Emmanuel Henri MAYOR de MONTRICHER (1845-1916)

Né le 11/10/1845 à Marseille. Décédé le 11 janvier 1916.

Fils de Jean François MAYOR de MONTRICHER (1810-1858 ; X 1826) et de Sophie Mathilde ROGERS. Frère de François Eugène Gustave MAYOR de MONTRICHER (X 1856). Religion protestante.

Ancien élève de l'Ecole des mines de Paris (promotion 1866). Ingénieur civil des mines.


Publié dans Bulletin de l'Association des anciens élèves de l'Ecole des mines de Paris, Mars-Avril 1918 :

Henri de Montricher était l'aîné des fils de l'ingénieur des Ponts et Chaussées devenu célèbre par les travaux qui amenèrent à Marseille les eaux de la Durance. [D'après le site web de la bibliothèque de Polytechnique : Jean-François Mayor de Montricher, X-ponts, est aspirant en 1831, ingénieur ordinaire en 1832. Attaché au secrétariat du Conseil général des ponts (1831-33), il publie avec Franqueville et Ruolz la traduction du "Traité des chemins de fer" de Wood. Envoyé dans la Drôme (1833), puis à Marseille (1836), où il rédige le projet du canal dérivé de la Durance, il est autorisé à en diriger les travaux pour le compte de la ville (1838). Il fait paraître plusieurs publications sur l'histoire et la description du canal de Marseille (1840-50). Ingénieur en chef (1843), il est, après l'achèvement de ces travaux, en charge des Bouches-du-Rhône (1848). On lui confie de surcroît la direction des travaux maritimes du département et le contrôle des diverses lignes de chemin de fer (1853-54). Il quitte le service d'État pour prendre la direction du service municipal de Marseille (1857). Il trouve la mort lors d'une visite des travaux de déssèchement du lac Fucino, qu'il avait projetés et dirigés (1858). Marseille a placé son buste dans le monument élevé au point d'arrivée des eaux de la Durance].

Nous le vîmes arriver à la fin de 1865 au cours préparatoire de l'Ecole Supérieure des Mines, à sa sortie de Sainte-Barbe, où il était venu suivre les cours de mathématiques spéciales.

C'était bien le jeune homme le mieux doué que l'on pût voir : intelligent, possédant une heureuse facilité de travail, il avait à son service la connaissance de l'anglais, qu'il parlait" comme sa langue maternelle.

Homme du monde accompli, on retrouvait en lui l'esprit de son père, resté légendaire dans le corps des Ponts et Chaussées.

A sa sortie de l'Ecole, en 1869, il débutait dans le service de l'inspection de la Compagnie P.-L.-M.

Pendant la guerre de 1870, il fit brillamment son devoir comme officier de mobiles et ne reprit qu'après la paix sa carrière d'ingénieur, à Marseille, sa ville natale.

Ce que fut cette carrière, nous ne saurions mieux l'exposer qu'en reproduisant ici textuellement les renseignements que nous adresse un de ses compatriotes qui l'a beaucoup connu et estimé.

« Il fut surtout hygiéniste et s'occupa durant de longues années de l'assainissement des villes et en particulier de sa ville natale. C'est lui qui eut le premier l'idée d'assainir le port de Marseille en y empêchant le jet des ordures ménagères qui se pratiquait alors. Il a réalisé ce projet et, dès 1887, il avait établi le système qui fonctionne encore et qui consiste à conduire par trains spéciaux les balayures de la ville (dites gadoues) dans la plaine de la Crau. Les eaux du port ne furent plus un foyer d'infection et la plaine caillouteuse de la Crau fut peu à peu transformée en vertes prairies et riches vignobles. Il avait ainsi résolu la question de l'assainissement de Marseille et celle de la fertilisation de la Crau.

« Homme intègre, soucieux des intérêts de la ville plus que de ses intérêts personnels, il n'hésita pas, malgré vents et marées, à continuer ses engagements, alors même qu'ils entraînaient sa ruine et celle des siens. C'est grâce à ses premières études que les municipalités de Toulon, Aix, Avignon et Nîmes songèrent à l'assainissement de leur terroir. Il fut le précurseur et l'instigateur de ceux qui, plus heureux que lui, virent leurs projets adoptés.

« Il avait à cœur la question de l'épuration des eaux, et il a employé trente années de sa vie à parachever l'œuvre paternelle ; c'est ainsi qu'il a présenté et fait adopter par la ville de Marseille un projet d'épuration des eaux du canal. Les événements actuels ont empêché l'exécution de ce projet. Reconnaissante des grands services rendus par son père, l'illustre ingénieur à qui Marseille doit son canal, et, dans une moindre mesure, pour ceux rendus par lui-même dès 1912, la ville le nomma ingénieur-conseil attaché au service des Eaux. C'est lui qui a fait le projet, réalisé d'ailleurs, de l'épuration des eaux de la ville d'Avignon. Il vécut ainsi complètement absorbé par ses travaux et ses études auprès de sa mère qu'il entourait de sa tendresse et de sa piété filiale jusqu'au moment où elle fut ravie à son affection, en janvier 1899. A ce moment, ne pouvant se résigner à vivre seul, il songea à se créer un foyer. Il eut le bonheur, pendant les dernières années de sa vie, de connaître les vraies joies de la famille. Il laisse à ses chers enfants (une fille et trois garçons) un nom universellement aimé et vénéré. »

M. de Montricher fut aussi un passionné philanthrope, et longue est la liste des œuvres auxquelles il apporta un concours actif et désintéressé. Il en est une surtout qui mérite d'être citée. Nous voulons parler de la Section Marseillaise de l'Association Polytechnique, dont il était le fondateur et le président depuis 1896. Cette œuvre a rendu et continue à rendre les plus grands services à l'instruction populaire.

Il convient d'insister un peu sur son rôle au point de vue militaire.

En 1870 (Renseignements empruntés au discours prononcé sur sa tombe par le colonel Roux, commandant le parc d'artillerie de Marseille), il fait, en qualité de sous-lieutenant de la garde mobile, la campagne contre les révoltés d'Algérie et prend part aux combats d'Aïn-Senour et au débloquement de Souk-Ahras.

Après la guerre, de Montricher reçoit, à la réorganisation de la garde mobile, en 1872, le grade de lieutenant qu'il conserve dans l'artillerie de campagne, où il est promu capitaine le 28 septembre 1876. C'est avec ce grade que, négligeant ses intérêts, il sert pendant près d'un an aux côtés du général Billot comme officier d'ordonnance.

Le 27 février 1896, la croix de chevalier de la Légion d'honneur vient récompenser le zèle et le dévouement que ses chefs se sont plu à lui reconnaître. Il passe chef d'escadron en 1898. Enfin, malgré son âge, il reprend du service en août 1914 et se rend très utile comme adjoint au commandant du parc d'artillerie de Marseille.

C'est dans l'exercice de ces fonctions qu'il a trouvé le germe de la broncho-pneumonie qui devait l'enlever en quelques semaines. Il résista d'abord, refusant de s'avouer malade. Mais il fut contraint de s'aliter et, après deux mois de souffrances, au moment où une amélioration appréciable pouvait faire espérer une prompte guérison, malgré les soins.

Nous les revîmes pour la dernière fois à Paris au banquet du cinquantenaire de notre Association en juin 1914. Les survivants, plus très nombreux, de sa promotion s'étonnaient de le retrouver presque aussi alerte de corps et tout aussi jeune d'esprit qu'en 1869. Ils étaient loin de penser qu'il serait le premier à faire un nouveau vide parmi eux.

E. S. C. D.