Il semble que l’humanité ait une fâcheuse tendance à s’enfermer dans les labyrinthes qu’elle s’est elle-même construits à force d’imagination, de bonnes intentions et de persévérance, et dont elle peine parfois à s’extraire. Certaines aventures militaires – passées ou présentes – l’illustrent à l’envi mais le monde de la gestion n’y échappe pas davantage. Ainsi, les auteurs contribuant à ce numéro me paraissent inquiets de toutes ces bonnes idées dont on peine souvent longtemps à réparer les effets pervers, effets insoupçonnés alors que la victoire semblait au bout du fusil – ou de la théorie.

Tenez, par exemple, Comète, ce métro futuriste dont nous parle Jean-Paul Segal : ce devait être le fer de lance de la rénovation de l’entreprise, l’avant-garde du progrès social. Et patatras ! Au grand dam de ses promoteurs, la belle aventure cristallise le raidissement de tous les conservatismes internes. Faudra-t-il alors automatiser tout le réseau ? Quel paradoxe pour une innovation qui se voulait tout autant sociale que technique ! Et la médiation, dont nous entretient Damien Collard : là aussi, une belle idée au départ et puis, la complexité s’impose et la confusion s’installe dans l’esprit des promoteurs, qui finissent par y renoncer. Que dire encore de cette autre grande ambition : faire de chaque salarié dans l’entreprise un entrepreneur motivé et responsable ? Pas si simple, nous dit à son tour Alain Fayolle : la potion magique tourne vite au bouillon de culture et les crapauds ne se transforment pas tous en Prince Charmant !

Dans le tourbillon de l’innovation sociale et technique, l’intendance ne suit manifestement pas : " Aussi curieux que cela puisse être, les individus développent des plans pour rester dans l’ignorance, surtout quand les problèmes sont embarrassants ou menaçants, c’est-à-dire au moment précis où il importe de savoir apprendre efficacement ", disait Argyris, cité par un auteur. Philippe d’Iribarne constate alors que, face à la perte des repères qui accompagne le changement à marche forcée, c’est toute une éthique qui est à rebâtir. Où est le Bien, où est le Mal ? On savait que cette dialectique était aujourd’hui devenue une question géostratégique; il apparaît qu’elle est aussi, et plus que jamais, d’actualité dans l’entreprise !

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