Résumé de l'ouvrage de 60 pages La Chartreuse de Vauvert et l'Hôtel de Vendôme, de Pierre Mahler, publié en 1909 à la Librairie polytechnique Ch. Béranger, éditeur.
Ancien élève de l'Ecole des Mines de Paris et ingénieur civil des mines, Pierre Malher est principalement connu pour sa conception de la "bombe calorimétrique Mahler" qui équipa longtemps des laboratoires d'analyses chimiques. Issu du VIème arrondissement de Paris et descendant par sa mère du président Barthe, Pierre Malher a fait des recherches sur l'histoire de l'Hôtel Vendome dans lequel l'Ecole des Mines fut établie en aout 1815.
Nous donnons ci-dessous un résumé de cet ouvrage, adapté du papier de Léon Durassier publié dans le Bulletin de l'association des anciens élèves de l'Ecole des mines de Paris, août-septembre 1910.
I.- Les Chartreux, leur couvent, leur enclos.
L'hôtel Vendome fut la propriété de la Chartreuse de Paris, fondée en 1257 par Saint Louis.
La fondation de la Chartreuse de Paris (ou mieux de la Chartreuse de Vauvert pour lui restituer le nom sous lequel elle fut extrêmement populaire), datant du milieu du XIIIe siècle, l'auteur a fait, tout d'abord, remonter ses investigations jusqu'en ces temps reculés ; puis, dans quelques pages d'une documentation savante, mais d'un style toujours alerte, il a présenté un bref historique de la chartreuse de Vauvert de saint Louis à Louis XIV, de cette année 1257, où le prieur dom Josseran et quatre autres religieux arrivent à Paris pour y asseoir un monastère, jusqu'en 1692, alors que, pourvus d'une riche donation par l'un de leurs derniers bienfaiteurs, les Chartreux commencent à bâtir pour les louer, en bordure sur la rue d'Enfer, ces immeubles parmi lesquels apparaîtra bientôt l'hôtel de Vendôme.
Dans les pages suivantes, Mailler décrit, en artiste, la Chartreuse parvenue à son apogée ; son église, Notre-Dame de Vauvert, et ses bâtiments conventuels : le petit cloître avec les vingt-deux tableaux d'Eustache Le Sueur représentant la vie de saint Bruno ; - la salle du chapitre due à la générosité de Pierre Loisel, où était le beau Christ de Philippe de Champaigne tant admiré aujourd'hui au musée du Louvre.
Puis revenant sur le développement de la Chartreuse et de son enclos, l'auteur l'expose par le menu à l'aide de pièces d'archives et d'estampes. Les plans successifs de Paris lui permettent de fixer, à différentes époques, les limites de l'enclos qui fut surtout modifié au commencement du XVIIe siècle par deux événements dans lesquels intervinrent Louis XIII et la reine-mère Marie de Médicis, et qui fixèrent au clos des Chartreux la forme et l'importance qu'il conserva sans modification jusqu'à la Révolution.
Des biens des Chartreux saisis en 1790, les maisons de la rue d'Enfer purent seules être vendues ; et l'hôtel de Vendôme, qui en faisait partie, fut adjugé le 3 mars 1791 à Alexandre-Richard Rousseau, ancien notaire au Châtelet, moyennant la somme de 332.800 livres. Quant à l'enclos et aux bâtiments mêmes de la Chartreuse, ils ne trouvèrent pas d'acquéreurs et les derniers restes ont disparu vers 1860. Victor de Laprade exprimait, alors, harmonieusement, la tristesse que nous en éprouvions dans ses beaux vers sur les arbres du Luxembourg qui s'en allaient avec les lilas de l'antique pépinière, où tant de jeunes poètes avaient rêvé.
Telle est la matière de la première partie de l'ouvrage de Pierre Mahler. Nous allons nous occuper maintenant de la deuxième consacrée plus spécialement aux maisons de la rue d'Enfer.
II - Les maisons de la rue d'Enfer, la maison du chanoine de la Porte et ses premiers locataires, la duchesse de Vendôme et son hôtel.
On a vu plus haut qu'à la fin du XVIIe siècle, les chartreux, malgré leur goût pour le jardinage, avaient jugé plus avantageux pour leurs intérêts, d'employer, en construction de maisons de rapport, l'argent des dernières donations qui leur aient été faites. Ainsi s'élevèrent sur leur petit enclos, en bordure de la rue d'Enfer, une grande maison, dite de Gaumont, qu'habiteront, sous Louis XVI, M. de la Michodière, et, sous Napoléon Ier, le maréchal Lefebvre; puis le petit hôtel de Vendôme; et, enfin, l'hôtel de Vendôme lui-même.
Parmi les habitants de ces maisons, dont la trace s'est conservée, figure, tout d'abord, un marquis de Saint-Simon, oncle du célèbre écrivain, qui tint à bail une maison qui subsiste encore, qui dépend de la questure du Sénat, et dont l'entrée est au no 64 du boulevard Saint-Michel. C'est la première que les chartreux aient fait bâtir.
Vint ensuite celle de Gaumont dont il a été parlé plus haut, et, enfin, une belle maison qui fut fondée, sur leur enclos, par le chanoine de la Porte, qui appartint pendant plus de soixante ans au chapitre de Notre-Dame, qui voulait se retirer chez eux et qui mourut avant d'avoir pu jouir de sa fondation. Cette maison n'est autre que l'hôtel de Vendôme dont le premier locataire fut la duchesse d'Estrées, à laquelle succéda un magistrat, M. de Lesseville; et, enfin, celle qui devait lui donner son nom, la duchesse de Vendôme, princesse de Bourbon, dont le bail porte la date du 26 septembre 1714. A l'appui de ce bail figurent dans l'ouvrage de Pierre Mahler les plans, coupe et élévation de l'hôtel ; on peut y situer la salle de cours, la bibliothèque et toutes les collections de la future école des Mines. La duchesse de Vendôme habita son hôtel jusqu'en 1718, date de sa mort. De 1718 à 1733, on ignore si l'hôtel de Vendôme eut des habitants et partant quels ils furent. C'est en cette année 1733 que le duc de Chaulnes vient s'y fixer et c'est alors que commence la troisième partie de l'ouvrage que nous allons analyser maintenant.
III - Les de Chaulnes, la princesse d'Anhalt et les prédécesseurs de l'école des mines à l'hôtel de Vendôme.
Louis-Auguste d'Albert d'Ailly, duc de Chaulnes, de la très noble et très puissante famille de Luynes, qui vint habiter l'hôtel de Vendôme en 1733 et y demeura jusqu'en 1758, fut un personnage de très haute marque. Sa vie est des mieux connues. Aussi Pierre Mahler a-t-il pu donner sur lui, dans son ouvrage, de nombreux détails fort intéressants que je n'indiquerai que sommairement mais qu'il a admirablement bien fixés.
Il nous montre successivement le duc de Chaulnes dans tous les rôles de grand seigneur, aimé du roi et ami très fidèle de Mme de Pompadour, rôles très divers qu'il tient tous avec supériorité, grand éclat et beau faste.
Ce fut aussi un savant qui entra à l'académie des sciences. Il réalisa des travaux de physicien, de mécanicien, d'ingénieur. Ses principaux mémoires sont parus en 1768.
En sorte qu'avec le duc de Chaulnes nous voyons la science s'installer, pour la première fois, à l'hôtel de Vendôme, avant que l'école des Mines vint en faire un véritable temple.
L'hôtel de Vendôme fut habité ensuite par la princesse douairière Elisabeth d'Anhalt-Zerbst, de 1758 à 1760 ; la comtesse de Toulouse qui en fit, ensuite, un pied-à-terre jusqu'à sa mort survenue en 1766 ; l'abbé de Salm qui paraît l'avoir occupé après elle ; et, enfin, des magistrats : les de Boissy, les Le Rebours-Clément et les Clément de Barville, de Saint-Palaye et de Verneuil, qui s'y fixèrent, en dernier lieu, en 1785, par un long bail qui fut saisi en 1790 ; mais qui incita certainement le notaire Rousseau à acheter l'hôtel en 1791.
C'est dans un état lamentable que l'école des mines en a pris possession en quittant la Monnaie.