Nietzsche disait : « L’Art est la force libre excédentaire d’un peuple qui n’est pas gaspillée dans le combat pour l’existence ». Intermittents de la Science comme d’autres le sont de la Culture, les chercheurs portent, eux aussi, en eux cette parcelle de force libre, cette étincelle de feu créateur que menace la glaciation des esprits. Des crédits ? Il en faut, certes ! Des postes ? Nul n’en doute ! Mais, plus que tout, n’est-ce pas le libre exercice de cette force excédentaire qui est aujourd’hui en question ? Dans notre société, qui a enfin su desserrer la contrainte du combat quotidien pour l’existence, est-il à ce point insupportable qu’une part de la créativité du peuple soit détournée - même de façon temporaire - de la création de valeur ? N’y a-t-il de place que pour un marché de la Recherche qui serait à la Science ce que le marché de l’Art est à l’Art ? Extravagante, car non réductible aux règles de la juste valeur et de la bonne gouvernance, la Recherche devrait donc  se faire immédiatement profitable sous peine de se voir bannie ?

Ce numéro 75 de Gérer & Comprendre nous invite donc, du voyage aux pôles au stratégies préfectorales de maintien de l’Ordre, de l’analyse des systèmes de réservation des compagnies aériennes à l’intervention sociologique chez les chercheurs,  à réfléchir sur l’exercice de cette force excédentaire dont parlait Nietzsche, à l’intelligence du monde plus qu’à la recherche de la simple utilité.