publiée dans Annales des Mines, septembre 1956, pp. 3 à 12.
PIERRE RICARD, président de la Chambre syndicale de la Sidérurgie française, était membre du Comité de rédaction des Annales des Mines; il avait fait beaucoup pour elles, il attendait beaucoup d'elles. L'hommage qu'elles lui rendent aujourd'hui ne va pas seulement à la grande figure qu'il fut, mais à l'Ami; au Président de la Chambre syndicale de la Sidérurgie française, mais à l'Ingénieur au Corps des Mines qu'il n'avait cessé d'être. Car, de tous les titres qu'il porta, c'était peut-être celui dont il était le plus fier et auquel il était le plus attaché.
Quelles que fussent les charges qu'il assumât, quelques degrés qu'il eût gravis dans la hiérarchie des affaires et dans l'invisible hiérarchie des forces vives du pays, il n'était jamais, semble-t-il, aussi aisément lui-même que lorsqu'il s'affirmait, dans sa déférence à l'égard des Anciens, son amicale estime pour ses contemporains, sa sympathie et ses exigences pour ses Cadets, membre d'un Corps, dans lequel il voyait l'une des armatures dont son pays lui paraissait trop peu pourvu, et l'une de ces confraternités de haut rang, par lesquelles les hommes échappent à l'indifférenciation de la masse. Sa gratitude était grande pour l'Administration maternelle, qui lui permettait de figurer encore, au rang modeste où il l'avait quittée, sur les registres du Corps. Et par sa fierté à citer les grands esprits qui en firent partie, par l'estime où il tenait les carrières obstinément poursuivies au service de l'intérêt public, ceux qui ne le connaissaient que de l'extérieur, pouvaient pressentir ce qu'il y avait d'attachement aux valeurs de l'esprit chez cet amoureux de la vie, de goût pour les spéculations intellectuelles chez cet ami du faste, et de sens du service public en cette figure de proue de l'économie d'entreprises.
La courte carrière administrative au Service des Mines, qui fut pour d'autres l'antichambre de carrières techniques ou scientifiques, le conduisit, comme par une courbe naturelle, sur les terrains où se livrent aujourd'hui les grandes joutes de l'économie, dans ces domaines où la gestion des affaires ne peut plus se concevoir indépendamment de conceptions d'ensemble dont tous les éléments ne sont point chiffrables, vers les chantiers de l'organisation professionnelle et de l'organisation économique du monde où peu de ses camarades avaient devancé ses pas. Sur ces lieux, où se profilent en formes indécises, et parfois furieusement affrontées ce que pourront être les réalités de demain, il marqua son passage avec une singulière vigueur et la figure de sa trajectoire se dessine avec un exceptionnel éclat.
Redire ce qu'il y fut et ce qu'il y fit n'est pas seulement rendre l'hommage qu'il eût souhaité à sa mémoire, c'est évoquer des faits ou des actes qui, s'ils ne sont pas tous de l'histoire, sont souvent de ceux par lesquels l'histoire s'annonce ou se noue.