussi de
replis, de sécurisations, de « précaution »
risquant, en retour, de tétaniser
la société. On retrouve en permanence cette ambivalence
vis-à-vis de la science, qui se nourrit de la science elle-même : elle prend ses racines
dans certains courants philosophiques des Lumières
(Rousseau) ou de
l'utopie (Fourier) ; elle est aujourd'hui théorisée par
des réflexions
philosophiques plus radicales, comme L’hypothèse Gaïa
de James Lovelock ou
par Mme Dominique Deprins
Professeure de
probabilités et statistique
aux Facultés Universitaires
Saint-Louis (Bruxelles)
et à l'Université
Catholique de Louvain (Belgique)
LE CONCEPT DE RISQUE ET SON EVOLUTION
par Gilles Motet
Professeur à l'INSA
(Institut National des Sciences Appliquées)
de Toulouse, Directeur Scientifique
de la FonCSI (Fondation
pour une Culture de
Sécurité Industrielle)
Le concept de
risque est au
cœur des questions, des démarches et des techniques relatives
à la sécurité. Le
sens donné à ce terme a évolué au fil du
temps, nécessitant à chaque fois de
remettre en cause les questions, démarches ou techniques
précédemment
considérées. La compréhension de cette
évolution est fondamentale, en
particulier pour apprécier la posture que nous prenons pour
aborder la
sécurité. Actuellement de nombreuses divergences
d’opinions sur ces questions,
démarches ou techniques, résultent des différences
d’interprétation qu’ont les
différents interlocuteurs du terme
« risque ». Parfois même, divers
points de vue sont combinés, rendant confuses nos analyses et
erronées ou
discordantes nos conclusions. Le propos de cet article n’est pas de
porter un
jugement de valeur sur ces points de vue (chacun défendant ses
propres intérêts),
mais plutôt de les mettre en évidence afin d’avoir de
chacun d’eux une
perception claire et explicite, et d’être à même
d’apprécier leur incidence sur
la façon d’aborder les questions de sécurité.
II – L’incertitude :
un facteur
omniprésent
QUID DE LA GESTION DES RISQUES APRES LA CONSTITUTIONNALISATION
DU PRINCIPE DE PRECAUTION
Le 1er
mars 2005,
le Président de
Ainsi
était mis un terme à
trois années de débats animés et de vives
controverses sur le statut à
reconnaître (ou non) à ce principe de prévention
(Godard 2004) et
de gestion de ces risques
potentiels, hypothétiques, suspectés, non établis
mais non écartés, dont
l’expérience avait montré qu’ils ne pouvaient être
ignorés sans conséquences
parfois très graves pour l’environnement et pour la santé
publique (Agence européenne, 2004).
L'INVESTISSEMENT DE DEFENSE FACE A L'INCERTITUDE
par Carl Trémoureux
Conseil général
de l'armement
Adjoint au Président de la
Section des études générales
LES RISQUES CHIMIQUES ET LEUR GESTION
par Armand Lattes
Professeur
émérite à l'Université Paul Sabatier
(Toulouse 3)
Président honoraire de la Société Française
de Chimie;
de la Société de Chimie Industrielle et
de la Fédération Française pour la Chimie
ŒUVRER DANS L'INCERTITUDE
par Pierre-Michel Menger
Directeur d'études EHESS
Directeur de recherche CNRS
Centre de sociologie du travail et
des arts
Le travail est
généralement
traité comme une grandeur négative en analyse
économique classique, où il
reçoit la qualité restrictive de désutilité
(d’utilité négative), c’est-à-dire
de dépense d'énergie individuelle en échange d'un
salaire et de biens de
consommation auxquels ce salaire donne accès. Ce sont le loisir
et les biens de
consommation qui sont sources de satisfaction et de bien-être
individuel, le
travail apparaissant alors comme une consommation négative.
III – Quelle
démarche adopter, face
à l’incertitude ?
L’INCERTITUDE EN MATIERE DE TECHNOLOGIE
par Sven Ove Hanson
Professeur de philosophie
et Président du département de philosophie
et d'histoire des technologies à l'Institut royal de
technologie (KTH) de Stocklom
Du fait de la
vitesse
croissante du développement technologique, il devient de plus en
plus évident
que nous savons fort peu de choses sur notre avenir en la
matière. Nous ne savons
pas quelles nouvelles technologies nous rencontrerons dans le futur
proche, et
nous ne savons pas davantage comment nos vies, nos
sociétés et notre
environnement naturel seront affectées par les changements
technologiques.
Diverses
tentatives ont été
faites pour réduire cette incertitude ; en particulier,
deux nouvelles
disciplines ont vu le jour à cet effet dans les années
1960 : l'évaluation
technologique et l'analyse des risques. Toutefois, toutes deux
rencontrent des
difficultés considérables. L'objectif de cet article est
d'expliquer ces
difficultés, et de discuter la façon dont on pourrait
cependant traiter les
incertitudes des technologies futures.
DE L'INCERTITUDE-OBSTACLE A L'INCERTITUDE PRODUCTIVE,
OU COMMENT TRAITER LES RISQUES POTENTIELS DES NANO-OBJETS
par Brice Laurent
CSI - Mines ParisTech
DE L’INCERTITUDE A LA PRECAUTION : LE ROLE DE LA METROLOGIE
par Jean-Luc Laurent
Directeur
général du Laboratoire de métrologie et d'essais
(LNE)
et Benoît
Gaumont
Directeur stratégique
de la métrologie scientifique et industrielle
au Laboratoire national de
métrologie et d'essais (LNE)
Beaucoup de
décisions se
prennent à partir de résultats de mesures. Ces
résultats de mesures sont
assortis d’une incertitude. Pour asseoir la pertinence de la
décision, il est
indispensable de maîtriser les incertitudes, qui restent un
excellent moyen
d’accéder à une interprétation intelligente des
résultats de mesures. Il est
essentiel que tout utilisateur de résultats de mesures ait une
appréciation de
la fiabilité et de la qualité de l’information qu’il va
utiliser. La maîtrise des
incertitudes est un des deux enjeux
essentiels de la métrologie, avec la mise à disposition
de références fiables
et stables. C’est ce qui explique le choix des thèmes
traités dans cet article.
Nous avons fait le choix de retenir une approche large de la
façon dont la
science de la mesure (la métrologie) permet à un
industriel ou à la société de
maîtriser le processus de mesure.
L'accès
à une connaissance
passe bien souvent par la détermination d’un nombre, et la
mesure qui fournit
ce nombre ne peut se concevoir sans unité, étalon et
instrument de mesure. Ceci
est la raison d'être de la métrologie qui n'est pas
seulement une discipline
particulière des sciences physiques et chimiques, mais le socle
de nos
activités quotidiennes. À l’instar de Monsieur Jourdain
qui faisait de la prose
sans le savoir, nous utilisons tous la métrologie sans en avoir
réellement
conscience.
RISQUE ET PROSPECTIVE
par Thierry Gaudin
Ingénieur
général des Mines, Docteur en Sciences de l'Information
et de la Communication,
Président de "Prospective 2100", Rapporteur du groupe
"Le Monde en 2025" pour la DG
Recherche de la Commission européenne
Que la
prospective ait une
origine militaire « dure », comme aux Etats-Unis
ou, au contraire,
une origine civile, planificatrice et quelque peu
« molle », comme en
France, elle a pour rôle de présenter des tableaux de
l’avenir à long terme, de
manière à ce que la société puisse
anticiper certains risques et autant qu’il soit possible, les
éviter ou se préparer à en
pallier les conséquences. La
situation actuelle est particulièrement critique : elle
remet en question
le concept ancien de défense au profit d’une conception plus
globale de la
sécurité.