Charles LAHOUSSAY (1843-1923)


Lahoussay, élève de l'Ecole des Mines de Paris
(C) Photo collections ENSMP

Ancien élève de l'Ecole des mines de Paris (promotion 1867). Ingénieur civil des mines.


Publié dans le Bulletin de l'association des anciens élèves de l'Ecole des Mines (Janvier1923)

Le 25 janvier dernier, la mort enlevait à notre Association l'un de ses pins anciens et plus fidèles membres. Charles LAHOUSSAY, né à Mézières (Ardennes) le 1er novembre 1843, de la promotion de 1867, sociétaire depuis 1870.

Il avait commencé ses études au Lycée de Charleville et les avait terminées au Lycée de Nancy.

En 1867, il était nommé élève externe.

En 1869, nous axons exécuté ensemble notre second voyage d'études, d'abord en Prusse rhénane (Eschweiler, Stolberg, etc.). Au lieu de la froideur que nous attendions de la part des industriels de la contrée, en raison de l'alerte de 1867, qui fut le prélude de la guerre de 1870, nous fûmes surpris de rencontrer partout un accueil plus que bienveillant : l'unité de l'Allemagne n'était pas encore un fait accompli.

Au commencement de juin 1870, nos examens de sortie étaient terminés, et nous nous apprêtions à quitter Paris avec notre brevet d'ingénieurs quand l'impératrice Eugénie vint visiter l'Ecole des Mines, guidée par les professeurs ayant à leur tète le directeur Combes et Elie de Beaumont.

Un mois après cette visite, la guerre éclatait : à la suite des premières défaites qui furent foudroyantes, chacun de nous se mit à la disposition de l'autorité militaire : mais nous étions dispersés de tous les cotés : notre action, qui aurait pu être utile à ce moment critique, si elle avait été coordonnée, fut annihilée par le désarroi général. Ce n'est que plus tard qu'on se ressaisit et que la plupart des camarades purent coopérer à la défense nationale d'une façon efficace.

Lahoussay avait été enrôlé dans la garde mobile de Mézières : cette ville, où il habitait avec ses parents, fut bombardée d'une façon barbare ; des familles entières furent enfouies sous les décombres de leurs maisons : la famille Lahoussay échappa au danger.

Après l'armistice de janvier 1871, chacun songea à panser ses plaies et à se remettre au travail avec ardeur. Très attaché à sa petite patrie, les Ardennes, Lahoussay cherche une situation dans les ardoisières, au milieu desquelles il avait été élevé, non loin de ses parents dont était le fils unique. Il devint ingénieur des ardoisières Truffy et Pierka, à Rimogne, et plus tard, en 1883, il en fut le directeur général.

Il était doué d'un esprit pratique et d'un jugement sain, qualités tres précieuses en industrie, qu'il ne tarda pas à mettre en lumière.

Il commença par introduire l'usage de l'air comprimé pour faire un fonçage à la perforatrice sur affût, qui en était à ses débuts.

Il étudia d'une façon approfondie les couches d'ardoises de Rimogne, qu'on considérait comme des amas irréguliers terminés en biseau. Il trouva que les couches étaient continues, que l'interruption n'était qu'apparente et provenait d'un double pli de près de 400 mètres de longueur. Il fit sur cette disposition une note qui fut publiée dans les Annales de la Société Géologique du Nord, du 3 mai 1882.

Le succès de ses recherches permettait à notre camarade d'espérer une carrière féconde : mais bientôt commençaient pour lui les épreuves les plus pénibles, qui devaient assombrir sa vie entière .

Les plans des travaux souterrains avaient besoin d'être revus et complétés. Lahoussay consacra une partie de son temps à faire lui-même les levés souterrains, très longs, très laborieux, le plus souvent au milieu de l'eau. Il fut pris de douleurs qui le forcèrent à abandonner ses fonctions en 1886; il vint se fixer à Mézières, où il continua à s'occuper d'ardoisières, à titre d'ingénieur conseil, notamment dans les Pyrénées.

Ses souffrances, qu'il supportait avec une énergie stoïque, l'obligèrent cependant à cesser ses voyages.

Malgré son état, il put encore quelques années rendre des services à sa ville natale, comme conseiller municipal.

Pour occuper ses loisirs, il se consacra à l'étude des questions agricoles, fonda le syndicat des Agriculteurs des Ardennes, dont il devint ingénieur conseil.

Il suivit de près l'éducation et l'instruction de son fils, qui passa par notre école et en sortit, en 1907, ingénieur civil des Mines.

L'inépuisable affection qu'il trouva dans son foyer donnait du charme à son existence : il s'intéressait aux progrès de la science et se tenait au courant de tout ce qui était nouveau .

Les gens de notre génération, qui avaient assisté à trois changements de gouvernement, à des émeutes sanglantes, qui avaient été les témoins de cinq guerres, espéraient pouvoir finir leurs jours en paix.

Mais c'est 1914, avec de nouveau l'invasion. Lahoussay peut s'échapper de Mézières avec de grandes difficultés, avant l'arrivée des Allemands, et se réfugie, avec sa chère compagne, à Montauban où il est à l'abri des Zeppelins et des Fokker, mais non des angoisses que lui cause la présence au front de son gendre, colonel d'infanterie, et de son fils, lieutenant du génie.

La victoire revient à nos années et, en 1919, Lahoussay se dirige vers son pays, qu'il est heureux de revoir, bien que sachant que sa demeure, ses souvenirs de famille ont été saccagés.

Son excellente compagne, après tant d'épreuves, le quitte pour toujours sur cette terre à la fin de cette même année, le laissant seul, privé des soins de tous les instants qu'elle lui prodiguait sans compter depuis si longtemps.

Malgré l'insistance de ses enfants pour l'avoir auprès d'eux, rivé au sol natal, il veut rester près des siens qui reposent à Mézières ; il se raidit encore une fois contre l'adversité, pendant trois ans, s'occupe de ses affaires, de sa famille, de ses amis, jusqu'au moment où les forces l'abandonnèrent complètement. Il s'éteignit le 25 janvier de cette année.

Lahoussay était un brave homme, dans toute l'acception du mot ; fils dévoué, mari modèle, père tendre, ami fidèle : très humain et bienveillant pour les humbles, il laisse à tous ceux qui l'ont connu et aimé de tristes regrets et le souvenir d'une existence pleine de bonté et de droiture.

A. Euchêne.