LES CATASTROPHES NATURELLES
EDITORIAL
par François VALÉRIAN
Rédacteur en chef des Annales
des Mines
La
propagation de l’information amplifie
les effets des catastrophes naturelles. Qu’elle soit locale ou qu’elle
s’étende
à tout un océan, la catastrophe, du moment que ses
victimes se comptent en
milliers, est perçue comme planétaire. La recherche n’a
pas attendu cette sensibilité
nouvelle aux catastrophes pour tenter de percer les mystères du
climat ou de l’écorce
terrestre. Elle le fait avec des résultats différents
selon les milieux
naturels concernés. L’atmosphère, facile à sonder,
permet de détecter la
naissance d’un cyclone et de suivre d’heure en heure sa progression.
Les
volcans sont capricieux, mais on sait au moins où ils se
trouvent, et l’analyse
de leur activité, ainsi que des éruptions passées,
nourrit des outils
prévisionnels de plus en plus précis.
On
retrouve le souci de
reconstituer le passé dans la prévision des secousses
sismiques. Des
tranchées sont désormais creusées à travers
certaines grandes failles, et l’on
sait quand et comment la terre a bougé il y a plusieurs
siècles. De tels
travaux font dire aux savants que le Liban risque fort de
connaître un séisme
majeur dans les prochaines décennies. Reste alors la
question : que
faire ?
Une
catastrophe, en effet, se
produit rarement dans un vide humain, ou alors, dans ce cas, elle
n’intéresse
presque personne. La catastrophe combine l’aléa climatique ou
terrestre avec la
vulnérabilité d’une société, d’un
« territoire » comme disent les
géographes, c’est-à-dire d’un espace organisé par
l’homme. Même si l’on ne sait
pas prédire les tsunamis, on sait les modéliser, et donc
on dispose des outils
qui permettent de prévenir à défaut de
prédire. Encore faut-il pour cela que
les gouvernements agissent, que les populations soient
éduquées, que l’aménagement
de pays pauvres prenne aussi en compte des catastrophes
hypothétiques…On
conçoit que la prévention des risques à Nice ou
dans l’Isère soit plus aisée
que sur les rives de l’océan indien. Encore faut-il, aussi,
qu’il existe
toujours un Etat, que tout n’ait pas été abandonné
aux initiatives individuelles :
c’est ce que nous rappellent les
éditorialistes américains quand ils commentent le drame
de la Nouvelle-Orléans.
Responsables d’une bonne part des
dégâts causés par les catastrophes
naturelles, pourrons-nous un jour tout
prévoir de ces catastrophes, les prévenir, nous
prémunir entièrement contre
elles ? Il est probable que non. Les catastrophes naturelles, qui sont
aussi des
catastrophes humaines et
sociétales, forment autant de catastrophes pour l’orgueil
humain, régulièrement bouleversé dans ses
prétentions à maîtriser la terre.