Elie VENTURA (1915-1993)


Ventura, élève de l'Ecole des Mines de Paris
(C) Photo collections ENSMP

Né à Istanbul le 7 mai 1915. Frère de Marcel VENTURA (1920-1999 ; X 1941).

Ancien élève de l'Ecole polytechnique (promotion 1935), et de l'Ecole des Mines de Paris. Corps des mines.

Haut fonctionnaire et économiste renommé. Mobilisé en 1939, il se retrouve radié du corps des mines comme juif par un arrêté du 18/12/1940 appliquant la loi du 3 octobre 1940.

Après l'occupation par les Allemands de la zone sud où il s'était réfugié, il rejoint les FFI de la Creuse et participe à la libération de Guéret.

Sa carrière se divise en trois périodes: de 1944 à 1953 : haut fonctionnaire, négociateur international des intérêts français ; de 1953 à 1960 : économiste à l'École de pensée de Maurice Allais et spécialiste de la recherche opérationnelle (il fait des cours de recherche opérationnelle aux promos 55 et 56 de l'École des mines) ; de 1960 à 1990 : dans le secteur privé, promoteur de la recherche opérationnelle en France. Prix Lanchester de recherche opérationnelle en 1962, quatre ans après Allais qui fut le premier lauréat français.


La Jaune et la Rouge, novembre 1993

ELIO VENTURA (X 35) 1915-1993
par P.-E. de MONTAIGNE (X 35)

NOTRE CAMARADE ELIO VENTURA est décédé le 27 juiller dernier. Pendant deux ans, à l'X, j'ai eu le privilège d'être son voisin en salle, au magnan et au casert. J'ai ainsi pu apprécier les qualités de ce camarade qui, entré 208e, est sorti 3e dans le corps des Mines.

Il était d'un abord courtois, toujours accueillant, attentif à ses interlocuteurs. Travailleur, habitué dès son plus jeune âge à se classer dans le peloton de tête, il ne perdait pas son temps. Il "chiadait la botte", mais sans crispation, nullement "polar". Il était un pianiste distingué, et j'ai gardé un excellent souvenir de La Symphonie inachevée que nous avons exécutée au "Concert du Gêné" et dont Elio avait dirigé avec efficacité les répétitions. Il est resté un pianiste de classe, et jusqu'à ses derniers jours il a été l'élève d'un professeur, premier prix du Conservatoire.

Modeste, consciencieux, travailleur et persévérant, tel était Elio Ventura ; tel on le retrouvera tout au long de sa vie.

Il est né le 7 mai 1915, à Constantinople, où ses ancêtres avaient émigré d'Espagne en 1492, année de l'expulsion des Juifs par Isabelle de Castillc et Ferdinand d'Aragon. Sa famille, francophile, s'est fixée à Paris dès 1919, et a été naturalisée en 1931. Les difficultés économiques obligent sa famille à quitter l'avenue Victor-Hugo pour un pavillon à Gagny et le lycée Janson de Sailly pour l'Institut Millet.

En 1928, la famille retrouve Paris, un appartement exigu rue de la Tour, et Elio, Janson de Sailly. A la maison, il travaille malcommodément, avec son jeune frère, Marcel, qui sera à l'X avec la promo 1941.

A son premier concours il est reçu 208e, en 1935, et met tout en œuvre pour se classer en tête de promo. Il ne travaille pas pour obtenir une grosse situation dans le corps des Mines : il sait que le décret Chéron, de 1935, interdit l'accès à des fonctions publiques aux candidats naturalisés français depuis moins de dix ans. Il travaille "pour la gloire", pour être, comme d'habitude, parmi les meilleurs. Le Conseil d'Etat annule le décret Chéron en 1937, peu de temps avant sa sortie ; 3e, c'est le corps des Mines. Juste récompense de ses efforts désintéressés.

Après un an à Fontainebleau, il fait sa première année d'application à l'Ecole des Mines de Paris, en 1938-1939. Mobilisé en septembre comme sous-lieutenant d'artillerie à la 14e batterie de repérage sur le front de Lorraine, puis sur la Somme, il se retrouve, à l'Armistice de juin 1940, dans la région lyonnaise. Il obtient de faire sa deuxième année d'application à l'Ecole des Mines de Saint-Etienne, Paris étant sous l'autorité allemande. Mais les mesures discriminatoires de la loi du 3 octobre 1940 entraînent sa radiation du corps des Mines.

Il ne se décourage pas ; il se marie et travaille pour le privé. Le voilà ingénieur de fond aux Houillères de Saint-Etienne, puis enseignant à Nice. L'occupation allemande du sud de la France le fait quitter Nice pour la Creuse où il rejoint les Forces françaises de l'Intérieur et participe à la libération de Guéret. Enfin, en 1944, il est réintégré dans le corps des Mines. C'est la fin du cauchemar. Il regagne Paris.

Sa carrière peut commencer. Celle-ci se divise en trois périodes, les deux premières au sein du corps des Mines.

1944-1953 : haut fonctionnaire, négociateur international des intérêts français

Après un court passage aux Affaires sociales (statut du mineur, négociateur auprès des syndicats et du ministère du Travail), Elio Ventura, adjoint au chef du service charbon, représente la France à la Commission alliée qui siège à Londres où il se rend fréquemment. Il obtient l'attribution à la France des quantités de fines à coke de la Ruhr indispensables à la Reconstruction. En 1948, il devient directeur adjoint de la division charbon de la Commission économique pour l'Europe, à Genève. En 1949, adjoint au directeur de la coordination industrielle à Paris, il représente la France à l'OCDE et participe à la répartition des crédits du plan Marshall à l'industrie française.

Fn 1951, tension entre les USA et l'URSS (guerre de Corée) ; une Conférence internationale des matières premières est créée à Washington. Elio Ventura y défend les intérêts de la France dans le cadre de la répartition des métaux non ferreux.

Il rentre en France en 1953, mission accomplie.

1953-1960 : économiste à l'école de pensée de Maurice Allais et spécialiste de la recherche opérationnelle

Rentré dans le giron du corps des Mines, le voici chargé du Bureau de documentation minière et de la rédaction en chef des Annales des Mines. C'est alors qu'il se passionne pour l'économie mathématique, pratiquée par Maurice Allais (X 31), futur prix Nobel d'économie, et dont il admire la rigueur scientifique. Il est assidu à ses séminaires et s'intéresse à leur application pratique à des problèmes réels.

Il a constaté aux USA que les pays anglo-saxons, qui, pendant la guerre, ont appliqué la recherche opérationnelle à beaucoup de leurs problèmes, l'utilisent dans la pratique beaucoup plus souvent qu'en Europe. Il décide de promouvoir cette science appliquée en France et de s'y consacrer. Il décèle quelques organismes assez confidentiels, comme la revue Sedeis dirigée par Bertrand de Jouvenel, ou les séminaires animés par le professeur Guilbaud de l'Institut Henri Poincaré. Il s'en rapproche, publie des articles dans les Annales des Mines et dans Sedeis, et parvient à recevoir des appuis en haut lieu, en particulier auprès du commissaire général à la productivité. Parallèlement, il fait des cours de R.O. aux promotions 55 et 56 à l'Ecole des Mines et publie de nombreux articles. Il participe enfin à la création de la SOFRO, Société française de recherche opérationnelle, dont le président sera le professeur Guilbaud.

En 1956, son ministre, M. Lemaire, bien informé, le convoque et le charge d'optimiser l'approvisionnement en pétrole brut des raffineries françaises, suite à la fermeture du canal de Suez. C'est un succès, apprécié par la chambre syndicale des raffineurs de pétrole.

En 1957, il participe, à Oxford, à la première réunion internationale de recherche opérationnelle et après des études pour Miferma (transport et stockage de minerais entre Nouakchott et Port-Etienne) il étudie, à la demande du Bureau de recherches du pétrole, la structure optimale de l'industrie pétrolière, suite à la création de la Société du pipe-line européen.

En 1958-1960, la demande des industries s'intensifie, et Elio Ventura décide de se mettre en congé du corps des Mines, pour se consacrer désormais à la recherche opérationnelle.

1960-1990 : dans le secteur privé, promoteur de la R.O. en France

Il opère d'abord dans une petite équipe, la Sepro, rattachée à l'organisation Paul Planus, jusqu'en 1966. C'est dans cette période qu'il reçoit, en 1962, quatre ans après Allais, premier lauréat français, le Prix Lanchester de recherche opérationnelle, prix décerné par la Société américaine de recherche opérationnelle et la John Hopkins University, à l'article de recherche opérationnelle le plus remarquable, parmi tous ceux publiés en 1961 [Note de mise en web : études réalisées aux Mines de Potasse d'Alsace, en collaboration avec Maurice Mermet]. Distinction des plus prestigieuses, parmi les articles parus dans 56 publications de langue anglaise dans le monde.

Le jugement précise que "le Comité regarde l'Article de Ventura comme un excellent exemple d'une utilisation intelligente de caractère économique des Mathématiques pour résoudre un important problème pratique. Il s'est trouvé d'accord pour reconnaître la clarté de l'expression et l'excellence générale de l'étude en tant que combinaison d'une analyse d'application et d'une bonne technique"'.

Parmi ses travaux, Ventura optimise la conception du premier navire méthanier français destiné à transporter le méthane liquide (-161°) d'Arzew, en Algérie, vers la France et vers Londres. Il participe également à l'élaboration du plan de développement de l'industrie espagnole.

En 1966, à 51 ans, il réalise le projet ambitieux de se mettre à son compte en fondant sa propre société, Ceplam. Il travaille sur des problèmes très divers, comme par exemple, pour la Snecma (comment stopper l'hémorragie de personnel lors du transfert d'une unité de production de Paris à Corbeil ?) ou encore, pour Paribas, des études d'optimisation nées du rapprochement des activités cimentières de Poliet et Chausson et de Ciments français. Le Cahier de Ceplam intitulé "Références et Réalisations" cite les entreprises qui ont fait appel à Ceplam, avec des attestations élogieuses pour la qualité des services rendus.

Enfin, en 1990, à 75 ans, il se retire, je le cite : "après une carrière où j'ai cherché avant tout à me faire plaisir, en effectuant un travail de chercheur scientifique ; à éviter l'enlisement de la routine, grâce à la très grande variété des problèmes et des situations auxquels ma curiosité naturelle me portait à faire face".

Le 28 avril 1993, Elio Ventura a reçu la rosette d'officier de la Légion d'honneur des mains de Maurice Allais, commandeur et prix Nobel d'économie.

P.-E. de MONTAIGNE (35)


Allocution de Maurice ALLAIS lors de la remise de la croix d'officier de la Légion d'honneur à Elio VENTURA, le 28 avril 1993 [Transmis par Maurice MERMET]

Mon très cher ami,

De promotions de l'X très voisines, nous nous sommes toujours tutoyés. Cependant, seul le vouvoiement me paraît réellement approprié à la solennité de la cérémonie d'aujourd'hui.

Comme suite à votre demande à laquelle j'ai été très sensible, il me revient aujourd'hui, à l'occasion de la remise de votre Croix d'Officier de la Légion d'Honneur, de présenter brièvement ce qu'ont été votre jeunesse et votre formation, votre carrière, votre pensée étroitement associée à votre action, et enfin votre personnalité.

C'est là une tâche que je suis très heureux d'accomplir.

Votre vie, votre carrière, ont été déterminées à la fois par vos origines, votre milieu, votre éducation, et le hasard et la chance, si je puis désigner sous ces vocables toutes les circonstances de l'existence, souvent inattendues, parfois très dures et très difficiles à supporter, parsemées à la fois de succès et de déceptions, et dont chacune infléchit peu à peu les lignes directrices de la vie personnelle et de la vie professionnelle.

Vous êtes un descendant d'une famille juive établie en Espagne et qui à la suite des lois d'expulsion de 1492 des souverains catholiques Isabelle de Castille et Ferdinand d'Aragon s'est installée en Turquie.

Vous êtes né le 7 mai 1915 à Constantinople pendant la première guerre mondiale. Comme vos parents vous étiez de nationalité turque.

Comme vous me l'écrivez, la guerre 1914-1918 que la Turquie a faite à côté de l'Allemagne a été durement ressentie par vos parents, et, en 1919, ils ont pris la décision d'émigrer en France.

Votre père s'est établi commerçant dans le IXème, tout en résidant dans le XVIème. Mais des difficultés commerciales ont contraint votre famille à s'établir dans un modeste pavillon de banlieue, à Gagny, où elle est restée jusqu'en 1928. Elle s'est alors installée à nouveau dans le XVIème, rue de la Tour, dans un petit appartement très exigu.

Les temps de crise dans les années trente ont été très durs pour votre père qui a dû accepter des situations de plus en plus médiocres et précaires dans le secteur de la bonneterie.

Cependant, grâce aux sacrifices constants de vos parents, vous avez pu poursuivre d'excellentes études.

Vous avez été tout d'abord élève à Janson de Sailly, puis dans une école privée de Gagny, puis à nouveau à Janson de Sailly, comme élève de quatrième.

Vous avez été un très brillant élève. Vous avez reçu plusieurs médailles de bronze pour avoir été premier en composition trois fois de suite ; et en mathématiques élémentaires vous avez obtenu une médaille de vermeil pour avoir été le premier en composition huit fois de suite dans des matières les plus diverses.

Mais vous avez certainement été particulièrement marqué par vos professeurs de mathématiques, et tout particulièrement par Coissard, votre professeur en mathématiques spéciales préparatoires. Il enthousiasmait ses élèves par son dynamisme et son amour communicatif des mathématiques.

En 1931 vos parents ont obtenu la nationalité française. Il en a été de même pour vous. Vous aviez alors seize ans.

Vous avez été reçu à l'X en 1935, et vous en êtes sorti en 1937 dans le Corps des Mines, après avoir acquis parallèlement une licence de sciences.

Comme vous me l'écrivez, vous avez toujours eu le goût de l'étude. Vous avez toujours eu une vive curiosité naturelle, la soif d'apprendre, et cela dans tous les domaines.

La musique en particulier vous a attiré dès votre plus tendre enfance. Passionné de piano, vous auriez pu préparer le Conservatoire. Mais vous avez préféré vous orienter vers l'X. La musique n'en est pas moins restée pour vous un attachant violon d'Ingres. Aujourd'hui encore, à 77 ans, vous continuez à prendre des leçons de piano avec comme professeur un Premier Prix du Conservatoire.

D'octobre 1937 à octobre 1938 vous avez fait votre service militaire, dont sept mois à l'Ecole d'Application d'Artillerie de Fontainebleau.

En octobre 1938 vous êtes entré à l'Ecole des Mines. Après une première année d'études vous êtes mobilisé en septembre 1939, et affecté à la 14ème Batterie de Repérage sur le front de Lorraine, près de Forbach, puis sur la Somme, lors de l'attaque allemande.

Après l'armistice de juin 1940 vous êtes démobilisé, et vous obtenez de terminer vos études à l'Ecole des Mines de Saint-Etienne.

Cependant les mesures discriminatoires de la loi du 3 octobre 1940, tout à fait contraires à toutes les traditions françaises, entraînent votre radiation du Corps des Mines. Cette radiation vous affecte durement dans votre vie personnelle et professionnelle.

Vous devenez alors ingénieur du fond aux Houillères de Saint-Etienne de 1941 à 1942, puis enseignant à Nice de 1942 à 1943. Lors de l'occupation allemande du sud de la France vous rejoignez les Forces Françaises de l'Intérieur dans la Creuse et vous participez en 1944 aux opérations militaires des FFI.

A la Libération vous êtes réintégré dans le Corps des Mines.

Votre carrière se répartit en deux périodes : - une carrière administrative de 1944 à 1960 : - puis une carrière privée que vous poursuivez pendant trente ans de 1960 à 1990.

De 1944 à 1948, vous êtes chef de service à la Direction des Mines ; -de 1948 à 1949, directeur adjoint de la Division du Charbon à la Commission Economique pour l'Europe à Genève ; - puis de 1949 à 1951, chargé du service des Affaires extérieures au Ministère de l'Industrie.

De 1951 à 1953, vous êtes délégué de la France à la Conférence Internationale des Matières Premières à Washington ; - puis de 1953 à 1960, membre du Comité des Matières Premières à l'OTAN.

De 1954 à 1960, vous êtes Directeur du Bureau de Documentation Minière et rédacteur en chef de la revue des Annales des Mines.

Parallèlement vous donnez des cours pratiques de recherche opérationnelle pour les ingénieurs-élèves au Corps des Mines des promotions 1955 et 1956, et des conférences sur le calcul économique à l'Ecole des Mines de Paris en 1959 et 1960.

Au cours de cette même période vous effectuez plusieurs études de recherche opérationnelle. Je n'en citerai que trois parmi les plus significatives :

En 1957, vous prenez une part décisive à la création de la Société Française de Recherche Opérationnelle, et vous signez le premier éditorial de sa Revue, dont vous devenez le rédacteur en chef.

En 1960, ingénieur en Chef au Corps des Mines, vous quittez le Corps des Mines. De 1960 à 1965, vous collaborez avec l'Organisation Paul Planus, puis, en février 1966, vous fondez la Société Calcul Economique et Planification Moderne, dont l'objet était d'assister les sociétés clientes dans le choix de leurs décisions.

A ce titre vous effectuez de nombreuses études d'application de la recherche opérationnelle à l'industrie, dont trois qui me paraissent particulièrement remarquables :

En 1990, à soixante-quinze ans, vous prenez votre retraite.

Vos études de recherche opérationnelle, vos réflexions sur le calcul économique vous ont amené à publier de nombreux articles dans les Annales des Mines et dans la Revue Française de Recherche Opérationnelle, ainsi que dans diverses publications étrangères.

Vous avez publié, en 1968, en collaboration avec Patrick Gordon un très bon ouvrage de vulgarisation de la recherche opérationnelle, La Drogue Miracle du Professeur Kashinawa, ouvrage associant l'humour à la technique, et préfacé par Louis Armand.

La plupart des études que vous avez faites, ou conduites avec des collaborateurs, n'ont malheureusement pu donner lieu à des publications, étant donné leur caractère confidentiel, mais toutes ont contribué à établir votre réputation.

Vos études ont toujours été d'une grande qualité, et elles ont exercé une grande influence.

Plusieurs distinctions sont venues récompenser vos qualités, vos contributions, et les services que vous avez rendus au pays.

En 1956 et 1957, vous avez été fait successivement : Chevalier dans l'Ordre de l'Economie Nationale, Chevalier dans l'Ordre des Palmes Académiques, et Chevalier dans l'Ordre de la Légion d'Honneur. C'est Pierre Massé qui vous en a remis la Croix.

Depuis 1962, vous êtes devenu Membre de l'Académie des Sciences Commerciales.

Mais certainement la distinction la plus significative et la plus prestigieuse que vous avez reçue est le Prix Lanchester de Recherche Opérationnelle, décerné en 1962, par la Société Américaine de Recherche Opérationnelle et la John Hopkins University, à l'article de recherche opérationnelle jugé le plus remarquable parmi tous ceux publiés en 1961.

En fait, cet article était la traduction anglaise, publiée dans l'Operational Research Quarterly, de votre étude de 1959, Application de la programmation dynamique à la gestion d'un stock et au calcul d'une capacité optimum de stockage, présentée à la Deuxième Conférence Internationale de Recherche Opérationnelle, organisée en 1960 à Aix en Provence par la Fédération Internationale des Sociétés de Recherche Opérationnelle.

Cette distinction est certainement une des distinctions américaines les plus prestigieuses, en raison notamment des procédures particulièrement sévères de sélection.

Les articles parus dans 56 publications de langue anglaise dans le monde ont été examinés. Chaque article a été soumis à deux referees. Pour cette première sélection les 95 referees étaient des spécialistes reconnus de recherche opérationnelle.

34 articles provenant de 16 publications ont été retenus et soumis à l'examen des membres du Comité du Prix Lanchester, et un accord unanime était exigé pour la décision finale.

C'est votre étude qui a été finalement retenue, et le jugement du Comité a été le suivant :

Une telle appréciation se suffit à elle-même. Mais je crois devoir ajouter que ces mêmes qualités soulignées par le Comité du Prix Lanchester se retrouvent dans tous vos écrits.

Je voudrais également souligner que le Prix Lanchester que vous avez reçu démontre l'impact de vos travaux dans la Communauté scientifique internationale et votre contribution au rayonnement de la pensée française.

Je voudrais maintenant souligner les deux lignes de force qui me paraissent caractériser particulièrement votre pensée et votre action.

Puis-je vous dire, pour terminer, combien je me suis réjoui de la décision du Gouvernement, en janvier dernier, de vous promouvoir au grade d'officier de la Légion d'Honneur ; et combien j'ai été heureux de présenter aujourd'hui, à l'occasion de la remise de votre Croix d'officier, une vue d'ensemble sur votre œuvre et sur votre action.

Dans les années que vous avez passées dans l'Administration, vous avez été un excellent serviteur de l'Etat et un représentant efficace de notre pays dans les organisations internationales.

Dans tous les domaines de la recherche opérationnelle que vous avez étudiés, vous nous avez apporté des réflexions très utiles, des approfondissements indispensables, des analyses très suggestives, des incitations à penser.

Par votre action vous avez puissamment contribué à la fondation et à la diffusion de la recherche opérationnelle en France.

Depuis plus de quarante ans j'ai eu de très nombreuses occasions de vous rencontrer et d'apprécier toutes vos qualités scientifiques et la rigueur de votre pensée, ainsi que la valeur de vos contributions non seulement à la recherche opérationnelle, mais également à la science économique fondamentale.

C'est l'ensemble des contributions que vous avez apportées à la pensée économique et des services que vous avez rendus à l'économie française que le Gouvernement a justement tenu à honorer, et je suis très heureux d'être aujourd'hui son délégué en la circonstance.

Avant de prononcer les paroles consacrées, je voudrais associer Madame Marianne Ventura, la compagne fidèle de votre vie, depuis maintenant cinquante ans, à la distinction qui va vous être attribuée.

ELIO VENTURA, AU NOM DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE ET EN VERTU DES POUVOIRS QUI NOUS SONT CONFÉRÉS, NOUS VOUS FAISONS OFFICIER DE LA LEGION D'HONNEUR.