Ancien élève polytechnique (promotion 1945) et de l'Ecole des mines de Paris. Corps des mines.
Article par Maurice MERMET. Publié dans MINES Revue des Ingénieurs, Juin 2005.
Major de sa promotion à Polytechnique (1945), sorti au Corps des Mines, François MORIN a, comme la plupart des élèves de l'Ecole des Mines d'alors, été marqué par l'enseignement de Maurice ALLAIS en économie.
Après l'Ecole, il engagea un cursus atypique pour l'époque. D'abord en 1950/51, une année comme ingénieur du fond au groupe de Bruay des Houillères du Nord-Pas de Calais. Puis en 1951/1952, une année de business administration à l'Université de Chicago, où le professeur d'économie est Milton FRIEDMAN (Prix Nobel 1976), auprès duquel Maurice ALLAIS avait introduit son élève.
De 1952 à 1955, retour au cursus habituel du jeune Ingénieur des Mines, à l'Arrondissement Minéralogique de Metz (ancêtre de l'actuelle DRIRE de Lorraine).
A 30 ans, François MORIN a ainsi acquis une solide expérience des mines, de l'industrie, de l'économie, de l'administration et des relations humaines à la base et au niveau des directions.
En 1955, il est appelé par Pierre ALBY au Secrétariat Général du Comité Interministériel pour la Coopération Economique Européenne (SGCI). François MORIN y participe aux négociations du Traité de Rome qui crée en 1957 la Communauté Economique Européenne (CEE) et l'Euratom. Le SGCI, où il a alors succédé à Pierre ALBY, devient l'interface entre les divers Ministères français et les organes de la CEE. La mise en application du Traité de Rome est une tâche complexe et novatrice qui implique toutes les branches de l'économie française.
François MORIN est alors réputé bon connaisseur de l'industrie française, de celle des autres pays CEE, des relations économiques internationales et de l'art de négocier.
En 1964, il est appelé à la Banque de Paris et des Pays-Bas-Paribas, où il va faire preuve de son talent pendant plus de trente ans. Dès 1969 c'est lui qui, comme Directeur général adjoint, dirige l'ensemble des affaires industrielles et immobilières.
A l'époque, l'industrie française a vécu de considérables changements. On doit à François MORIN, un des meilleurs spécialistes des affaires industrielles, la création et le développement de plusieurs grands groupes puis leur accompagnement lors de leurs restructurations. Parallèlement, Paribas évoluait aussi beaucoup dans ses activités et dans ses structures internes. François MORIN, Directeur général de Paribas depuis 1978, a assuré la continuité de direction du groupe dans toute cette évolution, et même à travers la nationalisation (début 1982), puis la privatisation (début 1987). Devenu Vice-président du Conseil de Surveillance en 1990, il a encore continué à promouvoir les affaires françaises dans les pays d'Extrême-Orient.
Dans ses fonctions, François MORIN a été unanimement respecté. Ecoutons ceux qui ont longuement travaillé près de lui. D'un abord réservé, parfois même ressenti par certains comme plutôt froid ( "La froideur de la vertu" écrivait un journaliste), il fondait ses bonnes relations de travail sur l'honnêteté intellectuelle et la confiance réciproque.
Une intelligence hors pair, servie par un travail approfondi et rigoureux ("nous sommes des besogneux" - "Je ne crois pas à l'improvisation", disait-il), lui permettait d'analyser rapidement une affaire pour aboutir à des conclusions claires, précises, solidement argumentées. Cette rapidité pouvait parfois donner à son interlocuteur l'impression d'avoir été devancé, insuffisamment écouté. Mais il restait ouvert au débat, pour autant qu'il soit aussi argumenté. Car ni sentiments subjectifs, ni intérêt personnel ou ambition ("ce n'est pas cela qui est important"), n'avaient à interférer avec le service du métier.
Sa parole aussi était sobre. Dans sa bouche, une simple phrase : "Je tiens à vous dire que cet accord me fait très plaisir", devait être comprise comme exprimant son enthousiasme.
Mais le grand professionnel n'est pas tout l'homme.
Bien que pleinement engagé dans l'action, François MORIN a su avec son épouse Monique, créer dans la durée une famille nombreuse, unie et accueillante à de nombreux amis. Il leur consacrait tout son temps libre, dans l'amour de la nature, des belles bâtisses, du travail manuel bien fait.
Très attentif à l'éducation des jeunes, il trouvait même encore à se dévouer pour une association d'éducation spécialisée.
Frappés par son départ soudain le 7 janvier 2005, nous communions avec sa famille à la fois dans la tristesse et dans l'admiration pour ce camarade dont, grâce aux jeunes qui lui étaient si chers, le souvenir restera longtemps vivace.
Synthèse de nombreux témoignages rédigée par Maurice MERMET (CM 47)