Né le 19 août 1864 à Castelnaudary.
Ancien élève de l'Ecole des mines de Saint-Etienne (promotion 1887-1890 : admis le 29 août 1887, sorti classé 3 sur 23 le 29 juillet 1891). Ingénieur civil des mines.
Publié dans le Bulletin de l'association des anciens élèves de l'Ecole des Mines (1907)
Le lundi 28 janvier 1907, dans l'après-midi, se répandait dans Paris la nouvelle qu'une explosion de grisou s'était produite dans les galeries de la fosse n° 3 des mines de Liévin et avait coûté la vie à deux ingénieurs et à un chef porion. Les noms des victimes étaient bientôt connus : c'était MM. Vaissière, ingénieur principal, Pelvey, ingénieur de la fosse n° 3, et Laurent, chef porion de cette fosse. Dans cette triste liste des trois victimes du devoir professionnel figurait le nom de notre camarade Pelvey.
La Compagnie des mines de Liévin a tenu à faire des funérailles solennelles aux trois victimes de l'accident du 28 janvier, et à rendre, dans une même cérémonie imposante, les hommages dus à ces trois victimes du devoir professionnel. Le bassin houiller du Pas-de-Calais et du Nord tout entier, encore sous l'impression des profondes douleurs qu'avait provoquées la catastrophe de Courrières, a témoigné le 31 janvier, par la présence des nombreux assistants, de la part qu'il prenait à ce nouveau deuil survenu moins d'une année après cette terrible catastrophe.
Une chapelle ardente avait été dressée dans la salle des fêtes de l'Harmonie des Mines, en face du carreau de la fosse n° 1. Les trois cercueils étaient exposés au centre de l'immense salle : les membres de chaque famille qui accompagnaient les corps se tenaient de chaque côté. Au fond, des cierges formaient à cette scène lugubre un décor de lumière. Une escorte d'honneur, composée de mineurs en tenue de travail, faisait face aux cercueils. Le Conseil d'Administration des mines de Liévin était représenté par MM. Dutemple, président, P. Courtin, vice président, Viala, Lesens, Crépin et Evrard, administrateurs, M. Simon, directeur de la Compagnie, M. Morin, ingénieur en chef, avaient pris place à côté des familles. Toutes les personnalités du bassin houiller, les directeurs et ingénieurs des diverses compagnies houillères et métallurgiques, de nombreuses délégations portant des couronnes ont défilé devant les cercueils. Après la levée des corps, un cortège imposant se forme et suit les chars funèbres qui se dirigent vers l'église de Liévin. Les cordons du poêle du corbillard de notre camarade Pelvey étaient tenus par MM. Lesens, administrateur des mines de Liévin, Jacoupy, trésorier de l'Association amicale des Élèves de l'École des Mines, Feder, ingénieur à la Compagnie des mines de Liévin, Jacquelin, ingénieur à la Compagnie des mines de Lens, camarade de promotion du défunt. Sur tout le parcours, une foule compacte ne cesse de témoigner d'une respectueuse tristesse et d'une profonde émotion.
A l'issue du service religieux, le cortège se divise en deux groupes : l'un, précédé de la musique de la Compagnie des mines de Lens, se dirige vers l'embranchement du chemin de fer des mines de Liévin, où un train spécial attendait la dépouille mortelle de M. Pelvey. Avant le départ de ce train pour Lens, d'où le corps devait être transporté a Paris, un discours a été prononcé par M. Courtin, vice-président du Conseil d'Administration des mines de Liévin.
C'est encore à deux victimes du devoir professionnel, que je viens aujourd'hui adresser un suprême hommage.
Par le Comité des houillères de France, la Compagnie de Liévin a été désignée comme devant servir de terrain d'expériences et d'études, des terribles et toujours obscurs effets du grisou et de l'inflammation des poussières de charbon, ces éternels ennemis du mineur. C'était la reconnaissance de la façon dont sont conduits depuis longtemps ses travaux et dont sont prises, sans compter, toutes les précautions que la science actuelle de l'exploitation des mines recommande, pour parer aux accidents, et il a fallu que ce fût aux plus ardents pionniers de cette science, à ceux, dont l'un tout au moins croyait, hier encore, en collaborant à une publication répandue même au delà de nos frontières, avoir contribué à lui faire faire quelques progrès, que soit réservé le sort infortuné, mais glorieux cependant, si je puis dire, de mourir au champ d'honneur !...
C'est, en effet, sur le champ de bataille de l'Industrie qu'ont été frappés inopinément, en exposant leur vie en vue de préserver celle de leurs semblables, Messieurs Vaissière, Pelvey et Laurent! M. Vaissière était entré a la Compagnie de Liévin le 17 février 1899. C'était un ingénieur expérimenté ayant donné sa mesure à Flines et à l'Escarpelle. Le 1er octobre 1903, quand nous fûmes pénétrés de sa valeur, il fut promu au grade d'ingénieur principal. Homme simple, juste et bon, d'une droiture parfaite, d'une modestie sans égale, mineur dans toute l'acception du mot, aimant son métier et ayant à coeur de donner le bon exemple, telles sont, en deux mots, les qualités du collaborateur que nous avons perdu.
M. Pelvey était venu chez nous le 1er août 1901. Il sortait de l'Ecole des mines de Paris. Sans crainte d'être contredit, je puis affirmer qu'il était de ceux dont on peut dire que la valeur n'attend pas le nombre des années.
« C'était un brave coeur, un homme délicat, de sentiments élevés », tels sont les éloges que j'ai recueillis de la bouche de M. le directeur de notre Compagnie, qui l'avait, je le sais, en haute estime et qui faisait fonds sur l'avenir qui lui était réservé. J'ajoute qu'il était un garçon aimable et sympathique entre tous et dont nous suivions la carrière avec le plus vif intérêt.
M. Laurent était un serviteur déjà ancien de la Société. Enumérer les étapes qu'il a successivement franchies sera peut-être, en même temps que rendre justice à ses qualités, donner sa vie en exemple. De simple ouvrier en 1884, il passe surveillant le 16 avril 1890 pour être nommé porion a terre le 16 juin 1891 ; en 1892, il passe porion du matin et est promu sous-chef porion le 1er juin 1900 et, enfin, chef porion le 1er mai 1904. M. Laurent, qui jouissait de la pleine confiance de ceux dont il était l'auxiliaire et à côté desquels la destinée a voulu qu'il tombât, laissera, parmi tous ceux qui l'ont connu et apprécié, de profonds et unanimes regrets.
Et maintenant, que j'ai rendu aux morts l'hommage qui leur était dû, je dois penser à ceux qui leur survivent, à leurs femmes, à leurs enfants, que la perte si inopinée d'un mari, d'un père, a frappés au coeur.
Ne sont-ils pas peut-être les plus à plaindre ? Et combien serais-je soulagé si j'étais convaincu que la part que nous prenons à leur douleur, devait être, pour eux-mêmes, de quelque soulagement ! S'il est vrai que la manifestation de la sympathie et de la considération publiques sont, en d'aussi cruelles circonstances, de quelque réconfort, qu'ils voient donc dans cette foule ici assemblée, dans les éléments qui la composent, le gage le plus certain des regrets que laissent après eux les êtres qui leur étaient chers et dont, à Liévin, nous conserverons pieusement le souvenir.
Messieurs, il me reste un dernier devoir à remplir, celui d'adresser nos plus chaleureux remerciements à tous ceux qui, à un titre quelconque, sont venus, le 28 janvier, nous prêter aide et assistance, à tous ceux qui, animés d'un esprit de solidarité sainement entendue, nous ont adressé des messages de condoléances ou d'encouragement, à tous ceux, enfin, qui se joignent à nous aujourd'hui, pour accompagner jusqu'à leur dernière demeure les hommes vaillants et dévoués dont je salue les cercueils.
Adieu, Monsieur Vaissière !
Adieu, Monsieur Pelvey !
Adieu, Monsieur Laurent !
Dormez du sommeil de ceux qui ont fait leur devoir ici-bas, et reposez en paix ! ! !
M. Vaissière travaillait à mes côtés depuis huit ans; il a fourni, pendant cette période déjà longue, un labeur considérable, soit comme ingénieur du siège n° 4, soit comme ingénieur principal. L'étendue de ses connaissances techniques, la sûreté de son jugement, lui donnaient une supériorité incontestée. Il aimait son métier par dessus tout, et en lui consacrant tout son temps, toutes ses forces, toutes ses pensées, il croyait, avec la modestie qui le caractérisait, faire simplement son devoir. Toujours prêt à payer de sa personne, il fut un des premiers à porter secours à Courrières, et à s'exposer courageusement dans les galeries contaminées, pour essayer d'arracher quelques vies à la mort.
M. Pelvey était venu à nous en 1901, dès sa sortie de l'École des Mines de Paris, où il avait fait de solides études. Il avait pris à coeur ce noble métier d'ingénieur du fond, auquel il apportait toute son activité, tout son dévouement, il montrait dans la conduite du personnel, des sentiments élevés, qui lui attiraient l'estime et la sympathie; il avait le culte du bien et de la justice; c'était un noble coeur. Tous ceux qui l'ont connu, l'ont aimé et garderont de lui un souvenir ému.
M. Laurent était un de ces braves et courageux mineurs, comme notre vaillante population en fournit tant. Entré à la Compagnie comme ouvrier, en 1884, il fut choisi comme surveillant en 1890, et parcourut rapidement toutes les étapes de la hiérarchie; depuis six ans, nous lui avions confié les importantes fonctions de chef-porion, qu'il remplissait à notre entière satisfaction, avec un dévouement sans bornes, apportant aux ingénieurs, avec un zèle exemplaire, le concours de ses connaissances pratiques.
L'étendue de la perte que nous avons faite, par ces morts tragiques, se mesure à l'importance du vide que laissent les disparus, importance que sentent bien tous ceux qui les ont vus à l'oeuvre.
Leur souvenir restera impérissable parmi nous ; leur nom sera gravé en lettres d'or parmi les martyrs de la Société de Liévin, parmi les victimes du devoir professionnel.
Je renouvelle ici, aux familles de nos chers morts, l'expression de ma profonde sympathie et celle de tout le personnel de la Compagnie. J'y joins les nombreux et touchants témoignages qui me sont arrivés de tous les points du bassin houiller, et que je suis chargé de transmettre aux veuves, aux orphelins, aux parents.
Au nom de tout le personnel, à MM. Vaissière, Pelvey et Laurent, adieu.
Le deuil cruel qui nous réunit au pied des tombes de nos deux pauvres collègues et du malheureux chef-porion Laurent à l'heure même où les infortunées familles des mineurs de la Sarre pleurent leurs morts, nous rappelle une fois de plus que toute prévoyance humaine est faillible, que contre d'inéluctables fatalités viennent se briser les plans les mieux combinés, les efforts incessants des ingénieurs, la vigilance active d'une administration et d'une direction éclairées, conscientes de leur devoir et qui, averties par de précédents malheurs, n'ont rien négligé, études, recherches et dépenses, pour en éviter le retour.
Mais en même temps, la compassion profonde qui étreint tous les coeurs devant ces cercueils, le sentiment puissant de solidarité dont nous voyons autour de nous le témoignage et qui unit dans une commune douleur tous les membres de la grande famille minière, sans distinction de parti, chefs et ouvriers, quel que soit leur rang dans la hiérarchie des travailleurs, cette union de toutes les âmes devant le malheur nous réconforte et nous avertit qu'il ne doit y avoir dans nos coeurs aucune place pour le découragement, que plus que jamais il faut s'armer pour la lutte, organiser la défense, faire appel à toutes les lumières de la science et à toutes les ressources de la pratique, que plus que jamais encore un devoir étroit de vigilance et de prudence s'impose à tous, ingénieurs, porions et ouvriers.
Nos deux jeunes collègues voyaient s'ouvrir devant eux un brillant avenir
M. Léopold Vaissière, ingénieur principal de la Compagnie de Liévin, faisait partie de la Société de l'Industrie minérale depuis 1903. Sa compétence dans les questions d'exploitation et son dévouement au bien général avaient été mis à profit par notre bureau qui, sur la proposition du directeur des mines de Liévin, M. Simon, l'avait désigné pour siéger dans l'une des cinq commissions instituées en vue d'étudier les moyens d'assurer dans les travaux souterrains le maximum de sécurité. M. Vaissière, par l'expérience acquise dans sa Compagnie, était tout désigné pour la Commission de l'aérage aux travaux de laquelle il prit une part aussi active qu'éclairée.
M. Eugène Pelvey était notre collègue depuis quelques jours seulement, et nous venions de présenter sa candidature au président de notre Société. L'un de ses parrains était, détail navrant, l'infortuné M. Vaissière.
Nous aurions eu, dans M. Pelvey, un brillant sociétaire ; son passé répondait pour lui, car nous n'oublions pas que, sorti de l'École des Mines de Paris, il avait obtenu la médaille d'honneur pour son journal de voyage.
A ces deux chers collègues tombés en accomplissant leur devoir professionnel avec cette simplicité et cette vaillance qui leur étaient habituelles, je dis le suprême adieu. Leurs collègues de l'Industrie minérale, et les membres de la Société des Ingénieurs civils de France dont je suis l'interprète, porteront leur deuil et honoreront leur mémoire.
Qu'ajouter en présence de la douleur de ces familles si durement éprouvées?
Unissons aux leurs nos larmes et nos regrets ; que notre compassion franchisse la frontière et porte nos consolations aux familles de la Sarre qui portent le même deuil, et que Dieu nous aide !
A la suite de la catastrophe du 10 mars dernier, dans laquelle tant de braves gens sont morts au champ d'honneur de la mine, le Comité central des Houillères du Nord et du Pas-de-Calais a voté trois cent mille francs pour la construction d'une galerie, ou de galeries, où, comme à l'étranger, et notamment en Belgique, les explosifs et les lampes de sûreté seront étudiés en présence du grisou et des poussières. Les essais seront faits suivant un programme approuvé par la commission du grisou et le ministre des travaux publics, et sous la direction d'un ingénieur de l'Etat spécialement détaché à cet effet. Pour réaliser une pareille oeuvre, il faut du grisou véritable, et de même que la galerie belge a été installée à Frameries, en plein bassin houiller, de même la galerie française devait être installée à Anzin ou à Liévin. La fosse n° 3 de Liévin avait été choisie et les ingénieurs de la Compagnie se mettaient en mesure de reconnaître le meilleur endroit où capter le grisou.
Après des essais infructueux dans différentes régions, M. Vaissière se décida à aller rechercher le grisou dans la bowette sud 526, éloignée des exploitations et où il le savait particulièrement abondant. Il l'y a trouvé, et le grisou grigne-dents, qui fait grincer des dents, comme dit votre poète Mousseron, l'a couché impitoyablement dans la tombe ainsi que ses deux compagnons. La lampe du chef-porion Laurent a dû présenter quelque défectuosité, peut-être au rallumeur ; la suite de l'enquête le montrera. En tous cas, c'est du chef-porion, placé au fond de la bowette, à quelque six cents mètres des deux ingénieurs, que l'explosion est incontestablement partie.
Messieurs, il est véritablement poignant de voir disparaître ces deux ingénieurs si distingués, ce chef-porion vétéran de la mine, au moment précis où ils travaillaient directement à accroître les garanties de sécurité de leur personnel et du personnel des mines en général. Ce que cette mort a de grand et d'émouvant, vous l'avez senti, et votre présence en si grand nombre à ces obsèques en est la preuve. J'ajoute que la présence de cette foule est réconfortante ; oui, nous avons besoin de travailler en communion d'idées avec vous, oui, nous avons besoin de votre confiance, de la confiance de vos représentants, des délégués mineurs, avec lesquels nous voulons travailler dans un concert de plus en plus étroit pour nous acquitter de notre charge et pour assumer des responsabilités parfois écrasantes.
J'adresse un dernier adieu à mes pauvres camarades Vaissière, Pelvey et Laurent, et j'assure leurs familles, si cruellement éprouvées de notre cordiale, de notre profonde sympathie.
Je dois surmonter l'émotion et la douleur qui m'étreignent, pour venir, au nom de l'Association amicale des Anciens Elèves de l'École des Mines de Saint-Etienne, saluer et rendre un dernier hommage à notre camarade Vaissière, tombé au champ d'honneur, victime du devoir professionnel.
Vaissière est originaire de Castelnaudary. Il entra à l'École des Mines de Saint-Étienne en 1887, et en sortit en 1890, après de très brillantes études, le deuxième de sa promotion.
Successivement ingénieur à l'Escarpelle, Flines-lez-Raches, il vint à la Compagnie de Liévin en 1899. Là, ses mérites rapidement reconnus, le firent nommer ingénieur principal des travaux du fond.
C'est dans cette distinction qu'il put donner la mesure des grandes qualités dont il était doué.
D'un caractère réfléchi, actif, énergique, il étudiait à fond les questions si complexes de l'art des mines, et en tirait une ligne de conduite qu'il poursuivait opiniâtrement, sans défaillance. Il avait su inspirer aussi une grande confiance à ses collaborateurs, qui, reconnaissant en lui l'étoffe d'un vrai chef, le secondaient de tout coeur.
Le Comité central des houillères de France a pris récemment l'initiative de voter un crédit considérable pour l'établissement d'une galerie d'essai, à l'effet de rechercher les moyens les plus efficaces pour combattre le danger du grisou et des poussières dans la mine.
Cette galerie devait être établie à Liévin et justement M. Vaissière s'occupait, avec M. Pelvey, ingénieur, et M. Laurent, chef-porion au siège no 3, de fournir le grisou nécessaire aux expériences, lorsqu'ils furent surpris par une explosion de ce gaz et y trouvèrent la mort.
Hélas! le grisou s'est vengé cruellement de ceux qui voulaient le dompter.
Ayons cependant le ferme espoir que ces nouvelles victimes seront une rédemption suffisante et que ce terrible ennemi sortira vaincu de la lutte engagée contre lui.
L'École des Mines de Saint-Étienne a un nom de plus à ajouter à la liste, déjà trop longue, de ceux qui sont tombés sur le champ de bataille industriel, en faisant tout leur devoir, et dont elle garde précieusement le souvenir sur le marbre où leurs noms sont hautement à la postérité.
Tous les membres de l'Association amicale adressent à Madame Vaissière le respectueux témoignage de leur sympathie, et je me porte garant qu'ils adressent ce même témoignage à Mesdames Pelvey et Laurent, désirant ne pas séparer ceux que la mort a si indissolublement réunis.
Ils seraient heureux si ce sentiment unanime pouvait apporter une atténuation à la douleur aussi profonde que légitime, des lamilles de ces vaillants et nobles coeurs, enlevés brutalement à leur affection.
Le 1er février, un service religieux était célébré en l'église Notre-Dame-des-Champs, où le corps du regretté Eugène Pelvey avait été déposé le matin même. MM. les directeur et sous-directeur de l'École des Mines, la plupart des professeurs, un grand nombre d'inspecteurs généraux et d'ingénieurs du Corps des Mines, tous les élèves de l'École et presque tous les anciens élèves domiciliés à Paris ou aux environs étaient venus témoigner par leur présence, à la famille de notre regretté camarade, la haute estime qu'ils ressentaient pour le défunt et la douloureuse impression qu'avait produite sa mort tragique. C'est au milieu d'une assistance très nombreuse et émue qu'ont eu lieu la cérémonie funèbre et l'inhumation au cimetière Montparnasse.
Sur la tombe, M. Rouy, président de l'Association, prit la parole en ces termes :
MESSIEURS,
Ce discours n'est pas reproduit car il n'apporte aucun élément biographique supplémentaire
Puis M. Carnot, directeur de l'École supérieure des Mines, a prononcé l'allocution suivante :
MESDAMES, MESSIEURS,
Je voudrais dire quelques mots sur la tombe du vaillant ingénieur et du jeune camarade, qui vient de périr, et dont la mort frappe si durement sa mère, sa jeune veuve et ses deux enfants en bas âge.
A peine sorti, en 1901, de l'École des Mines, où il avait occupé un très bon rang dans sa promotion, Eugène Pelvey était entré au service de la Société des Mines de Liévin ; il s'était fait apprécier de ses chefs et aimer de ses subordonnés. Il avait fondé une famille qu'il rendait heureuse. Tout à coup cette vie pleine d'espérances a été brisée par un malheureux accident de grisou.
Depuis quelques mois, bien des catastrophes ont été produites par de semblables explosions, dues au grisou ou aux poussières.
Le terrible désastre de Courrières est encore présent à toutes les mémoires. Ces jours-ci, presque en même temps que l'accident de Liévin, qui a fait trois victimes, nous apprenions la fatale nouvelle d'une explosion, qui a tué plus de deux cents mineurs allemands à Reden, dans le bassin de la Sarre, et celle d'une autre explosion, qui a fait une centaine de victimes aux États-Unis, dans une exploitation de houille, près de Charlestown.
La science appliquée à l'art des mines a cependant fait beaucoup de progrès depuis quelques années. Il semblait que le perfectionnement des lampes de sûreté, des explosifs, des ventilateurs, etc., dût mettre peu à peu les mineurs à l'abri de ces catastrophes, qui sont, en effet, devenues plus rares, mais qui, par une triste fatalité, ont été des plus meurtrières dans cette dernière année. Du moins avons nous eu la consolation de voir, à la suite de ces malheurs mêmes, que la solidarité humaine n'est pas un vain mot; car les familles des victimes ont pu être soulagées d'une manière efficace grâce à l'empressement général pour leur porter secours.
Il ne faut pas perdre courage. Il faut, au contraire, que, sans relâche, les ingénieurs mettent tous leurs efforts à améliorer les conditions du travail dans les mines et, d'autre part, à bien persuader les ouvriers de la nécessité des soins les plus minutieux pour éviter les accidents. Cela est d'autant plus nécessaire que l'imprudence ou la négligence d'un seul d'entre eux peut être cause de la mort de centaines de ses camarades.
Eugène Pelvey était de ceux qui donnaient le bon exemple. Lorsqu'il a été frappé avec l'ingénieur principal Vaissière et le porion Laurent, ils cherchaient ensemble un moyen de capter le gaz d'un soufflard abondant, pour le conduire par une canalisation spéciale jusqu'au jour, afin de pouvoir ensuite procéder avec le grisou à des expériences décisives sur les lampes et les explosifs, de manière à rendre de plus en plus rares les explosions et leurs terribles conséquences.
Sa mémoire restera parmi ses camarades et à l'École des Mines, où elle sera entourée du respect, qui s'attache si justement aux victimes du devoir.