LA
PRÉVENTION DES DÉCHETS
EDITORIAL
par François VALÉRIAN
Rédacteur en chef des Annales
des Mines
Autocollants « stop pub »
sur les boîtes à
lettres, campagnes contre les sacs en plastique dans les grandes
surfaces, plan
national de prévention des déchets : chacun de nous
a entendu parler
d’initiatives nouvelles pour produire moins de déchets.
Nous entrons en effet dans
une phase nouvelle de la
lutte contre les déchets. Après les efforts
d’élimination dans des décharges
convenables ou des centres d’incinération, après le
recyclage et son tri
préalable, nous voici au pied du mur : tous ces efforts ne
suffisent pas,
la production de déchets continue d’augmenter avec la croissance
de l’économie,
les circuits d’élimination et de recyclage s’engorgent
dangereusement. En
Occident, nous ne savons que faire de nos emballages de Noël. En
Afrique, la
malaria progresse grâce aux sacs en plastique obturant les
canalisations d’eau
de pluie…
Désormais, il nous
faut moins produire. Moins
produire de déchets ? Certainement, mais aussi moins
produire, tout court.
Notre civilisation matérielle est frappée dans l’un de
ses fondements, cette
offre foisonnante de produits toujours plus nombreux et divers, aux
emballages
flatteurs et à la durée de vie de plus en plus courte. Ne
plus boire d’eau en
bouteille ? S’offrir des bons de cadeaux, ou des cadeaux sans
emballages ?
Marcher davantage, vers une grande poubelle, pour ne pas utiliser de
sacs-poubelles en plastique ? Au-delà de l’atteinte
à notre confort de
vie, on mesure les enjeux de tels changements pour l’industrie et le
commerce.
Qui paiera pour tous ces efforts, entre le producteur et le
consommateur ?
Que signifiera dans l’avenir posséder un bien, si une voiture
appartient
toujours au constructeur qui l’entretient et la fait passer de main en
main, si
une machine à laver est partagée entre plusieurs
foyers ?
On risque le vertige à imaginer
l’effort d’éducation
mondial qu’il faudrait entreprendre pour réformer ainsi notre
façon de vivre.
Les incitations publiques à une production moindre ont
été jusqu’à présent
d’une efficacité limitée, et le commerce des biens sait
admirablement récupérer
à son avantage les slogans qui lui seraient hostiles : il
n’est que de se
rappeler la campagne publicitaire de certain grand distributeur contre
les sacs
en plastique. Dans les années 70, il était de bon ton
d’ironiser sur l’appel du
« club de Rome » au ralentissement
économique : aujourd’hui,
nous y trouvons matière à réflexion.