Ancien élève de l'Ecole des mines de Paris (promotion 1891). Ingénieur civil des mines. Chevalier de la Légion d'honneur.
Publié dans le Bulletin de l'association des anciens élèves de l'Ecole des Mines (mars 1925)
Né en 1869, le baron E. du Marais était entré à l'Ecole Nationale Supérieure des Mines en 1890. Il en sortit en 1894, le deuxième de sa promotion.
Après un stage au Laboratoire Central d'Electricité, il accompagna en Angleterre M. Vetillart, chargé du recueillir des informations nécessaires à l'étude du tube Berlier (février-mars 1895).
A la suite d'un séjour de trois mois en Russie (juin-octobre 1895), il entrait au Crédit Lyonnais à Paris, comme ingénieur attaché aux Etudes financières de cet établissement, auquel il devait désormais consacrer toute son activité.
Dès janvier 1896, il commençait la longue série de ses voyages par l'étude des forces motrices du Rhône, puis de l'agrandissement des quais de Constantinople.
Au mois de mai de cette même année, le Crédit Lyonnais l'envoyait aux Etats-Unis et au Canada, muni d'une mission du Ministère du Commerce, visiter l'ensemble des principales industries et mines de ces deux pays.
Ses voyages en Angleterre, en Russie et en Turquie lui avaient permis de pénétrer la pensée et de connaître la manière de raisonner des industriels appartenant à diverses nations européennes. Ce séjour de quinze mois en Amérique, au cours duquel il parcourut principalement les régions de l'Ouest, le mit a même d'étudier la méthode de travail des hommes d'affaires anglo-saxons.
A partir de 1898, son activité fut entièrement absorbée par la Russie, où il demeura en mission pendant neuf ans. Il fut témoin de la naissance et de la prospérité d'une grande partie de l'industrie russe et il put analyser à loisir une autre mentalité, celle des Slaves.
Ses travaux de début l'avaient conduit à envisager surtout la partie technique des affaires qui lui étaient soumises. Il compléta peu à peu sa formation par une connaissance approfondie des questions financières.
Aux dons d'analyse que la culture classique avait développés en lui, ses études scientifiques avaient ajouté la méthode et la rigueur de raisonnement nécessaires à un jugement sûr. L'expérience acquise au cours de ses voyages, et mise au service de l'esprit pénétrant et subtil qu'il possédait, fit de lui un négociateur de premier ordre, en qui industriels et financiers trouvaient un interlocuteur perspicace, compétent et courtois.
Aussi, à son retour à Paris, en 1905, fut-il attaché à la direction financière du Crédit Lyonnais. C'est à cette Direction qu'il devait achever sa carrière.
La prudence et la clarté de son jugement lui faisaient distinguer avec rapidité et certitude la possibilité ou l'impossibilité de réaliser les opérations qui lui étaient proposées.
De plus, sa parfaite loyauté l'écartait instinctivement de toutes les affaires qui ne lui paraissaient pas saines.
Sa modestie attirait a lui la sympathie de ceux qui l'approchaient. Mais sous une apparence de timidité, il cachait une énergie et une ténacité qui lui permettaient presque toujours de triompher des résistances qui lui étaient opposées.
Appelé à faire partie des Conseils d'administration de plusieurs Sociétés Financières et Industrielles, Délégué adjoint pour la France à la Chambre de Commerce Internationale, Vice-Président du Comité des Conseillers du Commerce Extérieur de France, il sut faire apprécier de tous ses collègues les avis que lui suggérait son expérience.
Nommé Directeur, puis Directeur-Général des Affaires Financières du Crédit Lyonnais, il contribua, dès ce moment, à l'élaboration de toutes les grandes opérations financières auxquelles participa cet Etablissement. Sa situation l'ayant mis en présence des problèmes financiers qui intéressent les industries les plus diverses, son esprit généralisateur s'éleva sans peine au-dessus de simples questions particulières.
M. du Marais accomplit son dernier voyage pour accompagner M. E. Schneider aux Etats-Unis, comme Membre de la Chambre de Commerce Internationale, et ce fut pour lui l'occasion de mettre au courant de la situation réelle de la France le public d'élite auquel il s'adressa.
Sa santé délicate l'avait empêché de jouer, comme il l'aurait voulu, un rôle actif pendant la guerre. Il dut rester à son poste civil, mais il voulut, du moins, que ses facultés fussent toutes mises au service de son pays, et il ne ménagea ni sa santé, ni son travail, pour résoudre les problèmes qui se présentaient à lui. Ses confidents qui l'ont vu à la peine sont seuls à savoir l'effort qu'il fournit à certaines périodes de notre histoire financière contemporaine.
Il se fit peu d'illusions lorsque une opération de toute urgence fut déclarée nécessaire ; mais l'examen attentif des problèmes de la vie terrestre lui avait appris à regarder avec calme et confiance le grand mystère de la vie future.
Parvenu à une très haute situation, entouré d'une famille charmante, à laquelle il consacrait tous ses moments de liberté, il accepta en grand chrétien le sacrifice que Dieu lui demandait et il vit venir la mort avec sérénité.
Sa disparition a été profondément ressentie par tous ceux qui l'avaient connu, aimé et respecté.
Notre Association perd en lui un camarade actif et dévoué ; beaucoup parmi nous garderont, un souvenir ému de celui qui ne marchanda jamais sa peine pour leur venir en aide, et dont le caractère et la carrière font honneur à notre Ecole.
Edouard Julhiet.