Introduction de Hervé MARITON
Il y a des industries outre-mer. Leur part, 13 % du total des emplois (article de Bruno Terrien et Aurélien Truillon, IEDOM/IEOM, chiffre 2021, pp. 7-14) est inférieure à celle constatée en métropole (16 %) ; elle n’est pour autant, ni hors de proportion, ni négligeable. Ce n’est sans doute pas l’intuition première, tant l’économie marchande y est perçue – et c’est la réalité – comme plus restreinte. Ainsi, le secteur marchand emploie 44 % des salariés(1) (donnée en province pour exclure les particularités de la région parisienne, 2016) pour 32 % à la Réunion, 35 % en Martinique, 30 % en Guadeloupe, 18 % en Guyane. De surcroît, les économies ultramarines sont, à l’exception principale de la Nouvelle-Calédonie, très importatrices. Le taux de couverture exportation sur importation des biens est, en 2019, de 14 % en Martinique, 10 % en Guadeloupe et Guyane, 5 % à la Réunion, 1 % à Mayotte.
La présence d’un secteur industriel vient en contre-poids d’un modèle socio-économique très largement fondé sur la présence des administrations et des établissements sanitaires publics. Ces secteurs représentent une part importante de la vie économique et de l’emploi en province ; le phénomène est aggravé outre-mer. Il vient même parfois en solution de crises structurelles. Ainsi, à Saint-Pierre et Miquelon, la réponse au déclin de la pêche a été le développement de l’administration. L’administration exerce aussi, par exemple par le niveau des rémunérations qu’elle verse à de nombreux agents publics, un effet dissuasif à l’embauche dans les entreprises, entre autres celles du secteur industriel, et dégrade leur compétitivité.
Le secteur de l’énergie, de l’eau et de la gestion des déchets occupe une place nettement plus importante qu’en métropole (19 % contre 9 % des emplois industriels). L’enjeu y est alors de voir s’il se rapproche davantage d’un modèle concurrentiel et marchand, ou s’il se maintient comme un prolongement des administrations. Le développement des énergies renouvelables rapproche de la première hypothèse.
Au surplus, les industries outre-mer sont, historiquement, très liées au secteur primaire. La transformation de produits agricoles (sucre, rhum…) représente une part plus importante qu’en métropole et participe d’un ancrage territorial de l’industrie, ancrage qui crée un véritable attachement à ces activités.
En tout cas, dans le contexte national de déclin de l’industrie, puis aujourd’hui de réindustrialisation, les outre-mer démontrent la stabilité de l’emploi industriel, quand celui-ci reculait de deux points en métropole. C’est sans doute l’effet combiné d’un caractère très dispersé du secteur industriel (à l’exception de la mine et de la métallurgie en Nouvelle-Calédonie) et des protections (tarifaires et non tarifaires) dont il dispose. Le résultat est là ; il ne dispense pas d’aborder différentes questions de l’avenir de ce secteur, comme le proposent les articles de cette édition de la série Réalités industrielles.
(1) https://www.insee.fr/fr/statistiques/3553188