Gérer & Comprendre entame
sa vingtième année d’existence ; plus que jamais il
apparaît nécessaire de soutenir et développer en
France et, plus largement, en Europe une recherche en gestion vivante
et originale, défendant des approches théoriques
alternatives aux approches anglo-saxonnes.
Dans ses dernières parutions, Gérer & Comprendre s’y
est employé et a présenté les contributions
d’auteurs allemands, italiens, belges, canadiens, et même
américains, en quête d’autres voies que le mainstream pour
exprimer leurs idées et les résultats de recherches
jugées trop peu orthodoxes outre-Atlantique.
Dans ce numéro, l’article d’
Alain
Anquetil aborde un
problème sensible :
peut-on
agir intentionnellement contre ses
valeurs ? Comment réagit-on lorsqu'on refuse de sacrifier
ses
convictions à sa carrière ? Le pragmatisme et
l’intérêt sont-ils alors les seuls moteurs de l’action ? A
l’articulation entre gestion et philosophie, entre morale et
théorie des jeux, cet article illustre bien ce dont se
préoccupe Gérer & Comprendre : peut-on quantifier un
tel dilemme ? Quelles statistiques, quelles modélisations
mathématiques rendront compte des atermoiements et des choix de
l’acteur pris dans les rets du choix impossible ? Pourtant, cet article
concerne bien des chercheurs en gestion aujourd’hui, en France et en
Europe : faut-il, pour faire carrière en France, publier en
anglais dans une obscure revue américaine, en renonçant
à ses convictions et à sa culture ? Face au peu de
soutien de ses instances de tutelle, quel autre choix reste-t-il au
jeune chercheur qu’un absurde Publish or perish accommodé
à la sauce administrativo-corporatiste française ?
Mais laissons donc aux Américains le soin de s’accommoder d’un
système qui trouve sa cohérence dans une mobilité
sociale plus grande et dans des options de carrière plus
attractives que celles que nos chercheurs connaissent sur le sol de la
vieille Europe. Plutôt que de copier servilement ce modèle
qui nous est profondément étranger, ne serait-il pas plus
opportun de réfléchir
sur les cloisonnements -
décrits dans ce numéro par Chantale Maillot et Anne Mesny
ou Séverine Louvel - qui rendent quasi-impossibles chez nous les
coopérations entre le monde académique et celui de
l’entreprise et enferment nos chercheurs dans des logiques
antagonistes, parfois hostiles et toujours stériles ? Vaste
chantier…
Souhaitons donc que 2005 permette aux talents européens
d'affirmer leur pertinence et leur originalité. C’est en
tout cas, le mouvement que Gérer & Comprendre ambitionne
d'entretenir.