LES ANNALES DES MINES – GERER ET COMPRENDRE
 

n°86 Décembre 2006


EDITORIAL

par Pascal LEFEBVRE
Editorialiste


 L'EPREUVE DES FAITS
   

LA GUERRE DES TEMPS

par Jean-Emmanuel RAY
Professeur à l'Université Paris 1 (Panthéon-Sorbonne)

Article sur la simple gestion du temps ? Non, article sur la philosophie de la vie. Le but de notre existence est-il vraiment de faire plusieurs choses à la fois, et d’être à plusieurs endroits en même temps ? La modernité signifie-t-elle de préférer la multiplication des interlocuteurs à l’angoisse d’un simple face à face…peut-être avec soi-même ? Toute cette agitation pour gagner du temps, pourquoi faire ? On risque de perdre ses proches, et de ne plus faire ce qui nécessite du temps, comme penser, inventer, créer. Mais, inconscient de ces enjeux, l’homme pressé traque tout ce qui fait gagner du temps, et modifie radicalement les rapports entre le travail et la vie privée.

 

NOUS AVONS LU
 

L’EGYPTE ET LES EXPERTS

par Michel CALLON
Professeur à l'ENSMP

Michel Callon rend compte du livre décapant de Tim Mitchell, Rule of Experts. Il faut avouer qu’à sa lecture, on ne peut que changer son regard sur les politiques de développement, sur les sciences sociales en général, sur l’histoire postcoloniale de l’Egypte, sur les experts des organisations internationales…Tout est lié, rien n’est neutre. Ainsi, le moustique est en fait plus dangereux que des tanks, le système de propriété foncière est une machine de guerre, la cartographie crée l’économie, l’anthropologie est manipulée par la CIA, le « paysan égyptien » est une pure invention destinée à justifier la mission de l’Occident en Orient. Pour avoir une plus juste vision de la réalité, il faut désenclaver les sciences sociales, rapprocher le monde naturel du monde social et le monde technique du monde politique.

 
 

 REALITES MECONNUES
 

LE PARADOXE DU RETARD DE L’INDUSTRIE SPATIALE
DANS SES FORMES ORGANISATIONNELLES ET DANS L’USAGE DES TIC

par Victor DOS SANTOS PAULINO
Université de Nice, Sophia Antipolis, DEMOD/GREDEG

 L’innovation est un des thèmes majeurs de notre époque. Et, telles les Lumières, elle ne pourrait que faire progresser l’activité humaine. Or, ce présupposé est faux : l’inertie organisationnelle peut être un atout. L’industrie spatiale, dont l’objet paraît être d’innover, n’innove pas dans son organisation et rechigne à utiliser les TIC. Bien sûr, il faut nuancer. Les ingénieurs n’auront pas la même obsession  de la stabilité organisationnelle et technologique, selon qu’il s’agit d’un satellite de télécommunication commandé par un client privé ou d’une mission scientifique commandée par l’Etat. Mais il n’en reste pas moins vrai que pour atteindre un optimum de fiabilité technologique, l’inertie de l’organisation peut représenter un véritable avantage concurrentiel.



 L'EPREUVE DES FAITS

 

VEOLIA ENVIRONNEMENT : UN MODELE
DE CHANGEMENT ORGANISATIONNEL HYBRIDE

par Christophe PLOUVIER
Ecole Polytechnique

Jusqu’à présent, deux possibilités semblaient offertes aux entreprises qui souhaitaient agir sur leur propre destin : la transition ou la révolution. Avec Veolia 2005, plan d’efficacité destiné à Veolia Environnement, nous voilà au cœur d’un nouveau modèle, qui combine évolution et radicalité. Ce modèle hybride, s’il assemble les avantages des deux types de changement et leur permet de pallier leurs défauts réciproques, n’est pas un simple amalgame. S’agit-il pourtant d’un vrai changement ou d’une hypocrisie organisationnelle ? A constater la place marginale du plan 2005 au sein de l’Organisation, on peut mesurer les limites du modèle : manque de légitimité de l’équipe du projet, manque d’implication de l’ensemble des acteurs, approches différentes des contrôles de gestion…Pourtant une véritable synergie dynamique s’est instaurée entre les deux approches chez Veolia Environnement, sans doute « grâce » à un contexte très particulier. Ce qui interdit toute généralisation.



MOSAIQUE


DES  DIFFICULTES  DE LA REFERENCE A LA PRATIQUE


A propos du livre Managements de l’extrême de Michel Berry

Paris, Editions Autrement, 2006

par Michel VILLETTE
ENSIA


FOUCAULT ET LA GESTION : QUEL RAPPORT ?

A propos du livre  Gouvernement, organisation et gestion : l’héritage de Michel Foucault,
sous la direction de Armand Hatchuel, Eric Pezet, Ken Stackley et Olivier Lenay,
Québec, Les Presses de l’Université de Laval, 2005

par Jean Michel SAUSSOIS
ESCP-EAP


MYTHOLOGIE DES « MODERNES »

A propos du livre L’étrangeté française, de Philippe d’Iribarne,
Paris, Seuil, 2006

par Alain HENRY
Agence Française de Développement

 

LA PSYCHOLOGIE AU CHEVET DU TRAVAIL

A propos du livre Cliniques du travail,  de Dominique Lhuilier,
Editions Erès, collection Clinique du travail, 2006

par Marie-Anne DUJARIER
Maître de conférence en sociologie à l'université de Paris III
et à l'Ecole polytechnique

 

AUTRES TEMPS, AUTRES LIEUX

 

LA DOUBLE « JOINT-ADVENTURE » DE PME FRANÇAISES EN CHINE :
UNE ETUDE DE CAS  (1994-2004)

par Michèle DUPRE
Sociologue, chercheur associé au GLYSI-SAFA, ISH-LYON
et Etienne de BANVILLE
Chercheur économiste CNRS au CRESAL, à Saint-Etienne

Et si toute PME tentée par l’international était condamnée à s’autodétruire en tant que PME ? Quand on sait qu’une PME qui ne vise pas le marché mondial est sans avenir, cela veut dire qu’il faut des trésors d’audaces, de remises en cause et d’imagination pour assurer la transition, inéluctable, vers la mondialisation. Malheur à ceux qui s’unissent sans véritable stratégie de conquête. L’addition des forces ne suffit pas. Vite dépassés par les événements, ils doivent faire appel à de nouveaux associés qui n’hésiteront pas à modifier structures et dirigeants, à rechercher de nouveaux clients et à développer des activités complémentaires. Car telle est la condition de la survie de la joint-venture, qui finira par échapper totalement à ses initiateurs.

LA REFORME DE LA RECHERCHE PUBLIQUE AU JAPON : UNE RENOVATION EN COURS

par Hiroatsu NOHARA
Chargé de recherche au LEST-CNRS

La réforme de la recherche publique au Japon est profonde et ambitieuse. Elle vise à renouveler l’économie japonaise, et pour cela à créer une trentaine d’universités japonaises qui seront « les meilleures universités mondiales ». On est loin de la période de l’après Seconde Guerre mondiale, où tout lien entre industrie et recherche était combattu car soupçonné d’alimenter le « militarisme japonais ». Aujourd’hui, changement radical d’état d’esprit : la compétitivité des universités japonaises au niveau mondial repose sur l’excellence de leurs recherches dans certains domaines (biotechnologie, informatique, nouveaux produits, recherche médicale, notamment), mais surtout sur la contractualisation de leurs relations avec l’industrie et la création de start-up universitaires. Le gouvernement japonais invente  de nouvelles règles du jeu : autonomie de gestion du budget, du personnel, des brevets, obligation de résultats, rentabilisation des brevets, « défonctionnarisation » des chercheurs…L’université japonaise doit désormais concilier les horizons temporels différents de la recherche fondamentale et de la profitabilité d’entreprise.