29 JUIN 1874 - 25 OCTOBRE 191O. Inhumé le 29 décembre 1912 au cimetière de Montparnasse.
Petit-fils de Charles SCHEFER, président de l'INALCO, professeur de persan et membre de l'Institut.
Ingénieur civil des mines (Ecole des Mines de Paris, Promotion 1895 puis 1896)
Bulletin de l'Association des Anciens élèves de l'Ecole des Mines de Paris, Avril 1911
Notre Camarade Jacques SCHEFER, qui nous quitte, dans la pleine activité d'une carrière qui s'annonçait particulièrement brillante.
Son nom figure à la promotion de 1895, mais l'accomplissement de son devoir militaire l'avait ramené à celle de 1896, et c'est avec nous qu'il a terminé ses études spéciales, de sorte que nous le considérons comme nôtre, par le lien de camaraderie et d'amitié qui s'établit pendant ces trois années. C'est à l'annonce de leur fin fatale que nous sentons combien ces liens, relâchés par la dispersion, sont en réalité forts et vivaces, surtout lorsqu'il s'agit d'un homme qui, comme notre cher SCHEFER, se prétait à l'amitié. Qui ne se souvient de cet excellent Camarade, de la facilité et de l'agrément de sa fréquentation, de sa conversation animée et spirituelle, de la finesse de son esprit critique, et qui ne se sentira profondément ému de cette fin subite et lointaine? Sa dernière mission l'appela, en effet, au Pérou, pour visiter des mines voisines du Cerro de Pasco. Il s'embarqua, au mois de septembre dernier, avec M. L. GASCUEL et arriva à Lima le 15 octobre. Les deux ingénieurs partirent aussitôt pour la mine en excellente disposition et en parfait état de santé. Mais la nuit même de son arrivée à la « Fundicion » SCHEFER fut subitement frappé du « Soroche », sorte de mal des montagnes particulier aux hauts plateaux de la région. Le seul remède à ce mal est le retour à une moindre altitude. M. GASCUEL, avec une décision et une promptitude à laquelle il faut rendre hommage, le ramena, sans perdre un instant, à Lima, et le transporta à la maison de santé française. Malheureusement, l'attaque avait été trop violente ; les soins furent sans effet et il s'éteignit le 25 octobre, sans souffrance, avec cette dernière consolation de se savoir près d'un ami.
Celui qui écrit ces lignes était lié à SCHEFER par une amitié fondée sur une similitude presque absolue de sentiments et d'opinions. Bien que les hasards de la carrière l'aient tenu éloigné des relations fréquentes et qu'il ait dû se borner à en regretter la rareté, il a suivi de loin la carrière de son ami ; mais en la voyant résumée, il est frappé de son activité et de son étendue.
Sorti de l'Ecole en 1899, SCHEFER reste quelques mois aux usines Muller et Roger. Puis il se sent attiré vers de plus vastes horizons ; il dirige successivement, en Espagne, trois affaires minières à leur début, des calamines près de Santander, des cuivres aux Baléares, puis des mines de plomb à Mansilla (Logroño). Les études géologiques très variées qu'il a pu faire dans cette période, le préparent, tout naturellement, aux travaux de prospection qu'il entreprend, à partir de 1905, pour diverses sociétés. Dans cette courte période de cinq ans, il étend le champ de ses recherches sur tout le monde des mines métalliques ; je note, en effet, trois voyages en Turquie et en Asie Mineure, cinq dans la Péninsule Ibérique, deux en Norvège et Laponie, trois en Hongrie, Roumanie et Serbie, un au Caucase, un en Italie, trois en Normandie, un au Nevada, et enfin, le dernier au Pérou, au cours duquel il est mort à Lima. Entre temps, il remplissait les fonctions d'expert auprès du Tribunal civil et du Conseil de préfecture de la Seine et donnait à la Revue de Métallurgie une collaboration des plus actives et des plus appréciées. N'est-ce pas là une carrière bien remplie, et de nature à étonner ceux qui goûtent les calmes joies d'une situation sédentaire ? Je ne suis pas à même de juger personnellement de la valeur des rapports que SCHEFER a écrits sur toutes ces prospections ; mais le nombre et la valeur de ceux qui lui ont confié des missions successives sont une preuve effective de l'estime où était tenu son talent. Nous n'en sommes pas surpris, nous qui connaissions la netteté et la précision de son esprit d'observation, et nous sommes certains que ses rapports de missions sont composés avec méthode, écrits avec goût et sincèrement modérés. SCHEFER, qui cachait sous un scepticisme superficiel, des opinions très fermes, qu'il ne craignait pas d'exprimer, était, en effet, étranger à tout parti pris, et jugeait sans passion ; et je serais fort étonné que, dans ses relations de voyages, qui prêtent à tant d'exagérations voulues ou instinctives, il se soit laissé entraîner par un dangereux enthousiasme : il avait pour cela trop d'esprit critique et de regard intérieur.
D'où tenait-il ces qualités? Je crois pouvoir le dire, notre amitié m'ayant conduit à connaître sa famille, si tristement éprouvée aujourd'hui. SCHEFER avait été élevé auprès d'un foyer où étaient cultivées les plus fines traditions intellectuelles ; son grand-père, administrateur de l'École des langues orientales et membre de l'Institut, avait connu l'Orient au cours d'une brillante carrière diplomatique ; son père, bibliothécaire à l'Arsenal, vit en lettré au milieu des livres ; sa mère contribuait à donner à ce foyer tous les charmes d'une haute culture littéraire et artistique. SCHEFER ne reniait pas cette tradition. Avant de se destiner à notre carrière, il avait fait des études littéraires complètes, ces études dont on voudrait aujourd'hui nous priver et qui sont, je crois, presque indispensables pour former l'honnête homme cultivé que doit être tout ingénieur. N'ont-elles pas contribué à guider notre ami vers cette carrière de la prospection, la plus poétique et la plus féconde que puisse choisir un ingénieur ; carrière dure aussi et pleine de difficultés, trop dure peut-être pour la résistance physique de notre Camarade perdu ? C'est sur ces réflexions d'un intérêt tout actuel que je désire terminer cette notice où j'espère avoir exprimé les sentiments qu'avaient pour Jacques SCHEFER tous ceux qui l'ont connu d'un peu près. J'aime à croire que l'expression de cette estime et de ses regrets contribuera à adoucir pour ses parents, restés seuls, la douleur de cette perte prématurée et lointaine.
A. Fischbacher
Le Bulletin de l'Association des anciensélèves de l'Ecole des Mines de Paris d'avril 1911 reproduit une longue lettre de H. BABINSKI, qui signale que SCHEFER avait été assuré avant son départ au Pérou par le groupe industriel qui l'envoyait en mission. La Compagnie d'assurances l'avait fait examiner par un médecin, qui avait conclu à son aptitude physique. Après la mort de SCHEFER, la Compagnie refusa de payer la prime aux parents, prétendant que la mort n'était pas accidentelle.