Ancien élève de l'Ecole des mines de Paris. Ingénieur civil des mines. Voir le bulletin de notes de Sinner
Bulletin de l'Association amicale des anciens élèves de l'Ecole des Mines, Février 1896
L'influence profonde et durable, qu'a si souvent exercée notre École sur les étrangers qui y ont été admis, nous l'avons une fois de plus sentie bien vivement, nous qui entendions, en 1889, au banquet du Congrès de l'Industrie minérale, les paroles vibrantes de Charles de Sinner.
« Comme unique représentant d'un petit pays qui doit beaucoup à la France et qui lui est attaché par le lien d'une amitié séculaire, aujourd'hui plus vive que jamais, je me reprocherais, disait-il, mon silence, dans une réunion où plusieurs autres nations sont venues apporter leur tribut de reconnaissance et d'admiration à cette France que nous aimons tous.
« Pour nous, qui avons joui des privilèges de l'hospitalité française, dans une de ses grandes écoles largement ouvertes à tous ceux qu'attirent votre science élevée et vos idées généreuses, quelle joie, pour nous, en parcourant ce vaste champ de richesses et de merveilles, d'y retrouver, à chaque pas, la trace de l'activité et du génie d'anciens camarades et amis, et le triomphe éclatant des grands et féconds principes enseignés par ces maîtres... Élie de Beaumont... et tant d'autres savants illustres, ingénieurs éminents, dont la bienveillance paternelle nous a suivis dans toute notre carrière et a encouragé nos modestes travaux ! »
Il l'aimait en effet, la France, Charles de Sinner, - et il le lui avait bien montré quand, dans les premiers jours de 1871, quittant son poste d'ingénieur dans une exploitation du midi de la France, il allait se consacrer aux soins de nos soldats blessés et malades et qu'il usait pendant de longues semaines sa santé si délicate, auprès des malheureux internés de l'armée de Bourbaki.
Il ne se remit jamais complètement de cet imprudent dévouement, et, quand après de longues années de souffrances qui l'avaient cloué sur un lit, où sa patience et sa résignation frappaient tous ceux qui rapprochaient, il put enfin reprendre quelque activité, c'est encore au bien des malheureux, aux questions de salubrité et de sécurité du travail qu'il songea surtout.
Charles de Sinner était né à Berne, en 1841. Il appartenait à l'une des plus anciennes familles patriciennes de cette ville, et il aimait à se souvenir que l'un de ses ancêtres, Frédéric de Sinner, envoyé de Berne, avait été chargé de négocier un traité d'alliance entre la Suisse et la France.
A sa sortie de notre École, dont il avait suivi, avec zèle et succès, tous les cours, il n'hésita pas à prendre un poste dans une houillère, et, s'il n'y rentra pas après la guerre, c'est que sa santé profondément atteinte devait, à partir de ce moment, lui imposer de continuels ménagements.
Les fabrications françaises et allemandes, qu'il ne cessait d'étudier dans les revues et mémoires originaux, le maintenaient au courant de tous les progrès, et plusieurs notes étendues qu'il publia dans le Bulletin de la Société Vaudoise des Ingénieurs et Architectes eussent mérité d'être plus largement répandues.
Les travaux du Congrès international des accidents du travail à Paris, en 1889, le passionnèrent; et, depuis lors, son attention ne cessa de se porter sur ce sujet, soit qu'il étudiât les accidents dans les mines et les moyens de les prévenir , soit qu'il suivît avec une grande largeur de vues les travaux préparatoires de la législation des accidents en Suisse.
Présumant peut-être trop de ses forces, Charles de Sinner avait cédé aux sollicitations d'amis qui lui demandaient de mettre à profit ses connaissances, pour la création et la gestion d'une fabrique de dynamite dans le Haut-Valais.
C'est au cours d'un séjour près de cet établissement, que Charles de Sinner succomba en quelques jours, dans le complet épanouissement de ses facultés et de son énergie.
Il avait vécu et il est mort en chrétien, laissant à tous ceux qui l'ont connu le souvenir d'un travailleur modeste, qui semblait toujours préoccupé de passer inaperçu, mais qui toujours agissait.