Ancien élève de l'Ecole polytechnique (promotion 1857, entré classé 3ème, sorti classé 2ème) et de l'Ecole des Mines de Paris (sorti classé 3ème de l'Ecole des Mines le 7/7/1862). Corps des mines.
Fils de Alexandre Clovis POTIER et de Adèle GOUBAUX.
Né en 1840 et licencié es sciences depuis 1856, M. Alfred POTIER a fait partie, avec M. Sarrau, de la promotion de 1857 de Polytechnique. Entré dans le corps des Mines, il est devenu, en 1867, répétiteur de Physique à l'École Polytechnique, et, quatorze ans plus tard, la mort de M. Jamin l'a mis en possession de la chaire même autrefois occupée par son oncle Lamé.
Dans ses travaux, consacrés principalement à la Physique mathématique, M. Potier s'est constamment proposé de montrer que les Théories de Fresnel, malgré les lacunes ou les apparentes contradictions qu'on y remarque, peuvent être conciliées entre elles pourvu que, sans toucher au principe, on change légèrement la forme. Pour cela, il convient de traiter l'éther comme un milieu vibrant, dont les déplacements infiniment petits s'expriment par les équations différentielles de Lamé et de Cauchy. Ces équations suffisent à l'explication de tous les phénomènes lumineux, et permettent d'instituer une théorie générale qui trouve sa confirmation, aussi bien dans les expériences modernes que dans celles dont Fresnel avait eu lui-même l'idée.
Cette thèse a été développée par l'auteur dans divers Mémoires, notamment sur la Diffraction de la lumière polarisée, sur la Réflexion elliptique à la surface des corps transparents, et sur les changements de phase produits par la Réflexion métallique. Dans ce dernier cas, l'hypothèse d'un passage graduel entre les deux milieux vibrants permet d'écarter la conception des vibrations longitudinales.
M. Potier a fait connaître la méthode d'intégration des équations différentielles à coefficients périodiques qui correspondent à la propagation de la lumière dans les Milieux cristallins. Il a également démontré, sans recourir à des hypothèses contradictoires, la formule de Fresnel pour l'entraînement des ondes lumineuses par la matière en mouvement. On lui doit, pour l'explication du Pouvoir rotatoire magnétique, une théorie nouvelle, toujours inspirée de la même tendance, et établissant un lien entre les expériences de M. Fizeau et la découverte de Faraday.
En thermodynamique, M. Potier s'est appliqué à rattacher le principe thermochimique du Travail maximum aux lois fondamentales de la théorie mécanique de la chaleur. Il a montré que le principe en question était intimement lié à ce fait, que de hautes températures sont généralement nécessaires pour produire les décompositions.
Associé, depuis 1881, à toutes les commissions qui ont eu à s'occuper des diverses applications de l'électricité, M. Potier a pris une grande part à la fixation des nouvelles unités. A cette occasion, il a inventé une méthode pour la mesure de l'énergie consommée dans un appareil à courants alternatifs. On lui doit aussi une théorie du contact, ainsi que la détermination, effectuée en commun avec M. Pellat, de l'équivalent électrochimique de l'argent. Enfin, il a enrichi l'édition française du Traité d'électricité et de magnétisme de Maxwell d'un ensemble de Notes traitant des sphériques harmoniques, de la réflexion des ondes électromagnétiques, de l'électromètre absolu, etc. L'une de ces Notes, particulièrement importante, est relative à l'étude du Potentiel dans le plan.
Il convient d'ajouter que M. Potier fait partie depuis 1865 du personnel de la Carte géologique de France, où il a collaboré à l'exécution d'un grand nombre de feuilles, trouvant l'occasion d'élucider beaucoup de questions, soit dans le bassin de Paris, soit dans les régions les plus difficiles des Alpes et de la Provence. C'est également lui qui a joué le rôle principal dans la conduite des travaux relatifs à l'exploration géologique sous-marine du Pas-de-Calais, en vue de l'établissement d'un tunnel entre la France et l'Angleterre.
Membre de l'Académie des Sciences 1891.
(Extrait des Annales des Mines, livraison de février 1908.)
(Publié dans le Bulletin de l'Association des anciens élèves de l'Ecole des Mines de Paris, 1909.)
Né le 11 mai 1840, Alfred Potier entrait à l'École Polytechnique à l'âge de dix-sept ans, étant déjà licencié es sciences. Deux ans plus tard, il était élève-ingénieur des Mines, et, en 1864, après avoir été attaché un an au Secrétariat du Conseil Général des Mines, il fut chargé du service ordinaire des départements de Seine-et-Oise, Seine-et-Marne, Eure-et-Loir et Loiret, à la résidence de Paris qu'il ne quittera plus. Mais, s'il donnait tous ses soins à son service, les études scientifiques, la géologie et la physique surtout, avaient ses prédilections, et la maîtrise qu'il révéla dans ses recherches scientifiques lui fit attribuer dès 1867 un poste de répétiteur à l'École Polytechnique et, en 1868, la chaire de physique aux cours préparatoires de l'École des Mines.
Il avait été attaché au service de la carte géologique détaillée dès l'époque de sa fondation, en 1868.
Peu après survenait la guerre de 1870 et Potier se signalait pendant le siège de Paris comme capitaine auxiliaire du génie. Le jour du combat de Bagneux, grâce à sa connaissance des carrières des environs, il put guider et faire réussir un mouvement tournant contre Arcueil-Cachan. Il se hasarda même une nuit à pousser une reconnaissance dans une carrière souterraine de la zone ennemie et mérita ainsi la croix de la Légion d'honneur.
Ingénieur en chef en 1881, Potier devenait la même année professeur de physique à l'École Polytechnique en remplacement de Jamin, dans la chaire occupée jadis par l'illustre Lamé, dont il fut par ses travaux de physique mathématique le digne continuateur. Potier forma de nombreuses générations d'élèves, et lorsque au bout de plus de vingt ans son état de santé l'obligea de laisser son enseignement, il n'abandonna pas pour cela l'École Polytechnique. Nommé examinateur de sortie, il se fît remarquer par la sagacité avec laquelle il savait juger les élèves et apprécier leur intelligence et leur travail.
Entre temps Potier avait été adjoint au Service des topographies souterraines des bassins houillers. Nous le retrouvons dans tous les jurys des grandes Expositions : 1878, 1881 et 1889, et la croix d'officier de la Légion d'honneur vint récompenser les services qu'il y rendit. Lorsqu'on institua en 1887, à l'École des Mines, des conférences sur les applications de l'électricité, c'est tout naturellement à Potier que l'on pensa. En 1893, ces conférences furent transformées en un véritable cours qu'il professa jusqu'à sa retraite avec la grande autorité que lui donnait sa compétence indiscutée sur ces matières.
La Société française de Physique avait élevé Potier à sa présidence pour l'année 1884 ; la Société internationale des Électriciens lui décerna le même honneur en 1895. En 1891, il avait recueilli à l'Académie des Sciences la succession d'Edmond Becquerel. Cette récompense suprême était un juste hommage rendu par l'Institut au savant de génie dont nous allons maintenant rappeler les travaux.
Dès sa sortie de l'École des Mines, Potier s'était attaqué aux problèmes d'optique pour chercher à résoudre les difficultés que présentait encore la théorie de Fresnel. La première note qu'il publia, concernant la diffraction de la lumière polarisée, a pour but de montrer que certaines expériences de M. Holtzmann s'expliquent parfaitement sans introduire l'hypothèse d'ondes longitudinales évanescentes et en conservant simplement les idées du créateur des théories optiques.
Cette même préoccupation de montrer l'inutilité de l'hypothèse que nous venons de rappeler a provoqué, de la part de Potier, un travail très important sur la réflexion vitreuse et métallique. Cauchy n'avait pu expliquer les phénomènes de la réflexion sans introduire cette hypothèse des vibrations longitudinales. Il était arrivé ainsi à des formules vérifiées par Jamin dans leur conséquence la plus saillante : production d'une polarisation elliptique par réflexion ou réfraction. Mais, une fois déterminées les valeurs d'une certaine constante dont dépend le phénomène au contact d'un corps donné et d'une série d'autres A, B, C...., on devrait pouvoir calculer les phénomènes qui se produiront à la réflexion d'un rayon se propageant dans un des milieux A, B..., sur un autre corps de la série. La vérification de cette seconde conséquence des théories de Cauchy, tentée par Jamin et plus tard par Quincke, fut loin d'être aussi satisfaisante. Il y avait là un point à éclaircir. Pour expliquer l'ellipticité des rayons refléchis ou réfractés sans introduire l'hypothèse des vibrations longitudinales, Potier eut l'idée, simple et féconde, de tenir compte de l'épaisseur de la couche de transition qui existe forcément dans la constitution de l'éther au passage d'une substance à une autre, épaisseur que l'on a l'habitude de négliger. Cela suffit pour retrouver l'ellipticité des rayons réfléchis, avec une expression de la différence de phase de forme identique à celle de Cauchy. Les premières expériences de Jamin vérifiaient donc tout aussi bien la théorie de Potier que celle de Cauchy.
D'autres caractères permettent la discussion. En supposant le rayon polarisé dans le plan d'incidence, on trouve qu'il existe dans l'épaisseur de la couche de passage un plan qui peut être considéré comme la surface de séparation au point de vue optique, car les rayons incident, réfléchi et réfracté y sont concordants. Supposons que le second milieu étant du verre, le premier milieu soit tantôt de l'air, tantôt de l'eau ou tout autre liquide. Il n'y a aucune raison pour que la surface de séparation optique ci-dessus définie reste fixe même si le verre ne bouge pas. Si donc, en faisant l'expérience des anneaux de Newton entre deux lentilles immobiles, on substitue un liquide à l'air, l'épaisseur de la lame paraîtra variable, ce que la mesure des diamètres des anneaux permettra de constater. Potier a ainsi obtenu des variations atteignant le 1/20 de la longueur d'onde du sodium.
Il était utile d'examiner ce que donnaient les métaux, et Potier n'y a pas manqué. La réflexion métallique produit une ellipticité prononcée qui masque l'influence bien plus faible de la couche de passage. Cependant Potier a pu déceler son action, en particulier de la manière suivante.
Des franges d'interférence sont obtenues au moyen d'une double fente que traversent les rayons sortant du collimateur d'un goniomètre. Les rayons pénètrent à l'intérieur d'un prisme, se réfléchissent sur sa base et sont examinés à leur sortie du prisme avec la lunette du goniomètre. Si on déplace la double fente normalement à l'axe du collimateur, les franges restent fixes. Argentons complètement la lace réfléchissante du prisme : le résultat est le même. Mais si l'argenture n'est que partielle, le phénomène change : les franges restent fixes tant que les rayons issus des deux fentes se réfléchissent tous deux sur l'air ou sur l'argent, tandis que, si un rayon se refléchit sur l'air et l'autre sur l'argent, il y a un déplacement des franges correspondant tant au défaut possible de concordance des plans de séparation optique entre le verre et l'air ou l'argent qu'à la réflexion métallique. Or, s'il y avait au point de vue optique une surface de séparation unique entre le verre et les différents milieux au contact, les courbes obtenues en portant comme coordonnées les angles d'incidence et les retards de phase correspondants devraient se superposer, tandis qu'il existe toujours une petite différence indiquant que les surfaces de séparation varient de quelques centièmes de longueur d'onde.
Depuis 1872, date de ses premières recherches sur cette question, Potier est revenu sur sa théorie, qui, contrairement à celle de Cauchy, conduit à ce résultat que l'ellipticité de la lumière produite par réflexion vitreuse doit croître rapidement quand la longueur d'onde diminue. C'est ce que vérifièrent des expériences de Cornu faites en lumière ultra-violette.
La théorie de Potier sur les couches de passage est adoptée aujourd'hui de préférence à celle de Cauchy.
Potier a réussi à mesurer le retard de phase qui se produit dans la réflexion métallique d'une manière plus directe qu'on ne l'avait fait avant lui. Il a recours à un phénomène d'interférence comme dans l'expérience précédente, mais le prisme est remplacé par une lame de verre mince. En l'étudiant par réflexion au spectroscope, on obtient un spectre cannelé et on examine les déplacements des cannelures que produisent une argenture partielle de la face postérieure de la lame ou son contact avec une solution absorbante de fuchsine.
En même temps que ses premières recherches sur la réflexion vitreuse, Potier faisait connaître une importante simplification de calcul apportée à la théorie de Sarrau sur la périodicité des propriétés de l'éther. Le procédé employé par Potier pour l'intégration d'équations différentielles à coefficients périodiques peut trouver des applications dans d'autres questions; mais le but principal qu'il se proposait était de montrer comment les idées de Fresnel, complétées par celles de Briot et de Sarrau, conduisent à une explication satisfaisante de la dispersion.
Notons encore, comme travaux sur l'optique, l'établissement d'une identité concernant le principe d'Huyghens, la part prise par Potier à la discussion de la célèbre expérience de Wiener et la démonstration pour des cas plus étendus du principe du retour des rayons, principe entrevu par Neumann et énoncé d'une manière plus générale par Cornu.
En dehors de ses recherches personnelles, Potier s'est attaché à propager certaines théories peu connues en France ou qui, du moins, n'étaient pas passées dans l'enseignement. C'est ainsi qu'il a montré l'intérêt de la considération des ondes à la place des rayons pour traiter certains problèmes d'optique, qu'il a fait connaître le théorème de Veltmann et indiqué comment il explique l'impossibilité constatée par les expériences de M. Mascart de mettre en évidence le mouvement relatif de l'éther et du globe terrestre par des expériences où les sources et les appareils d'observations sont à la surface de la terre.
Dans un autre ordre d'idées, Potier a insisté sur l'analogie mathématique des problèmes de mouvement stationnaire de la chaleur et de distribution de l'électricité, sur l'utilité de la considération des lignes de force des champs électriques et magnétiques, etc.
Les rapports de l'optique et de l'électricité ne laissèrent pas d'intéresser vivement Potier. Il a puissamment contribué à la diffusion en France des idées de Maxwell sur la théorie électromagnétique de la lumière. Les notes qu'il a ajoutées à la traduction du Traité d'électricité du savant anglais jettent sur l'ouvrage une grande clarté et en facilitent singulièrement la lecture.
Pour expliquer le pouvoir rotatoire magnétique, Maxwell avait été obligé d'invoquer l'existence dans le milieu soumis au champ magnétique de tourbillons dont le mouvement doit se combiner avec le mouvement lumineux. Maxwell s'écartait ainsi de la théorie électromagnétique de la lumière qu'il avait créée lui-même. A la suite de Rowland, mais d'une manière plus satisfaisante, Potier chercha à concilier la théorie de la polarisation rotatoire magnétique avec la théorie électromagnétique de la lumière. Il imagine que des molécules du milieu transparent, aimantées par le champ et entraînées dans le mouvement de l'éther, produisent des forces électromotrices d'induction dont l'introduction dans les équations du champ magnétique suffit à expliquer le phénomène. Toutefois on préfère généralement aujourd'hui la théorie de M. H.-A. Lorentz, où des électrons remplacent les molécures aimantées. Cela s'accorde mieux avec l'ensemble des idées modernes sur l'électricité.
Signalons, à propos du phénomène de la polarisation rotatoire, que Potier a procédé, avec la collaboration de Cornu, à une vérification précise de la loi de Verdet pour des directions du rayon lumineux voisines de la normale aux lignes de force.
Potier s'est peu occupé de thermodynamique ; il ne s'en est guère servi que pour l'étude des propriétés des mélanges réfrigérants et pour montrer les rapports que pouvait présenter le principe du travail maximum de Berthelot avec le principe de Clausius. L'application qu'il fait de la thermodynamique à la théorie des forces électromotrices de contact présente des analogies avec ce qu'a publié depuis M. Duhem, mais avec des développements beaucoup plus considérables.
On doit encore à Potier une démonstration du théorème de Clausius, que nous a conservée M. Pellat. Son intérêt réside surtout dans la distinction nettement marquée entre la température des corps et celle des sources, distinction qui forme la base des travaux de Robin et qui correspond aux deux modes d'irréversibilité intrinsèque et extrinsèque.
C'est surtout à l'étude des questions théoriques ou pratiques concernant l'électricité que Potier s'était consacré depuis 1880. Et, quand nous disons théoriques, nous entendons parler de recherches expérimentales aussi bien que d'études d'un caractère plus mathématique. Car bien qu'il ne fût pas un homme de laboratoire, Potier avait cependant un sens parfait des réalités et des difficultés que l'on peut rencontrer dans chaque expérience. Il s'est toujours montré excellent expérimentateur dans les divers essais qu'il a entrepris.
Potier a procédé avec M. Pellat à une détermination très soignée de l'équivalent électrochimique de l'argent, pour lequel ils ont trouvé le chiffre de 1 mg,1192. A l'occasion de cette étude, Potier a signalé une cause possible d'erreurs dans la mesure électrolytique des intensités. Il peut y avoir un dégagement de gaz concomitant du dépôt de métal à la surface de la cathode. Le poids de métal déposé n'est plus alors proportionnel aux quantités d'électricité. Cet effet se produit principalement lorsque le liquide ne mouille pas l'électrode, mais il peut apparaître même dans le cas contraire (sel mercureux avec cathode de mercure). Le phénomène est accompagné de forces électromotrices de polarisation qui ne sont donc pas forcément nulles, contrairement à ce que l'on croyait, lorsque les électrodes sont du même métal que celui contenu dans le sel de l'électrolyte.
Potier s'est particulièrement occupé d'améliorer les procédés de mesure des puissances des courants et a indiqué des méthodes applicables à des courants non sinusoïdaux. En répandant parmi les industriels et les constructeurs l'usage des mesures électriques, il a mis les praticiens à même de mieux connaître les causes des mauvais rendements des premières dynamos et d'y porter remède. Il rendit également de grands services en prenant la part la plus active aux travaux de la Commission réunie lors de l'Exposition d'électricité de 1881 pour fixer le système d'unités électriques.
Potier fut chargé pendant l'Exposition, en compagnie de MM. Allard, Le Blanc, Joubert et Tresca, de procéder à des essais sur les appareils exposés. Il est intéressant de se reporter aux résultats obtenus pour mesurer l'étendue des progrès faits depuis vingt-cinq ans par l'électrotechnique. Les accumulateurs n'avaient donné qu'un rendement de 60 p. 100; .les dynamos présentaient des pertes par résistance intérieure de 10 à 33 p 100, et les lampes à incandescence consommaient 6 watts environ par bougie. Les lampes à arc, avec le chiffre de 0 w,7, se rapprochaient davantage des lampes actuelles.
Les recherches sur les mesures nous amènent naturellement à parler des applications industrielles de l'électricité, au développement desquelles Potier a si puissamment contrihué. Non pas qu'il ait beaucoup publié à ce sujet ; mais, par son action à la Société internationale des électriciens et au journal l'Eclairage électrique, par son cours à l'Ecole des Mines, plus encore par les conversations particulières où il donnait avec la plus grande bienveillance des indications et des conseils à tous ceux, savants ou industriels, qui venaient le consulter, son influence s'est fait sentir d'une manière profonde, et, s'il est impossible de préciser quelle part lui revient dans les progrès accomplis depuis un quart de siècle, il est certain que cette part est considérable et que l'industrie électrique ne saurait trop rendre hommage à l'activité qu'il a déployée pour la faire progresser.
Nous citerons, entre autres, parmi les questions dont Potier s'est occupé, son étude des moyens propres à empêcher l'électrolyse par les courants de retour des tramways, l'interprétation qu'il a donnée de faits en apparence paradoxaux observés par M. Picou concernant la réaction d'induit, l'explication d'expériences de M. Görges sur la marche stable de moteurs d'induction a la vitesse moitié du synchronisme. Surtout c'est à Potier que l'on doit la première théorie algébrique complète des moteurs asynchrones. La théorie des moteurs d'induction est aujourd'hui bien connue, mais l'exposé qu'en a fait Potier au Congrès de Physique de 1900 est particulièrement instructif, et il y a grand profit à méditer tout son rapport consacré aux diverses propriétés et applications des courants polyphasés.
La méthode proposée par Potier pour déterminer les effets de la réaction d'induit des alternateurs est une des meilleures et dont l'emploi conduit à une grande exactitude. Une étude de première approximation ne présente aucune difficulté. Il n'en est plus de même lorsque l'on veut serrer le problème de plus près pour se rapprocher des conditions de la pratique et tenir compte de la saturation du fer ainsi que des variations de la self-induction de l'induit, suivant ses positions relatives par rapport à l'inducteur. Grâce à une analyse très serrée des phénomènes, Potier est arrivé à les représenter par des formules assez simples et avec une approximation très satisfaisante.
Nous ne serions pas complet si nous ne disions un mot des études géologiques qui intéressaient si vivement Potier. Bien qu'il n'ait pas obtenu dans cette voie des résultats aussi fondamentaux qu'en physique, ses travaux géologiques auraient suffi à assurer à son nom une juste renommée.
M. de Lapparent, son conscrit à l'École Polytechnique et à l'École des Mines et son collaborateur en plusieurs circonstances, a retracé dans le Bulletin de la Société géologique de France (1906) l'oeuvre géologique de Potier, et il l'a fait avec la double autorité que lui donnaient sa compétence en la matière et ses relations personnelles avec Potier. Nous renverrons à cette notice si attachante dont nous ne pourrions donner qu'un froid résumé. Nous noterons seulement la contribution importante au relevé de la carte géologique de France et des topographies sous-marine du Pas-de-Calais et souterraine du bassin houiller du nord de la France, les recherches sur les porphyres et grès rouges de l'Esterel, ainsi que sur les schistes lustrés du mont Jovet qu'il reconnut provenir d'un charriage. Il est bien remarquable de trouver un homme également apte comme le fut Potier aux spéculations les plus élevées et les plus abstraites et aux recherches minutieuses sur le terrain, faites avec un coup d'oeil et un esprit d'observation tout à fait surprenants.
Toutes ces qualités font déplorer d'autant plus qu'une terrible maladie soit venue imposer une limite à l'activité de ce travailleur. S'il ne lui fut plus possible de faire de la géologie sur le terrain ou d'entreprendre des travaux de laboratoire, il sut du moins surmonter le mal qui l'étreignait, et il continua à faire profiter la science et l'industrie de son intelligence plus lumineuse que jamais.
Potier a laissé chez tous ceux qui purent le fréquenter et l'apprécier l'impression d'une intelligence hors pair. Rien n'échappe à son attention ; aucun problème ne se pose sur lequel il ne réfléchisse mûrement. Aussi, quelque difficulté qu'on lui soumît, pouvait-il donner sur-le-champ des explications atteignant le noeud de la question et jetant sur elle une grande clarté. On peut seulement regretter qu'ayant assez peu écrit il n'ait pas fait profiter un plus grand public de ses connaissances approfondies de toutes les branches de la physique. Bien des questions encore agitées aujourd hui seraient résolues, si nous connaissions les résultats des méditations de Potier et des études qu'il poursuivit courageusement jusqu'à sa mort (8 mai 1905).